Sortir de l'histoire officielle

     


Pierre Macherey
Mots, idées, concepts, personnalités repérés :
Actif par la compréhension et par l'initiative, Actions et passions de l'Esprit, âme entité autonome et non pérenne, le latin sans article, axiome ou postulat ?,
Bergson, se tracer un chemin par sa lecture,
étude possible de l'utilisation du terme «conscient», la conscience ne précède pas les manifestations mentales, contradiction dans les relations du corps et de l'Esprit,
Descartes, choix malgré le déterminisme, nature duelle du désir, éternité de l'Esprit,
reposer le statut de l'histoire de la philosophie, Rapprochement entre Spinoza et Hegel,
imagination ou idée inadéquate, notion d'image, pas condamner le monde à l'immobilisme,
liberté par les nécessités comprises, ordres de lectures multiples, Oxymore revient souvent sous la plume de Spinoza,
absence de parallélisme, La perfection de l'Esprit, thérapie psychophysiologique
terminologie de la scolastique, raisonnement en spirale, sentiment de sérénité, La sérénité un affect,
libre dans la servitude, signes du langage, seul ouvrage qu’il ait publié,
troisième genre de connaissance, synthèse pour Spinoza ou analyse pour Descartes,
volonté ou appétit ?, vraie philosophie, pas d'échappatoire seulement vivre dans le monde,
Entretien avec Pierre Macherey
Échanges autour de son livre Le sujet des normes
Introduction à l'Éthique de Spinoza
En cinq volumes aux éditions PUF
Texte en ligne archive.org/details/introduction-a-lethique-pierre-macherey
Ordre de parution des cinq volumes (indiqué dans l'avant propos du cinquième traitant de la première partie) : concernant la cinquième partie paru en 1994, la troisième en 1995, la quatrième en 1997, la deuxième aussi en 1997 et la première en 1998.
Liens directes pour l'étude des parties
:
une-de Deo
deux-de Mente,
trois-de Affectibus
Fondements naturels et formes élémentaires de la vie affective Propositions 1 à 11 & définitions 1 à 3
Manifestations secondaires de l'affectivité et la formation de la relation d'objet 12 à 20 & déf 6 à 9, 12 à 17
Figures interpersonnelles de l'affectivité 21 à 34 & déf 18 et 19, 21 à 26, 28 à 31, 43 et 44
Conflits affectifs 35 à 47 & déf 5, 11, 32, 34, 35 à 39, 42
Accidents et variations de la vie affective 48 à 57 & déf 4, 5, 10, 25 à 27, 40 à 42, 45 à 48
Les affects actifs 58 et 59
quatre-de Servitute,
cinq-de Libertate
1 à 20 : Les remèdes aux affects
21 à 42 : Libération de l'Esprit et béatitude.
Présentation - Lire l'Éthique de Spinoza
Introduction générale placée dans le premier volume qui étudie la cinquième partie.
Page 2-3 « ... il n’est pas du tout certain qu’il y ait une « philosophie de Spinoza », au sens d’une théorie générale de la réalité, ou, comme on dit, d’une vision du monde tirant sa validité de sa plus ou moins grande cohérence intrinsèque, et relevant d’une mise en perspective singulière qui dépendrait en dernière instance des choix subjectifs de son auteur : du moins n’est-il pas certain que ce soit ce qu’il y aurait de plus intéressant à retirer d’une lecture de l’ Ethique. « C’est ainsi qu’on peut interpréter la fameuse formule utilisée par Spinoza dans sa lettre 76 à A. Burgh : « Je n’ai pas la présomption d’avoir inventé la meilleure philosophie, mais je sais que, moi, je comprends la vraie philosophie » (non praesumo me optimam invenisse philosophiam, sed veram me intelligere scio), que l’on peut interpréter ainsi : moi, je suis sûr de comprendre ce que c’est vraiment que la philosophie, et en conséquence j'ai la certitude que ce que je fais, c’est de la vraie philosophie, en un sens qui dépasse largement une prise de position doctrinale fermée, propre à un système limité de pensée, la « philosophie de Spinoza », qui, en lui-même, serait exclusivement vrai.»»
6 Note 1 En latin pas d'article «Lorsqu'on lit l’Éthique, il faut en particulier prêter une constante attention au fait que le latin, langue sans article, ignore de ce fait la distinction entre article défini et article indéfini : substantia, cela signifie à la fois « la substance » et « une substance ». Cette particularité donne à la formule, qui a souvent été commentée, et dans des sens très différents, cette polysémie étant inscrite dès le départ dans sa lettre, habeo enim ideam veram, une profondeur de perspective qui empêche qu’on recoure, pour la rendre dans une autre langue, à une traduction univoque : signifiant littéralement « j'ai en effet idée vraie », elle peut aussi bien vouloir dire « j'ai en effet une idée vraie », que « en effet j’ai de l’idée vraie », ou encore « l’idée vraie, je l’ai en effet », sans qu’il y ait lieu de privilégier définitivement l’une de ces traductions à l’exclusion des autres, car, telle qu’elle est écrite, elle veut précisément dire tout cela à la fois.»
19 « ... la linéarité du raisonnement suivi par Spinoza dans l’Éthique n’est qu’apparente : à l’examen, il apparaît plutôt que ce raisonnement effectue une sorte de mouvement en spirale qui trace autour de son contenu spéculatif des cercles concentriques tendant tendanciellement vers une compréhension maximale de ses enjeux rationnels théoriques et pratiques. »
20 « ... la construction qu’il suggère, et qui est surajoutée au texte, n’a qu’une valeur hypothétique, et elle doit en permanence être remise en question par le lecteur, qui a lui-même à se tracer un chemin à travers le lacis des arguments entremêlés qui représente, non pas l’état d’une pensée déjà toute faite, mais une incitation à penser, c’est-à-dire un projet théorique qu’il reste encore et toujours à faire fonctionner. »
22 « ... idée de la subordination ontologique, physique et logique de la « nature naturée » (natura naturata), dans laquelle sont compris tous les effets de la puissance divine, par rapport à la « nature naturante » (natura naturans), c’est-à-dire la substance considérée en tant que cause, subordination qui suffit par elle-même à expliquer tout l’ordre des choses dans ses rapports intrinsèques de détermination réciproque. Note 1- Ces expressions, reprises à la terminologie de la scolastique et retravaillées ... »
22-23 L'âme, entité autonome mais ne veut pas dire pérenne après la mort « A l'intérieur de cette réalité globale, le « de Mente » découpe un secteur d’investigation plus restreint, que Spinoza désigne en se servant du terme mens, que nous choisirons ici, par pure commodité, de traduire par « âme »1. Note 1- C’est la traduction retenue par C. Appuhn, conformément à la tradition de la langue du XVIè siècle, et en particulier de la langue de Descartes (dont les Méditations métaphysiques nous sont connues dans le texte latin et dans une traduction française acceptée par l’auteur, où le terme mens est rendu par « âme »). D’autres traducteurs, comme B. Pautrat ou R. Misrahi, ont choisi au contraire de traduire mens par « esprit » (en raison du fait, en particulier, que Spinoza utilise aussi les termes anima et animus, et également pour des raisons de fond sur lesquelles il n’y a pas lieu de s'étendre ici). De fait, aucune de ces traductions n’est vraiment satisfaisante, tant est particulier l’usage que Spinoza fait de ce concept, dont il se sert pour désigner un être mental, on serait presque tenté de parler, en termes modernes, de « psychisme », en tant que celui-ci appartient à un ordre de réalité autonome : celui-ci est précisément la réalité psychique ou mentale, la « chose pensante » (res cogitans), irréductible au fonctionnement du corps, qui relève lui-même d’un tout autre genre d’être, celui qui constitue la « chose étendue » (res extensa), ces deux ordres ayant exactement le même poids de réalité et correspondant substantiellement à des formes d’existence strictement corrélatives entre elles. ... tout ce que l’âme fait, elle le fait dans l'horizon du corps, en sa présence, qui lui est absolument concomitante,...» Le corps autonome dans l'étendue (mais lié par la causalité) dépendant de la vie. A la mort tout se dilue dans l'étendue globale faisant disparaître autonomie et unité. Ne peut-on pas imaginer le même processus pour l'esprit, une âme autonome se diluant à la mort de l'individu se diluant dans l'ensemble de l'attribut esprit ?
23-24 « Par cette définition de l’âme, Spinoza résout le problème traditionnel du rapport de l’âme et du corps d’une manière complètement originale, excluant que leur « union » prenne la forme de l'ajustement extrinsèque de deux substances distinctes, entre lesquelles elle installerait les conditions d’une interaction réciproque1 : ainsi c’est de l’intérieur de leurs ordres respectifs, et non de l’extérieur, qu’âme et corps communiquent. Note 1-C’est cette conception que les commentateurs de Spinoza ont pris l'habitude de désigner en se servant du terme de « parallélisme », qui ne se trouve pas chez Spinoza»
24 «  … ce que l’âme fait, elle le fait dans l'horizon du corps, en sa présence, qui lui est absolument concomitante, puisque c’est le corps qui donne son contenu représentatif à l’idée qu’elle est : s’explique ainsi son mode de fonctionnement spontané, lié au fait que le corps est sans cesse affecté par ses rencontres avec d’autres corps qui lui sont étrangers ; ce mode de fonctionnement est l’imagination. Les idées qui se forment ordinairement dans l’âme sont ainsi « inadéquates », c’est-à-dire non à proprement parler fausses, mais « mutilées et confuses » »
« … Spinoza esquisse dans la suite du de Mente une théorie des genres de connaissance montrant comment, en suivant en premier lieu la voie des « notions communes » (notiones communes), telles qu’elle sont en particulier mises en œuvre par la connaissance mathématique, l'âme parvient à penser en se détachant des conditions immédiates de l’expérience, et en quelque sorte en se plaçant à distance de son objet qui est le corps, ce qui lui permet de développer un plein régime d’activité : alors les idées qui se forment en elle deviennent « adéquates » (adaequatae), c’est-à-dire qu’elles portent en elles-mêmes la puissance de reconnaître et d’affirmer leur propre caractère de vérité. Et suivant cette voie, l’âme peut s'élever à la connaissance parfaite, réalisée par la science intuitive, ou connaissance du troisième genre, ... »
Avant-propos placé en début de la première partie (dernier volume édité)
Page 1 Ordre de parution des volumes de
Introduction à l'Éthique de Spinoza
5-6 « ...un parcours sinueux (V, III, IV, II, I) qui en rompt la linéarité apparente, il s'agissait ... de lui restituer une espèce de volume, de manière à lui appliquer un travail de lecture en profondeur qui ne se contente pas de le prendre tel qu’il se donne ... et ceci parce qu’il ne suffit pas d’avoir effectué ce parcours une seule fois en entier et dans l’ordre pour être définitivement quitte à l'égard de l’ensemble des enjeux spéculatifs auxquels l’entreprise philosophique de Spinoza est attachée. Si l'Éthique obéit à un principe de composition rigoureux, qui la fait prendre appui sur une recherche initiale concernant la nature des choses (I), se tourner ensuite vers l’ordre de la réalité mentale (II), puis aborder l'étude de la vie affective (III), pour pouvoir enfin s'intéresser aux problèmes posés par la condition humaine (IV) et dégager à partir de là des voies de la libération (V), moments par lesquels elle s’oblige de passer pour réaliser son objectif éthique fondamental, la structure nécessaire que détermine ce principe, ... l'effort de compréhension qu’elle appelle de la part du lecteur ne revêt pas l'allure d’une soumission formelle et passive … il ne peut se développer qu’à travers l'intervention d’une pensée active ... qui se donne à elle-même les moyens d’accéder à l’intelligibilité globale du texte, en s'inventant un ou des trajets à travers son épaisseur, tout en sachant qu’aucun de ces trajets n’en épuise en totalité la teneur philosophique.
