Sortir de l'histoire officielle

     


Eric Fromm (1900-1980)

La peur de la liberté


Éditions les belles lettres
4ème de couverture du site de l'éditeur «L’homme est-il assez fort pour supporter la liberté ? Peut-il affronter les dangers et la responsabilité qu’elle induit ?
Car la liberté est avant tout un problème psychologique.

Erich Fromm, par son analyse magistrale des origines psychanalytiques du totalitarisme, fait la lumière sur les forces qui façonnent la société moderne. Si l’avènement de la démocratie a apporté la liberté, elle a donné naissance à une société dans laquelle l’individu se sent aliéné et déshumanisé.
L’homme moderne, dégagé des liens de la société primitive, qui le limitaient, mais le rassuraient, n’a pas encore pleinement conquis son indépendance. La liberté provoque en lui un sentiment d’isolement qui engendre à son tour l’insécurité et l’angoisse. Il met alors en place des mécanismes de fuite : l’autoritarisme, la destructivité ou un conformisme d’automate.

Erich Fromm (1900-1980), psychanalyste et sociologue, est l’un des premiers représentants de l’École de Francfort. Émigré aux États-Unis où il a vécu à partir de 1934, il a enseigné au Bennington College, à la Columbia University, puis à celle du Michigan et à Yale, ainsi qu’à l’Université nationale du Mexique.Il a aussi travaillé à l’École de Palo Alto et à Cuernavaca (Mexique) avec Paul Watzlawick. Au sein d’une œuvre considérable, on remarque L’art d’aimer, Avoir ou être, Espoir et révolution. Fromm a été le premier philosophe à plaider pour un revenu minimum universel.»

De wikipédia « Erich Fromm analyse les origines psychanalytiques du totalitarisme et son recours aux moyens de fuite de la liberté que sont l'autoritarisme, la destructivité et le conformisme.
Entre autres, l'auteur définit les bases psychologiques de ce qui deviendra plusieurs décennies après, le Syndrome de Stockholm. Il décrit la vénération de l'enfant envers un père despotique et autoritaire ainsi que son identification avec lui, comme un moyen d’échapper à l'angoisse que lui provoquerait la confrontation ainsi que pour éviter le sentiment de culpabilité que lui procurerait du fait de le haïr. Il décrit ce même phénomène dans la relation que le citoyen d'un régime despotique entretient avec le dictateur.
Ce même type de relation a été constaté chez certains "collabos" envers les forces d'occupation pendant la guerre. L'amour, la vénération ou l'identification avec l'autorité, en adoptant ses mœurs ou son langage deviennent ainsi des palliatifs qui résolvent "magiquement" toute la complexité conflictuelle de la situation. L'auteur explique aussi comment ce phénomène peut se reproduire même dans un contexte démocratique, où une certaine pensée dominante réussi à s'imposer. »

La place d'Erich Fromm aujourd'hui et sa Peur de la liberté par Paul Roazen dans Le Coq-héron 2005/3 (no 182)
Extraits : «Au-delà des raisons pour lesquelles d’après moi Fromm a été négligé par l’histoire intellectuelle, je dirais qu’aucun livre psychanalytique, à part le Malaise dans la civilisation de Freud, n’a eu un effet aussi grand sur mon propre domaine de la science politique que La peur de la liberté, de Fromm, publié 1941. Ce texte, non seulement a été central pour la formation professionnelle de ma génération d’étudiants en politique, mais il a aussi exercé une influence immense en sociologie, en anthropologie et en psychologie clinique.
Fromm a introduit un tournant particulier dans notre façon de penser la liberté, pas seulement comme une libération négative des contraintes externes, mais aussi comme une émancipation positive par rapport aux passions internes. Je crois que Jean-Jacques Rousseau pensait à quelque chose de similaire avec sa notion de « forcer » les gens à la liberté.
...Fromm s’est fait des ennemis idéologiques non seulement au sein de la théorie politique non marxiste, mais qu’avec son livre, La peur de la liberté, il avait suscité la plus intense hostilité au sein de la psychanalyse.
L’engagement de Fromm comme pacifiste a été plus remarqué (du moins dans les sciences politiques), que n’ont été ses livres incisifs, tels L’homme pour lui-même ou Société aliénée et société saine. L’art d’aimer (1957), d’Erich Fromm a connu un succès commercial si considérable que de nombreux intellectuels en ont conçu des soupçons quant au sérieux de Fromm. Fromm ressemblait trop à un prêcheur laïque, semblable à Norman Vincent Peale. Les socialistes les plus durs tout comme les freudiens orthodoxes n’avaient pas grand-chose à faire de Fromm (Adorno pensait que Fromm aurait eu besoin de lire Lénine), et la réputation de Fromm commença à décliner rapidement par rapport à ce qu’elle avait été vers la moitié des années 1950.
Les féministes, par exemple, ignorent généralement son rôle pionnier dans la révision des théories freudiennes sur la féminité.
Fromm se classe aujourd’hui parmi les ancêtres négligés de la psychanalyse. Cette négligence actuelle est un fait, même si La peur de la liberté « a eu des comptes-rendus enthousiastes de la part de personnalités publiques intellectuelles telles que Margaret Mead, Ashley Montagu et Dwight Macdonald » (8, 243). Aucune zéloterie mal venue à l’égard de Fromm ne devrait être nécessaire pour lui accorder la position qui lui revient. Bien sûr, il y avait des insuffisances – politiques, sociales, ainsi que psychologiques – dans la manière dont Fromm a construit ses opinions. Mais il a proposé une manière structurée de considérer les choses et cette perspective avait produit un impact d’une influence considérable. Fromm a réussi à changer la manière de penser des gens et peut-être cela rend compte des raisons pour lesquelles il était tant détesté. Peut-être un volume des lettres de Fromm qui ont subsisté aiderait à attirer l’attention des gens aujourd’hui sur l’authentique puissance de son esprit. Quoi qu’il en soit, Fromm mérite d’être reconnu pour ce qu’il a réussi à ajouter à la masse de travail représenté par ce que la psychanalyse a apporté

