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| Étienne Balibar Mots, idées, concepts, personnalités repérés : Spinoza politique - Le transindividuel Édition PUF Du site de l'éditeur et quatrième de couverture «Ce volume rassemble les principales études consacrées par Étienne Balibar à la philosophie de Spinoza, dans son rapport intrinsèque à la politique. Partant de la thèse que Spinoza avait reprise de Tacite (la « crainte des masses »), il aboutit à une interprétation renouvelée des modes de communication et des genres de vie, que résume la triple explication du Nom divin : Dieu c’est la Loi, Dieu c’est l’Homme, Dieu c’est la Nature. Pour accomplir cette transition, il faut parcourir plusieurs espaces théoriques : la construction de la démocratie comme limite des régimes étatiques, où s’exprime la puissance de l’être en commun ; l’ontologie du transindividuel, qui affirme le primat de la relation sur l’être isolé ; enfin la constitution du sujet comme une conscience recherchant l’intelligence des affections de son propre corps. Cette enquête permet alors d’approfondir la conception de l’anthropologie philosophique que l’auteur défend dans le cadre du débat contemporain sur l’actualité du spinozisme.» Étienne Balibar : Spinoza Politique, le transindividuel vu par Étienne Besse 10 avril 2025
«Le livre se divise en trois parties : la première consacrée aux positions politiques de Spinoza que Etienne Balibar interprète comme une « anthropologie de l’action commune, plus encore que de l’être commun » ; la deuxième ... qui approfondi celle-ci par le concept repris à Simondon de « transindividualité » chez Spinoza par oppositions aux pensées intersubjectives contractualistes rousseauistes ou hégéliennes ; et enfin, la troisième ... tente de dépasser les problèmes de la transindividualité sur les modes de communication pour penser ce qui serait chez Spinoza une « politique de la vérité », notamment sur la constitution, l’institution et l’énonciation de la loi chez Spinoza (par contraste avec Hobbes principalement). D’une manière très générale, le nœud problématique légué par les œuvres politiques (en partie inachevées) de Spinoza est le paradoxe suivant : le Traité théologico-politique selon lequel « la fin de l’État est la liberté » face au déplacement qu’opère ensuite le Traité politique : « La fin de la société civile n’est rien d’autre que la paix et la sécurité » (ibid.). Pour penser cette évolution et en solutionner les potentielles contradictions ou apories, Etienne Balibar va offrir dans un premier temps une analyse historique absolument passionnante sur l’histoire de la Hollande et les positions politiques des proches de Spinoza. Puis en deuxième partie, la thématisation de la transindividualité va tenter de résoudre l’inquiétude principale du problème politique de Spinoza, à savoir la nécessité d’une stabilité sociale commune et collective grâce à des institutions qui peuvent combiner un rapport à l’autorité équilibré, qui ne soit pas de l’ordre de la superstition ou de la crainte, sans pour autant mener à la sédition. En résumé, comment se concilient souveraineté de l’État et liberté individuelle chez Spinoza ? Le fil argumentatif de Etienne Balibar pour expliquer cette tension va consister en une interprétation communicationnelle de l’individu en première partie, puis transindividuelle et enfin en une reprise des relations et organisation États-individus selon les conceptions singulières des « notions communes. » Mais disons-le tout de suite, Etienne Balibar va avouer au milieu de l’ouvrage – avec une honnêteté intellectuelle peu rependue – un aspect intenable de cette conception anthropologique transindividuelle lorsqu’elle sera mise en regard de la connaissance du troisième genre. Penser la sociabilité dans sa forme collective tout en maintenant l’autonomie individuelle, telle est la dynamique spinoziste dont le concept de transindividualité de Etienne Balibar va cependant relativiser l’opposition entre les formes de sociabilité passionnelle et rationnelle, ou faire la vérité de l’une sur l’autre « en imaginant un processus téléologique de transformation de l’une dans l’autre ». Plus grave, Etienne Balibar reconnaît – toujours dans le chapitre 3 de la IIème partie avec l’article « Philosophie du transindividuel : Spinoza, Marx, Freud » – que l’individu pensé comme composé de relations passionnelles et rationnelles dépasse certes les ontologies classiques de type contractualiste quand il est question de la constitution de la stabilité du régime politique. Or ce concept dynamique communicationnel ne tient plus, ne rend plus compte du système spinoziste, lorsque celui-ci aborde le troisième genre de connaissance : car à partir de là, il n’est plus question de « vertu » et « d’amitié » fondées sur l’utilité, mais de « béatitude » et de « sagesse ». J’ai longtemps cru pour ma part (et j’ai écrit dans
Spinoza et la politique) qu’on pouvait résoudre ces
problèmes en définissant « le troisième genre de
connaissance » non seulement comme un genre de vie, mais comme
un « mode de communication ». Cette possibilité ne me
semble plus tenable dès lors qu’on va au fond des implications de
la proposition 39 de la Vème partie qui fait correspondre à
l’éternité (« partielle ») de l’âme une
augmentation de la capacité d’être affecté du corps propre. Cela
ne veut pas dire que le sage spinoziste soit un être isolé ou hors
société, mais que l’augmentation de puissance évoquée
intensifie l’individualité comme telle, et non – du moins pas
directement – la relation qui fait intervenir l’instance du
« semblable ».
