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Varlam Chamalov (1907-1982)

Les années vingt

Vichéra

Récits de la Kolyma - 13 récits en poche

Jacques Rossi Le Français qui a fait 24 ans de goulag

Dispute entre Varlam Chalamov et Alexandre Soljenitsyne

Récits de la Kolyma - 13 récits en poche

https://editions-verdier.fr/

La littérature dans l'absurdité écrasante d'une logique destructrice efficace poussée à l'absurde.

4e de couverture «Une Divine Comédie moderne ne saurait être autre chose qu’un document : tel est le constat que l’on trouve au fondement du témoignage de Varlam Chalamov.
Le choix des treize récits qu’offre la présente édition, treize séquences parmi les plus intenses de ce parcours de dix-sept ans dans les camps de la Kolyma, vise ainsi, outre la mise en lumière d’aspects essentiels de l’univers concentrationnaire, le maintien de la richesse du tracé poétique.
S’il a fallu, en prélevant ces extraits, renoncer à les organiser en recueils, leur échelonnement dans le temps, de 1956 à 1972, reflet de la construction voulue par l’écrivain, atteste de la progression du projet testimonial et littéraire – depuis la capture et la fixation par écrit d’instants de la détention donnés à voir dans leur violence immédiate jusqu’à une interrogation essentielle : est-il possible de faire œuvre sur les ruines du sens après que l’expérience totalement négative du Goulag a détruit les cadres mêmes de la mise en récit ?»
Ou l'intégrale chez le même éditeur
Description par France Culture https://www.franceculture.fr/oeuvre/recits-de-la-kolyma
«Les Récits de la Kolyma , réunis pour la première fois en français, retracent l'expérience de Varlam Chalamov dans les camps du Goulag où se sont écoulées dix-sept années de sa vie. Fragments qui doivent se lire comme les chapitres d'une œuvre unique, un tableau de la Kolyma, ces récits dessinent une construction complexe, qui s'élabore à travers six recueils. Chaque texte s'ouvre sur une scène du camp. Il n'y a jamais de préambule, jamais d'explication. 
Le lecteur pénètre de plain-pied dans cet univers. Les premiers recueils, écrits peu après la libération, portent en eux toute la charge du vécu. A mesure que le narrateur s'éloigne de l'expérience, le travail de la mémoire se porte aussi sur la possibilité ou l'impossibilité de raconter le camp. Certains thèmes sont alors repris et transformés. La circulation des mêmes motifs entre différents récits, différentes périodes, constitue à elle seule un élément capital pour le décryptage de la réalité du camp ; on y retrouve la grande préoccupation de Chalamov : comment traduire dans la langue des hommes libres une expérience vécue dans une langue de détenu, de " crevard ", composée de vingt vocables à peine ? 
Les récits s'agencent selon une esthétique moderne, celle du fragment, tout en remontant aux sources archaïques du texte, au mythe primitif de la mort provisoire, du séjour au tombeau et de la renaissance. On y apprend que le texte est avant tout matière : il est corps, pain, sépulture. C'est un texte agissant. A l'inverse, la matière du camp, les objets, la nature, le corps des détenus, sont en eux-mêmes un texte, car le réel s'inscrit en eux. Le camp aura servi à l'écrivain de laboratoire pour capter la langue des choses. Le camp, dit Chalamov, est une école négative de la vie. Aucun homme ne devrait voir ce qui s'y passe, ni même le savoir. Il s'agit en fait d'une connaissance essentielle, une connaissance de l'être, de l'état ultime de l'homme, mais acquise à un prix trop élevé. C'est aussi un savoir que l'art, désormais, ne saurait éluder. - Présentation de l'éditeur - (date de publication : septembre 2003)»