De l’actualité de la pensée d’Erich Fromm par Rainer Funk
Présentation donnée à la conférence à Aix en Provence en Décembre 2000.
«Dans la première partie de mon exposé consacré à Erich Fromm à l’occasion du 100è anniversaire de sa naissance, j’ai essayé d’esquisser les grandes étapes de sa vie et de son oeuvre. Toutefois, l’importance réelle de Fromm ne se manifeste pleinement que dans la perspective de l’actualité des ses connaissances et de ses découvertes. C’est ce que je voudrais illustrer ici à travers six exemples. La première découverte traite du marketing: de principe structurant de l’économie, celui-ci est aujourd’hui devenu un principe structurant de la société et de la culture.
3. Le choix de la mise en scène de la réalité
Une troisième découverte de Fromm est directement liée à la compensation de l’être par la tendance à l’avoir. Le besoin d’avoir ne s’étend pas qu’aux marchan-dises, aux relations ou aux valeurs, il comporte aussi une nouvelle appréhension de la réalité. Pendant des siècles nous avons été habitués à vouloir vivre la réali-té de façon à percevoir et comprendre les lois qui la régissent, et à essayer de la façonner selon ces lois. Voilà pourquoi la perception de la réalité est devenue de plus en plus difficile. Ce qui compte, ce qui marche, c’est de mettre la réalité en scène et de donner la prééminence à cette prééminence à cette mise en scène de la réalité.
L’alternative: perception et étude de la réalité ou construction et mise en scène de la réalité a toujours existé. (Il suffit d’évoquer la façon dont le religion a présenté une réalité illusoire à l’époque de l’absolutisme). Les progrès de la technique et de la production industrielle, mais surtout les techniques électroni-ques médiatiques et l’industrie du divertissement ont donné une fabuleuse force de séduction à la mise en scène de la réalité, au détriment de la perception du réel avec tout ce qu’elle comporte de difficulté, de souffrance et d’insuccès. „Société de divertissement”, „société du sensationnel”, „société d’information” - quelle que soit la terminologie à la mode aujourd’hui – tous ces termes reposent essentiellement sur la mise en scène de la réalité. L’univers artificiel de Disneyland ou de Miss Saigon est plus excitant, plus passionnant que l’expérience vécue de la nature ou que la relation avec son petit ou sa petite ami(e). L’information fournie est plus crédible que celle découverte par soi-même; on se sent davantage chez soi dans les mondes virtuels créés par l’homme que dans ses quatre murs. La fascination pour les drogues, les manipulations hallucinogènes et les substances actives s’explique par la préférence accordée à une réalité que l’on crée artificiellement. Le „cybermonde” est „in” parce que la réalité que l’on a fabriquée est considérée comme plus vraie et plus parfaite que la réalité concrète.
Derrière la faveur grandissante accordée à la mise en scène de la réalité, et en particulier à la mise en scène d’une réalité virtuelle, se cache une détresse croissante; celle de ne plus vouloir ou pouvoir percevoir ce qu’il y a de difficulté, de frustration, de souffrance, d’échec ou de destruction dans la relation avec la réalité et avec soi-même. De moins en moins d’hommes sont prêts à supporter les ambivalences et les frustrations, et donc à accepter que nous soyons à la fois nantis et en échec, que la réalité qui nous entoure soit à la fois belle et menaçante, que d’autre êtres humains soient pour nous source de bonheur et de peine etc. La capacité à supporter l’ambivalence de la réalité et de notre propre vie est un signe de maturité psychologique, elle caractérise l’état adulte.
