Sortir de l'histoire officielle

    


Albert Camus - Correspondance

Avec Maria Casarès

Avec René Char

Avec Monsieur Germain

Avec Jean Grenier

Avec Louis Guillou


Avec Maria Casarès
Texte établi par Béatrice Vaillant

««Tu es entrée, par hasard, dans une vie dont je n’étais pas fier, et de ce jour-là quelque chose a commencé de changer. J’ai mieux respiré, j’ai détesté moins de choses, j’ai admiré librement ce qui méritait de l’être. Avant toi, hors de toi, je n’adhérais à rien. Cette force, dont tu te moquais quelquefois, n’a jamais été qu’une force solitaire, une force de refus. Avec toi, j’ai accepté plus de choses. J’ai appris à vivre. C’est pour cela sans doute qu’il s’est toujours mêlé à mon amour une gratitude immense.»

Pendant quinze ans, Albert Camus et Maria Casarès échangent des lettres où jaillit toute l’intensité de leur amour. Entre la déchirure des séparations et les élans créateurs, cette correspondance met en lumière l’intimité de deux monstres sacrés au sommet de leur art.»

Avec René Char
Annotée par Franck Planeille

««Je crois que notre fraternité – sur tous les plans – va encore plus loin que nous l’envisageons. De plus en plus, nous allons gêner la frivolité des exploiteurs, des fins diseurs de tous bords de notre époque. Tant mieux. Notre nouveau combat commence et notre raison d4exister. Du moins, j’en suis persuadé… Je le devine et je le sens.»
René Char à Albert Camus, 3 novembre 1951.
On savait René Char et Albert Camus frères en amitié. Mais ce qui donne tout son sens à cette correspondance est ce qui l’a peut-être initiée : la rencontre et la reconnaissance de deux œuvres en même temps que leur convergence dans une époque de démesure et de déraison. Une façon lumineuse, entre Ventoux et Luberon, de rejoindre l’intuition de Julien Gracq qui, avec l’éloignement du temps, voyait se «rapprocher aussi, dans la signification de leurs œuvres, deux amis dont les silhouettes pouvaient sembler différentes».»
Page 25 Demande pour que Bloch-Michel intervienne auprès du ministre de la justice «pour faire cesser les tracasseries dont sont l'objet de braves gens dans les Basses-Alpes.» René Char après la libération continua à s'occuper de ses compagnons de Maquis. Dans la note il est écrit que leur retour à la «vie civile» fut difficile. Sans compter les réglements de compte comme l'assassina de Gabriel Besson en février 1946, l'«affaire de Céreste». «Les relations avec les communistes sont tendues.»
https://patrimoinemanosquin.weebly.com/gabriel-besson.html
«Gabriel Besson - Né le 8 mars 1910 à Manosque, peintre en bâtiment, Gabriel Besson est assurément l'une des plus belles figures de la Résistance bas-alpine.
     Tôt engagé aux côtés de Louis Martin-Bret, il prend une part très importante à l'action de Combat puis des MUR. Membre de l'état-major départemental de l'AS (bureau Opérations), chef des Groupes francs des Basses-Alpes, il multiplie les activités : ravitaillement des maquis, récupération et transport d'armes, de munitions et d'explosifs, actions contre la Milice, sabotages.
     En septembre 1943, tout en conservant ses fonctions antérieures, il entre dans la SAP. Chef d'une équipe assurant la protection lors de nombreux parachutages, il est « le nageur », celui qui, chargé d'une mission délicate, doit savoir « nager », se tirer d'affaire. «Il avait, écrit Jean Garcin, toute la confiance de René Char, pour qui il reste un des résistants les plus sérieux, les plus efficaces qu'il ait connus et avec lesquels il travailla. »
     Démobilisé en août 1945, Gabriel Besson, sans travail comme peintre, entreprend de transporter par camion du lignite local jusqu'à la gare de Manosque où il est embarqué vers les usines de Saint-Auban et de Gardanne et la centrale thermique de Sainte-Tulle. Au terme d'un de ces transports, il est assassiné (par qui ? pourquoi?) dans la nuit du 28 février au 1er mars 1946.
     Quelques jours plus tard, René Char écrira à sa veuve : « Le monstrueux assassinat de Gabriel m'a plongé dans une affliction profonde. Qu'un être aussi exceptionnel ait pu être tué aussi lâchement me confond et me bouleverse. »»