Page 44
«La circulation sanguine du camp, où les érythrocides étaient des personnes vivantes ... »
L’érythrocyte (du grec erythros : rouge et kutos : cellule), aussi appelée hématie, ou plus communément globule rouge.
95 L'écriture dont 99-100 «... pendant plusieurs mois, Krist vint une fois par semaine dans l'antre à peine chauffé et peu accueillant du juge d'instruction du camp pour recopier classer des papiers. ... 
Et voilà qu'un jour, prenant un dossier pour dicter le nom suivant, le juge d'instruction s'arrêta net. Il regarda Krist et demanda :
- Vos prénom et patronyme ?
- Robert lvanovitch, répondit Krist en souriant.
Le juge d'instruction allait-il l'appeler « Robert lvanovitch » au lieu de lui dire « Krist » ou « vous» ?
Cela ne l'aurait pas étonné. Le juge d'instruction était jeune, il aurait pu être son fils. Le dossier à la main et toujours sans dicter de nom, l'homme blêmit. Il finit par devenir plus blanc que neige. Il tourna rapidement les minces feuillets agrafes dans le dossier : il n'y en avait ni plus ni moins que dans les autres chemises entassées par terre. Puis il ouvrit d'un geste résolu la porte du poêle ; il fit immédiatement clair dans la pièce, comme si son âme s'était illuminée jusqu'à ses tréfonds et qu'au plus profond d'elle-même, il s'était trouvé quelque chose de très important, d'humain. Le juge d'instruction déchira la chemise en morceaux qu'il fourra dans le poêle. Il fit encore plus clair. Krist n'y comprenait rien. Et le juge d'instruction lui dit sans le regarder :
- La routine. Ils ne savent pas ce qu'ils font, ils ne cherchent pas à comprendre. Et il jeta un regard dur à Krist : Nous continuons. Vous êtes prêt ?
- Oui, répondit Krist.
Des années plus tard seulement il comprit s'agissait de son dossier à lui, Krist.
Bien des camarades de Krist avaient déjà été fusillés. Le juge d'instruction l'avait été aussi. Krist, lui, était resté en vie et parfois, au moins une fois en quelques années, il se rappelait la chemise en train de brûler, les doigts décidés du luge d'instruction déchirant son dossier : un cadeau du bourreau au condamné.
L'écriture de Krist était salvatrice, c'était de la calligraphie.

          1964 »

Vichéra

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4e de couverture «Le nom de Varlam Chalamov, depuis la publication de ses Récits de Kolyma, est indissolublement lié aux camps qui, de 1933 à 1960, ont représenté le complexe concentrationnaire le plus redouté du Goulag. Il y fut détenu dix-sept ans. « La perfection que j’ai trouvée en arrivant à Kolyma, écrit-il, n’est pas le produit d’un quelconque esprit du mal. Le camp est une structure empirique. Tout s’est mis en place progressivement, par expérience accumulée. » C’est précisément cette accumulation et cette expérience que les récits de Vichéra éclairent de l’intérieur.
Lors de sa première détention en 1929, Chalamov voit s’établir, dans cette région occidentale de l’Oural, « un système pédagogique basé sur le châtiment et la récompense, les remises de peine, l’arbitraire et la démagogie qui va se révéler extraordinairement efficace et pervers. » Grâce à sa fonction de « petit chef détenu organisant le travail d’autres détenus », il assiste à la mise en place d’un piège mortel qu’il observe et interprète. Il est l’un des premiers à en percevoir le terrible danger politique et éthique.
Ces pages, sous-titrées « antiroman », que Chalamov juge « importantes concernant sa méthode de travail et sa conception de la vie », ont gardé les aspérités, le bâti apparent, les turbulences d’une période qui n’avait pas encore fait du travail forcé l’une des bases du nouveau socialisme d’État.
»