... le livre écrit par Spinoza, ... est susceptible d’être lu dans tous les sens ;.. il ne faut pas lui prêter une rigidité qu’il n’a pas …
En partant de sa fin pour arriver à son début, et en effectuant une sorte de tour de ses développements intermédiaires, on a ... épousé la circularité d’une pensée qui, en même temps qu’elle va de l’avant, ne cesse aussi de revenir sur elle-même, suivant un mouvement complexe dont une seule lecture ne saurait épuiser tout le sens. L’Éthique est par excellence un texte qu’on relit ; et on n'en maîtrise le début que si on a déjà une claire compréhension de ses objectifs finaux, qui sont d'emblée impliqués dans ses premières démarches : c’est pourquoi il est vain de chercher à la renfermer entre un commencement et une fin ponctuels délimitant définitivement une trajectoire en deçà et au-delà de laquelle il n’y aurait rien. »
Relire et ajouter le parcours théorique de l'ensemble des cinq livres proposé dans l'avant propos de l'intro du trois.

J'ai remplacé âme par Esprit.Ce qui est étonnant c'est que Macherey traduit «âme» (anima) dans 10 de V par «Esprit».
Le Conatus est cet Effort et indépendant de notre propre volonté.
Le nombre en début de ligne indique la proposition étudiée.
Cinquième partie
Le titre semble être le pendant de celui de la quatrième partie.
«Puissance de l'entendement et liberté humaine», image inversée de «Servitude humaine et Force des affects.»
Ces deux formules composent un énoncé qui décrit le parcours dans le projet global d'une éthique, de la servitude humaine à sa liberté. D'un pluriel des affects, désignant une multitude de conflits, à une présentation unificatrice par le singulier de la force de l'intellect et de la Raison.
Une puissance de ce que peut l'homme et non celle d'un surhomme. Que peut l'homme en vue de sa libération ?
Il n'y a pas une autonomie de la volonté, cette dernière n'a que la puissance de former des idées et former des volitions.
Les deux axiomes qui n'interviennent que pour deux propositions, le premier par la démonstration de la 7 et le deuxième par la 8. Aucune définition pour cette partie.
Par l'argumentation déjà mis en place avant, en particulier dans la partie IV, la libération se joue sur la condition ordinaire humaine.
La conversion pour une vie autre ne substituera pas la liberté à la servitude. Le projet libératoire peut seulement permettre de vivre dans le monde humain avec ses limitations et ses contraintes. Être libre dans la servitude ! La nature de l'homme est indépassable, la connaissance des conditions de sa puissance en dehors desquelles la liberté humaine est impensable.
L'axiome 1 repose sur la résolution des contradictions sources de conflits sans que le sujet, comme un spectateur, intervienne, seulement en modifiant l'impact en imposant ses propres règles de développement.
L'axiome 2 : comprendre la puissance d'un effet passe par la compréhension de l'essence de sa cause,
Les propositions en
deux temps.
D'abord pour les propositions de 1 à 20 : Les remèdes aux affects
Puis de 21 à 42 la dernière, Libération de l'Esprit et béatitude.
- Les propositions pour les remèdes aux affects sont séparées de 1 à 10 : Traitement psychophysiologique de l'affectivité.
Ensuite de 11 à 20 : L'amour de Dieu
- Les propositions pour la libération de l'Esprit et la béatitude sont séparées en quatre temps :
De 21 à 31: La science intuitive et le point de vue de l'éternité.
De 32 à 37 : L'amour intellectuel de Dieu
De 38 à 40 : La libération de l'Esprit
Pour finir 41 et 42 : L'éthique au quotidien.
1 à 20 Les remèdes aux affects. Les conditions pour la maîtrise de l'affectivité, libération de l'Esprit en se dominant, démarche progressive - prop 7 «qu'il soit tenu compte du temps». La libération s'installe dans l'ordre de la durée qui définit l'existence vécue présentement, règle imposée par le temps. Cette perspective définit le point de vue de l'imagination.
Libérer l'Esprit des maux qu'il subit par le dérèglement de l'affectivité en créant de nouveaux affects plus puissant, amorcé par les  deux axiomes.
A partir de 21 nous serons libérés du temps et de l'imagination, libérés de la puissance de l'intellect. Passer de l'amour envers Dieu à l'amour intellectuel de Dieu
1 à 10 recette pour une thérapie psychophysiologique où Esprit et corps sont engagés sans interaction de l'un sur l'autre. Mieux se connaître en voyant plus clair dans son Esprit et dans son corps.
Le traitement psychophysiologique de l'affectivité D'abord traitement Esprit et corps pour les délivrer de l'aliénation des causes extérieures, sortir de la passivité.
1 Représentations réciproques et réversibilités des mouvements et actions qui se représentent sous forme d'affections et d'images. L'Esprit entraîne dans un même élan le corps et le corps l'Esprit, tous les deux soumis au principe de nécessité, procédures indépendantes et corrélatives avec une traduction simultanée. Conception de cette union reprise de 1 à 13 de la partie I, déduites de 6 et 7 de cette partie I. Étude pour se débarrasser de cette simultanéité, détachement formulé en fin de la scolie 20 reprise en scolie 40. L'Esprit produisant les effets de sa puissance propre, effets aussi sur le corps sous le regard de l'Esprit, suivant le second genre de connaissance. Un Esprit libre dans un corps libre des affections des autres corps.
2, 3 et 4 ensemble d'opérations effectuées par et dans l'Esprit pour une clarification de son économie interne. Mise en évidence des mécanisme mentaux corrélés avec des évènement de la vie affective.
2 et 3 décrivent les procédures pour dépassionner les affects pour l'Esprit reprenne l'initiative.
2 Si un affect cesse d'être la cause d'une chose extérieure il cesse d'être une passion vécue en amour ou haine.
Défaire la liaison représentative et de joindre nos affects à d'autres pensées, que soit réaménagé l'enchaînement des idées.
L'Esprit s'exerce à penser par et pour lui-même non soumis à des fins aliénantes, passer d'affects passifs à affects actifs.
3 La connaissance claire et distincte d'un affect ainsi il perd le statut de passion.
Nouveau remède pour que l'Esprit forme des idées claires de ses affects, cessant d'être des passions. Qu'il n'y ait plus qu'une distinction de raison entre l'affect et la connaissance que nous en formons.
4 Les explications ne sont pas prescriptives, elles mettent en évidence des aspects de notre régime psychique.
Rappel de la différence entre affect de l'Esprit et affection du corps, l'Esprit se connaît comme idée du corps ce dernier bien que complexe n'échappe pas au regard de cet Esprit. L'affect est l'idée d'une affection du corps.
Le scolie 4 récapitule et synthétise les notions développées dans 2, 3 et 4.
Pour un meilleur remède aux affects il faut répondre aux questions :
- quelle est la connaissance des affects et leurs places dans l'affectivité ? Retrait et normalisation du caractère occasionnel de ceux-ci.
- quels sont les effets curatifs d'une telle connaissance ? Va dans le sens d'une amélioration, ce qui se présentait comme vice devient vertu. La connaissance rationnelle pénètre la puissance naturelle de l'Esprit et la transforme de l'intérieur,en dépassionnant celle-ci.
- qu'est-ce qui permet d'affirmer que cette connaissance nous arme contre les errements de la vie affective ? L'affectivité est une dimension naturelle de notre fonctionnement psychique. Elle n'est nocive que par ses excès incontrôlés. En introduisant un élément de mesure affectivité et rationalité peuvent être associées.
De 5 à 10 La libération passe par le respect de la puissance naturelle de l'Esprit. Suit une échelle progressive des intensités affectives. Quel est l'impact d'un affect réduisant, dans un rapport inverse, l'activité de l'Esprit ? Cette évaluation permet une meilleure connaissance de nos affects. Pour aboutir dans le scolie 10 à une véritable règle de vie.
5 et 6 les deux pôles de cette série d'un Esprit en passivité maximale à une activité optimale.
En premier nous imaginons des idées toutes inadéquates étant privé de la maîtrise de cette production, longuement expliqué dans les parties II De mente - l'Esprit et IV De servitude.
En deuxième c'est l'inverse, c'est adéquatement, nous comprenons, se connaître, connaître «comme cause des idées par lesquelles elle connaît ce qu'elle connaît.»
Comment passer d'un état à l'autre sans rupture absolue qui les séparerait abstraitement, l'Esprit ne pouvant être dépossédé de son caractère actif sans se détruire (page 67), ne pouvant pas voire directement l'intellect infini.
Pour Spinoza pour passer de l'un à l'autre il est indispensable de s'appuyer sur le fonctionnement de l'imagination, d'en jouer et non le contrer en débouchant sur des échecs, voir des catastrophes, voire début du scolie de 6, paradoxalement perfectionner l'imagination.
Servitude ou liberté, la solution repose sur la distinction entre plusieurs manières d'imaginer. Le fait d'imaginer n'apparaît pas comme un symptôme d'impuissance et d'asservissement, en allant vers un progrès dans la puissance d'imaginer consubstantielle à l'Esprit, trouver un rôle positif de cette puissance dans le processus de libération.
5 Comment imagine-t-on simplement, comme le nourrisson ou l'ivrogne ? Imaginer une chose en dehors de l'enchaînement causal, comme une cause libre sur le modèle de cette chose absolue qu'est la substance. Ce qui déclenche un affect d'une intensité maximale nécessairement dérivée de l'amour ou de la haine. Ces affects sont des forces aliénantes.
