Sortir de l'histoire officielle

    


Paolo Cristofolini - Spinoza Chemins dans l'«Ethique»

Hommage à Paolo Cristofolini
«Paolo Cristofolini, Professeur d’Histoire de la Philosophie à l’École Normale Supérieure de Pise, nous a quittés le 20 mai. Nous sommes nombreux à avoir apprécié ses travaux sur le cartésianisme, sur Spinoza et sur Vico et à avoir profité de ses éditions de la Science nouvelle, de l’Éthique (dont il avait publié en 2010, puis en 2014, une nouvelle édition critique, accompagnée d’une traduction italienne) et du Traité politique (édition critique et traduction en italien parue en 1999, rééditée en 2011). En français, il avait publié Spinoza. Chemins dans l’Éthique, et Vico et l’histoire. Pionnier dans la recherche sur la littérature clandestine, il avait également donné une édition critique du Ciel ouvert à tous les hommesde Pierre Cuppé (1981), avec une étude critique en italien. Il était le fondateur de la revue Historia philosophica et il l’a dirigée jusqu’à l’an dernier.
Cependant, il n’était pas seulement un interprète subtil et savant. Il était aussi un esprit libre qui a su transmettre à ses élèves le goût de cette liberté et un ami précieux pour l’intelligence et la constance qu’il exprimait dans son savoir vivre. Il nous manquera terriblement.
Antonella Del Prete, Pierre-François Moreau»


https://www.puf.com/
Site de l'éditeur et 4e de couverture «Ce livre présente sept itinéraires, grâce auxquels le lecteur peut parcourir l'Ethique en se plaçant de sept points de vue différents, pour aboutir à une vision complexe et transparente à la fois de l'oeuvre. Bien qu'il soit à la portée des non-spécialistes, le livre constitue le point de vue le plus avancé de la recherche spinoziste de Cristofolini. Trois chapitres de son livre précédent, La scienza intuitiva di Spinoza, sont ajoutés dans l'appendice de ce volume, pour le compléter sur autant de points essentiels, pour la première fois en français. La traduction est due à la plume d'un poète célèbre, Lorand Gaspar, qui apporte au texte la perfection de son expression française aussi bien que sa pratique vivante et passionnée de la philosophie de Spinoza. Celle-ci fait l'objet depuis quatorze ans d'un dialogue intense et amical entre l'auteur et le traducteur.»

J'ai repéré des phrases qui percutent même si, pour certaines, je n'en ai pas complètement saisi le sens.

9 Avant propos Pour l'auteur l'ordre géométrique n'est pas un hommage à des modes baroques. Il est difficile de séparer contenu et méthode choisie par l'auteur. la méthode choisie n'est pas extrinsèque mais intrinsèque à l'Ethique.
Accepter la structure pour y pénétrer.