Quand de nos jours de plus en plus de gens préfèrent la mise en scène virtuelle de la réalité à la réalité vraie mais ambivalente, cela conduit à un affaiblissement significatif des fonctions dites ‘du moi’ et par là même à de graves déficits psychiques. Une des fonctions importantes de notre moi est, par exemple, le contrôle de la réalité; c’est à dire la capacité à distinguer ce qui est effectivement donné de ce qui relève de nos aspirations et de nos rêves. Si le contrôle de la réalité ne fonctionne plus, il est impossible de distinguer nettement le possible du probable, et l’on se sent alors menacé par tout un chacun; ou bien on est gouverné par des pulsions non adaptées à la réalité et l’on se sent complètement „impulsif”. En réalité, les souhaits et les besoins ne sont aucunement l’expression de la spontanéité mais d’une incapacité à mesurer ses désirs aux exigences de la réalité.
Une autre fonction du moi est de pouvoir différer la satisfaction d’un besoin. Or celui qui opte pour la mise en scène de réalités virtuelles pourra toujours tout obtenir immédiatement. De plus, la préférence accordée à la mise en scène de la réalité a pour conséquence l’incapacité à supporter l’échec. Or la capacité à surmonter les frustrations est une des conditions nécessaires à toute vie en société; elle est donc une fonction indispensable du moi.
La vérité psychologique est que l’ambivalence de toute expérience de la réalité est d’autant mieux supportée et surmontée que nous sommes plus aptes à vivre en fonction de nous-mêmes et à voler de nos propres ailes. Celui qui sait vivre selon ses propres capacités ressent mieux la stabilité de son moi („force du moi”) et se comporte mieux face à la réalité („sens de la réalité”); il peut supporter plus facilement les échecs („tolérance à la frustration”) et mieux accepter la finitude, la mort („aptitude à supporter la douleur”).
Dans son premier ouvrage La peur de la liberté (1941), Fromm avait montré que les hommes dont le moi est affaibli compensent ce manque en élaborant des „pseudo-réalités”. Il illustra alors cette démarche en la rapprochant de l’expérience hypnotique, parlant de pseudo-pensée, de pseudo-sentiments, de pseudo-volonté et de pseudo-action. De façon provocante, on pourrait dire aujourd’hui que la réalité qui nous est présentée à travers la publicité et les médias conduit à une hypnose collective; et qu’il n’est pratiquement plus possible de déterminer si ce que la majorité pense ou ressent est le produit d’une hypnose de masse ou le résultat d’une connaissance vraie de la réalité. C’est pourquoi les postmodernes rejettent comme illusoires et démodées la question de la vérité et la recherche de la réalité. Dans les années 70, Fromm parlait de l’homme „cybernétique” comme d’un homme piloté de l’extérieur. Et il établissait un rapport entre le fonctionnement de l’homme cybernétique et les réactions schizophrènes (La passion de détruire, 1973, p. 354.). Ainsi Fromm en arriva-t-il même à parler d’une „société aliénée” („insane society”, ibidem.), car le schizophrène préfère lui aussi la réalité virtuelle, reconstruite, à la réalité donnée. On ne doit qu’aux circonstances actuelles que la réalité virtuelle soit devenue une réalité collective si largement répandue, que ceux qui s’y soumettent ne se considèrent plus comme fous et ne sont plus, de ce fait, des psychotiques au sens clinique. L’affection provenant de leur rapport déplacé à la réalité est une „pathologie de la normalité”. »

Un homme pour l'espoir
«L'homme est en crise, mais il survivra...» E. Fromm
«Erich Fromm, considéré à côté de Freud et de Jung comme le plus grand psychanalyste de notre siècle, s'est éteint à Muralto le 18 mars 1980 à quelques jours de son 80e anniversaire. Durant ses cinquante dernières années Fromm a écrit plus de 30 livres et une centaine d'essais, traduits, lus et etudiés dans le monde entier. Il voulait former l'homme nouveau d'une nouvelle sociéte.
Né a Francfort en 1900, Fromm part pour les États-Unis en 1933. II y séjourne de longues années avant de venir s'installer au Tessin dans les années 70. Psychanalyste, sociologue, philosophe et écrivain, Fromm, qui appartenait ä la célèbre École de Francfort, enseigna notamment à Chicago, ä New York, puis à Mexico City. Des 1965, il se voue entierement à la recherche.
Vu le renom mondial d'Erich Fromm, nous sommes heureux de publier l'article suivant du ä la plume du Dr Boris Luban-PIozza qui l'a bien connu.»

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