6 Au contraire nous considérons des choses nécessaires quand nous les connaissons par leur cause, nous en sommes naturellement empêchés d'en faire des absolus, et nous y tenons moins. Elles paraissent ne plus agir sur nous comme des forces indépendantes.
Comment diminuer la sujétion de l'imagination débridée (mot que je propose) en la considérant comme nécessaire.
Ce qui n'empêche pas d'imaginer plus distinctement et avec plus d'énergie, moins distraite et mécanique pour une plus grande maîtrise de nos affects, voir exemple en scolie 6. Il est donc possible d'être raisonnable ou moins déraisonnable en imaginant.
7 Deux types d'affects, ceux de la raison ou excités par elle, se rapportant à des choses considérées comme présentes.
Et ceux se rapportant à des choses pouvant être considérées comme absentes, leur existence dépendant de causes extérieures.
Un affect rationnel peut devenir un facteur d'équilibre interne à l'Esprit.
«Le premier remède aux affects non pas à imaginer moins mais à imaginer mieux» par des mécanismes qui stabilisent le fonctionnement de l'imagination pour en réduire les effets nocifs.
Ne plus s'exciter sur la représentation d'une chose qui parait libre mais de concept qui rassemble plusieurs choses à la fois. Un évènement paraissant isolé nous le replaçons dans son contexte, prendre du recul.
8 et 9 L'importance d'un affect dépend de la puissance de sa cause. Chaque affect ayant un désir de persévérer, Spinoza indique le moyen de se le réapproprier par l'Esprit, qui en est lui même la cause, pour une globalisation de ces affects.
En élargissant l'imagination et l'orientant vers l'intérêt général nous orientons ses productions vers une véritable activité de pensée.
Ainsi l'Esprit est mis sur la voie d'une complète réorganisation de son fonctionnement renforçant son activité par la suppression des obstacles.
La démonstration 10 par les 26, 27 et 30 de IV l'Esprit qui ne pense pas, ou au minimum de ses potentialités intellectuelles, est un Esprit «malade». Le soigner en éliminant les gênes qui entravent son activité, en s'attaquant aux causes de sa passivité.
Mais il n'est pas permis d'oublier le corps, l'Esprit en a le pouvoir d'ordonner les affections de celui-ci. C'est dans un même mouvement que la vie de l'Esprit et celle du corps sont progressivement rationalisées pour une plus grande activité.
La guérison de l'Esprit de l'attention portée au corps et à ses besoins (début scolie 10).
10 scolie caractère prescriptif des termes mais intériorisation des règles de vie corporelles et morales par une mémorisation de celles-ci par leurs rappels réguliers.
Les aspects négatifs de la réalité seront réduits à leur caractère commun et ordinaire, les replaçants dans leurs rapports de nécessité et ne plus être des absolus.
11 à 20 «L'amour en vers Dieu» production d'un affect nouveau, avec disparition de toute trace de négativité et de passivité.
La règle de vie qui vient d'être annoncée est tendancielle et progressive, sans atteindre sa fin. Elle élargit notre activité psychique et délivre  progressivement des limitations dues aux solicitations de manière à développer une perspective de plus en plus générale, donc rationnelle.
11 à 20 prolongent les améliorations et satisfactions mènent aussi vers l'appréhension des choses et de nous même, fournissant une maîtrise de notre vie affective. Ce processus passe d'un simple régime d'existence, simple étape sur la voie de la libération, dégage une expérience religieuses [que veut-il dire par là ?].
11, 12 et 13 liées par la notion d'image, mettent en évidence les conditions du développement du processus. La notion d'image ou image des choses est introduite par le scolie 17 de II pour parler des affections du corps, idées des corps extérieurs, images associées entre elles par les signes du langage illustré dans le scolie de la proposition qui suit, 18 de II.
Par contre ici sont en jeu les mécanismes corporels et mentaux, de la perception à la mémoire, distingués en II expliquant que l'idée vraie n'est pas une image ou représentation. Ces mécanismes consiste ici en une «stricte reproduction mentale des rapports de nécessité». Ces images ne représentent qu'elles-même nous donnant l'illusion d'une connaissance réelle.
11 et 13 s'interressent au passage d'un régime faible de l'activité mentale à celui fort d'un maximum d'intensité, introduits en 5 et 6 de cette partie. Les affects, qui correspondent aux images ou représentations ont tendance à réapparaître avec plus ou moins de fréquence et donc avoir une plus grande valeur affective au sens de 8, intéressent l'Esprit davantage. L'intérêt pour un affect, excité par plusieurs causes à la fois, se rapporte à la représentation de plusieurs choses, rassemblant simultanément les images et mobilisant une plus grande activité de l'Esprit et une une plus grande attention. Ces représentations, par une connaissance claire et distincte, peuvent être mieux assimilées, parce-qu'elle connecte entre elles d'avantages de choses. Les affects s'intègrent à la propre force de l'Esprit et le font passer à un régime plus élevé en quantité et qualité.
14 La dynamique de l'imagination ainsi amorcée conduit l'Esprit à considérer plus de choses et à leur attacher des affects plus importants, fréquence et intensité entraînant l'Esprit à fructifier ce dynamisme ; ainsi rapporter affects et affections de la vie courante aux lois générales de la nature pour avoir un point de vue globale et nécessaire et non particulier et accidentel.
15 et 16 Cette vision globale développe un affect spécifique lié au fait de comprendre clairement et distinctement soi et ses propres affects.
Ce n'est pas de savoir si Dieu est, mais comment l'Esprit arrive à une représentation de celui-ci, qui s'intègre au mouvement de sa vie affective.
Dans cette lecture j'en arrive à voir de l'animisme dans la démarche de l'Éthique. C'est un retour aux sources de la spiritualité respectueuse de son environnement et donc éloignée des monothéismes qui placent l'humanité au dessus du reste de la nature.
Au terme cette entreprise de perfectionnement n'est pas rationnelle, non pas déductive mais inductive. Sans quitter le terrain de l'imagination et de l'expérience s'intègre la représentation des causes extérieures dans celle d'une cause unique.
17 à 19 Quelles sont les caractères spécifiques de cet affect ? D'abord quelle est la nature de l'objet sur lequel il se fixe ?
Il est dépourvu de passions, et ne peut éprouver joie et tristesse. Cette détermination négative fait comprendre ce qu'il est objet d'amour et ce qu'il n'est pas. Il est quand même appréhendé comme un objet sur lequel se fixent les désirs de l'Esprit, tout en se tenant à l'écart du jeu ordinaire des passions.
17 fait apparaître une image rationnelle qui recoupe partiellement la détermination du concept de Dieu.
L'idée de Dieu donne une valeur de nécessité qui soustrait à l'indécision et à l'indétermination.
L'Esprit issu de l'ordre divin de la pensée revient à Dieu par un mouvement inverse. Par l'imagination et l'affectivité l'Esprit se retrouve tel qu'en lui-même.
Le corollaire de 17 tire les leçons de cette détermination négative
Un Dieu inébranlable et vérace, étant dépourvu de passion, règle les mouvements de l'affectivité, car il échappe lui-même à leur jeu.
Il échappe à nos critères ordinaires d'évaluation.
18 L'amour ainsi porté n'est pas inaltérable.
Pas une connaissance ponctuelle avec Dieu comme seul objet, mais constitue l'élément à l'intérieur duquel se développent toutes nos idées.
Un mouvement affectif, en introduisant de l'ordre dans notre régime psychique, rend l'Esprit de plus en plus actif et satisfait.
Le corollaire souligne cette irréversibilité, l'Esprit ne peut interrompre ce mouvement, ni l'inverser et doit chercher à aller plus loin dans les possibilités de son développement.
19 souligne un accroissement de puissance de l'Esprit sans vouloir être aimé de Dieu, ce qui introduirait une limitation.
20 En joignant mon affectivité à l'idée de Dieu et mon engagement pour mon propre perfectionnement éthique je m'unis tendanciellement avec d'autres individus. Je me délivre ainsi de mon attachement à moi-même.
Effort associatif, par l'imagination, nous exerce à nous représenter le plus grand nombre d'hommes associés à notre propre pratique libératoire, démarche politique.
20 scolie est une transition avec le développement suivant. Précédemment l'Esprit considérée en soi seul a traité l'affectivité de manière à contrer les inconvénients liés au libre déploiement des affects et leurs forces.
L'Esprit, par cinq types d'actions, parvient à faire prévaloir sa puissance en agissant à travers la connaissance des affects, ce qui lui permet de moins souffrir.
- L'Esprit intervient par la connaissance des affects ;
- L'Esprit peut séparer les affects de la cause extérieure ;
- Avec le temps il fait prévaloir les affections qui renvoient à des choses connues sur celles dont la connaissance est imparfaite ;
- Il peut élargir la base de sa vie affective en rapportant à chacun des affects plusieurs affects ;
- Il peut lier les affects communs et en changer l'ordre.
Le trait commun à ces remèdes est de les rationaliser. Ce ne sont pas des recettes formelles mais leur démarche commune.
1 à 20 nous ramène à la question unique, jusqu'où l'Esprit est passif ou actif ?
La passion coïncide avec un état maximal de servitude de l'Esprit. Le moyen de la délivrer consiste à renforcer son activité interne, pour le rendre moins sensible aux agressions externes.
Cette démarche ne peut être dégagée de l'affectivité qui est celle de l'imagination et du désir.
Ces dernières proposition sépareraient l'Esprit et le corps, bien qu'ils disparaîtront ensemble ? Mais c'est simplement pour s'installer dans une perspective libérée des obligations de la vie quotidienne concrète.
Libération de l'Esprit et béatitude
21 à 42 (page 49) l'Esprit se donne les moyens de voir les choses en dehors de toute durée et sans relation avec l'imagination. Ainsi est libérée la puissance de l'intellect.
Ici sont exploitées les hypothèses introduites par le dernier scolie qui permis le processus de libération des contraintes obsédantes qu lui imposent la présence du corps.
Ce nouveau développement est organisé autour de deux notions fondamentales :
de 21 à 31 celle d'éternité de l'Esprit vis à vis du corps ;
de 32 à 37 celle d'amour intellectuel de Dieu se substituant à l'amour envers Dieu ;
38 à 40 débouchant sur la complète libération de l'Esprit ;
41 et 42 terminant sur les problèmes d'une éthique concrète au quotidien, en rapport avec les exigences de la vie courante.
21 à 31: La science intuitive et le point de vue de l'éternité.
