Sortir de l'histoire officielle

    


La révolution mexicaine (1910-1920)

Sur les reportages de Jack London au Mexique «...les deux premiers récits [La Mexique puni et Le droit à la vie], je les ai trouvé pour le moins déconcertants. Ils sont en tout cas révélateurs d’un état d’esprit qui avait - et a parfois encore - cours aux États-Unis. En effet, bien que socialiste militant, auteur engagé et révolté, Jack London y prône une doctrine protectionniste qui ne détonnerait pas dans un congrès de conservateurs purs et durs ...»


https://www.syllepse.net/la-revolution-mexicaine-1910-1920--_r_74_i_792.html
4ème de couverture et du site de l'éditeur : «De 1910 à 1920, Emiliano Zapata, Pancho Villa et les paysans en armes en quête de justice, de terre et de liberté se sont battus contre un régime militaire corrompu et une bourgeoisie libérale qui tentait de prendre le pouvoir. Ces deux révolutionnaires restent aujourd’hui encore dans la mémoire des humbles du Mexique : leurs figures sont évoquées à chaque fois que l’on s’insurge contre les possédants et les gouvernants. Ainsi, les Indiens du Chiapas, éternels oubliés d’une « modernité » barbare qui ravage périodiquement le pays, se sont-ils rangés sous la bannière du zapatisme.
Cet ouvrage est une référence majeure sur ce moment révolutionnaire.
En donnant âme, chair et sang à cette guerre paysanne pour la terre et le pouvoir, Adolfo Gilly nous invite à comprendre le Mexique d’aujourd’hui à travers l’épopée et la réalité d’une révolution «interrompue» dont le souvenir et les idéaux hantent et enchantent encore notre imaginaire»

Une approche de cette révolution https://baripedia.org/wiki/La_Révolution_mexicaine_:_1910_-_1940

Très instructif, ce livre m'a expliqué l'impasse des luttes paysannes qui n'avaient pas envisagé la prise en main de l'état central. C'est une autre révolution des esprits à faire et Murray Bookchin peut y aider, ce qu'a bien compris Abdullah Öcalan pour le Kurdistan. Il manque 2 ou 3 cartes à ce beau volume. Dommage que l'auteur nous noie dans de nombreux détails sur les luttes d'influence politique et les jeux de pouvoir. Des têtes de chapitre et des conclusion aurait permis plusieurs niveaux de lecture.

