Impressions d'initiation

De mon initiation c’est votre accueil, votre chaleur qui me remuent.

Au cours de l’initiation j’ai bien senti la volonté de me faire franchir une porte entre deux mondes.

Ce chemin dans l’obscurité ne serait jamais assez long pour permettre au prétendant de connaître le "secret" des Francs-maçons. Le rituel théâtralise ce passage et en donne les limites, le borne.

Le profane peut trouver ce rituel obsolète, dérisoire. Il permet d’abord en l’acceptant de respecter l’ensemble du temple et de ses membres, de respecter leur confiance. Temple non limité dans l’espace bien sûr.
Dans le cabinet de réflexion je n’étais pas inquiet, je vous savais loyaux. Je lisais et relisais le texte présent, essayant d’en intégrer les idées, me demandant comment se passera cette première rencontre à visage découvert. Les ossements ne m’ont pas particulièrement impressionné. Ils étaient des objets inertes, soulignant la fatuité de la vie. J’aurais peut être dû imaginer que ce crâne avait soutenu un visage et des espoirs. A ce moment là je n’y pensais pas
Le testament philosophique ? Connaissant les grandes lignes j’aurais pu le préparer, mais je n’alignais que des poncifs. Je l’ai finalement écrit ce soir là en essayant d’être simple.

Je n’ai pas saisi tout le sens de cette retraite, des métaux, de ces (il me semble) 3 voyages et de l’adoubement final. Mes futures lectures et mes observations m’en révèleront, je l’espère, les symboles.

Certains moments et lieux devraient donner de la crainte. M’en étant un peu préparé par quelques lectures et étant assez rationaliste j’ai découvert les étapes et évènements sans effroi ni surprise. Je le répète c’est votre accueil, votre chaleur qui me remuent.

J’ai été guidé le long de cette initiation et je demande à l’être encore.
Ma prise en main dans ce voyage, j’imagine, n’était pas simplement pour suppléer à ma cécité de fait, mais bien l’idée qu’il m’ait difficile d’imaginer une indépendance totale.
Je me suis toujours senti libre, indépendant mais je sens aussi un confort à être entouré.

Revenons à mes espoirs, à mes insuffisances.
Je papillonne de livre en livre, de journal en revue, cela ne me satisfait pas. J’ai besoin d’avoir un but, une formation, un engagement. Ma présence parmi vous, pour participer à vos réflexions, vos actions me donne ce but attendu. Mais je devrai lutter contre mon dilettantisme.

La Franc-maçonnerie me permet d’intégrer un groupe riche de ses différences et respectueux de celles-ci. C’est nouveau pour moi. J’en ai déjà fait l’expérience au cours de cette initiation.

Les épreuves ont déjà commencé. D’autres dont je n’envisage pas l’existence m’attendent, peut-être ? Aurais-je assez de forces ?
Il y a de l’espoir. Ma réaction positive devant une certaine rencontre en ce lieu, opposant dans une situation sociale tendue, est déjà une satisfaction. J’aimerais faire d’autres rencontres de ce genre car j’ai quelques vieux « fantômes » à détruire. Ces fantômes sont des moments difficiles de confrontation et se rappellent occasionnellement à mon bon souvenir.

Cette initiation va au-delà du portail de cette maison et j’aborde déjà mon quotidien d’une façon différente. Chaque mot, chaque geste ne sont plus gratuits.
Mon principal ennemi c’est moi-même, je commence juste à en prendre conscience. J’ai de la chance d’avoir des « anges gardiens ». Ils m’ont détourné de diverses faiblesses. Maintenant je dois passer de la fatalité à la détermination.

Noël approche. J’ai demandé au Père-Noël qu’il me dépose de sa hotte une plus grande assurance, de l’autonomie, de la force et une fin à ma surdité, à ma cécité. Il  n’existe pas ? Tout ne dépend que de moi…  J’ai du pain sur la planche.

Merci pour votre confiance.

Les parvis


Entre l'équerre et le compas


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Parole de M.°.
Planche de passage

Une pierre parmi d’autres
La préparation de cette planche est pour moi un bilan. Qu’est-ce que je fais dans cette galère. Rames-tu, me dis-je, dans le même sens que les autres galériens ?
Ma pierre va-t-elle bien lester le navire, ne va-t-elle pas être jetée par dessus bord ou faire chavirer la frêle embarcation dans les flots houleux du monde ? La cadence n’est-elle pas trop rapide avec ces planches bien équarries et ces interventions aussi concises à en calfeutrer les éventuelles voies d’eau. La cadence en est-elle trop lente contre les hoquets sanglants de l’actualité ?
Je n’en ai pas les réponses mais revenons à terre :
·    Par ma pierre puis-je participer à l’édifice commun ?
·    Est-elle bien brute, non polie par trop d’idées reçues ?
Ma démarche en frappant ici a été de dégrossir ma pierre brute et je réalise qu’elle est un élément de la loge et qu’elle peut participer à l ‘édification du temple universel. Une société plus juste, plus fraternelle.
Et je ne suis pas isolé sur le chantier, le dégrossissage est une œuvre collective, incorporation du Temple vivant dont les initiés sont à la fois les constructeurs et les matériaux. En se pliant à la discipline du chantier, j’acquière le sens de la solidarité mais aussi de l’humilité indispensable à tout progrès.