Après les développements précédents tournés vers l'affectivité et ses problèmes Spinoza semble s'orienter vers une nouvelle voie avec des références aux premières parties, la troisième ayant disparues, permettant d'accéder à l'Esprit seul et sa puissance consubstantielle : penser, connaître et développée pour lui-même, hors conditionnement extérieur.
Est mise en valeur des aspects cognitifs de la liberté de l'Esprit hors conditions de durée imposées par la cohabitation avec le corps.
Il est possible ainsi de donner une signification d'un troisième genre de connaissance (ou science intuitive).
21 à 23 dégagent les conditions d'une vie éternelle de l'Esprit, dégagé de la durée ou du temps.
23 résume la réponse. Solution esquissée à la difficulté soulevée par la lecture des dernières lignes du scolie 20.
Durée et temps cessent d'être placés sur une même ligne (illustration de la distinction bergsonienne entre un temps qui se projette et une durée qui se ramasse et se concentre en elle-même, par une expérience purement mentale).
21 revient sur la notion que l'Esprit exprime l'idée du corps. 29 expliquera que ce ne peut-être deux choses différentes.
Concevoir l'existence actuelle d'une chose, c'est automatiquement la rapporter à l'existence actuelle du corps et de ses affections.
Le corps est, dans son organisation complexe, le résultat de la rencontre entre des corps relativement extérieurs les uns des autres.
Les mécanismes de l'imagination et de la mémoire s'expliquent par la puissance de l'Esprit de concevoir le corps et les choses en relation avec le temps.
L'Esprit et le corps sont soumis ensemble d'un même mouvement à la loi de la durée et de l'existence qui ordonne simultanément les affections de l'un et de l'autre. L'Esprit affirme ou enveloppe l'existence actuelle du corps.
Il n'est pas du tout nécessaire que l'Esprit maîtrise cette mise en rapport.
Le corps est une organisation complexe, le résultat de la rencontre des corps, ses parties relativement extérieures les une des autres.
L'Esprit ne peut cesser d'être présent à lui-même. L'existence présente de l'Esprit et sa puissance d'imagination sont ôtées  aussitôt que l'Esprit cesse d'affirmer l'existence présente du corps. L'Esprit et le corps sont soumis ensemble d'un même mouvement, à la loi de la durée, ou par l'extriorité des affections subies par l'un et l'autre.
22 Mais en Dieu les idées et les choses se suivent avec nécessité sans être soumises à la loi de la durée. 22 introduit la notion d'essence du corps humain, en alternative à celle de l'existence actuelle du corps. Cette essence est individuée en rapport avec la puissance naturelle de ses désirs d'être (conatus).
23 développe l'idée de l'éternité de l'Esprit. ... proposition ambiguë volontairement ou pas, autour de la destruction du corps et de celle partielle de l'Esprit ? Et par le scolie l'Esprit serait habité par une certaine pratique de l'éternité ?
24, 25 indiquent comment parvenir à l'expérience de l'éternité. C'est par la pratique du troisième genre de connaissances que l'Esprit parvient à voir sous l'angle de l'éternité.
24 reprend le schéma «d'autant plus ... d'autant plus ...» caractéristique d'un processus tendanciel. Spinoza ici et plus tard parle plus de comprendre que de connaître. Cette compréhension le secours de l'imagination pour approcher la véritable nature de Dieu.
Comprendre Dieu et les choses singulières sont une même chose. Plus on comprend ces dernières plus on comprend Dieu. Il  ne suffit plus d'associer des représentations, il faut penser l'unité de la substance (divine).
25 L'accomplissement de l'intelligibilité intégrale du réel est la seule verue de l'Esprit et «passe par une compréhension de plus en plus complète de la nature des choses.»
Ici pas d'explication de ce qu'est une science intuitive. Le seul but est comprendre Dieu par la compréhension les essences des choses.
26 est que ce mouvement se nourrit de lui-même. Il engendre le désir d'aller plus loin. cette tension cognitive et affective s'anime à l'intérieur de lui même.
L'Esprit avant d'en être conscient est incité à parvenir à une parfaite intelligibilité du réel.
Le mouvement qui conduit l'Esprit à la connaissance du troisième genre de connaissance obéit à la logique du désir.
Ma mise en pratique est inséparable d'un environnement affectif.
27 se ramène à un affect spécifique qui est l'apaisement ou la sérénité. Ce n'est pas une banale satisfaction d'un contentement de soi.
L'Esprit est convaincu d'être sur la bonne voie avec la satisfaction d'être dans le vrai et d'y être de plus en plus.
28 à 31La disposition à connaître par le troisième genre de connaissance, que ce soit de façon inné ou de l'extérieur, est un caractère de l'Esprit.
28 et 29 permettent de préciser la nature de cette disposition.
30 et 31 Ce genre de connaissance donne la conviction de l'Esprit qu'il est lui même éternel.
28 La provenance par les deuxième et troisième genres de connaissance est ontologique, logique et physique. D'où vient l'impulsion de ce désir de connaissance ?
L'imagination, venant de l'Esprit, par le premier genre de connaissance empêche de saisir l'origine, corporel ou spirituelle et leur maîtrise, «de prendre en considération son vrai bien».
On trouve un début de réponse à la question de savoir si le désir de connaître par le troisième est inné ou acquis.
L'Esprit se réapproprie sa propre nature par la maîtrise intellectuelle de l'essence des choses. L'Esprit doit se libérer du poids des idées inadéquates.
29 ébauche une réponse à la question comment rendre compte du passage de la connaissance à celui de la connaissance vrai.
L'Esprit représente les choses en relation avec le temps. La connaissance vraie les lui représente sous l'angle de l'éternité, toujours d'être idée d'un corps.
30 C'est par un seul et même acte de pensée que l'Esprit se connaît et connaît les choses singulières comme éternelles.
En se posant comme idée que l'essence du corps est en quelques sorte le corps du corps, l'Esprit lui-même l'Esprit de l'Esprit.
31 L'Esprit s'affirme comme étant lui-même cause adéquate ou formelle, la connaissance ne lui est plus imposée de l'extérieur.
L'Esprit exploite au maximum la puissance de penser qui est en lui.
Scolie de 31 résume l'ensemble des propositions à partir de 28 de manière génétique les conditions de production de la connaissance du troisième genre de connaissance, processus tendanciel.
Pages 147 à 149 Sujet d'étude possible de l'utilisation du terme «conscient» qui apparaît 23 fois dans l'Éthique.
Difficultés liées à l'idée d'une durée de l'Esprit sans relation avec le corps.
32 à 37 : L'amour intellectuel de Dieu
Dans les propositions précédentes, Spinoza expliquant qu'on ne peut comprendre sans aimer, dégagent les conditions pour une synthèse du rationnel et de l'affectif. Est montré un mouvement de l'Esprit vers une une pleine compréhension de la nature des choses, qui le dégage de la relation au temps associée à l'existence actuelle du corps.
Le fait de voir les choses sous l'angle de l'éternité correspond pour l'Esprit l'assurance et la certitude d'être dans la bonne voie et procure un sentiment de sérénité, de sécurité et d'apaisement.
Spinoza propose maintenant que les sentiments, associés à la connaissance par le troisième genre de connaissance, se développent dans un sens de l'affectivité secondaire, la joie de comprendre se transformant en amour.
Comment penser sans relation avec le temps, sans cesser l'existence du corps, les conditions objectales du désir ?
Ce problème est le centre de l'ensemble 32 à 37.
L'amour intellectuel de Dieu, rapporté à l'Esprit seul, est le prolongement de l'amour envers Dieu principal acquis de la thérapeutique affective décrite de 1 à 20.
Sentiment intemporel, désincarné, hors de l'imagination, un amour sans objet et sans sujet, constituant la forme parfaite de la liberté et du bonheur humains.
32 conversion de l'affect primaire de satisfaction associé à la pratique de connaissance du troisième genre de connaissance, en affect secondaire qui est l'amour intellectuel de Dieu.
Spinoza explique que le fait de comprendre remplit l'Esprit de joie, caractère raffiné de ce plaisir qui concerne l'Esprit seul. Il rendu à lui-même.
Rien à voir avec un sentiment égoïste, puisque cette joie élargit l'Esprit à la nature entière, réponse à nos aspirations profondes par l'incitation à une extension de nos intérêts.
L'amour intellectuel de Dieu, expression complexe, prend d'abord la forme de l'amour de Dieu puis comme c'est un amour intellectuel modifie la conception de l'amour lui-même.
L'amour, joie accompagnée de l'idée d'une cause extérieure, avec la pratique de la connaissance du troisième genre quitte cette idée de cause extérieure. Amour envers Dieu et amour intellectuel de Dieu donnent deux sens au terme «amour».
La thèse centrale développée dans ce passage du de Libertarte poursuit les démarches, qui se rejoignent confondues dans l'idée de Dieu cause de la joie associée au troisième genre de connaissance, cette dernière effectue cette unification.
33, 34 et 37 (35, 36 voir plus bas) ce groupe explique que cet amour est lui-même éternel, sans début ni fin.
33 reprend le raisonnement de 31 au sujet de la connaissance du troisième genre de connaissances en en appliquant les conséquences à l'amour intellectuel de Dieu conséquences se manifestant sur fond d'éternité.
Le scolie 33 reprend le problème exposé dans le scolie 31, faire l'expérience de l'éternité qui n'est qu'une forme travestie qui dénature le fond. Ici Spinoza reprend cette analyse en en déplaçant les termes. Pour expliquer plus facilement nous entrons dans un système de représentation fictive.
Les perfections de l'Esprit, que sont la connaissance du troisième genre et l'amour intellectuel de Dieu, ne sont en aucun cas des dispositions acquises. Mais elles sont l'élément éternel dans lequel baigne la vie de l'Esprit, et qui le conduit vers des conditions d'activités meilleures. Ces perfections sont indissociables du perfectionnement.
37 est le prolongement de 33, rien d'extérieur ne peut donner l'amour éternel de Dieu. Sinon cette vérité n'est pas éternelle, elle échappe aux aléas de la vie ordinaire liés à l'existence du corps.
34 c'est de cela que traite cette proposition principale difficulté de 21. Images et imaginations sont liées au corps.
Pour le corollaire 34 l'amour intellectuel de Dieu, de fait dépassionné, est le seul à être indépendant de l'existence du corps. Son éternité est liée à sa stabilité le rendant inaccessible aux perturbations de la vie corporelle du corps.
Scolie 34 notre conscience est perturbée par le jeu de l'imagination.
35, 36 (37 voir plus haut) Reste à montrer le caractère privilégié de l'amour intellectuel de Dieu. L'amour de Dieu est polysémique, Dieu pour objet et pour sujet. Cette caractérisation est la forme intellectuelle de cet amour dénoué de tout rapport avec l'imagination et la durée temporelle du corps.