C’est pourquoi Etienne Balibar finira par proposer le concept de
« quasi-individualité » pour décrire le sens
spinoziste des ensembles politiques. Ce qui est alors pensé à
travers ce concept, c’est à la fois ce qui est constitutif de
l’individu et de la collectivité tout en ayant un « excès »
« transgressif » dans ce rapport constitutif lui-même. Car c’est là un des traits principaux selon Etienne Balibar
de la pensée politique de Spinoza qui revient de manière obsédante
dans son œuvre à travers la citation de Tacite « Terret
vulgus, nisi metuat » (Annales, I, 29), « La
foule est terrible quand elle est sans crainte ». En effet,
Spinoza la reprend dans le Traité politique (VII, 27) et
l’Ethique IV, scolie prop 54) parce que la crainte des
masses est le problème politique immédiat par excellence, l’État
devant pour commander exprimer son « imperium », se
stabiliser en « combinant des moyens passionnels (piété,
dévotion patriotique) et rationnels (utilité, donc propriété
privée) ». Cet excès est donc aussi constitutif que
transgressif, et Spinoza n’en fait pas une simple thématisation
strictement théorique des groupements humains ; il en montre
l’historicité même, et c’est sous cet angle que l’histoire du
peuple Hébreux est analysée en détail et prise en exemple par
Spinoza. Aussi, l’essence politique est-elle en cela théologique
puisque ce commandement des masses, l’imperium de la multitudo, se
fait par l’institution de loi qui parlent aux affects et à
l’imagination afin de constituer un nationalisme : « pas
de nation sans imperium, sans État, mais pas d’État sans
nation. ». Et Etienne Balibar commente :
« L’histoire du peuple hébreux « qui, comme le dit
Jérémie, ne commence pas tant avec la fondation d’une ville
qu’avec l’institution des lois », est le laboratoire de
l’analyse du nationalisme… Il ne fait pas de doute que
toutes les nations eurent leurs Prophètes, et que le don prophétique
ne fut pas propre aux Juifs » (TTP p 50) ».
C’est ce cheminement de la pensée politique de Spinoza interprétée par Etienne Balibar que nous allons donc essayer de suivre avec cet ouvrage dense, intègre, et d’une richesse conceptuelle presque intimidante offerte à chaque article de ce livre. ... Conclusion : Même si le concept de « transindividuel » que propose donc Etienne Balibar durant les deux tiers de son ouvrage ne se révèle opérant que jusqu’à un certain point, qu’il en montre en partie les limites en approfondissant la proposition 39 de la Vème partie de l’Éthique de Spinoza sur le troisième genre de connaissance, il n’en demeure pas moins que nous avons à travers cette réunion d’articles de très remarquables approfondissements de la pensée politique de Spinoza. La mise en perspective de sa pensée en tant que pratique est expliquée avec un magnifique développement sur l’époque de Spinoza et le contexte historico-politique et religieux de la Hollande, avec les problèmes et urgences auxquels Spinoza s’était attelé à répondre pour les penser concrètement. Actuellement, nous ne pouvons que retravailler cette pensée politique et relire avec profit ces interprétations de Etienne Balibar, notamment sur la forme intrinsèquement théologique de toute communauté politique, puisqu’elle est celle où les humains qui s’aiment les uns les autres et se rendent mutuellement utiles « font Dieu, ou produisent le divin ».» Une recension de Frédéric Manzini, publié le 19 avril 2018 «On connaissait déjà Étienne Balibar nourri de la lecture de Marx, on le découvrira compagnon de longue route de Spinoza. Ce livre est l’occasion de retracer son parcours : il rassemble la quasi-totalité des études, revues et corrigées, que Balibar a consacrées tant à la théorie politique de Spinoza qu’à son rapport à la politique de son temps. Le philosophe de l’« égaliberté » puise chez l'auteur du Traité théologico-politique les questions qui l’animent sur l’articulation, en démocratie, du commun et de la multitude. Comment fonder la démocratie à partir des tensions qui la traversent ? N’y a-t-il pas une contradiction à vouloir gouverner un peuple conçu comme une force multiple et instable, dont l’unité collective n’est qu’approximative ? Balibar esquisse une solution avec la notion de transindividualité, qu’il emprunte à Simondon, pour expliquer comment Spinoza pense les individus, non comme des atomes autosuffisants, mais dans leur processus de construction et de régénération permanente en interaction avec les autres. Une bonne manière, selon l’universitaire, de dépasser autant l’individualisme (pour lequel la société civile serait une limite à l’autonomie individuelle) que l’organicisme (pour lequel la liberté des citoyens menacerait la souveraineté de l’État). Précisions que, malgré sa solidité et sa cohérence, les difficultés