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Mécréance

Mots, idées, concepts, personnalités repérés : Croyances, Gnostiques, David Hume, l'empirisme, Emmanuel Kant, Pyrrhon, le rationalisme, Bertrand Russel, Ludwig Wittgenstein

Robin Le poidevin - Ne pas croire / Essai sur l'agnosticisme

https://eliotteditions.fr/
De la 4e de couverture et du site de l'éditeur « Essai sur l’agnosticisme
Traduit de l’anglais (G. B.) par Antoine Dang Van, Stéphane Dunand, Mathieu Mulcey, Sébastien Réhault & Hortense de Villaine
Peut-on décider de ne pas croire ? Est-il légitime, d’un point de vue philosophique, de s’abstenir de toute croyance ? L’agnosticisme n’est-il, comme le disent ses détracteurs, qu’une solution de facilité ?
La question de l’existence de Dieu a longtemps opposé les théistes et les athées. Il existe pourtant une troisième voie, tout aussi importante : la suspension raisonnée du jugement, ou agnosticisme. Cette position philosophique, qui considère la question de l’existence de Dieu comme indécidable, est bien plus riche intellectuellement qu’une simple indécision : elle implique de s’interroger sur la nature et les limites de la connaissance, et soulève des questions d’ordre éthique. 
Clair et accessible, cet essai du philosophe Robin Le Poidevin s’efforce de définir et de défendre l’agnosticisme, et constitue à ce titre une excellente introduction à la philosophie de la religion contemporaine. »