35 explique que Dieu s'aime lui-même d'un infini amour intellectuel, peut-être a une signification allégorique ou métaphorique ?
Par la partie I de Deo : ne dépend d'aucune cause extérieure ; est d'absolu infini, n'a de rapport qu'à soi ; caractère nécessaire de l'existence de Dieu dont le principe se trouve dans son essence même. Cette nature divine étant la perfection même se contente de ce qu'elle est puisque rien ne peut manquer.
Ici le mot amour n'est plus tout à fait conforme à la définition de l'amour donnée par II de affectibus. ce mot est-il utilisé à contre emploi. Il exprime une jubilation universelle, la parfaite adhésion à soi de la nature des choses.
36 explique que l'amour de l'Esprit envers Dieu, pour autant qu'il soit un amour intellectuel épuré ... de l'imagination rentre dans l'amour de Dieu. cet amour intellectuel, de fait éternel, réalise une synthèse complète du fini et de l'infini.
L'Esprit actif est engagé dans le mouvement de production d'idées adéquates.
La puissance de penser est communiquée par la substance pensante dont elle exprime la nature.
L'amour intellectuel de l'Esprit envers Dieu vient de plus loin que de nous. C'est un amour sans passion qui nous réconcilie avec la nature entière. Par cet attachement universel nous nous engageons dans le mouvement universel d'un amour qui nous envahit. ...
38 à 40 La libération de l'Esprit présentent les bénéfices que nous pouvons attendre après le développement précédent consacré aux pratiques mentales qui concernent l'Esprit sans relation avec le temps et le corps.
38 renoue avec une progression illustré par le vocabulaire. Mais celle-ci n'est plus temporelle, du fait que c'est dans un contexte d'une durée éternelle, voir Scolie 33, l'Esprit allant de perfection en perfection. Les transformations le font persévérer par toutes les potentialités dans sa propre nature.
Même si elles se distingues les deuxième et troisième genres de connaissances font étroitement corps entre elles, le ramenant à sa véritable nature.
L'Esprit pâtit moins des affects, qui sont des maux de servitude, comme l'a indiqué 30. Ils sont contraires à notre nature, en contrariant sa manifestation, le plongeant dans un état de passivité encombré par les passions se déchaînant en lui.
Faisant naître à leur place de nouveaux affects, actifs que sont la joie et l'amour parfaits dont la montée a été décrite dans les propositions précédentes.
Scolie 38 développe en second point énoncé en 38 , la pratique de la connaissance vraie libère l'Esprit de la crainte de la mort.
Il ne souffre plus des risques liés à la destruction du corps. Nous sentons que nous sommes éternels, dans un état de perfection et de béatitude. Notre vie est une succession de mort, vu en 39 de servitude, comme celle de l'enfant.
L'éternité est conditionnée par l'éloignement de l'Esprit du corps, tout en gardant l'idée que par la puissance d'agir de Dieu nous sommes corps et Esprit, chose pensante et chose étendue.
39 explique qu'il n'y a pour l'Esprit de perspective d'éternité sans affirmation de la puissance du corps.
Le scolie 39 nous rappelle que l'éloignement de l'Esprit du corps est contigu avec le perfectionnement physique du corps.
40 reprend le processus tendanciel en répartissant l'agir et le pâtir le long d'une échelle de valeurs mesurées en termes de perfection et d'imperfection. Plus une chose a de perfections plus elle est réelle. Pour une chose, être libre, c'est libérer au maximum la puissance d'être qui est en elle.
Scolie 40 Soit la réalité de l'Esprit est déterminé négativement, c'est à dire par défaut, sa puissance est limitée. Soit elle  est conçue par la substance, via son essence, elle est entraînée par l'effet actif de sa puissance.
Corollaire 40 L'intellect est la partie de l'âme la plus parfaite. L'imagination en est la moins parfaite.
Dans un rapport de succession la vie que l'Esprit mène avec le corps est dominée par l'entendement, et sans le corps (sans pâtir des nuisances liées à l'existence de ce corps) dominée par l'imagination.
L'intellect [l'entendement ?] est éternel sans rapport avec la durée du corps. L'imagination est périssable étend dépendante de l'existence de celui-ci. Penser adéquatement par l'action de l'intellect est véritablement vivre.
La perfection de l'Esprit est nécessairement relatif. Il est déterminé par sa constitution singulière, qui n'est pas général, déterminé directement à partir de Dieu. Il appartient à chacun de développer la puissance d'agir qui est en lui. [C'est comme la grâce vue par Pascal, on l'a ou pas. Peut-être, pourtant ce qui est évidant c'est que la part du déterminisme sociale est importante, mais pas que c'est sur.].
La formule «sans relation avec le corps» ne doit pas être pris au pied de la lettre. Sa propre finitude introduit dans l'Esprit aucun élément de négativité, l'Esprit devenant actif. [Si la peur de la mort est supprimée, il reste la douleur physique éventuelle qui encombrera l'Esprit rendant la fin difficile]
La nature naturée profite de l'infini propre à la nature naturante.
Par la pratique de la connaissance du troisième genre l'Esprit ce conçoit lui même dans sa singularité.
41 et 42 : L'éthique au quotidien Ouvrage non terminé par les considérations exaltées précédentes. Il s'achève en ramenant  au concret de l'existence courante par deux propositions qui tranchent, ne voulant réduire l'Éthique à des règles rigides d'une éthique du surhomme.
41 envisage le cas de ceux qui connaissent pas l'idée d'un Esprit éternel, ce dernier restant inexploité. En l'absence de toute perspectives de libération ces personnes, par la vertu, d'une droiture dans leurs règles de vie, de courage et de  générosité et par le souci de l'autre, ne sont pas rejetées de fait dans l'état de servitude.
Est rappelé l'exigence d'une règle de vie raisonnable subordonnée à la mise en œuvre du pouvoir de l'intellect.
C'est l'accès à la béatitude et la liberté ménagé par le troisième genre de connaissances et l'amour intellectuel de Dieu, pratique préalable à tout projet de libération éthique, s'appliquant aux sages comme aux ignorants. Les exercices de l'intellect par lesquels l'Esprit se révèle à lui comme éternel s'ajoutent à la pratique de la vie réglée, permet d'aller plus loin tant qu'il peut dans l'effectuation de sa nature en conservant son être. Les normes éthiques introduites autour du thème de l'éternité de l'Esprit n'invalident en rien celles qui avaient été exposées précédemment dans le contexte temporelle où l'imagination entrave le fonctionnement de l'intellect.
Scolie 41 C'est dans cette vie et non dans un hypothétique au-delà que nous devons placer notre confiance. A l'opposé d'une morale du renoncement, qui n'est qu'une stérile rumination de l'impuissance humaine, que la philosophie de Spinoza est d'abord le courage de vivre et d'agir, pour une éternité qui ne peut-être que présente.
42 La voie de la libération telle que l'indique indique la vraie philosophie est extrêmement ardue.
Scolie 42 Spinoza insiste sur les traits qui différencient la vie du sage de celle de l'ignorant.
D'un côté pour l'ignorant individualisme, vie agitée par une multitude d'incitations externes sans jamais trouvé le repos.
La vie du sage se caractérise par l'état d'apaisement. Conscient de soi car il n'a pas une existence indépendante de celle de tous les autres. Il élimine les causes de ses préoccupations et en se considérant qu'il n'est pas d'une nature différente de celle des autres.
Il n'en reste pas moins actif face au flux des évènements. Ils les acceptent tant qu'ils ne dépendent pas de son bon vouloir.
La «jouissance» que procure la vertu, comme le conçoit Spinoza, ne se confond pas avec les plaisirs ordinaires qui préoccupent les ignorants. Elle se rapporte à l'Esprit tant qu'il est actif.
Troisième partie
Avant propos. Texte réduit, les doubles guillemets indiquent une citation de Spinoza.
UN POINT DE VUE RATIONNEL SUR L’AFFECTIVITÉ (titre et préface du de Affectibus)
De l'étude du fonctionnement du régime mental vu dans la deuxième partie, cette troisième partie développe un aspect spécifique correspondant au domaine de l'affectivité sans faire référence au contexte de l'existence humaine.
Sont exposés les caractères communs de l’affectivité, rapportés à des « choses » (res), ceux-ci concernant l’ensemble des vivants. Sont dégagées des lois qui s’appliquent à la nature humaine mais ne sont pas extraites de la considération d’une essence humaine traitée à part, comme si elle se trouvait elle-même au centre d’un ordre de réalité autonome.
Le projet de Spinoza est d'expliquer les mécanismes de l’Esprit humain, sans oublier que ces mécanismes mettent en œuvre des processus naturels qui fonctionnent aussi dans d’autres domaines, dont les causes ne sont pas à rechercher dans la nature de l'Esprit.
Spinoza se place en rupture par rapport à toute une tradition et refuse de reconnaître à l’ordre humain une réalité séparée soumise à ses propres lois par lesquelles il serait soustrait à l'ordre commun de la nature.
Spinoza tend à banaliser les phénomènes de l’affectivité, en les replaçant dans leur contexte.
Lorsqu'il critiquera, dans la préface de la cinquième partie de l'Éthique, le préjugé partagé par les philosophes anciens (les Stoïciens) et modernes (Descartes) selon lequel l’homme serait doté d’une absolue initiative à l'égard de toutes ses actions, Spinoza expliquera que cette manière de voir, qui fait de l'homme à la fois une machine et un surhomme, on dirait en d’autres termes une bête et un ange, suppose la méconnaissance et la dénaturation de l'essence humaine.
Spinoza cite ici Descartes en exemple de l’inconséquence qui exploite un présupposé erroné d’avoir une puissance absolue sur ses actions et de fonder là-dessus une règle de vie.
Il tourne le plus souvent ses critiques à l'encontre des philosophes, des théologiens ou des moralistes en général. Spinoza reprenant le programme que Descartes s'était fixé dans son traité sur Les passions de l'Esprit se trouve dans un rapport de dialogue et de contestation pour lesquelles cette partie de l’Éthique est en quelque sorte écrite.
En faisant de l’homme un être d'exception, on se condamne à célébrer sa grandeur en tournant en dérision sa misère. Cette étrange combinaison d’exaltation et de dépression, fond de la sagesse presque tous les moralistes, illustrerait assez bien le phénomène du « trouble mental » qui est une constante de notre vie affective. Ce phénomène sera caractérisé par Spinoza dans le scolie de la proposition 17.
Spinoza se propose de briser ce cercle dégageant le caractère essentiellement naturel de l’affectivité, au lieu de la confronter à des normes imaginaires tirées de son développement spontané.