techniques de ce parcours spinoziste n’en font pas pour le lecteur une promenade de santé !» Un point de vue en 1986 de Frédéric Darmau sur un des textes. « Le philosophe qui a largement contribué à déstabiliser nos servitudes morales et idéologiques, a su prendre en charge la question centrale de la politique. En relevant les rapports pensée-autorité sociale, il se devait de s'intéresser aussi aux fondements des liens sociaux. … E. Balibar tente de ressaisir les articulations les plus fécondes du spinozisme politique. En respectant toutefois la systématique de cet auteur, il cerne un moment de cette pensée : la lutte politique, la science de l’État, l'anthropologie politique. Plutôt que de laisser Spinoza à son époque, E. Balibar suit un double cheminement : établir les conditions historiques de cette philosophie et en prendre en charge les éléments susceptibles d'éclairer la « condition moderne ». Par exemple : on s'interroge encore aujourd'hui sur la sociabilité humaine. Les thèses sur la naturalité de l'homme gagnent du terrain. Les moralistes reviennent eux aussi à l'idée d'une « insociable sociabilité » humaine. Toutes ces dernières années se sont mises à la recherche d'une théorie du lien social. A ces questions Spinoza répond que les hommes sont toujours déjà socialisés. Les hommes ne sont pas « originairement » sociables. Inversement, on ne saurait dire que l’État est « contre-nature ». Société et État constituent un seul et même rapport à la fois imaginaire et rationnel dans lequel s'exprime la singularité des individus humains. » Donc il trouverait dans l'État une fin en soi, indépassable. Étienne Balibar et Baruch Spinoza – France Inter Mercredi 23 mai 2018 «... Dans cet ouvrage Spinoza politique : le transindividuel qui reprend toutes les études qu’Etienne Balibar a consacré au Spinoza politique, on y décortique autant la relation du philosophe avec la politique de son temps qu’à sa théorie générale du concept de politique. De ces études naît le terme transindividualité, qui s’intègre dans sa réflexion avec le concept de démocratie, car comment gouverner en démocratie alors que le peuple n’est pas indivisible, mais plutôt une entité multiple et complexe. L’écrivain passe par la communication, l’éthique en s’appuyant notamment sur Le traité théologico-politique écrit par Spinoza et sur l’un de ses concepts “la crainte des masses” (déjà repris de Tacite). Professeur émérite à l’Université de Paris-Nanterre-Paris-X, il a également été professeur de littérature comparée, affilié au département d’anthropologie, à l’Université de Californie - Irvine, et a enseigné dans les universités d'Alger, Leiden, Urbino, Columbia University of New York, Utrecht, Birkbeck College London. Il a été influencé tout au long de sa vie par la philosophie de Louis Althusser, Karl Marx et bien sûr Spinoza. Il travaille l'épistémologie, la philosophie politique, l'anthropologie philosophique. Il fonde en 1982, avec Dominique Lecourt, la collection « Pratiques théoriques » aux Presses universitaires de France. Autant qu’un personnage littéraire, Etienne Balibar est un personnage cinématographique. Il a plusieurs fois tourné avec Thomas Lacoste, notamment dans le film Notre monde, dans lequel le réalisateur propose de faire de la politique, mais autrement (si possible…). Vous pouvez trouver son intervention sur le site officiel du film, comme toutes les autres interventions des protagonistes du film (3ème intervention sur la première ligne en partant de la gauche). Au vu de son parcours, on ne peut s’attendre à autre chose qu’un engagement politique fort de la part d’Etienne Balibar, il l’explique notamment dans une interview donnée à Télérama en 2011. Opposé à la guerre d’Algérie en son temps, possédant la carte du parti communiste dont il est exclu dans les années 80, il revenait dans cet entretien sur la notion d’”étranger” devenu ennemi au fil du temps et sur la notion d’”hospitalité”. Profondément européen, il établit la notion d’étranger comme stranger en anglais, comme une constante anthropologique, mais dont le contenu varie irrémédiablement selon les époques. Plus proche de nous aujourd’hui, il témoigne de son soutien aux cheminots dans leur grève contre les réformes du Président de la République Emmanuel Macron avec cette lettre publiée dans le journal L’Humanité le 19 avril 2018. » Haut de page Page en amont Des visites régulières de ces pages mais peu de commentaires. Y avez-vous trouvé ou proposez-vous de l'information, des idées de lectures, de recherches ... ? Y avez-vous trouvé des erreurs historiques, des fautes d'orthographes, d'accords ... ? Ce site n'est pas un blog, vous ne pouvez pas laisser de commentaires alors envoyez un mail par cette adresse Contacts Au plaisir de vous lire. |