7 itinéraires
1 – De l’intelligence à la définition
12 La démarche de Spinoza est différente de la méthode euclidienne car les définitions précèdent les axiomes et sont distinctes d'eux.. Pour lui la définition n'est pas exhaustive et n'épuise pas le sujet. L'Ethique ne commence pas en définissant Dieu comme cause de soi. L'existence nécessaire de la substance n'est démontrée qu'à la proposition 7 et Dieu à la 9 [bien qu'il n'y a pas le mot Dieu, cité qu'à la proposition 11.]
13 Des concepts sont donnés incidemment dans le texte et non dans les définitions, comme par exemple celui d'individu.
D'autre comme le conatus, ou effort, concept de la troisième partie, ne sont jamais définis.
14 Hormis celles des affects, les définitions sont les prémisses et non les conclusions des déductions.
La source de la compréhension des définitions n'apparaît qu'une fois que l'on a accédé à une vision d'ensemble de l'Ethique où l'intelligence est thématisée dans l'appendice de la 4e partie.
Page 15 dans cet appendice l'intelligence est le fondement de la vraie vie, la vie même de l'esprit (chap5).
Chapitre XXXII les définitions fondamentales sont des actes mentaux qui précèdent notre rapport avec l'être et sont dues à la "meilleures parties de nous".
C'est grâce à l'intelligence que nous pouvons jouir de l'esprit des autres hommes, qui sont les seuls êtres dont l'esprit peut nous donner de la joie, lorsque nous nouons avec eux des rapports de solidarité sociale et d'amitié.
14 Cause de soi, substance, attribut, mode, Dieu et l'éternité identifiés à l'existence sont régis par le verbe "Intelligo" et non par "est".
Ce dernier verbe régit les définitions des affects qui sont des aboutissements et non des prémisses.
16 Les concepts définis au début, loin d'être épuisés par les définitions, sont susceptibles d'enrichissements et de surdéterminations, à mesure que se développe l'exposé et que le matériel devient de plus en plus complexe.
2 – De l’infini au fini
Chez Spinoza il n'y a pas d'opposition entre nécessité et liberté, mais entre nécessité et contingence : opposer la liberté à la nécessité signifie confondre la liberté avec la contingence. Donc il n'y a pas d'opposition entre la liberté et ce que l'on ne peut éviter mais entre ce dernier et le hasard. Sinon nous confondons liberté et hasard. La liberté doit s'adapter au nécessaire. A creuser.
16 Mode en latin est ambivalent, c'est la chose elle-même et ce qu'il y a en dessous, la manière.
Dieu est la chaîne infinie des causes et des effets, et non la première cause immobile.
19 Ethique et non métaphysique, en s'occupant de l'homme. Ne connaissant que deux des attributs infinis de Dieu l'Ethique n'est donc pas un système métaphysique.
20 L'homme est le seul objet de science que nous pouvons aborder à la fois sous l'attribut de la pensée et de l'étendue.
Christofolini écrit ici que nous tendons vers des buts à réaliser. Là nous glissons vers un dessein mais rien nous autorise à penser que la nature agisse selon des fins.
21 La nature est indifférente aux buts des hommes, point de vue proche de celle de Bayle et Giacomo Leopardi.
L'orientation humaine vers des fins est essentielle et congénitale à l'homme mais la liaison entre ces fins et la métaphysique est brisée.
Ici Christofolini répond à mon interrogation précédente, les buts ne seraient pas métaphysiques mais globalement je pense qu'ils sontà court thermes.
22 Notre esprit lorsqu'il se propose la connaissance de lui-même et des choses opère d'une façon finaliste dans sa finitude.
3 – Du corps à la puissance de l’imagination
25 Puisque Dieu est immanent et que toute chose est une idée de Dieu, toutes choses sont pourvues d'esprit, idée reprise de Telesio, Bruno et campelle pour qui toutes choses sont douées d'âme, mais pour cette dernière avec un autre sens pour Spinoza.
26 Avec sa théorie des corps simples, Spinoza aurait eu l'intuition de la réversibilité entre la matière et l'énergie ?
27 L'imagination : Si l'esprit est l'idée du corps, les images des choses extérieures à nous sont les idées des mouvements qui se produisent dans notre corps sous l'impultson des causes extérieures (II Prop 17 et ses ajouts). Le corollaire fait penser à l'inconscient.
28 La représentation est l'effet de l'objet ou de l'idée (sur nous) et l'absence de connaissance de l'essence de cette chose.
La communication, et donc le langage, n'est possible que par l'imagination d'une chose passée ou présente. Sans celle-ci pas de lien entre des événements psychiques et pas de vie en communauté. (l'imagination de l'Amérique pour parler de celle-ci) Donc pas de vice de la nature humaine d'évoquer une chose absente et une force, à condition de ne pas croire présente une chos absente.
Relire 29 et 30
32 Dès les premières définitions la pensée de Spinoza contient une dissymétrie entre l'infini et le fini qui parcourt l'ouvrage et qui est la raison de la tension dynamique interne. De la première définition découle l'infini par celle de la chose en soi et la chose finie par la deuxième définition limitée par une autre de même nature.
Si l'infini n'a pas de fins vers lesquelles tendres, le fini en a et se représente l'infini à son image obéissant ainsi à son propre rythme. Il se referme dans sa finitude, bridant ses propres potentialités d'épanouissement.
4 – De l’imagination à la science
38 Le deuxième genre de connaissance est la science des lois et le troisième la science des essences.
5 – Des attributs de Dieu à l’essence de l’homme
39 La troisième partie nous donne la méthode pour la connaissance adéquate de l'essence humaine, à partir du corps et de l'esprit, médiateurs entre les attributs infinis (étendue et pensée), et les choses finies (et peut-être plus suivant les pages 39 et 40) ?)
Par l'homme (voir page 20) est le seul exemple de la science intuitive donné par Spinoza.
40 Ce ne serait qu'après Spinoza que l'histoire est devenue une science.
43 L'essence humaine réside dans la volonté pour sa propre conservation.
44 Spinoza ne reconnaît aucun rôle bienfaisant dans la souffrance, qui n'est qu'un assujettissement aux choses extérieures, ni dans la résiliation et la morale du sacrifice.
