Sortir de l'histoire officielle

    


Espagne 20ème siècle

Le rêve égalitaire

deux pages :
Celle-ci sur l'organisation pendant la République.
Et une deuxième page sur la guerre pour sauver la république et la révolution assassinée.

Palai Pagès Le rêve égalitaire

Un article de la Grande Relève


Pelai Pagès : Le rêve égalitaire
Chez les paysans de Huesca 1936-1938

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Cité dans Révolution sociale espagnole de 1936

Un article : http://www.divergences2.divergences.be/spip.php?article1434
             En pdf sur unprolospecule : Rêve égalitaire et révolution


4ème de couverture : «Dans ce  livre, Pelai Pagès, spécialiste de la politique et de la culture catalanes et analyste de l’anarchisme en Espagne, a mené une recherche rigoureuse et originale sur l’expérience collectiviste menée dans les campagnes de la province de Huesca, en Aragon, dès le  lendemain du coup d’État militaro-fasciste de juillet 1936. Pour ce faire, il s’est fondé, de manière inattendue, sur la documentation recueillie, à partir de 1940, dans la Causa General [Instruction générale] élaborée par le bureau du procureur du Tribunal suprême franquiste dans le but de réunir les preuves « des faits délictueux commis sur tout le territoire national pendant la domination rouge ». C’est à partir de toute cette documentation que Pelai Pagès a pu montrer que, contrairement à ce que prétendaient leurs juges et leurs bourreaux, les collectivistes n’étaient pas ces « anarchistes pervers », dont les noms auraient marqué l’histoire en raison de la malfaisance de leurs actions, mais des hommes ordinaires, des paysans qui avaient voulu améliorer leurs conditions de vie, en tentant l’expérience d’un projet inédit de travail en commun. Le professeur Gabriel Jackson, qui préface ce livre, le recommande vivement à quiconque souhaiterait comprendre la pensée d’une fraction importante des travailleurs espagnols et les efforts réalisés jour après jour par les anarchistes pour parvenir à quelque chose de positif au beau milieu d’une guerre civile.»

Dans le pays basque Mongragon-Fagor une entreprise coopérative, a été créée paradoxalement pendant les premières années du franquisme. Bien que cette organisation soit favorable financièrement et en sécurité d'emplois pour une partie des salariés ce groupe perd son âme avec la concurrence capitaliste, Chine comprise, qui nécessite consommation et guerres des prix ?

Pour les récoltes il y avait une urgence avec les propriétaires qui avaient fui la république ou coupables d'avoir soutenu le coup d'état fasciste. Avec ceux qui n'avaient rien une collectivisation des terres mutualisant les machines et sans obligation pour les petits propriétaires d'y entrer.