Page 66 «Le premier camp soviétique fut celui de Kholmogory", le pays natal de Lomonossov. Il fut ouvert en 1924. On y avait parqué ce qui restait des marins ayant participé à la révolte de Kronstadt. Une fois la rébellion matée, on avait aligné les mutins sur la jetée de Kronstadt avec ordre d'en exécuter un sur deux. Les numéros impairs firent un pas en avant et furent fusillés sur place, les numéros pairs, condamnés à dix ans et enfermés dans des prisons jusqu'en 1 924, jusqu'à ce qu'ils demandent à être envoyés « au grand air ». On ouvrit alors le camp de Kholmogory. Une nourriture infecte, les coups, le scorbut. Les marins s'évadaient et rejoignaient Moscou. La capitale envoya des troupes. Les soldats de l'armée Rouge encerclèrent le camp et le commandant, Opé, un Letton, se tira une balle dans la tête. On ferma Kholmogory et les marins survivants furent transférés aux Solovki.»
69 à 71 Comme Varlam pour survivre au camp être solide physiquement, intelligent, entier, méfiant et paradoxalement honnête. Cette droiture devait se dégager de sa personne c'est ce qui l'a peut-être sauvé du peloton d'exécution, lire la nouvelle L'écriture des Récits de la kolyma «Il se trouve que j'étais ici le représentant d'hommes qui s'étaient opposés à Staline, et personne n'avait jamais considéré que Staline et le pouvoir soviétique ne faisaient qu'un. Comment devais-je me comporter au camp ? Comment me conduire, qui écouter, qui aimer et qui haïr ? Or, j'étais prêt à haïr et à aimer de toute la jeunesse de mon âme. Déjà sur les bancs de l'école, je rêvais de sacrifice, j'étais convaincu d'avoir assez de force d'âme pour une grande cause. Le testament de Lénine, que l'on cachait au peuple, m'avait paru digne de ces forces. Bien entendu, je n'étais alors qu'un jeune chiot aveugle. Mais je n'avais pas peur de la vie, j'étais entré en lutte avec elle hardiment, comme avaient lutté avec elle et pour elle les héros de mon enfance et de ma jeunesse, tous les révolutionnaires russes.
Je me considérais comme dépositaire de leur héritage, et j'étais prêt à le prouver. Mais, dans le secret de mon âme, je rêvais d'un camarade, d'un être humain, d'un frère par l'esprit que j'allais obligatoirement rencontrer sur ma route, dans les coins les plus reculés de la vie, et dont je suivrais l'exemple. Un homme auprès duquel j'apprendrais à vivre.

Malheureusement, tout s'est avéré bien plus terrible. Ma peine de camp était une première pour l'époque. J'étais destiné à descendre aux enfers, comme Orphée, avec un espoir de retour pour le moins douteux, frappé du sceau de « l'amalgame ». Il m'a fallu agir selon mon intuition. Qu'est-ce qui était digne de moi ? Qu'est-ce qui n'en était pas digne ? Qu'avais-je le droit de faire ? Je ne le savais pas, or, la vie me mettait constamment devant des questions exigeant des réponses immédiates.
Pour avoir protesté contre un passage à tabac, j'étais resté longtemps debout, nu dans la neige. Cette protestation était-elle nécessaire, indispensable, utile ? Pour l'affermissement de mon âme, certainement. En tant qu'expérience, certainement. J'imagine qu'il est impossible de ne pas respecter un tel acte. Mais sur le moment, je n'y avais pas pensé. Cela avait été de l'improvisation pure. Par la suite, j'ai pris une décision puisque je n'étais que l'un des deux mille habitants du camp, je devais me comporter selon quelques règles élémentaires, sans entrer dans les finesses de la politique ni me faire remarquer par des « analyses » et des déclarations.
Je me suis fixé quelques règles de conduite impératives : avant toutes choses, ne rien demander aux autorités et m'acquitter du travail que l'on me confiait, du moment qu'il était suffisamment propre du point de vue moral. Ne chercher aucune aide, ni morale, ni matérielle, auprès de qui que ce soit. Ne pas être un dénonciateur, un mouchard.

