Planche de passage

Et toc !
Et toc, c’est le nom de cette valse à 5 temps. 5 temps comme les 5 pas du compagnon. Pour des 1er surveillants contrariés ces 5 pas, des nouveaux compagnons  peu adroits, finissent parfois en valse.

La marche du compagnon

Pour Le Petit Robert :

La marche (le déplacement) vient de marcher. Ce verbe est issu du francique (donc pas du latin, ni du grec, ni de l’hébreu. Un terme issu des brumes de l’est européen). Issu de markôn « marquer, imprimer un pas », lui même issu de la racine indo-européenne mereg signifiant bord, frontière et par différents détour a donné : marcher, démarcher, marque, marquis (de marche, zone tampon à la frontière), le mark (la monnaie), marquer, marqueter, marcassin (à cause des marques sur son dos), marquise et ensuite marge, émarger, margelle, marginal.
Mais pas « le marché »,  bien que l’on y marche, issu du latin mercatus « commerce » de mercari « acheter ».

Si on revient à la définition de marche, ce mot est à la fois l’endroit où l’on pose le pied et l’action de mettre un pas devant l‘autre, et la trace que laisse un animal.
La marche est le mode de locomotion naturel à l’homme et certains animaux.
C’est une suite de pas. On marche au pas, au combat. On fait marcher une usine. On marche dans la combine. On fait marcher un train à 300 à l’heure. On berne un camarade en le faisant marcher. Il ne marche pas, il court. Parfois il marche au gros rouge.

De tout ça, on peut garder les idées de marcher, laisser une trace et poser le pied sur une marche.
Donc la marche …
Mais pourquoi ritualiser cette entrée dans le temple ? On parle de marche solennelle à l’entrée d’un temple mais il me semble qu’il n’y a que chez nous que le nombre de pas et leur ajustement soient imposés. Si l’on a beaucoup utilisé d’anciens rites et symboles, au moins celui là est bien à nous.
Il y a bien l’armée mais ses pas ne sont pas limités en nombre et s’écarte de la ligne droite pour aller vers les destructions.

Pourquoi imposer au frère en retard ou ambitionnant un degré supérieur une attitude corporelle ?
Les maçons opératifs mesuraient-ils au sol les fondations en comptant les pas ?
Et des pas glissés ou non ?

Dans les 2 cas une marche au ralenti, donc l’appui à l’arrière . Dans la marche habituellement le poids du corps en déséquilibre nous fait tomber en avant. Ici trop lent on pose le pied avant de chercher à s’appuyer dessus. Comme dans le noir. Comme une course mimée au ralenti.
On cherche a à assurer son pas . Le compagnon, l’épaule chargée de sa pierre avance avec prudence sur la planche de l’échafaudage. Un pas trop vif ferait vibrer imprudemment la planche.

Pied gauche ou droite en premier ?
Le pied actif est-il le pied gauche ou droit ? Cela dépend de chacun. On peut être droitier et utiliser le pied gauche pour ajuster son tir avec un ballon. En snow board le pied droit en avant on est Gooffy si non c’est régular.

Pourquoi toutes ces questions ? C’est un rituel ! Un processus imposé par le groupe pour être reconnu par celui-ci. Qui marque la différence avec le profane. Chez nous au R F c’est le pied droit en avant.

Pour Irène Mainguy en 2001 dans la symbolique maçonnique du 3ème millénaire
La marche du maçon n’est pas très ancienne, les premières instructions ne mentionnent rien à son sujet. Au REAA la marche se fait à rythme régulier par des pas glissés au ras du sol. Au RF se sont des pas non glissés. (Nous pouvons remarquer que dans la position du corps le pied ne peut pas s’élever très haut). Dans tous les cas ils partent d’entre les colonnes de l’Occident vers l’Orient . Les pied en équerre. Elle est ressentie comme significative des efforts constants et des luttes que le maçon doit mener contre lui même pour aller vers la lumière. Difficultés d’une progression régulière souvent ébranlée par des doutes et des contradictions. Cette pratique coupe l’élan et contraint à de nouveaux efforts et réflexions pour repartir. La ligne des 3 premiers pas donne la règle de conduite initiale à suivre, que l’on réactualise en la traçant.
Le compagnon après les 3 pas de l’apprenti exécute sa marche pour parcourir l’étendue des connaissances terrestres. Il poursuit sa marche par un pas de côté vers le midi. Et par un cinquième vers l’axe initial qu’il ne doit jamais perdre de vue.
Le 4ème pas incite le compagnon à agir, à voyager. Il sort de la voie tracée. Le voyage est celui vers d’autres loges, il est un rappel des 5 voyages et le plus important le voyage intérieur. Il trace une surface aux limites les plus reculées. Le compagnon prend des initiatives.
Le 5ème et dernier pas le ramène dans la voie droite, celle de la recherche de la vérité et de la Lumière. Voie à laquelle tout maçon est censé s’identifier.