Page 34 «Le déclenchement du soulèvement militaire perturbe gravement, comme il ne pouvait en être autrement, la vie des petites et/ou grandes localités rurales qui furent immédiatement entraînées dans une situation d'une rare violence. En réalité, la révolte elle-même était déjà de ce fait un événement extraordinairement violent en soi, qui alla toujours de pair avec les premières exécutions et assassinats. Dans les localités où les insurgés contrôlèrent la situation toujours sous l'égide du pouvoir militaire , un tourbillon répressif inédit dans l'Histoire se déchaîna, qui prouva une réplique inévitable dans la zone restée sous le contrôle de la République.
Cependant. la première différence qui se fit jour entre les deux zones pendant les premiers temps de la guerre concerne justement les caractéristiques distinctes que revêtit le pouvoir politique dans chacune d'elles : le contrôle rigide que l'armée imposa dans la zone insurgée contraste avec la situation de chaos et d'improvisation qui régna en zone républicaine. L’écroulement de la structure de l'État, résultant du soulèvement lui-même, conduisit à une totale désorganisation du pouvoir politique, qui dut se recomposer en accordant clairement un rôle de premier plan aux organisations populaires qui avaient affronté et battu les militaires insurgés. Au niveau local, cela se traduisit par une crise irréversible du pouvoir municipal et, comme alternative, la formation d'un pouvoir local nouveau, qui dans la plupart des cas, prit l'appellation de « comité », qu'il s'agit d'un comité révolutionnaire, d'un comité antifasciste ou d'un comité du Front populaire.»
35-36 «...des conseils municipaux se révoquant et se constituant "commité du village" avec comme charge immédiate d'assuré «la nourriture et autres besoins pouvant résulté du mouvement mentionné [le soulèvement fasciste]»
37-38 Présence des organisations anarchistes depuis de nombreuses années : «la CNT était active à Albacète depuis 1918»
40 «Pendant les premiers jours de la guerre, la plupart des localités de Huesca vécurent l'intensité de la répression et de la vague anticléricale, qui toucha concrètement l'ensemble du territoire républicain. Après la guerre, le franquisme accuset les comités et leurs membres d'avoir été les grands acteurs de la répression contre l'église et contre les gens de droite. En réalité, il y eut de tout, mais l'une des caractéristiques de la répression républicaine - à la différence de ce qui était en train de se passer en zone franquiste fut le tour spontané qu'elle prit, qui était tant le reflet de la situation de violence généralisée que l'on vivait que des haines accumulées pendant des décennies. Il y eut de plus de nombreux cas où les autorités républicaines et les nouveaux responsables politiques comme par exemple dans le cas de Barbastro que nous avons exposé - essayèrent de freiner les élans répressif
42 Des décisions à prendre rapidement pour éviter les pénuries spéculatives «Avis au commerce en général : interdiction expresse de modifier les prix des articles de première nécessité, aussi bien alimentaires que d'une autre espèce. L'exactitude du poids sera également surveillée. Ceux qui contreviendront à ces ordres seront punis avec la plus grande sévérité»
46 «… beaucoup de confiscations se produisirent du fait que les propriétaires en question furent considérés comme « non-sympathisants du régime ». Il y eut un certain nombre de propriétaires impliqués dans le soulèvement militaire qui, l'insurrection ayant échoué, passèrent en zone franquiste. La nécessité de mener à terme la moisson et les récoltes, en une saison principalement consacrée à ces tâches, conduisit les paysans à forcer un processus de collectivisation qui, à ses débuts, eut un niveau de spontanéité élevé. Évidemment, l'arrivée des milices catalanes, pour la plupart anarchistes, répercuta également sur la mise en route du processus. Néanmoins, il faut tenir compte du fait qu'en Catalogne, les collectivisations commencèrent aussi à la même période et dans un processus également spontané, et qu'en outre, la plupart d'entre elles eurent lieu dans l'industrie
«La présence de l'anarchisme aragonais dans des zones agraires données, et aussi une présence socialiste significative qui misa sur la collectivisation, finit par déclencher le début du processus. Bien que nous parlions d'un processus spontané à ses débuts, il faut en même temps souligner que l'on partait d'un héritage historique et théorique déjà ancien. Si le mouvement fut spontané à ses débuts, en aucun cas on ne peut parler de spontanéité dans sa réalisation. L’anarchisme et le socialisme en tant que mouvements sociaux et corpus idéologique avaient une forte présence dans l'État espagnol depuis les années 70 du XIXe siècle. Des théoriciens qui élaborèrent des analyses plus ou moins abouties sur ce que devait être la société future après le triomphe de la révolution n'ont absolument pas fait défaut.... les dernier congrès de la CNT ... avait adopté une résolution sur la conception confédérale du communisme libertaire.»
