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Sur les contradictions du marxisme

https://ravageeditions.noblogs.org/post/2015/11/19...
Le texte : Sur les contradictions du marxisme

« ... il s’est laissé aller, lui, le non-conformiste, à une conformité inconsciente avec les superstitions les moins fondées de son époque, le culte de la production, le culte de la grande industrie, la croyance aveugle au progrès. ... Marx et les marxistes ont combattu et bien follement méprisé : dans Proudhon, dans les groupements ouvriers de 1848, dans la tradition syndicale, dans l’esprit anarchiste ... Les hommes ne sont pas des jouets impuissants du destin ; ce sont des êtres éminemment actifs ; mais leur activité ; est à chaque instant limitée par la structure de la société qu’ils constituent entre eux, et ne modifie à son tour cette structure que par contrecoup, ... l’État est composé de trois corps permanents, se recrutant par cooptation, distincts du peuple, à savoir l’armée, la police et la bureaucratie. Les intérêts de ces trois corps sont distincts des intérêts de la population, et par suite leur sont opposés. ... rien de tout cela ne peut être aboli par une révolution ; au contraire, tout cela doit avoir disparu avant qu’une révolution puisse se produire ; ou, si elle se produit auparavant, ce ne sera qu’une révolution apparente, qui laissera l’oppression intacte ... Comment, la technique du combat, celle de la surveillance, celle de l’administration étant données, les fonctions militaires, policières, administratives pouvaient-elles cesser d’être des spécialités, des professions, et par suite l’apanage de « corps permanents, distincts de la population » ? ... ils pouvaient considérer la disparition de la concurrence comme équivalente à la disparition du régime. Mais ... Marx et Engels, dans leur analyse, omettaient un facteur ; ce facteur, c’est la guerre. Jamais les marxistes n’ont analysé le phénomène de la guerre ni ses rapports avec le régime ; ... l’avidité des capitalistes est la cause des guerres. ...»

ET ENCORE « ... une révolution dégénérée en tyrannie cesse d’être contagieuse ... le marxisme a gravement altéré cet esprit de révolte qui, au siècle dernier, brillait d’un éclat si pur dans notre pays. Il y a mêlé à la fois des oripeaux faussement scientifiques, une éloquence messianique, un déchaînement d’appétits qui l’ont défiguré. ...Comme les esclaves, comme les serfs, ils sont malheureux, injustement malheureux ; il est bon qu’ils se défendent, il serait beau qu’ils se libèrent ... on leur prodigue, dans un langage qui mélange déplorablement les lieux communs de la religion à ceux de la science, leur sont funestes. Car elles leur font croire que les choses vont être faciles, qu’ils sont poussés par derrière par un dieu moderne qu’on nomme Progrès, qu’une providence moderne, qu’on nomme l’Histoire,»

Autres articles :
https://philofrance.blogspot.com/2014/06/simone-weil-et-la-pensee-de-marx.html
En pdf : Simone Weil et la pensée de Marx

https://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2014-2-page-133.htm
En df sur unprolospecule Leçons pour repenser l'organisation du travail

https://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2007-3-page-207.htm
En pdf : Simone Weil : le marxisme hors de soi
Dans le texte Thomas Dommange se reposent les notions de matérialisme et d'idéalisme.
Où je comprends que Marx n'étant pas allé suer avec les ouvriers il ne peut comprendre qu'un esprit brisé par les conditions de travail et de vie très difficiles ne peut envisager prendre le pouvoir.