Le projet d’un traitement scientifique des problèmes de l’affectivité suppose une mise à distance de ceux-ci permettant de porter sur eux un regard désengagé. Pour y parvenir il faut s'être soi-même libéré de la force aliénante exercée par les affects et en maîtriser le fonctionnement. Comment avoir le contrôle de la vie affective si on n’en comprend pas la nature ?
Dans cette troisième partie de l’Éthique il apparaît à quel point l’entreprise d'une «« éthique démontrée à la manière des géomètres »» mêle des enjeux théoriques et pratiques
Mais aussi, réciproquement, comment comprendre sa nature si on n’exerce pas déjà sur elle un certain contrôle ?
Pour parvenir à une certaine clarté sur ces questions difficiles, il faut les aborder avec sérénité.
La « sérénité » est elle-même un affect. C'est typiquement ce que Spinoza appellera plus tard un affect actif, dont l'Esprit est la cause adéquate. Il sera au centre du projet de libération développé dans la cinquième partie de l’ Éthique.
L’hypothèse de départ consiste à affirmer la complète intégration de l'affectivité à l’ordre commun des choses, soumise à ses lois comme tous les autres phénomènes de la nature.
Ce type de manifestation de notre régime mental, par son instabilité et la peur instinctive qu’il déclenche, paraît le plus insaisissable de tous, n’est accessible à la connaissance, et susceptible d’être effectivement régulé, que s’il est ainsi dédramatisé et en quelque sorte désenchanté.
Au point dans le développement d’ensemble de l’Éthique, les bases théoriques de cette entreprise sont déjà réunies : le principe de causalité qui doit s’appliquer à tous les domaines de la réalité sans exception.
De ces explications préalables qui ont déjà été données de manière complète, il résulte que «« rien ne se fait dans la nature qui puisse être attribué à un défaut de celle-ci »», autre manière de dire que par réalité et perfection il faut entendre une seule et même chose (Selon l'énoncé de la définition 6, au début du de Mente).
Remettre ce principe en doute c’est renoncer à avoir une vue cohérente sur les choses en refusant de reconnaître que les lois et règles de la nature sont partout et toujours les mêmes.
Dans cette caractérisation de l’ordre naturel en tant qu'il est soumis à des lois régulières, Spinoza a pris soin de souligner les caractères dynamiques de ce déterminisme qui donne ses bases au processus selon lequel les choses se font et changent leurs formes les unes dans les autres. Comprendre la nécessité de l’ordre naturel, ce n’est pas condamner le monde à l'immobilisme. C'est se donner les moyens de  maîtriser les conditions de son incessant changement.
La réalité est soumise à des lois qui relèvent du même principe de causalité. La nature suit des lois qui expriment le caractère substantiel de son organisation, y compris l’homme et ses conduites, qui sont des expressions ou des réalisations.
Ceci revient à traiter tous les affects comme des choses, même si ces choses arrivent à des choses qui se figurent être des sujets libres. Spinoza a pris soin de choisir des exemples de comportements entre tous négatifs, qui font voir la réalité affective sous son jour le plus sombre et le plus effrayant, et de leur faire exprimer paradoxalement une « vertu de la nature », au sens de sa puissance qui témoigne de sa nécessaire perfection. L'oxymore qui allie en une formule unique des notations opposées et apparemment exclusives revient assez souvent sous la plume de Spinoza.
Ce retournement des vices en vertus s’effectuant par le fait que les affects en question sont considérés en eux-mêmes et débarrassés des interprétations qui les surdéterminent et en font des signes d’opprobre inspirant la crainte.
Cette crainte est motivée mais par l'ignorance de leurs causes et des effets qui en découlent.
En comprenant ces choses replacées dans l’ordre de nécessité auquel elles appartiennent, en rapport avec les causes dont elles suivent, nous découvrons qu’elles possèdent certaines propriétés aussi dignes d’être connues de nous que les propriétés de n'importe quelle autre chose dont la seule contemplation nous délecte.
L’horreur que nous inspirent ces débordements affectifs se retourne alors en une véritable délectation, une joie de comprendre, affect actif, dont le déploiement restitue à l’Esprit sa puissance. Nous contemplons les affects comme s’il s'agissait de choses qui ne nous concernent pas directement. Ayant découvert leur origine et leur nature, nous les voyons sous un nouveau jour, non plus déplaisants mais rassurants, et intéressants par leurs compréhensions.
La connaissance de l’affectivité demeure jusqu’au bout marquée affectivement, mais, dès lors qu’elle se développe comme une connaissance authentique, c’est sous la forme d’une affectivité maîtrisée n’ayant plus rien à voir avec les élans spontanés qui nous aliènent et font obstacle à la maîtrise de leurs manifestations.
Même si les manifestations de l’affectivité présentent un certain nombre de caractères particuliers, auxquels il faut consacrer une étude spécifique, il n'y a pas lieu de leur faire un sort à part et de les considérer elles-mêmes comme si elles relevaient d’autres règles que celles qui dirigent le cours ordinaire des choses ou comme si elles avaient le pouvoir extraordinaire de bouleverser celui-ci.
C’est pourquoi, explique Spinoza dans les dernières lignes de la préface du de Affectibus, «« pour traiter de la nature et des forces des affects, et du pouvoir que l’Esprit a sur eux, je reprendrai la même méthode dont je me suis servi dans les parties précédentes où il a été question de Dieu et de l’Esprit; et je considérerai pareillement les actions et les désirs humains comme si c'était une question de lignes, de plans ou de corps »»
DES PASSIONS AUX AFFECTS
L'orientation théorique de cette démarche est d'emblée engagée par un choix terminologique en retenant, pour désigner le domaine d'investigation auquel est consacrée la troisième partie, le terme « affect » (affectus), qui apparaît dans son titre, et y revient ensuite à cent-soixante-dix reprises.
Spinoza a voulu signaler la nécessité du déplacement théorique justifié ensuite dans la préface.
Les moralistes prétendant faire de l’homme un être à part, merveilleux et monstrueux à la fois, parlent de ses « passions », dont ils déplorent les ravages, et dont ils imputent la responsabilité à la nature de l’homme, ou aux incertitudes de sa volonté qu’ils interprètent comme des signes de sa faiblesse et de sa déchéance.
Les théories élaborées à ce sujet ne peuvent qu'être incohérentes, puisqu'elles convertissent les marques de l’aliénation humaine en témoignages d’une possible liberté, obscurcissant les mécanismes dont cette aliénation dépend, sans intervention de quelque initiative intentionnelle que ce soit, et donc sans qu'il ait lieu de faire intervenir dans leur explication la notion de culpabilité.
Pour rompre avec ces équivoques, formant écran à une compréhension authentique des lois dirigeant le fonctionnement de l’affectivité, il faut se servir d’un mot nouveau, de manière à éliminer la référence traditionnelle aux passions de l’Esprit.
Parler d’affects, plutôt que de passions, c’est en quelque sorte médicaliser le point de vue qu’on porte sur ce secteur entre tous sensible de l'existence humaine, de manière à mieux en contrôler les aléas en déterminant les causes dont il dépend, en dehors de toute perspective de responsabilité et de faute.
Donc pas une condamnation morale présentées alors comme des punitions méritées
L’exposé que Spinoza consacre aux problèmes généraux de l’affectivité va donc se dérouler en dosant soigneusement les références aux « affects » et aux « passions ». Lorsque, dans la partie suivante de l’ouvrage, Spinoza semble placer ces deux termes sur un même plan. Il veut dire que toutes les passions de l’Esprit, au sens propre du terme « passion », subies par l’âme, sont des affects, sans que la réciproque soit nécessairement vraie.

«C’est seulement dans la mesure où l’affect prend la forme de la passion, c’est-à-dire d’un sentiment passivement subi, qu'il produit sur l'existence humaine des effets dommageables, non pas utiles mais nuisibles. Mais, s’il cesse d’être une passion, l’affect accède à un tout autre statut et, au lieu de représenter la forme par excellence de la servitude de l’homme, il devient l’instrument privilégié. de sa libération
ORGANISATION DE LA VIE AFFECTIVE
L'aspect le plus manifeste de la vie affective, suscitant d’interminables discours des moralistes sur l’inconstance humaine, est son instabilité et sa variabilité.
Entreprenant l'étude de cet aspect de la réalité mentale, Spinoza se confronte à un monde d’infinies nuances, où la finesse des proportions les rend à première vue imperceptibles et insaisissables.
Comment la rigueur des procédures rationnelles peut-elle, sans la dévitaliser, faire rentrer la souple et impalpable dynamique de la vie affective avec ses rebonds chargés d'ambiguïtés et détours ?
Telle est la difficulté principale que doit surmonter l’exposé du de Affectibus.
Spinoza se propose, en réintroduisant une certaine logique absente, de démêler le lacis de la vie affective en évitant les simplifications abusives et en préservant le caractère naturellement compliqué.
Malgré le désordre et le délire apparent le projet de Spinoza est de montrer qu’il y a une logique des affects qui détermine nécessairement leur nature, sans qu’il y ait lieu de faire intervenir le libre arbitre.
Pour y parvenir une seule manière de procéder, c’est d'applique à tous les domaines de la réalité l'explication causale qui, d’un point de vue ontologique, logique et physique, doit permettre de reconstituer le réseau d'ensemble de la réalité affective en remontant jusqu’à ses sources.
Tel est donc le principe très simple à partir duquel est construit l'exposé de de Affectibus, permettant de saisir la gamme subtile de ses modulations variées, dans leur forme et au jour le jour, la matière de nos sentiments et de nos élans affectifs et leurs conséquences.
Le développement consacré aux fondements de l’affectivité occupe les onze premières propositions du de Affectibus, avec ses éléments de base. Permettant de comprendre comment s’organisent à partir d’eux les complexes affectifs.
Avec au centre les propositions 6, 7 et 8 qui donne une notion cruciale, celle du conatus qui concerne l’ordre corporel et mental. La puissance et l’énergie du conatus se répartit sur l’ensemble de la vie affective avec une intensité entre un minimum passif et un maximum actif.
Les propositions 9, 10 et 11 donnent une topique élémentaire des trois affects primaires le désir, la joie et la tristesse. Qui se retrouvent dans les combinaisons de notre vie affective.
Après l’étude qui a recensé les diverses formes d’impulsions d’amour et de haine, les propositions de 12 à 20 en allant du général au particulier démontre les procédures imaginaires d’association et de transfert provoquant une instabilité de la vie affective.
Spinoza conclut cette partie par un ensemble de propositions ramassées dans 58 et 59.
Et finit en proposant des définitions d’affects actifs.