51 Le "désamortissement", la vente forcée des grandes possessions agricoles de l'Église au profit d'une partie de la bourgeoisie, du XVIIIè siècle jusqu'au début du XXè aurait fait disparaître les terres communales. Ceci est lié à une guerre de succession pour le trône d'Espagne.
62 «Les collectivités en action : règles et bases de fonctionnement. Dans la plupart des cas les nouvelles collectivités agirent en suivant une réglementation et des bases qu'elles se donnèrent elles-mêmes … Les exemplaires des « règles » ou des « bases » qui nous sont parvenus en provenance de différences localités … la définition propre de la collectivité, la reconnaissance de ce qui est considéré comme « collectif», les droits et devoirs des collectivistes, les formes d'organisation administrative et celles du travail collectif, les textes relatifs aux animaux et au commerce - l'incontournable coopérative de consommation apparaît souvent – etc ...»
66 Un délégué
« qui sera chargé de remettre chaque semaine , en assemblée de délégués, un rapport sur la production et la consommation moyennant des factures, prenant soin de le fournir aux travailleurs qu'il représente et qu'il aura consultés au préalable.
Cependant, un aspect intéressant à souligner à Benabarre est que les fonctions devaient nécessairement être renouvelées tous les six mois et ne pouvaient l'être au-delà d'un an.
Toutes les fonctions de délégués de travaux et autres de la collectivité seront renouvelées au plus tard au bout de six mois et les délégués ne pourront être réélus que pour six mois encore, si l'assemblée en décide ainsi. »
«Les assemblées de collectivistes, ... [pouvaient] « renouveler ou destituer ceux qui n'auraient pas rempli leur mandat ».»
67 «Dans certains cas, on fixait également les conditions de travail relatives aux âges de ceux qui devaient travailler. Les règles en vigueur à Castejon de Monegros étaient très claires à ce sujet :
La collectivité se composera d'associés : 1 . Producteurs ; 2. Personnes âgées ; 3. Enfants.
On considérera comme producteurs toutes les personnes de 14 ans à 60 ans. hommes et femmes, et elles percevront 100 % des produits de la collectivité, après décompte des frais et paiements.
On considérera comme personnes âgées les plus de 60 ans et elles percevront 50 % des bénéfices. On considérera comme enfants les moins de quatorze ans et ils percevront 50 % des bénéfices.
A Benabarre, en revanche, on stipulait seulement qui était exempté de l’obligation de travailler :
Sont exemptés de travail les enfants de moins de 15 ans et les personnes âgées de plus de 60 ans. Tous les cas d'invalidité seront discutés en assemblée générale.
70 «Comme le l'ai souligné plus haut, la réglementation établie à Benabarre comprenait également bien d'autres aspects. Ainsi, par exemple, elle décidait l'émission de papier-monnaie au niveau local :
Pour l'approvisionnement local, on créera un papier-monnaie qui aura cours localement et on ne procédera au paiement d'une somme par famille que pour assurer ses besoins.
Naturellement, la nouvelle monnaie aurait cours légal sur tout l'ensemble de la localité :
La monnaie mise en circulation par la collectivité sera reconnue par les commerçants de la localité, qu'ils soient collectivisés ou non, et ils pourront l'échanger à la caisse communale contre de la monnaie courante.»
76 «Avant que n'éclate la guerre, il existait donc une législation qui permettait, dans certaines circonstances, d'exproprier ou de confisquer des terres. Quand le soulèvement militaire se produisit, dans beaucoup de localités des zones contrôlées par la République, on procéda à de nombreuses confiscations de terres qui affectèrent surtout les propriétaires ayant soutenu les militaires insurgés ou, dans certains cas, participé directement au soulèvement. Cependant. ce ne fut pas avant la formation du gouvernement présidé par Francisco Largo Caballero, le 4 septembre 1936, que l'on commença à légiférer en matière agricole. C'est le ministre communiste Vicente Uribe qui, très tôt, lança un processus législatif qui connut son point culminant avec le décret du 7 octobre 1936, lequel décidait l'expropriation sans indemnisation des
propriétés rurales, quelles que soient leur étendue et leur exploitation, appartenant le 18 juillet 1936 aux personnes physiques ou leurs conjoints ou aux personnes juridiques étant intervenues de près ou de loin dans le mouvement insurrectionnel contre la République.»
101 «… à l'exception des cas de journaliers travaillant pour les propriétaires terriens, la tradition chez les paysans aragonais - comme cela se passait dans les campagnes espagnoles - était. d ordinaire et en majorité, individualiste : chaque paysan travaillait tour au plus une exploitation familiale, qu'il gérait avec tous les risques et carences qu’elle pouvait présenter …
L’autogestion nécessitait indubitablement de la volonté l’acceptation de règles collectives, la foi dans le travail et la confiance en un avenir de camaraderie et de confraternité.»