La représentation de la pierre :
La pierre l’un des rares symboles ici qui a besoin d’une perspective pour l’imaginer en volume. Un dessin simple suffit pour représenter le compas ou le niveau.
En dessin technique, avec des jeunes élèves, voir la vue de face c’est simple mais dessiner une vue cachée c’est moins simple ! Ils doivent imaginer ce que voit une autre personne. Pour cette maturité du cerveau, l’âge dépend de chaque individu. Voir les autres faces du pavé demande l’aide de ses proches. Il faut d’autres points de vue pour apercevoir des vérités qui nous pendent au nez, vérités invisibles par notre obscurantisme. Nous passons notre vie devant des évidences révélées par la plus grande disponibilité de notre pensée, grâce au passage de paliers. Et par un retour aux sources
Ce ressourcement est l’initiation par le passage dans le cabinet de réflexion qui doit remettre à l’état brut, l’apprenti, débarrassé de son environnement, de ses habitudes, de ses métaux. L’apprenti se débarrasse de ce que la société a pu lui apporter d’artificiel et retrouve dès lors tout ce qu’elle lui a enlevé de spontané et de bon. Il délaisse ses fausses idées, ses passions, ses préjugés pour revenir tel qu’il est vraiment. En ne possédant plus rien d’envisagé comme certain. Il retrouve ainsi sa liberté de penser et se forge un caractère, une personnalité, qui lui sera propre et unique.

La mythologie :
Nous serions une société de tradition judéo-chrétienne. Les valeurs qu’elles auraient transmises ne sont-elles pas des valeurs universelles, intemporelles de l’humanité qui s’arrache et s’éloigne de son animalité. Une solidarité qui quitte la horde pour aller vers l’universel. Un soutien au faible de la tribu qui devient un soutien au faible tout simplement. Une force sociale de progrès qui n’est plus une force unie de prédateurs.
Les civilisations méditerranéennes, civilisations de la pierre et de l’écrit, opposées aux civilisations du Nord et de l’Est, celles du nomadisme, de la construction en bois et de la transmission orale. Ces civilisations donc de la pierre nous ont transmise, par les mythologies et les monothéismes, des valeurs, symboles, rites venus de temps plus lointains oubliés. Nous pouvons imaginer des chasseurs du néolithique remerciant une pierre dressée pour la quantité et la qualité du gibier.
Pour être écoutés les nouveaux prophètes ne pouvaient que respecter ces symboles en les prenant à leur compte.
Dans le livre de la Genèse, Jacob la tête sur une pierre reçoit en songe la révélation et leva cette pierre en monument.
La pierre levée du néolithique donne le clocher
La pierre divine, de sacrifice devient l’autel de l’église.
Le pain eucharistique supplée la pierre, lieu de présence de dieux donc des forces occultes. De Beithel (la maison de dieu) qui a donné Bétyle, à Beith-lehem (maison du pain)
Dans l’Exode la pierre frappée fait jaillir une source, source du savoir de la fécondité. Source sanctifiée des celtes dans les forêts profondes.
Il suffit d’aller en Bretagne pour voir une croix taillée en haut d’un dolmen et à Carnac une chapelle bâtie sur un tumulus funéraire. Des figures bibliques dressées au-dessus de sources, lieux de pèlerinage, et qui restent des lieux de superstition locale que l’on vénère par exemple dans l’espoir d’une grossesse.
Donc pierre porteuse de force et d’espoir.

Les murs de pierres :
Mais les pierres servent aussi à construire des murs entre les peuples, entre les idées. Illusoires barrières que le temps et la rébellion font tomber. Mur d’Adrien qui n’a pas empêché l’effondrement de l’empire romain. Rideau de fer, et son mur de Berlin, qui n’a pas empêché la chute du despotisme stalinien. Mur d’Israël que le temps retransformera en sable.
Donc si nous n’y prenons garde, pierre porteuse d’obscurantisme.
Cela ne dépend que des hommes de construire des édifices de communion.

Le travail de la pierre :
Revenons à notre temple.
Par l’acquisition des connaissances et l’usage des outils l’apprenti progressivement s’inscrit dans l’édifice, en disciplinant son corps, en maîtrisant ses émotions, en travaillant de lui-même sur lui-même. L’impatience excessive et l’ignorance prétentieuse sont un frein à ce travail long et difficile.
La pierre brute est symboliquement le produit grossier de la nature que l’art doit polir et transformer. Tailler la pierre indique qu’il faut dégager sa personnalité de la gangue originelle et libérer ainsi son esprit. Comme le sculpteur, lui font remarquer des enfants, extrait de la pierre la forme recherchée.
Pour un rendement optimum le tailleur de pierre avant de fendre le rocher sonne celui-ci en le frappant pour percevoir le sens de la matière modelée par les forces telluriques. Donc frapper en harmonie avec les idées positives du temple bien que parfois nous devons être à contre sens pour tailler un cube.
Il faut frapper pour tailler la pierre. Mais il faut frapper pour frapper correctement avec le ciseau bien placé. Pas en porte à faux ceci fait vibrer la matière jusqu’en haut du bras. Nous nous frappons sur les doigts quand sur le parvis, dans le monde profane une parole trop rapide dépasse nos pensées, révèle des idées mal dégrossies, des paroles blessantes.
Pour conclure je reprends une formule : par la taille de la pierre s’inscrire dans l’édifice.

Voilà j’ai extrait de la gangue une pierre à peine dégrossie. Elle m’a permis de percevoir des nouvelles pistes de réflexion, des nouvelles idées révélées par le pavé présent sur mon chemin.