Plan de répartition des propositions et les définitions de fins du livre III qui leurs sont liées :
Fondements naturels et formes élémentaires de la vie affective Propositions 1 à 11 & définitions 1 à 3
Manifestations secondaires de l'affectivité et la formation de la relation d'objet 12 à 20 & déf 6 à 9, 12 à 17
Figures interpersonnelles de l'affectivité 21 à 34 & déf 18 et 19, 21 à 26, 28 à 31, 43 et 44
Conflits affectifs 35 à 47 & déf 5, 11, 32, 34, 35 à 39, 42
Accidents et variations de la vie affective 48 à 57 & déf 4, 5, 10, 25 à 27, 40 à 42, 45 à 48
Les affects actifs 58 et 59
D'abord notions et principes de base
Trois définitions construisent la notions d'affect allant de l'activité à la passivité. Ainsi Spinoza objective l'affectivité, opposé ainsi à une vision moraliste.
Définition 1 Qu'est-ce qu'une chose adéquate ou pas ? Ces manifestations mentales ou idées correspondent à des actes aboutis ou pas, de manière totale ou partielle. Être cause ou non adéquate de ses actes c'est produire des effets dans des conditions qui s'expliquent ou pas.
La puissance ou impuissance ne se mesure pas à la valeur intrinsèque de la cause mais par la perception des effets en rapport avec celle-ci. La puissance ici est celle de l'Esprit.
Être cause adéquate vis-à-vis des effets se comprend non partiellement à partir de sa seule nature et agir à la manière d'une cause libre indépendamment d'une contrainte extérieure.
Définition 2 Qu'est-ce qu'être actif ou passif ? Cette définition sort des généralités pour se rapporter à nous. Nous sommes actifs, sans initiative, en comprenant complètement à partir de la cause et dans ce cas il n'y a pas de passion.
La passivité nous enferme en nous-même et limite notre capacité à nous exprimer hors des effets.
Définition 3 de l'affect détaillée à la fin de cette partie. L'affect est lié à la l'activité de l'affection sur le corps et de ses effets, en établissant une relation spontanée entre celui-ci et l'Esprit ; exprimant un seul et même contenu quoique de deux manières différentes.
Postulats 1 et 2 ils annoncent ce que peut le corps.
Postulat ici confondu par Spinoza dans l'Éthique avec axiome.
Définitions : Axiome : vérité indémontrable mais évidente – Universelle ; Postulat : ni démontré ni évident que l'on accepte pour poursuivre une démonstration.
Pour Macherey les postulats sont des démonstrations qui constatent des propriétés évidentes (?!). Et dans l'Éthique concernent le corps humain, comme ceux de cette partie comme ceux placés dans la partie II entre les propositions 13 et 14.
Postulat 1 élucide la puissance d'agir du corps dont les caractères s'énoncent non à l'actif mais au passif. L'ignorance conduit à imputer à l'Esprit l'initiative de comportements nécessaires inscrits dans la constitution de ce corps.
La puissance du corps, mode malléable et souple, affection de la substance, s'exprime à travers la variété de ses affections, richesse et envergure de ses expériences, en contact avec l'entourage s'opérant ou pas à son détriment.
L'affectivité est une réaction à ces incessantes variations.
Postulat 2 attire l'attention sur l'un des changements dans la vie du corps. Ce corps une fois affecté gardent les traces des contacts avec les autres modes.
A partir de là le mot définition concerne les définitions des affects de la fin de la partie III
Fondements naturels et formes élémentaires de la vie affective Propositions 1 à 11 & définitions 1 à 3
1 à 3 Actions et passions de l'Esprit  déterminent le champ à l'intérieur duquel se déploie l'ensemble de la vie affective, métant l'accent sur les aspects cognitifs et intellectuels de l'affectivité. (page 71). A travers ces trois propositions se développe le raisonnement qui détermine les conditions dans lesquelles l'Esprit est actif ou pas. Plus il est actif plus il forme des idées adéquates et réciproquement.
1 Introduction de l'ordre dans les fouillis des mouvements dont l'Esprit est agité en permanence, qu'il classe en actions et en passions.
Page 51 Un corollaire dans l'Éthique est une proposition annexe attachée à une ou à un groupe de propositions. Il met en évidence des aspects et conséquences rejetant une thèse dans le cadre d'une déduction plus général.
2 Il n'y a pas d'action du corps sur l'Esprit, et réciproquement, qu'ils soient actifs ou passifs. Pourtant ils sont une même chose, expression des deux attributs pensée et étendue.
[il y a là une contradiction, que j'ai aussi lue dans les trois propositions, que je n'ai pas levée]
3 fixe l'idée que c'est la production d'idées adéquates qui expliquent les actions de l'Esprit, et celle d'idées inadéquates qui expliquent les passions de l'Esprit.
Scolie 3 Il y a dans notre nature quelque chose d'incomplet et d'inachevé, marque de notre impuissance. Elle exprime la puissance de toute la nature d'une manière déterminée.
4 à 8 Le conatus Il s'agit à présent de comprendre quels phénomènes se produisent à l'intérieur du champ déterminé précédemment. Elles s'intéressent aux conditions énergétiques de cette production restituant ainsi un caractère dynamique.
Tous les aspects de la vie affective renvoient à l'affirmation d'une puissance d'exister et d'agir, correspondant à une véritable force vitale, source à laquelle puisent tous les affects. Les problèmes de l'affectivité humaine sont mis entre parenthèses.
La déduction de cette énergie procède en deux étapes : 4 et 5 diverses impossibilités puis 6, 7 et 8 incitation à persévérer dans son être.
4 et 5 presque axiomatiques sous forme négative, formulent des impossibilités de se détruire soi-même. Constituant des préalables avant  l'exposition suivante.
4 Aucune chose ne peut se détruire elle-même. Elle ne peut pas à la fois être et ne pas être.
Leur essence n'enveloppant pas l'existence (Prop 24 du Deo) est-ce l'essence de la chose ou son existence qui ne peut être détruite ? Ceci implique : peut-il y avoir dans l'une essence d'une chose une partie qui nie cette essence ; qui nie son existence ; en dehors de cette essence qui nie son existence ? Spinoza répond négativement aux deux premières questions et positivement pour la dernière.
L'essence de l'existence d'un être n'est pas la même chose que l'essence de celui-ci proprement dit.
5 reprend 4 en plus complexe. Des choses qui se détruisent sont de nature contraire et ne peuvent coexister. Plus grande est leur incompatibilité plus elles sont opposées.
Dans la philosophie de Spinoza il n'y a pas de place pour la notion d'un sujet en soi, hors des affrontements de l'ordre extérieur. Deux choses ne sont contraires que par leurs effets dans des conditions qui les opposent entre elles. C'est dans la marge de leur champ d'action que se nouent leurs relations.
6, 7 et 8 construisent le concept positif de l'impulsion source de toutes les manifestations de la vie affective, prenant au premier abord la forme d'un obscur élan vitale.
6 expose le mouvement de cette impulsion, imputée à toute chose, à toutes les productions de la nature, concernant les dimensions corporelles et mentales, issue de notre constitution.
La passion, destructrice de notre Esprit, a son propre conatus (voir 5 et 6 de IV servitude).
Page 82 commentaires sur « persévérer dans son être »
7 développe d’idée que la force, par laquelle chaque chose commence à exister, la propulse dans une existence toujours recommencée.
Le conatus n’est pas une impulsion extérieure.
7 démonstre « l’essence donnée de la chose » en référence à la limite de son quantum (Quantité finie et déterminée).
7 démonstration insiste sur le caractère actif la manifestation du conatus. Il incite à agir, déterminé par sa nature, en produisant des causes et leurs effets.
8 conclut en exposant le temps illimité dans l’effort de persister dans son être, jusqu’à la destruction par l’intervention d’une cause extérieure.
8 démonstration. En conclusion la limite constitutive du conatus correspondant à la nature d’une chose, n’intervient pas négativement et coïncide de manière positive avec son essence.
Page 90 L’éternité n’a rien à voir avec une existence indifféremment prolongée.
9 à 11 & déf 1 à 3 Les affects primaires ont pour objet d’appliquer aux phénomènes mentaux la théorie générale du conatus (théorie générale vue en 1 à 3).
9 & déf 1 L’Esprit est conscient de son effort. Cette conscience ne précède pas les manifestations mentales. C’est l’élan spontané du conatus qui explique la conscience et non l’inverse. Elle peut coïncider avec l’ignorance. Ils sont conscients de leurs actions mais pas de leurs causes (voir scolie 2). Et voir 23 de IIde mente, bien qu'il perçoit les idées des affections du corps l’Esprit ne se connaît pas lui-même. L’affectivité épouse tous les moments communiqués par le conatus, tels que ceux-ci se produisent dans l’Esprit avec accompagnement de conscience, qui réagit au coup par coup. Ces moments impulsés par le conatus sur l’Esprit lui-même, il les nomment « volonté » et simultanément sur l’Esprit et le corps il les nomment « appétit ».
Donc ici différence entre appétit et volonté. Cette volonté non déterminée par soi rejoint la Volonté de Schopenhauer.
Nature duelle du désir (voir définition I), instabilité manifeste, deux plans successifs dont l’énoncé effectue l’articulation de la première forme simplifiée, à la seconde.
[Dans ce passage de l’Éthique on rapproche conscience, désirs, appétits, essence de l’homme (pourquoi ne pas parler de l’essence de la vie?)]
Deux déterminations : désirs essence même de l’homme, nécessaire à son auto-conservation, et essence déterminée à accomplir une action.
Essence de l’homme ou d’un homme ? N’utilisant pas d’article le latin ne permet pas de trancher. C’est les deux à la fois, c’est une impulsion qui est en chaque être, impulsion de la vie de la nature entière, caractère dynamique et non statique ; intérêt vital ; désir essentiel de l’homme.
Caractère primordial du désir unificateur à l’agart de l’ensemble des comportements humains [humains car il y a conscience]
Double détermination de la nature du désir, elle le soumet à une loi générale, celle du conatus, et elle fait référence à l’actualisation de cette puissance orientant sa réalisation pour un contenu concret. [ici se place le choix malgré le déterminisme]
L’affection de l’essence de l’homme est une structure innée ou acquis, cité en fin de l’explication de la définition I.
10 et 11& déf 2 et 3 répondent à la question : pourquoi l’Esprit est toujours désirant, préoccupé en permanence par la nécessité de persévérer dans son être, joyeux ou triste, exalté ou restreignant sa propre puissance ?
On passe du soi intrinsèque à l’Esprit, Esprit idée du corps prenant en compte le retentissement mental des aléas de la vie corporelle. Ceci permettra de déduire les eux figures primaires de l’affect, affections de l’Esprit, la joie et la tristesse ; vie commune du corps et de l’Esprit.