101 - 102 «... en raison de la conviction profonde que l'on gagnerait la guerre et qu'après la victoire, les collectivités continueraient à fonctionner. qu'il convenait de garantir l'avenir de sociétés agraires qui de\aient fonctionner dans l'égalité. L'harmonie et la justice sociale. Et c'est pourquoi, dans beaucoup de localités, on accepta également l'existence de ces paysans qui ne voulurent pas intégrer ces collectivités et qui très vite furent appelés individualistes.»
189 La répression interne contre la CNT et les anarchistes provoqua la liquidation des collectivités «… même si elle avait perdu une bonne partie de son influence du début de la guerre, la CNT était toujours une organisation indispensable si on voulait vaincre l'armée franquiste. Cependant, il n’en est pas moins significatif qu'un militaire comme le dénommé général Kléber (Manfred Zalmanovitch Sterne) un brigadiste international [qui a fini dans les goulags bolchéviques en 1954] considéré comme le héros de la défense de Madrid, le même qui participa à l'offensive de Huesca, ... et à celle de Saragosse. que la République entreprit à partir du 24 août - ait consigné par écrit que
l'opération de Saragosse avait une grande importance politique interne pour le parti communiste, puisqu'elle représentait une possibilité de mettre fin à la domination anarcho-trotskyste-FAI en Aragon.»
190 Extrait d'un manifeste de groupes anarchistes fin 1937 : «… on détruit nos locaux syndicaux, on emprisonne et on assassine en application de la loi pour délit de fuite. Ici, à Barbastro et dans son canton, nous avons vu comment se déchaînait la répression la plus forte qu'aient connu la CNT et la FAI. Comment on remplissait les prisons et on détruisait les collectivités. Nous avons vu donner l'assaut à nos locaux et, à la grande honte des travailleurs bafoués, ce sont les bourreaux de toujours qui ont été les instigateurs de la répression. Ceux que, par sentimentalisme, nous n’avons pas fusillés, ceux qui ne travaillaient pas hier et ne travaillent pas plus aujourd'hui. Les «jésuites» munis de leur carte du parti, aujourd'hui antifascistes...»
Conclusion :
197 à 200 Conclusion : « L’expérience des collectivités agraires aragonaises fut brève, dix-huit mois dans le meilleur des cas. Elle eut lieu de plus dans le cadre d'une guerre dont le front de combat était très proche ...Par ailleurs, une fraction de la société aragonaise et de la classe politique de l'Espagne républicaine était contraire aux transformations économiques, sociales et politiques en cours.
… il est très facile de les jeter aux orties de l'histoire et de les taxer d'expérimentation non seulement violente et menaçante mais aussi puérile et naïve, aussi facile que d'en faire éternellement l'apologie et de n'y voir rien moins que le paradis terrestre ...Cela dit, Il est évident que l'expérience reflète la volonté de changement qui existait dans la société rurale aragonaise, et espagnole plus généralement, après une période républicaine ... pleine de désillusions. ...la réforme agraire lancée par la République pendant ses deux premières années d'existence s'était soldée par un échec total … Paysans qui … vivaient depuis des lustres à la limite de la survie, soumis à la violence structurelle d'un système de propriété totalement injuste ...à la suite des sécularisations, ... ils furent expulsés des terres qu'ils travaillaient…
… les paysans, … virent la possibilité d'un changement radical, … les milices anarchistes originaires de Catalogne eurent un poids déterminant, ... l'improvisation fut très relative : il s'agissait de lancer un projet de société … Les paysans collectivistes savaient ce qu'ils voulaient …
… mettre en œuvre le « rêve égalitaire », l'utopie communiste au sens générique du terme … par volonté de fraternité … les relations entre la CNT et l'UGT de la région furent problématiques … les problèmes étaient davantage le fait des directions que des bases militantes … En Aragon comme en Catalogne. les localités où prédominait la petite propriété furent réticentes à la collectivité …
Finalement … [ce] fut une tentative volontariste. ...sérieuse et consciente de construire une société plus juste, plus fraternelle et plus égalitaire.
[mais]… en tant qu’entreprise économique, ce fut un échec.
Tout cela est vrai. Mais si nous tenons compte du cadre hostile dans lequel les collectivités naquirent, de la courte durée de l'expérience et des nombreux problèmes qu'elles durent affronter, il est même surprenant qu’elle aient survécu jusqu'en mars 1938. ...la volonté ... d'hommes et de femmes qui ne voulaient pas laisser passer la chance d'améliorer leur avenir. Un avenir qu'ils n'envisageaient que par l'abolition ... |de leur] exploitation, ...Un avenir qu'ils n'envisageaient [qu’en] imposant une société où tous les hommes fussent égaux, où la fraternité s'imposât … où la justice fût la même pour tous les êtres humains. ...»

Par la Grande Relève : La collectivisation de 1936

https://www.economiedistributive.fr/I-La-collectivisation-de-1936-en
En pdf sur ce site La collectivisation de 1936 en Espagne