«...il faut n’avoir jamais été le serviteur d’aucun maître, ne s’être jamais senti devenir chose parmi les choses, rouage d’une machine écrasé par quelque gravité aveugle, pour penser que ceux qui sont ainsi opprimés peuvent se libérer d’une classe oppressive par une révolution. »
Extrait de :«L’inefficacité dans la lutte, l’incapacité d’échapper au nationalisme et de saisir le sens du fascisme, en un mot l’impossible existence du marxisme sur la terre d’Allemagne, tout cela manifeste l’idéalisme du marxisme et de son projet révolutionnaire.
Cet idéalisme, S. Weil le fait remonter à Marx lui-même et à sa conception de la révolution. Il consiste à croire « que tout étant réglé par la force, un prolétariat sans force allait néanmoins réussir un coup d’État politique »et « que la masse entière des faibles, demeurant la masse des faibles, aura la force de son côté ». Car c’est tout autre chose de dire que les faibles doivent s’approprier la force pour imposer leur domination, et de penser que la classe opprimée, fatiguée, abêtie, dépouillée enfin de ses forces d’action et de pensée peut,comme telle,renverser du sein de sa faiblesse même la force qui l’opprime. La victoire du fascisme en Allemagne, l’impossible effectuation de la révolution repose donc en dernière instance sur une conception idéaliste de la force. Sans doute, et c’est l’apport indéniable de Marx pour S. Weil, l’oppression sociale doit s’expliquer et se résoudre en termes de rapports de force, mais Marx en reste à une conception idéaliste de la force. Cela vient d’une part, on y revient, de ce qu’il réduit l’oppression sociale au mode d’exploitation capitaliste et au rapport entre acheteur et vendeur de la force de travail ; sans voir que « l’amour de la domination », la volonté des puissants de conserver le pouvoir, le développement illimité de la puissance constituent le « principe d’explication matérialiste » dont manque la révolution. Et d’autre part de ce que le retournement de la faiblesse en force, la relève de l’opposition entre opprimé et oppresseur reproduit le mouvement dialectique hérité de l’idéalisme hégélien. Seulement
il faut n’avoir jamais été le serviteur d’aucun maître, ne s’être jamais senti devenir chose parmi les choses,rouage d’une machine écrasé par quelque gravité aveugle, pour penser que ceux qui sont ainsi opprimés peuvent se libérer d’une classe oppressive par une révolution. Les pierres aux cryptes des cathédrales ne contempleront jamais les cieux auxquels pourtant elles conduisent.»
«S. Weil n’est peut-être véritablement marxiste, au sens doctrinal du terme, que dans son abandon de Marx et dans le dépassement non dialectique de cette philosophie dont il réclamait lui-même l’achèvement dans sa dernière thèse sur Feuerbach. Si bien que la critique, et finalement la destruction du marxisme, réalisées par S. Weil, constituent pour elle, la seule manière de l’accomplir»
«La disparition du marxisme ne contient pas un renoncement au projet révolutionnaire mais un problème : comment faire la révolution une fois démontrée la vacuité théorique et pratique de la révolution ? Ou encore : comment continuer à être fidèle au matérialisme de Marx dans l’effondrement du marxisme ? Tenir ensemble le désir de révolution et la fin du marxisme, imaginer un marxisme d’après le marxisme ou une révolution d’après la révolution, tel est selon nous tout l’enjeu de l’année que S. Weil va passer en usine.»

Dans cette partie du texte je vois une confusion entre révolution et matérialisme.
«La réponse à la question : comment donner à la révolution la théorie matérialiste qui lui manque ? réside pour S. Weil dans son expérience ouvrière. Les ateliers d’Alsthom rue Lecourbe, puis ceux de Renault, lui offrent la terre sur laquelle son marxisme d’outre-tombe va venir prendre corps. Même si le nom de Marx n’est mentionné ni dans le Journal d’usine écrit en 1935, ni par exemple dans la lettre de 1941 à Jules Romains dans laquelle elle décrit son expérience, c’est pourtant bien encore une fois à l’ombre du marxisme que se déploie son année d’usine. D’une part, c’est le même matérialisme qui avait conduit S. Weil en Allemagne, qui la conduit maintenant à l’usine. Comme Berlin, Alsthom représente le monde réel. Au moment de son entrée à l’usine, S. Weil écrit à une de ses anciennes élèves du Puy : « J’ai pris un congé d’un an (...) pour entrer un peu en contact avec“la fameuse vie réelle”. » Et un peu plus loin, dans des termes identiques à ceux qu’elle emploie pour décrire son voyage en Allemagne : « J’ai l’impression surtout de m’échapper d’un monde d’abstraction et de me trouver parmi les hommes réels. » Mais alors que l’Allemagne représente un terme, l’endroit du monde où la révolution est appelée à se rendre pour vaincre, le monde du travail est pour S. Weil un point de départ, le seul lieu possible d’une renaissance du projet révolutionnaire. Le seul parce que le matérialisme exige non seulement que la pensée soit dirigée vers l’effectivité du monde, mais qu’elle en parte.»