Être franc, quand c'était la franchise et non le mensonge qui était utile à autrui.
Me comporter de la même façon envers tous, qu'ils soient en haut ou en bas de l'échelle. Mes relations avec un chef ne devaient pas avoir plus de prix à mes yeux que mes relations avec le dernier des crevards.
N'avoir peur de rien ni de personne. La peur est un sentiment honteux qui corrompt l'homme et le dégrade.
Ne demander à personne de me faire confiance, et ne faire confiance à personne.
Pour le reste, m'en remettre à mon intuition, à ma conscience.
C'est ainsi que j'ai fait mes premiers pas dans la vie concentrationnaire, gardant sans cesse à l'esprit que j'étais là au nom d'hommes qui se trouvaient en ce moment même en prison, en déportation ou en camp. Mais cela ne concernait que moi. Je ne devais pas oublier que chacun de mes actes serait jugé, par mes amis comme par mes ennemis, d'un point de vue politique.
Être un révolutionnaire, c'est avant tout être un homme honnête. C'est simple, mais comme c'est difficile. »
163 Révolte de Tambov écrasée par l'armée rouge aux ordre de Toukhatcheski qui lui même fini dans les purges de 1937. «La révolte démarra à la suite de la réquisition forcée du grain ... par les autorités bolchéviques. En 1920, les réquisitions furent portées de 18 à 27 millions de pouds dans la région. Les paysans réduisirent leur production de grain sachant que tout ce qu'ils ne consommeraient pas serait confisqué. Remplir les quotas équivalait à mourir de faim. La révolte débuta le 19 août 1920 dans la petite ville de Khitrovo, où se forma une armée paysanne locale baptisée armée bleue, par opposition aux autres armées de la guerre civile. Contrairement aux autres armées vertes ayant essaimé dans toute la Russie, l'armée bleue se reposait sur une organisation politique : l'« Union des paysans travailleurs », d'inspiration socialiste-révolutionnaire. Un congrès élu à Tambov abolit l'autorité soviétique et vota la création d'une assemblée constituante indépendante ; il fut également décidé de donner toute la terre aux paysans.» Révolte dirigée par «Alexandre Antonov, membre radical du Parti socialiste révolutionnaire, rejoignit l'aile bolchévique durant la révolution russe en 1917, avant de faire volte-face lorsque ces derniers instaurèrent leurs premières réformes agraires en 1918. Antonov débuta une série d'attaques contre les autorités bolchéviques dans la région de Tambov et devint une sorte de héros populaire parmi les masses paysannes. Les troupes soulevées étaient très efficaces, certaines étaient même infiltrées au sein de la Tchéka2. En octobre 1920, l'armée paysanne comptait plus de 50 000 hommes, renforcée par de nombreux déserteurs de l'Armée rouge. En janvier 1921, la révolte se répandit aux régions de Samara, Saratov, Tsaritsyne, Astrakhan et de Sibérie.»
205 Avant la mort de Staline en 1955 la vie dans les camps staliniens copie «... la vie courante, on signe des emprunts, on assiste à des réunions, on recueille des signatures pour l'appel de Stockholm.» Donc il était utile pour sa survie de signer des pétitions pour la paix tout compte favorable au régime stalinien.
245 «... il fut transféré à la Serpentine, l'Auschwitz de Kolyma»
«La Serpantinka était le plus important lieu d'exécution de masse de la Kolyma dont presque toutes les exécutions se sont faites entre l'automne 1937 et novembre 1938, pendant la période des Grandes Purges. Tous les condamnés à mort des camps de la région y étaient amenés, il s'agissait en effet de "nettoyer les camps de leurs éléments criminels et contre-révolutionnaires les plus endurcis"
...
« Cette cour ne se distinguait guère de ces abattoirs ruraux que l'on trouvait dans la plupart des villages russes. Les condamnés, entravés, étaient abattus d'une balle dans la nuque. La cour était maculée de sang qui stagnait des jours durant […]. Les gardes venaient chercher les condamnés par des petites fournées d'une demi-douzaine environ. On savait quand les exécutions avaient lieu au bruit des moteurs de deux tracteurs que les tueurs faisaient ronfler pour couvrir le bruit des détonations des pistolets Nagan.»»

Les années vingt

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 4e de couverture « Préparées depuis le début du siècle par une profusion de mouvements à la recherche de formes neuves et de nouvelles théories, les années vingt en Russie voient l’apogée d’une vie intellectuelle intense en dépit des pénuries, des rivalités et des morts.
En 1962, à la demande d’un éditeur, Chalamov fait retour sur cette période. retrouvant l’enthousiasme de ses années de jeunesse vécues au cœur du tumulte, il nous livre au fil de sa plume la matière brute de ses souvenirs. Quelque trente ans plus tard, malgré l’expérience des camps, ils n’ont rien perdu de leur exubérance initiale et les utopies de l’adolescence sont restées secrètement vives.
À travers un détail pris sur le vif, les portraits des personnages que l’histoire littéraire et politique a plus ou moins retenus, ou encore le récit de sa propre expérience d’établi dans une fabrique de la banlieue de Moscou, l’écrivain ressuscite l’atmosphère unique qui régna en Russie à un moment où les esprits déchaînés étaient tous tendus vers l’espoir d’une vie nouvelle.»