Quelques extraits et notes :
Page 17 «Le nouveau zapatisme puise à la fois ses racines dans les mythes et les traditions indigènes et dans la longue histoire d'une oppression raciale et sociale vieille de cinq siècles. La révolution mexicaine de 1910-1920 n'a jamais atteint le lointain Chiapas, terre de seigneurs. de riches propriétaires terriens et de caciques. Elle y arrive aujourd'hui avec la force des effets retardés, sous la forme de l'insurrection armée des communautés indigènes.
...
A chaque fois que les Mexicains pauvres - l'énorme majorité d'un pays à la fois moderne et traditionnel - se mobilisent contre les possédants et contre le gouvernement pour essayer de changer l'état des choses existant, ils invoquent, dans le centre et le sud du pays, la mémoire de Zapata, et dans le nord, celle de Pancho Villa.»
18-19 «Dans le cycle extraordinaire de ces dix années de campagnes militaires, de prises et de chutes de villes, de mises à sac d'haciendas, de partages de terres, de changements de gouvernement, de proclamations, de lancement de plans et de programmes, de rénovations des lois, de règlements de comptes collectifs et personnels, les protagonistes de cette histoire ne sont pas les chefs militaires - héros officiels de l'État mexicain - mais bien les paysans en armes en quête de justice, terre et liberté.
Le point culminant de la marée révolutionnaire ne fut pas le congrès constituant des généraux vainqueurs en 1917, comme le veulent les versions officielles, mais ce moment magique de l'histoire latino-américaine où les armées paysannes du Nord et du Sud, dirigées par deux généraux paysans. Poncho Villa et Emiliano Zapata, prirent la ville de Mexico, la capitale de leurs oppresseurs depuis des temps immémoriaux, pour y établir leur propre gouvernement. Moment bref dans les faits, mais inoubliable comme réussite propre des opprimés. Il faut avoir ce précédent à l'esprit pour pouvoir imaginer ce que signifie dans la mémoire historique des Indiens du Chiapas la prise de la ville de San Cristobal, le ler janvier 1994.
En conséquence, la grande assemblée révolutionnaire, celle des rêves, des excès et des passions, fut la Convention de Aguascalientes, dominée et influencée par la convergence de ces armées. Cette convention s'était elle-même définie comme l'équivalent de celle de la grande Révolution française. Certains de ses protagonistes se voyaient d'ailleurs comme les Saint-Just, les Robespierre ou les Danton de cette assemblée insolite réunie en 1914 dans une ville de province mexicaine. La révolution de 1789 inspirait sans aucun doute les plus illustres de ces hommes, comme comme inspira trois ans plus tard, les actions et les symboles de la révolution russe.
Enfin, entre 1911 et 1919, dans le fracas d'un mouvement révolutionnaire qui secouait tout le pays, les paysans de l'état de Morelos ont mis en place leur propre gouvernement, avec ses lois, ses instances municipales, son système judiciaire, sa monnaie et ses forces armées, l'Armée de libération du sud, dirigée par Emiliano Zapata et ses officiers paysans. En d'autres termes, ils se sont dotés de tous les attributs d'un État qui exerce son autorité sur un territoire et une population définis.
Dans cet événement extraordinaire il faut voir la combinaison de la tradition communautaire paysanne d'autogouvernement qui est celle des peuples de la région - tradition puisant sa source dans les pratiques communautaires indigènes et médiévales espagnoles - et de l'influence
des syndicalistes révolutionnaires, - anarchistes et socialistes, celle de l'anarchisme mexicain de Ricordo Flores Magon et jusqu'à celle d'un vétéran de la Commun de Paris - qui se sont joints à la révolution d'Emiliano Zapata.
La révolution zapatiste fut étudiée de façon jusqu'à présent inégalée par John Womack dans son livre Emiliano Zapata et la Révolution mexicaine. Ce livre doute à cette étude l'idée que cette révolution paysanne a produit un fait unique dans l'histoire mexicaine et latine-américaine : la création d'un État des paysans, un gouvernement révolutionnaire à l'instar de la Commune de Paris. Elle est désignée dans cet ouvrage comme la « Commune de Morelos »;
Dès son édition originale, La révolution interrumpida a voulu montrer que la mémoire de la révolution de 1910-1920 continuait à alimenter l'imagination historique des Mexicains, les rébellions et les revendications paysannes. De son côté, le souvenir de sa seconde vague révolutionnaire des Huilées 1930, qui a vu se mettre en place sous le gouvernement du général Lazaro Cardenas la réforme agraire, la nationalisation du pétrole, les syndicats de l'industrie, était, lui aussi, destiné à inspirer les idées et l'imaginaire de tout nouveau mouvement d'envergure nationale qui, de la base, proposerait au Mexique de nouvelles conquêtes démocratiques et sociales.»
20 «L'histoire n'est pas une science prédictive, mais une connaissance narrative. Elle ne veut extraire du passé ni des leçons pour le présent ni des avertissements pour le futur. Elle se propose de connaitre et de comprendre, a travers les vicissitudes des peuples, des communautés ou des individus, comment s'est construit le présent, pourquoi il est ainsi et ce qui peut advenir.»
23 Un secteur jacobin ? Mais que représente-il, est-ce vraiment la centralisation du pouvoir comme le sous-entend la pensée commune ? «A la différence de tous les autres pays d'Amérique latine. le Mexique se libéra de la tutelle espagnole au moyen d'une guerre révolutionnaire et populaire dont les ligures suprêmes, les curés Miguel Hidalgo et dosé Maria Morelos, représentaient le secteur jacobin. Mais comme dans les autres pays latino-américains, cette indépendance et ]'organisation initiale du pays ne furent pas l'œuvre du secteur jacobin mais celle des tendances conservatrices qui l'éliminèrent au cours des luttes, à la Faveur de la retombée de l'intervention des masses :
La guerre d'indépendance fut une guerre de classes et pour bien en comprendre le caractère, il faut savoir qu'à la différence de ce qui se passa en Amérique du Sud, elle fut une révolution agraire en gestation. C'est pourquoi l'armée (où servaient les créoles comme Iturbide [pas très créole ce gars ?]), l'Église et les grands propriétaires s'allièrent à la couronne espagnole. C'est par ces forces que furent vaincus Hidalgo, Morelos et Mina (Paz. 1990).»