Avec Monsieur Germain
Annotée par



Avec Jean Grenier
Annotée par Marguerite Dobrenn

«Le dialogue commencé, au Grand Lycée d'Alger, au mois d'octobre 1930, entre Albert Camus et Jean Grenier n'a été interrompu, trente ans plus tard, qu'à la mort du plus jeune.
L'originalité de cette correspondance tient à la relation des interlocuteurs, d'ancien disciple à maître. D'où, chez l'un, malgré les progrès de l'âge, et dans un échange devenu celui de l'amitié, l'exigence déférente et l'abandon de l'adolescence, et, chez l'autre, l'attention, la vigilance et un soutien sans concession.
Une lumière nouvelle est ainsi répandue sur les choix et l'attitude des deux écrivains, leur réaction à l'histoire et, pour Albert Camus, l'élaboration de son œuvre.
Si Jean Grenier reste discret sur ses propres ouvrages, ce que ses lettres révèlent de la légèreté de son écriture, de la profondeur de sa pensée, de sa liberté surtout permet d'entrevoir le secret d'une œuvre dont la véritable importance peut être dissimulée par la subtile ironie et le refus d'insistance.»

21 août 1935 «J'y pense beaucoup [de m'inscrire au parti communiste] et il me semble jusque-là que les outrances du communisme reposent sur un certain nombre de malentendus qui peuvent être répudiés sans dommage.
...
Mais précisément dans l'expérience (loyale) que je tenterai, je me refuserai toujours à mettre entre la vie et l'homme un volume du Capital. Toute doctrine peut et doit évoluer.»
J.G. 6 décembre 1947 «Votre livre a une résonance grave et profonde. Vous avez bien fait de publier à part et de ne pas y incorporer le passage qui fait allusion aux camps de concentration. Il faut que le livre n'ait pas une signification trop particulière et que son symbolisme puisse s'attacher à tout ce qui est le Mal. J'ai aimé le Discours de la Peste, mais vous avez bien tait aussi de ne pas mettre dans la « chronique » ce discours-clé.
On ne peut qu'approuver l'idée générale du livre, cet entêtement contre le mal ; et l'apparente monotonie du récit, cette monotonie que je considère comme une grande qualité car elle est la preuve d'une grande maturité d'esprit, est très belle. Elle peut détourner pourtant les lecteurs - Qu'importe ? Ils pourraient avec plus de raison vous reprocher la ressemblance des personnages ; ils ont beau figurer des attitudes différentes, ils diffèrent plutôt par leurs attitudes que par leur nature profonde ; et ce qui fait la supériorité des Frères Karamazov, c'est que les 3 frères sont irréductibles.
Ce ton volontairement glacé du Livre n'en est pas moins émouvant, d'autant qu'il y a les sursauts de bonheur, les désirs d'abandon (la mer).
Maintenant est-ce vrai qu'il y ait entre le prêtre et le médecin contradiction ? Malheureusement non à mon sens. Les plans sur lesquels ils opèrent ont beau se couper, ils se projettent dans un espace différent. Si Paneloux est confondu à juste titre par l'existence (incompréhensible) même de la peste, Rieux est par son dévouement même (incompréhensible) le signe de l'existence d'un Bien. Que ce Bien, s'il est absolu, ait besoin du dévouement de l'homme, voilà ce que ne peut comprendre Rieux (p. 146). Mais je crois que les religions admettent précisément la liberté de l'homme et que Dieu ait besoin de l'homme - c'est sensible surtout dans le christianisme où Dieu va jusqu'à devenir un homme - Comment peut-on concilier la Toute-puissance divine avec la liberté humaine, c'est une autre affaire. Mais assurément du point de vue chrétien l'action de Rieux qui a un sens suffisant en tant qu'humaine (c'est votre thèse) n'a sa profonde signification que si elle est appuyée sur une Valeur en soi.