page 14 Les recherches des Blouses bleues «sont entrées dans l'histoire de la culture et ont inspiré le théâtre de Brecht.»
15-16 Chamalov trouve médiocre l'ensemble des œuvres de Romain Roland et même ennuyeux "Jean Christophe". Il n'y a que "Colas Breugnon" qui peut être sauvé. Dommage pour ce Romain Rolland qui a révélé Panaït Istrati qui appréciait ce roman "Jean Christophe".
«...pour les étudiants, Romain Rolland faisait partie des modèles à suivre pour réussir dans la course aux lauriers en cas d'échec en littérature. Son obséquiosité à l'égard des représentants de notre nouveau monde ne pouvait qu'inspirer le mépris. Sa manière de se situer au-dessus de la mêlée également. Mais ce n'était pas le pire. Le pire était que Romain Rolland ne savait pas écrire. Et c'était une honte de voir comment chez nous un Romain Rolland était porté au pinacle, et un Marcel Proust mis au pilori.
Nous n'ignorions pas qu'Henry Barbusse et Anatole Fronce avaient suivi tous deux un parcours analogue ; mais en écrivant "Le Feu", le premier n'avait au moins d 'autre prétention que le journalisme et il n'avait rien d'un prophète enflé en habit crapaud, ni de la grenouille voulant se faire plus grosse que le bœuf.