Page 22 Est-ce impossible de vivre sans croyances ? « Les sceptiques pyrrhoniens, qui vécurent au premier siècle avant notre ère, en offrent sans doute le portrait le plus ressemblant. Ces derniers développèrent un grand nombre d'arguments sophistiqués visant à saper la confiance dans notre capacité à obtenir des connaissances sur le monde. Ils insistèrent non seulement sur le manque de fiabilité de nos sens, mais aussi sur la nature contradictoire de nos croyances de sens commun, mettant finalement en cause la raison elle-même. Dans la pratique, bien entendu, il nous est impossible de suspendre toutes nos croyances : elles conditionnent nos actions et il est impossible de mener son existence dans l'inaction la plus totale. L'agnosticisme global ne semble donc pas une option sérieuse. »
31-32 Deux histoires qui aurait déterminé Thomas Henry Huxley à choisir le mot agnostique.
Par un passage du nouveau testament Actes 17, 22-24 Paul a repéré à Athènes un autel dédié «Au dieu inconnu». «Agnosto theo» en grec ; et souligner « sa propre incertitude aux prétentions des gnostiques à disposer d’une connaissance privilégiée et secrète. »
« Les premiers gnostiques constituaient une secte religieuse , antérieure à la chrétienté, qui revendiquaient une compréhension singulière de la nature et de la volonté divines. Plus tard, ils intégrèrent le christianisme pour y former un courant que d'aucuns jugeraient marginal. Les membres de ce courant se distinguaient des chrétiens ordinaires par leur croyance en une compréhension plus élevée des évangiles, héritée des disciples et de Jésus lui-même. Huxley détecta une tendance au gnosticisme chez certains de ses contemporains théistes. Lui, au contraire, était un a-gnostique, un non-gnostique. »
38 à 41 Kant « Parmi le public de Mansel [Henry Longueville Mansel 1820-1871] à Sainte Marie, peu de gens connaissaient l'œuvre de Kant. Ses textes sont très difficilespour quiconque désire comprendre ses positions, mais ceux qui ont fait l'effort de le lire minutieusement le considèrent comme l'un des plus grands penseurs de tous les temps. Ses réflexions sur la connaissance constituent un pan essentiel pour toute histoire de l'agnosticisme.
Dans le premier texte, Kant propose une réponse aux deux principales théories de la connaissance : l'empirisme qui dominait en Grande-Bretagne et le rationalisme qui dominait sur le Continent.
L'empirisme consiste à soutenir que la connaissance du monde provient entièrement de l'expérience sensorielle.
Le rationalisme, au contraire, soutient qu'il est possible d'acquérir des connaissances par le seul exercice de l'esprit.
Kant pense que ces deux approches sont erronées. L'empirisme se trompe parce que, même si l'expérience est peut-être l’occasion pour nous d'obtenir des connaissances, elle ne peut être la seule source du savoir, parce que l'expérience pure (si une telle chose est possible) serait impossible à interpréter. L'esprit doit imposer des catégories de pensée à l'expérience pour que cette dernière puisse devenir intelligible, et ces catégories ne sont pas indépendantes de la raison. Par ailleurs, la raison pure ne nous donne pas plus de connaissance, et la tentative d'établir des vérités sur le monde sur la base de la seule raison aboutit à des contradictions.
Kant en fait une démonstration spectaculaire dans ses « Quatre antinomies de la raison pure » de la première Critique. Chaque antinomie consiste à mettre en regard deux arguments aux conclusions contradictoires. Le résultat, c'est que nous avons apparemment tendance à penser des choses contradictoires sur le monde.
La première antinomie concerne les bornes spatiales et temporelles du monde : que le monde a un commencement dans le temps et qu'il n'en a pas ; que le monde a une extension spatiale finie et qu'il n'en a pas.
La deuxième antinomie concerne la structure des objets : que les objets sont composés en dernière instance d'objets simples, dépourvues de parties, et qu'il n'existe pas de tels objets simples.
La troisième antinomie concerne la liberté : que nous sommes libres et que nous sommes liés par les lois de fer de la causalité.
Enfin, la quatrième antinomie concerne l'existence d'un être suprême : qu'il existe un être dont l'existence est (contrairement à la nôtre) absolument nécessaire et qu'il n'existe rien de tel.
Il n'est pas étonnant que la métaphysique, cette branche de la philosophie censée exposer la véritable nature de la réalité, se retrouve embourbée dans les controverses !
Comment résoudre cette énigme ? Avons-nous la moindre connaissance ? Kant suggère que la solution consiste :
d'abord à reconnaître que la connaissance est limitée aux objets d'une expérience possible, ce que Kant appelle le monde phénoménal.
Il faut ensuite reconnaître que les structures de la raison que nous utilisons pour rendre l'expérience intelligible, des structures comme l'espace et le temps, n'appartiennent pas aux choses indépendamment de l'expérience que nous en avons.
La réalité qui se tient au-delà de l'expérience est le monde nouménal. Nous ne pouvons rien en dire, peut-être même pas si elle existe ou non, bien que nous puissions dire ce qu'elle n'est pas.
Qu'en est-il alors de Dieu ? Il ne peut pas appartenir au monde phénoménal, parce qu'il est censé transcender l'expérience.
En étudiant la quatrième antinomie, sur l'être nécessaire, nous pouvons attendre de Kant qu'il dise que Dieu est une des structures de la pensée que l'on ne peut s'empêcher d'imposer à notre compréhension du monde, mais qui ne correspond à rien dans le monde nouménal (si tant est qu'il soit légitime de parler de l'existence d'un monde nouménal). Nous ne parvenons à Dieu ni par l'intermédiaire de l'expérience sensorielle ni par la raison pure. Certains ont tentés d'établir l'existence de Dieu par la seule argumentation rationnelle, mais Kant, après avoir répertorié et classé ces tentatives, montre qu'elles échouent. À la fin de la première Critique, on ne peut pas dire que la théologie paraisse en grande forme.
C'est raté. Il confond a priori et idées préconçues qui ne sont que des aposteriori «Mais Kant n'a pas encore parlé de la moralité, qui est l'objet de la seconde Critique. Nous reconnaissons en nous-mêmes une conscience de ce que Kant appelle l'impératif catégorique. Certaines choses s'imposent à nous comme ce qu'il faut faire si nous voulons réaliser certains buts : Kant parle d'impératifs hypothétiques. Mais l'impératif catégorique ne dépend pas d'objectifs particuliers susceptibles de varier d'une personne à l'autre : ce qu'il nous impose de faire est absolument juste, sans conditions. C'est cet impératif catégorique qui nous ramènera vers Dieu, car Dieu est le législateur divin.
Kant est-il agnostique ? Il y a lieu de le considérer comme une sorte d'agnostique : il se soucie de tracer les limites de la connaissance, et il en trace les contours de manière plus étroite que ne l'aurait fait notre sens commun. Nous ne pouvons rien savoir, dit-il, du monde au-delà de l'expérience. C'est un agnosticisme à propos de la nature, voire de l'existence, du monde nouménal. Mais il n'est pas agnostique au sujet de Dieu, bien que sa croyance en Dieu n'ait rien à voir avec les preuves que le monde procure en faveur de l'existence de Dieu. Le Dieu de Kant semble être quelque chose d'assez abstrait, difficile à distinguer de la loi morale elle même. Toute autre propriété de Dieu nous est inaccessible.
Kant est donc une figure plutôt ambiguë dans notre liste des agnostiques historiques, mais c'est lui qui permit à Mansel, Huxley et Spencer de parvenir à leurs conclusions. »
41 « David Hume (1711-1776) est l'un des empiristes britanniques auquel répondait Kant. C'est même sa lecture de Hume qui, selon Kant, l'a « réveillé de son sommeil dogmatique » (Kant fait ici référence à la tendance de Hume à mettre en doute les prétentions au savoir dans certains domaines de la pensée). Nous avons donc ici affaire à une autre figure importante de l'histoire de l'agnosticisme. »


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