«Il fallut attendre presque dix ans pour que, de cette terrible amputation [en 1848 par les USA] qui hante encore la mémoire mexicaine, surgissent les forces et la conscience nationale qui allaient jeter les bases du Mexique moderne.»
30-31 Guerre entre classes de propriétaires s'appuyant sur la masse paysanne, lui donnant son autonomie vis à vis des anciens pouvoirs issus du colonialisme mais mettant à disposition «d'ouvriers agricoles libres, n'ayant pour toute richesse que leur force de travail.»
«... oligarchie fut obligée, pour détruire la propriété communale, d'employer, contre les masses paysannes cette fois des méthodes violentes d'appropriation ...»
Méthodes semblables à l'extermination des indiens aux États-Unis mais au Mexique c'est un gouvernement bourgeois sur son propre peuple.
32 Accaparement de riches terres et «livrées à de grands propriétaires ou des chefs d'entreprises agricoles mexicains et américains.»
37 Julio Chavez Lopez, pas trouvé sur le net, révolutionnaire passé pour un bandit même encore aujourd'hui et fusillé en 1869.
78 «Le développement capitaliste porfirien portait en lui la liquidation des villages libres et des biens communaux.»
79 Crise économique mondiale de 1907 centre des luttes de masses et révolutionnaires de 1905 à 1910 : Russie, Iran, Portugal, Chine, grande aux États-unis, grève et massacres au Chili et en Argentine.
80 «L'organisation communale était l'instrument qui permettait de juger une situation, de discuter et de s'organiser. Elle finit ainsi par devenir le principal centre de regroupement politique dans la guerre paysanne de 1910 - 1920.
Cette organisation communale, qui dans le fond voulait défendre un passé idéalisé et aboli, joua au Mexique un rôle révolutionnaire, mais durant les longs siècles de résistance passive, mais pendant les dix années d'offensive des masses contre l'état des grands propriétaires et des bourgeois, au tout début de l'ère des révolutions du 20' siècle annoncée par celle de 1905 en Russie. La dynamique qu'elle acquit alors dans le combat ne fut pas un retour au passé, mais une attaque coutre les fondements de l'organisation capitaliste de l'état et de la société.»
Encore Marx et son incompréhension de la survivance des communautés agraires malgré l’oppression du capitalisme.
87 Janvier 1907 massacre d'ouvriers en lutte et leur famille par les agents de entreprise de textile Rio Blanco.
88 Programme du PLM, réformes sociales, restitution aux villages des terres communales ...
109 Refus par les universitaires qu'un paysan Zapata puissent être le porteur d'initiatives sociales et révolutionnaires. Qu'ils attribuent de ce fait à un instituteur Otilio Montano, diffuseur comme de nombreux instituteurs des idées socialistes parmi les paysans.
117 «Les succès zapatistes ne s'expliquent pas par la guérilla mais par le caractère massif de l'insurrection de la population ...»
127 «Comme toute phase ascendante de la domination de cette classe, la nouvelle bourgeoisie mexicaine dut recourir à l'appui des masses et aux méthodes jacobines ... Marx définissait le jacobinisme comme le mode plébéien de règlement de comptes entre la bourgeoisie et ses ennemis féodaux. ...» Un peu réducteur, c'est oublier le fonctionnement en clubs dispersés permettant la diffusion des idées. Marx pensait-il comme ceci, à rechercher ?
189-190 «L'anarchisme et les magonistes n'existaient pas comme organisation indépendante, mais comme tendance diffuse au sein de la direction des syndicats naissants. Tant au niveau syndical qu'au niveau politique, les dirigeants anarcho-syndicalistes mexicains tendaient alors à s'unir et à s'incorporer au pouvoir bourgeois, plutôt qu'à courir le risque de lier leur sort à celui, incertain, des paysans en armes. De plus, les pseudo-révolutionnaires magonistes (Ricardo Flores Magón) n'avaient aucun programme à leur offrir. Politiquement désarmés par leur vision bureaucratique de dirigeants anarcho-syndicalistes, ils n'ont aucune prise sur la réalité de la lutte de classe, bien différente de ce que peignaient les théories anarchistes.»
190 à 197 «Le contexte international n'explique pas seulement l'isolement de la révolution mexicaine à son point culminant ; il donne également toute sa valeur à la prouesse historique des paysans mexicains qui, sans le savoir, représentent en ce mois de décembre 1914, date à laquelle ils s'emparent de Mexico, la pointe avancée de la révolution mondiale. Avec une certaine ingénuité mais aussi beaucoup de détermination, il vont maintenant essayer de mener à bien la tâche dont l'histoire et leur propre bravoure les ont investie.» Tâche qui les a dépassés. Les paysans voulaient retrouver leur terre attachée à leur village mais ne s'étaient pas projetés dans la gestion d'un état central. Ce qui provoque un échec dans leur prise du pouvoir n'ayant pas de perspective dans ce sens et échec par l'absence d'union avec les "dandys".
Parmi ces dandys, ces petit bourgeois que les paysans avaient portés au pouvoir, Martin Luis Gusman, écrivain affilié au villisme au moment du triomphe mais pas au moment de la débâcle, y décrit dans L'Aigle et le serpent l’installation dans le Palais national des révolutionnaires réels.
199 «Globalement, ce gouvernement [de la convention] était un ramassis de petits-bourgeois, d'arrivistes, de rêveurs, et d'aventuriers, indécis et viveurs ou, dans le meilleur des cas, égarés. La  différence entre ces gens et les chefs des autres «partis paysans» de l'histoire résidait dans l'existence d'une base paysanne armée dominant le pays, dotée de directions propres, en particulier le zapatisme. Il ne s'agissait pas d'une simple masse électorale.»
200 Continuité de la description de ces "petits-bourgeois" opportunistes.
Mais cette révolution des masses mexicaines annonce les révolutions agraires et socialistes du 20e siècle.
202 Les affaires sont les affaires et les États-unis vendent à tous les camps.
206 Dans ce Mexico révolutionnaire se ressent une sécurité nouvelle mais se vivait les pénuries alimentaires.
212 Absence de prise de décision sociale comme la limitation du temps de travail.
Lénine est cité comme celui qui aurait été le décideur d'un premier décret sur la terre ? Décret sur la terre (démontré opportuniste par la suite de l'écrasement de l'autonomie des soviets) voté devant l'action directe des paysans pour reprendre leur terre, du fait de la passivité du gouvernement provisoire.

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