L'humiliation manquait dans l'analyse de Marx.
Ce qui rejoint la remise en cause de l'autarcie morale par Valérie Gérard
«Si Marx et les marxistes ne peuvent accomplir la révolution, s’ils demeurent idéalistes en tout, y compris dans leur définition de la notion de force, c’est avant tout parce qu’ils se trompent sur la nature de l’oppression qui pèse sur la classe ouvrière. Avant l’année d’usine, S. Weil possède un pressentiment : Marx confond « oppression » et « exploitation » et ainsi engage la révolution sur le seul terrain économique. Mais une telle conception de l’oppression est encore indéterminée, presque abstraite. Les bons coulés, la crainte du chef, la fatigue quotidienne, lui donnent un corps, mais, plus que cela, lui permettent de donner à la notion d’oppression une définition métaphysique rigoureuse. Ce que doit renverser la révolution, ce qui opprime l’ouvrier et qui reste inaperçu à qui reste à l’extérieur de l’usine, ce n’est pas l’extorsion de la plus value, ni même la souffrance ou la précarité des conditions de vie, mais l’humiliation. Elle l’écrit en toutes lettres, « le fait capital n’est pas la souffrance mais l’humiliation ». Pourtant de l’une à l’autre, de la souffrance à l’humiliation, de la faim et de la misère au sentiment qu’on veut indiquer, la différence est mince. Elle apparaît malgré tout si on suit l’étymologie. Humilier, c’est abaisser, c’est faire incliner le corps vers la terre dont il provient, en signe d’allégeance ou de soumission. Ainsi fait le serviteur à genoux devant son maître, ou l’orant [personnage dans une attitude de prière] qui comparaît la tête baissée devant son Dieu. L’humiliation apprend d’abord l’humilité à l’orgueilleux, oblige le pharaon d’Égypte à reconnaître un souverain plus puissant que lui. Mais plus que cela, elle est ce qui arrache l’homme à sa condition. L’usage biblique du terme indique qu’être humilié, c’est retourner à la poussière dont nous sommes faits, à la matière à laquelle le souffle de l’esprit nous a provisoirement arraché. Dire que la division du travail opprime l’ouvrier,c’est dire qu’elle l’abaisse au-dessous de la condition humaine, qu’elle fait de lui de la matière, un esclave parent des choses inanimées. Absence de dignité, hommes traités comme des machines ou comme de simples rouages, les signes qui témoignent de cette humiliation, de cette descente de l’ouvrier en deçà de son humanité sont innombrables dans les pages consacrées à la vie d’usine. Tous ces récits renvoient pourtant à un même constat. Si la division du travail humilie l’ouvrier, c’est dans la mesure où elle lui retire la pensée. Non seulement parce que l’ouvrier ne peut pas penser dans l’exécution de son travail, parce que toute pensée même lui est interdite, mais parce que les mouvements de son corps sont réduits à des gestes mécaniques qui ne contiennent en eux-mêmes aucun savoir-faire, aucun « tour demain ». Dépouillé de toute pensée par la machinerie industrielle, l’ouvrier non qualifié sombre corps et âme pour n’être plus que matière. « Quand l’étonnement d’être maltraité fait perdre jusqu’au sentiment du temps, écrit S. Weil, « on devient résigné comme de la matière. » L’homme humilié, c’est donc bien l’homme jeté « âme et chair, dans le circuit de la matière inerte »,un homme devenu machine et agité de mouvements qui ne lui appartiennent pas. La révolution matérialiste, occupée de libérer des hommes réels d’une oppression réelle a donc une tâche non pas économique mais métaphysique. Elle consiste à relever les travailleurs de l’humiliation où la division du travail les a jeté en leur restituant la pensée, afin de leur permettre d’inaugurer avec la matière un nouveau rapport fait de maîtrise et d’obéissance. Une fois la révolution rendue à sa véritable tâche, on comprend mieux dans quelle aporie la dialectique marxiste la tient. Car de l’humiliation, justement, il n’y a pas d’Aufhebung [abrogation]. La division du travail ne mène pas à quelque situation d’esclavage dans laquelle l’esclave, mené au seuil de la mort, finit in extremis par se rendre, elle mène l’ouvrier à une impuissance radicale, à une chosification qui n’est rien d’autre que son anéantissement dans le travail, à sa mort. Si une révolution est concevable, c’est donc à la condition de pouvoir redresser l’homme que l’humiliation a plié, et pour ainsi dire de ressusciter celui-là même qui avait été anéanti.»

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