Les progrès de l'entendement améliorent notre existence. C'est connaître les causes naturelles dont celles nuisibles.
Le joie et le désir, quand l'homme s'en forme une connaissance claire et distincte, passant de passion à désirs actifs.
45 Principe d'inertie ?
46 Le message de l'Ethique s'adresse aux citoyens et non à une élite sociale.
Pour Spinoza l'ignorant est celui qui est guidé par le désir aveugle, et qui attend que les autres se conforment à sa nature. Ce n'est pas spécialement quelqu'un qui n'a pas fait d'étude, mais une personne arrogante et despotique.
L'Ethique n'a été écrit pour ces gens là, ils ne la comprendront pas.
6 – Des passions à l’amour intellectuel
47 Passer de la servitude à la sagesse.
48 Les deux terme libre et sage sont présentés d'abord séparément dans l'Ethique. L'homme libre apparaît dans l'exposé des passions, le sage se dessine par la recherche de la connaissance.
Ces deux figures arrivent à s'imbriquer.
Spinoza sépare la liberté exposée dans l'étude des passions, et la sagesse qui se dessine par la recherche de la connaissance, mais elles se rejoignent par cette dernière en sortant de l'ignorance et des superstitions.
E V début de la préface «Je passe enfin à cette autre partie de l’Éthique où il s’agit de la façon, autrement dit de la voie qui conduit à la Liberté. J’y traiterai donc de la puissance de la Raison, montrant ce que peut la Raison elle-même sur les sentiments, et ensuite ce qu’est la Liberté de l’Esprit, autrement dit la Béatitude. Et par là nous verrons combien le sage est plus puissant que l’ignorant.»
La sagesse s'acquière pour Spinoza par la connaissance, c'est donc un retour aux sources.
48-49 Rapport inverse entre l'imagination et l'entendement.
Chez l'homme libre l'imagination est une force, s'il surmonte ses pièges, mais ne permet pas de construire des universaux.
Un esprit pourvu d'une imagination très vive sera peu apte à la spéculation intellectuelle.
Un philosophe ne peut jouir du don de prophétie qui est l'imagination par excellence.
49 Le deuxième genre de connaissance est le domaine des lois, le troisième de l'essence. Cette dernière par une voie différente, est aussi la connaissance des lois par l'examen des efforts de conservation et du principe d'inertie.
49-50 L'homme libre de Spinoza ressemble à celui de la renaissance aux aptitudes multiples et non au mystique et à l'ascète.
50 Moins platonicien, il ne poursuit plus l'harmonie de l'entendement et de la beauté.
Spinoza ne se rapproche pas de la pensée de l'Extrême-Orient et du bouddhisme, car il est proche de l'homme de la révolution scientifique du XVIIe siècle.
Sa pensée rompt les digues de la modernité nord-européenne par son influence judéo-méditérannéenne dans le cadre de la libre république marchande d'Amsterdam.
50-51 Il n'existe pas de tristesse active qui serait due à une perfection moindre contraire au principe d'autoconservation.
51Ce passage par la tristesse peut-être annulé en en formant une idée claire permettant ainsi de passer à une perfection plus grande.
52-53 Impossibilité que le péché et la chute soient à l'origine de l'histoire humaine.
53 L'effort que nous faisons pour nous améliorer est en accord avec l'effort de nous conserver, base de notre nature.
La joie, qui est un bien passif par la naissance, la croissance, la nutrition ... l'éducation, devient active en nous en formant une idée adéquate.
53-54 Actif, et en m'appuyant sur des idées claires, je suis cause adéquate de ce que je fais.
54 L'homme, qui se reconnaît être une particule de la nature, ne se juge pas inférieure à Dieu quant à la liberté. Ce qui n'est pas le cas avec le libre arbitre.
Plus une chose est parfaite plus elle a de réalité, et la joie est réalisation de soi.
55 Pas de hiérarchie parmi les êtres et pas de place privilégiée parmi ceux-ci.
Rien n'est plus utile à l'homme que les autres hommes.
55-56 Il possède une double force, celle de l'effort auto-conservateur et celle de l'idée adéquate.
7 – De la sagesse à la libre république
62 L'individualité renforcée [par sa conscience] entre en accord avec les hommes qui vivent ainsi.
63-64 Par EIV P35 et 37, Spinoza s'oppose au grand principe de Hobbes le théoricien de l'absolutisme qui oppose la force de l'État à la violence qui serait innée.
65 Les ignorants pour Spinoza sont les arrogants et les despotiques dont il faut éviter les faveurs et les appuis.
66 Le vulgus pour Spinoza n'est pas la multitude mais les théologiens et prédicateurs fanatiques. Le fait qu'autant de leviers du pouvoir soient entre les mains des ignorants justifie une grande inquiétude et beaucoup de pessimisme.
66-67 La raison fait de l'homme un homme libre et la science intuitive en fait un libérateur [!?]
Appendice
81 Par Spinoza nous comprenons que par les notions communes, qui s'apparentent aux axiomes, on en déduit des universaux et non des choses particulières (connaissances du deuxième genre). Les connaissances du troisième genre sont liées aux fondements donc aux attributs [!?]
87 Plus nous comparons les choses particulières et plus nous comprenons Dieu.
La science inductive est un savoir déductif - EII P40 Sc2.
88 Dans le deuxième genre de connaissance intuition et déduction demeurent séparées. Dans le troisième elles demeurent réunies.
Existe-il un objet spécifique de la connaissance du troisième genre ?
89 Les deuxième et troisième genres de connaissance «se connaissent» mutuellement.
Si le troisième approche de la perfection il évolue en parallèle du deuxième.
La connaissance du deuxième libère l'homme de la peur.
90 Zénon, Vico, Spinoza et Bayle pour dépasser le dualisme cartésien.
118 Dernière phrase : «Chez Spinoza - toute la dernière partie de l'Ethique en est la preuve - la liberté humaine ne va jamais sans l'imagination, il s'agit de libérer l'imagination.» Libérer de ses idées pré-conçues ou aller vers de nouvelles possibilités ? Le risque c'est d'aller vers de nouvelles croyances mortiphères.

2022

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