Il faut être fou, aveugle ou lâche pour ne pas lutter contre la peste ? C'est vrai, mais à moitié. Tous les hommes semblent être d'accord pour lutter contre la maladie et la mort et vous avez bien trouvé quelque chose qui puisse les unir. Mieux que la lutte contre la guerre parce que lutter contre la guerre c'est prendre l'initiative d'une autre guerre (exemple récent). Oui vous avez bien trouvé ce qu'il fallait dire et je ne vous fais aucune critique. Je dis simplement que Rieux a raison de lutter et d'ajouter que tout le monde est de son avis (je dirais presque tout le monde quand même car il est faux qu'il n'y ait personne à s'abandonner totalement dans les pays du wou-wei et du mektoub) et qu'il a encore raison d'ajouter qu'il ne veut pas chercher plus loin en ce sens qu'il y a un plus loin.
Votre thèse repose aussi sur 2 postulats :
1° L'homme est parfaitement innocent
2° Il n'y a rien d'inévitable.»
A.C. 21 janvier 1948 «Merci aussi de ce que vous m'ecrivez de la peste. Mais je crois de moins en moins que l'homme soit innocent. Simplement, j'ai toujours la réaction élémentaire qui me dresse contre le châtiment. Après la libération, je suis allé voir un des procès d'épuration. L'accusé était coupable à mes yeux. J'ai quitté pourtant le procès avant la fin parce que j'étais avec lui et je ne suis jamais plus retourné à un procès de ce genre. Dans tout coupable, il y a une part d'innocence C'est ce qui rend révoltante toute condamnation absolue. On ne pense pas assez à la douleur.
L'homme n;est pas innocent ef il n'est pas coupable. Comment sortir de là? Ce que Rieux lje) veut dire c'est qu'il faut guérir tout ce qu'on peut guérir - en attendant de savoir, ou de voir. C'est une position d'attente et Rieur dit « je ne sais pas ». Je suis revenu de bien loin pour arriver à cet aveu d'ignorance. On commence par disserter sur le parricide et on en revient à la morale des braves gens. Il n'y a pas de quoi être fier.
Il me semble du moins qu'il le faut reconnaître et contmuer
à marcher. C'est ce qui me reste à faire. Et c'est ici quej'aurai quelque chose de moins dérisoire à vous dire peut-être. Mais il s'agit de solitude et je voudrais être sûr de mes mots.»
J.G 26 décembre 1952 Un article d'Albert Camus cité autour de "l'Homme révolté" dans la correspondance de Jean Grenier et Albert Camus "post-scriptum" publié par Roger Quillot en 1952 dans un des volumes de La Pléiade en 1965.
J.G. 9 janvier 1953 Note 2 Article "L'Époque des Sibylles" publié à la revue de la N.R.F. en février 1953 suite de l'«article d'Empédocle, mais cette fois dirigé contre Sartre.»

Avec Louis Guillou
Annotée par

««Cher Guilloux,
À propos du Sang noir, j’y ai remis le nez, poussé par l’amitié. J’ai eu honte et je me suis senti très petit garçon. Je ne connais personne aujourd’hui qui sache faire vivre ses personnages comme tu le fais. Il n’y a plus de romanciers parce que nous n’écrivons plus avec le cœur et la tendresse. Enfin, j’en étais tout remué.»
L’un est breton, l’autre algérien, Guilloux est habité par le noir et aspire à la lumière, quand Camus, plus solaire, est rongé par le doute. Pourtant, lorsqu’ils se rencontrent à Paris en 1945, une amitié se noue immédiatement entre les deux écrivains. Ces fils du peuple, qui ont connu la pauvreté, sont animés par l’esprit de justice et de fraternité. Cette correspondance croisée ponctue quinze années d’une profonde affection, nourrie d’innombrables causeries, lectures, promenades et repas partagés.»

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