Quant à Anatole France, lancé dans la même aventure, s'il était désespérément ennuyeux, c'était malgré tout un écrivain.
Romain Rolland, lui, n'avait ni le professionnalisme ni la culture d'Anatole Fronce, ni la poigne Journalistique d'un Henry Barbusse. En somme, pour nous, au foyer Tcherkasski, tout ce qu' il y avait de pire à l'époque dans la littérature et l'intelligentsia de l'Occident était incarné par Romain Rolland.
Nous, lecteurs de Proust et de Mérimée, de Jules Romains et de Jean Giraudoux, ou encore, venant des siècles précédents, de Stendhal et Choderlos de Laclos, ce n'était pas un quelconque Balzac qui pouvait nous abuser. Nous tenions en horreur les discours vides et grandiloquents de ce nouvel ami du pouvoir soviétique. Il n'y était question que de « haute politique » ou de politique politicienne, tout ce qui, depuis l'enfance, me donnait la nausée.
Mais à l'époque, Lénine et Lounatcharski étaient activement occupés à mobiliser l'intelligentsia occidentale en faveur de la Russie soviétique.
En lisant récemment une biographie d'Apollinaire, j'ai été ravi d'apprendre que celui-ci aurait divorcé parce que sa femme, dans une lettre, avait fait l'éloge de Romain Rolland. Je comprends parfaitement Apollinaire. Et le lui serre la main.
»
17 Intellectuel réactionnaire embauché par Lénine ! «J avais encore présents à l 'esprit la carrière d'un Kapranov et comment ce spécialiste de la répression culturelle (qui, à la veille de la Révolution, avait été médaillé pour sa fidélité au régime) fut, contre toute attente, appelé par le pouvoir soviétique à occuper la fonction de directeur de ce même lycée dont mes deux frères avaient été en leur temps expulsés. Tout comme à l'époque des tsars, c'était à Kapranov, illustre membre actif de l'Union du peuple russe 1, qu'était confiée l'éducation des adolescents. Ce paradoxe n'a rien d'étonnant, il est simplement la marque du cynisme avec lequel le nouveau pouvoir enrôlait ses spécialistes, ses « spéts », sous la menace, ou même en s'en passant.» Union du peuple russe «... le pouvoir de l'Union du peuple russe penchait de plus en plus vers les Centuries noires, sorte de milices auto-organisées qui semaient la terreur parmi les socialistes révolutionnaires, mais aussi commirent de nombreux attentats contre des Juifs.»
30 Frounzé qui avait pris la place Trotski à la tête des armées «... ne resta guerre en poste. Il mourut en 1935 sur la table d'opération, des suites d'une anesthésie. Il n'en voulait pas, de cette opération, et on s'employa énergiquement à le persuader. le détail de cette affaire est raconté par Pilniak dans son récit "La lune qui ne s'est pas éteinte". Dans les années trente, tous ceux qui étaient en possession de ce récit étaient exécutés.»
41 Le Plan Dalton (pédagogie issue de la méthode Montessori) et l'American Relief Administration (plan d'aide alimentaire à l'Europe «Les opérations de l'ARA en Russie ont été fermées le 15 juin 1923, après avoir découvert que la Russie avait renouvelé l'exportation de céréales.») ne lui ont pas été efficace pour sa formation.
42-43 «...  dans cette bibliothèque que je passais mon temps en 1925, et toutes mes journées en 1926. Elle était alors administrée par un statisticien connu, Modestov. On pouvait bénéficier d'un prêt à domicile. Voyant mon assiduité, Modestov m'autorisa même à sortir certains livres de la réserve ou, plus exactement, des rayons où s'entassaient ceux d'entre eux qui, par circulaire spéciale du commissariat à l'Éducation, figuraient désormais sur une liste noire (comme au Vatican. . .) et n'étaient plus communiqués aux lecteurs.
De ces rayons on avait extrait, à ma demande, le "Novy Mir" figurait "La Lune-qui-ne-s'est-pas-éteinte" de Pilniak, la revue Rossia avec "La garde blanche de Boulgakov", et le poème de Lénine de Maïakovsi, demeuré en pénitence sur ces rayons pendant trois ans.
»
48 «En 1929, Je fêtai le Nouvel An dans un appartement de la place Sobatchia, au sein d'un petit cercle de personnes irrémédiablement condamnées - aucun des participants à cette soirée n'acheva l'année à Moscou, et ils ne se revirent jamais plus. Tous étaient des camarades d'université de la même année que moi.»
49 «Dans les années trente, Moscou était une ville e effrayante. Les heures Fastes de la NEP avaient-elles réellement existé ? Que la NEP ait été vrai courant bénéfique ou bulles de savon, qu'importe : tout avait sombré. Les eaux si vives de la clandestinité des années vingt s'étaient désormais figées, standardisées, ou avaient été balayées de la face de la terre par la cravache de fer du pouvoir.»
59 «En 1937 circulait une amère histoire drôle : celle de l'homme qui, en se rasant, dit à son miroir : «L'un de nous est un traitre.»
85 «... Pilniak était alors en quête de voies nouvelles pour une prose nouvelle. Après avoir été rayé de la littérature dix ans, il eut à peine le temps d'en ouvrir quelques-unes, avant de mourir, en 1937. Mais à nos yeux, dans les années vingt, c'était lui le plus grand écrivain.»
99 D'après le texte en plusieurs endroits Maïakovski semblait protégé par Staline «A mon avis, Maïakovski a été victime de ses propres théories sur la littérature, prisonnier du souci, honnête mais trop étroit, de servir son temps ; il s'est mépris sur le sens de l'art. La sincérité, inhabituelle chez lui, du poème "Sur ça" lui suggéra de nouvelles voies, plus justes que celles que lui avaient inspirées "Mon meilleur vers" ou les plaisanteries douteuses du "trust du cahoutchouc".
Le combat insensé et sans issue qu'il mena contre Pouchkine et contre Blok, sa manière naïve et obstinée d'exalter le « métier », tout en gardant une conception lucide du rôle du poète, de sa place et de son sens dans la société, tel est le substrat de la tragédie du 14 avril [date de son suicide]. Une grande vie, échangée contre des vétilles.
Dans son "Roman sasn mensonge", Mariengof écrivit, à propos d'Essénine, qu'il rattrapa la gloire au lendemain de sa mort. Maïakovski, lui, rattrapa la gloire cinq ans après sa mort, poussé, de la manière que l'on sait, par Staline. La gloire de Maïakovski vivant est moins celle de la poésie que celle du bruit et du scandale : il injuriait, il invectivait, il insultait, tandis que, petit à petit, les constructivistes le chassaient de la scène littéraire.
»
125-126 Quelques lignes sur Florensky un scientifique génial, ancien ecclésiastique, disparu dans les purges staliniennes. Même déporté il continuait ses recherches.
168 «Jouravlev-Jouv, Toltchanov-Philippe, Goriounov-Célestin, Mansourova-Jeanne Barbier me marquèrent toute mon existence Je n'étais pas sans ignorer que la véritable Jeanne Barbier avait quarante-cinq ans lorsque Lénine l 'avait envoyée à Odessa tandis que Mansourova, qui jouait l'illustre française, une bolchevik clandestine, était une adolescente, mais c'était égal. Pourquoi n'écrirait-on pas chez nous un livre sur Jeanne Barbier ? On a énormément écrit sur John Reed, alors que Jeanne n'est pas un personnage moins chatoyant. On raconterait sa vie consumée dans le feu de !a Révolution et la mort héroïque d'une révolutionnaire de France» Jeanne Barbier inconnue sur le net. Il y a une homonyme résistante qui aida à sauver des opposants allemands et des personnes de confession juive. Donc cette Jeanne Barbier activiste en Russie est oubliée.