Pour Fabrice MIDALE dans le dossier « Devenir maître » de La Chaîne d’Union d’avril 2005
Une pensée maçonnique devrait être une véritable expérience et ne pas se perdre dans des considérations excessivement intellectuelles, philosophiques ou abstraites. La perspective opérative impose l’ancrage du cheminement de la pensée dans la corporalité la plus concrète. Une vérité initiatique repose sur la compréhension de principes intellectuels mais se vit aussi corporellement, émotionnellement et spirituellement. Joindre les 3 plans du corps, de l’âme et de l’esprit. La marche implique une inscription corporelle de notre être.
La marche est hautement ritualisée. Nous ne marchons pas au gré de notre bon vouloir, mais selon un ensemble de règles strictes. Une marche s’ajoute à la marche précédente. Devenir maître, c’est mieux accomplir l’état d’apprenti et de compagnon, nullement les dépasser et les oublier car tous les grades coexistent harmonieusement.
La marche de l’apprenti rappelle l’équerre, son outil et le chiffre 3 comme ses 3ans. L’équerre permet de tracer un carré symbole de la terre. La position des pieds contraignent la marche naturelle, comme l’initiation contraint notre être tout entier.
Les 2 pas suivants ajoutent le binaire au ternaire. En tout cela fait 5 pas comme l’âge du compagnons et ses 5 voyages. Le pas de côté nous fait passer de la ligne au plan. Le 5ème pas nous fait revenir dans la ligne tracée avec la règle, outil du compagnon. Nous retrouvons la régularité.
Nous retrouvons ces chiffres symboliques dans la loge juste et parfaite. 3 la dirigent, 5 l’éclairent et 7 la rendent juste et parfaite.

Entre parenthèses par ces lectures j’ai levé un coin du voile sur la 3ème dimension et l’ivresse du déséquilibre maîtrisé du grade de maître

J’ai essayé de résumer ces textes en n’espérant de ne pas avoir trahis leurs auteurs.

Et moi ?
Par ma nature à chaque fois que je pratique la marche à l’entrée du temple je ne suis pas nu mais bien que dans un état décent devant les 30 paires d’yeux moins la mienne  (moyenne des présences depuis le début de cette année 6006) il ne me reste plus grand chose. Mon corps ne parle-t-il pas de moi, ne traduit-il pas pour mes frères des pensées que je veux pures mais qui ne sont pas sans failles ? Je glisse mes pas trouvant cette équerre inconfortable pour mes genoux raides et des torsions difficiles surtout celle de droite du fait de l’équerre à gauche. Ce pas qui doit être assuré, mais par des propos trop arrêtés me font sauter sur la planche de l’échafaudage, mettant en péril par mes brusqueries une partie de l’édifice aux joints encore trop frais et qui n’est pas encore bloqué par la clé de voûte. Trouver l’équilibre dans une union fraternelle tiraillée par les soubresauts de la société.
Edifice de pierres aux dimensions diverses, au grain varié, aux teintes nuancées. Pierres s’appuyant l’une contre l’autre liées par un ciment invisible. Nous pouvons voir des ruptures dans le mur dues momentanément à un environnement difficile. Des tensions tirent l’ensemble et déséquilibres l’assemblage.
Mais je me récupère, attend que le support arrête ces vibrations et continue à travailler la marche pour trouver une ligne droite avec parfois heureusement un pas de côté.
Les parvis


Entre l'équerre et le compas


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  Planche sociétale
lue au Gr.°. d'apprenti

L'école, pour d'autres préjugés