Dispute entre Varlam Chalamov et Alexandre Soljenitsyne
«Les deux écrivains se sont rencontrés en 1962, à la rédaction de la maison du Nouveau monde. Leur correspondance trahissait leur admiration mutuelle et ils tissaient des liens d'amitiés. Chalamov a salué Une journée d'Ivan Denissovitch de Soljenitsyne, le considérant comme un œuvre profonde, précise et fidèle. Une histoire « comme un brise-glace qui ouvre la voie à une littérature soviétique intransigeante et sans compromis sur la vérité ». Mais cette amitié se détériore, ..., après que Soljenitsyne ait demandé à Chalamov de se présenter dans l'histoire littéraire comme un co-auteur de l'Archipel du Goulag, ce que Chalamov refusa. Il ne souhaitait pas vivre dans l'ombre de Soljenitsyne qui, selon Chalamov, monopolisait le thème du camp alors qu'il ne connaissait pas si bien que cela. Le camp de Soljenitsyne n'était pas tout à fait réel pour Chalamov, qui écrit à ce propos : « Près de l'hôpital s'avance un chat - c'est vraiment incroyable pour un camp réel - dans un vrai camp il aurait été mangé depuis longtemps. Il n'y a pas de blattes dans votre camp ! Pas de poux ! Le service de sécurité n'y est pas responsable du plan <...> où est ce merveilleux camp ? »
Alexandre Soljenitsyne
«Accusations d'antisémitisme : Alexandre Soljenitsyne a régulièrement fait l'objet d'accusations d'antisémitisme en raison de ses travaux sur la révolution bolchevique (où il étudie l'implication des juifs au sommet de l'appareil d'État et de l'appareil répressif) et de la publication de son ouvrage historique Deux siècles ensemble ... sur les relations entre Juifs et Russes de 1795 à 1995.
L'écrivain et ancien dissident soviétique Vladimir Voïnovitch a ainsi voulu démontrer le caractère antisémite de ce livre dans une étude polémique.
En France, l'historien trotskiste Jean-Jacques Marie a consacré un article à chaque tome de Deux siècles ensemble, qu'il qualifie de « bible antisémite ». Selon lui, « Soljenitsyne expose, dans Deux siècles ensemble, une conception de l'histoire des Juifs en Russie digne de figurer dans un manuel de falsification historique » en écrivant une histoire des pogroms « telle qu'elle a été vue par la police tsariste ».
...
L'historien américain Richard Pipes, dont les travaux sur l'histoire de la Russie avaient été qualifiés par Soljenitsyne de « version polonaise de l'histoire russe », a répondu à celui-ci en le qualifiant d'antisémite et d'ultra-nationaliste. En 1985, Pipes a développé son propos dans sa critique d'Août 14 : « Chaque culture a une forme propre d'antisémitisme (sic). Dans le cas de Soljenitsyne, celui-ci n'est pas racial. Cela n'a rien à voir avec le sang. Il [Soljenitsyne] n'est pas raciste, la question est fondamentalement religieuse et culturelle. Il présente de nombreuses ressemblances avec Dostoïevski, qui était un chrétien fervent, un patriote et un antisémite farouche. Soljenitsyne adhère incontestablement à l'interprétation de la Révolution que fait l'extrême droite russe, celle d'une création des Juifs ».

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