10 développe que l’idée qui exclut le corps est contraire à l’Esprit. Dans ce cas il tendrait à éliminer cette idée étant destructrice. Entre exclusion et acceptation c’est là que se place le conatus.
L’Esprit ne subit pas sa relation avec le corps et vit en profondeur, affirmant l’existence du corps et écartant tout ce qui est contraire.
11 fin scolie revient sur ce sujet. L’Esprit prend connaissance des affections du corps, bonnes ou mauvaises, et lui sont soi intolérables et déprimant, soit l’exaltant ; liées à sa puissance d’imaginer affirmant l’existence du corps.
11 L’Esprit est agité en augmentant ou diminuant la puissance d’agir du corps. Il continue à affirmer l’existence du corps par sa propre puissance d’imaginer, mais il est confronté à deux orientations contradictoire dans le sens d’une expansion ou d’une restriction ; imposé par des mécanismes qui lui échappent et toujours animer par la pression intime du conatus.
11 scolie Désir, joie et tristesse constituent les formes élémentaires de la vie affective et l’arrière-plan de ses autres manifestations.
Manifestations secondaires de l'affectivité et la formation de la relation d'objet Propositions 12 à 20 & déf 6 à 9, 12 à 17
Rappel : propositions
- 1 à 3 Allure générale des actions et passions de l’Esprit ;
- 4 à 8 Principe universel du conatus ;
- 9 à 11 Formes élémentaires de l’affectivité que sont désir, joie et tristesse. Ces affects primaires soutiennent l’édifice complexe des sentiments et tristesses. Ils restituent une unité mais apparaissent seulement combinés et mélangés.
12 et 13 & déf 12, 13 L'amour et la haine décrivent les associations attractives ou répulsives des mouvements de l’Esprit et des représentations imaginaires.
12 Spinoza franchit un seuil dans l’analyse de l’affectivité. Le désir, expression mentale du conatus, ne se rapporte qu’à soi-même et a suffisamment de force en lui-même pour enclencher et soutenir tous les mouvements dont l’Esprit est animé.
Spontanément polymorphe sa nature essentielle est altérée, étant associé à des représentations formées à partir d’autres sources.
Cette imagination, qui augmente et favorise la puissance d’agir, est traversée par l’élan vital du conatus.
12 démonstration. La concordance entre des représentations de l’Esprit et des affections du corps joue dans les deux sens. L’Esprit considère des choses comme présentes. Le corps, dont elle est l’idée, est lui aussi affecté d’une manière qui correspond à ces représentations, mêlant affection et sa propre existence ; aller et retour par le sentiment de satisfaction. Ce qui nous donne de l’agrément, ce ne sont pas les choses elles-mêmes, mais les représentations qui nous en avons.
13 reprend le même raisonnement mais inversement, l’Esprit se détournant de choses qui lui répugne, car elles diminueraient sa puissance d’agir. L’Esprit connaissant l’élan du conatus ne pourrait pas procédé à un engament négatif.
Il n’est pas question de surseoir ce que l’Esprit s’efforce de ne pas faire, mais ce qu’il doit s’efforcer de faire positivement.
13 scolie. L’amour est l’élan du conatus tant que celui-ci dirige dans le sens d’une augmentation d’être. Nous n’aimons et n’haïssons que des choses imaginaires occasionnellement attachées à nos désirs, joies, peine.
[Creuser la différence entre joie et amour. La joie peut être stimulée par la tristesse que l’on apporte à l’autre. Dans ce cas pour Spinoza c’est une tristesse. ]
14 à 16 & déf 8, 9 Les mécanismes de l'association et du transfert.
Donc les affects primaires, issus de notre nature profonde, s’accompagnent de représentations de choses extérieures, formant les complexes affectifs et nous poussent vers ces choses.
15 S’opèrent les jonctions du désir et de ses représentations de façon purement occasionnelle. Interviennent les conditions temporelles qui lui confèrent l’allure d’une genèse, associant dans le passé les représentations aux affects de joie et de tristesse. Il y a donc une mémoire affective, vue en 13.
14 est adapter à l’analyse rationnelle des affects, la théorie de la mémoire fondée aussi sur le principe de l’association.
[Long exposé sur la théorie de la mémoire par 16, 17 et 18 de Mente]
Il y a association même de façon hallucinatoire, échos des évènements passés ; données affectives générales par des appréciations ou rejets de n’importe quoi sans raison apparente.
Aimer et haïr c’est juste s’attacher à la représentation d’un affect de joie ou de tristesse ; obscurité et confusion dans la manifestation de ces affects.
16 thématique des transferts ; prolongement de la théorie de l’association qui vient d’être exposé.
17 L'ambivalence affective
Précédemment mises en évidence des fragiles conditions de la formation des goûts, qui nous attachent ou pas à certains objets, réglées uniquement par l’imagination, transférées par par contagion dans une logique qui nous échappe.
17, prolongement direct de 16, tire les conséquences de cette situation précaire où nous considérons ou pas les choses, dans des procédures de manières aberrantes, provoquent des situations de crise perturbant notre régime mental ; et faisant planer une constante menace sur notre vie affective ; situation d’amour-haine ; insoluble contradiction.
17 scolie Différences entre cause par soi et cause efficiente par contamination. Transfert, notre corps étant composé de plusieurs individus nous mène vers des réactions contradictoires.
La complexité de notre rapport au monde aux situations complexes au risque des équivoques.
18 à 20 & déf 12 à 17 La projection temporelle de l'affectivité
L’imagination projette idées et affects sur une durée liée à des évènements passés et présents complexifiant le rapport de la vie affective avec la temporalité.
18 renforce la dimension hallucinatoire de la relation des représentations avec les nouvelles préoccupations.
L’affectivité est enfermée dans une nouvelle équivoque la rendant incapable de faire la différence entre passé et futur.
Premier scolie souligne cette incertitude affective entre passé et futur. Les représentations élaborées par l’imagination affirme l’existence présente d’une chose et y attache joie et tristesse par association et transfert.
19 et 20 reprennent les notions d’amour et de haine.
(19 à 24 annalysent les mécanismes mentaux apparemment automatique - ajouté à 25-26)
19 et sa démonstration montrent comment se noue l’enchaînement dont la mise au futur souligne la nécessité.
20 transpose ce raisonnement à ce que l’on déteste. La dérive affective au gré des nécessités du moment rend ses manifestations arbitraires en apparence par notre imagination. La disposition favorable aux choses aimées et défavorables à son existence peut produire des effets extravagants.
Figures interpersonnelles de l'affectivité Propositions 21 à 34 & définitions 6 à 9, 12 à 19, 21 à 26, 28 à 31, 43 et 44
De 13 à 20 a été rapportée la relation d’objet entre des choses neutres indifférentes et la nature du désir, venu accidentellement se greffer sur elles, formant des complexes affectifs ; ces choses faisant intervenir des causes extérieures. Elles sont aussi des personnes, avec des relations de réciprocité, partageant un commerce affectif, partageant des affects ou leurs représentations imaginaires avec une mise en place de mimétisme affectif, nous mettant en prise les uns avec les autres.
Pour ce reconnaître dans ce labyrinthe sont élucidés les rapports interpersonnels.
De 21 à 34 dégage le principe de l’imitation des affects, sur lequel se fonde le développement de la vie affective . Sont identifiés de nouveaux affects.
Puis de 35 à 47 déploie la diversité des conséquences de ce principe et élucide les règles de l’économie affective qui préside aux jeux de l’amour et de la haine.
21 à 24 & déf 18, 19, 23, 24 Situations duelles et situations triangulaires
Cet ensemble de propositions paraît mettre en place d’un ensemble abstrait disposant de situations affectives. Nous nous engageons affectivement de manière impulsive sans avoir conscience d’alternatives, dans un entraînement automatique. C’est un déchiffrement des grandes figures de l’affectivité dans une classification systématique, dont le principe est indépendant des conditions vécues.
21 développe l’idée d’une dynamique passionnelle d’affections de joie et de tristesse entre la chose aimée et l’imagination.
22 La situation est compliquée en y ajoutant cette joie ou tristesse quand cette chose est une personne. Il se produit un transfert de sentiments.
23 La situation duelle est inversée. On se rempli de joie par la trsitesse de l’autre et réciproquement.
23 Scolie souligne l’ambiguïté de la situation affective, limitée par le refus auquel elle s’alimente par une logique de destruction.
24 se place dans la situation duelle en ajoutant une tierce personne avec toujours un transfert des affects.
Ces rapports et transferts ont un caractère automatique dépersonnalisé, avec introduction de la pitié.
Sont ajouts les notions de faveur, réprobation, envie, compassion ; en rétablissant un ordre dans ce fouillis de l’affectivité.
25 et 26 & déf 21, 22, 25, 26, 28, 29 Sentiments altruistes et sentiments personnels
25 et 26 à l’égard des évènements extérieurs l’Esprit, par de nouveaux schémas affectifs imaginaires, s’engagent de manière positive ou négative à l’égard de la présence d’autres personnes.
Elles rapportent leurs énoncés à l’impulsion du Conatus (comme en 12 et 13), dans des attitudes d’acceptation ou de refus, sans intervention de choix intentionnels.
Elles mettent en place symétriquement soi-autrui, aimer-haïr, joie-tristesse, affirmer-nier.
Affirmations et négations sont confrontées à l’alternative de l’acceptation et du refus.
Ces attitudes mentales purement théoriques ne débouchent pas encore sur des conduites effectives.
27 & déf 33, 35 L'imitation des affects
27 dégage la loi du mimétisme affectif, où les affects de chacun sont susceptibles d’être transférés par contagion ou suggestion, formant de véritables communautés affectives ; mettant en relation des personnes qui nous sont indifférentes.
Se toujours l’imagination.
Scolie 27 Sont rappelée la pitié et identifiée la rivalité.
28 à 30 & déf 30, 31, 43, 44 Agir sous le regard d'autrui
28, 29 et 30 étudient les conditions du passage à l’acte s’incarnant et nous poussant à penser et à agir ; se répartissant en deux grandes orientations opposées, soi pousser dans la réalisation ou au contraire d’éviter ou éliminer.
28 L’engagement est soumis à notre intime allant vers la joie et donc vers une augmentation de notre puissance d’être, sans en être conscient. Son contenu est crucial pour une démarche éthique.
30 Nous sommes satisfaits en donnant de la joie à autrui.
Ce cycle s‘achève sur des représentations mentales intériorisées, plaisirs ou peines.
31 à 34 Les effets rétroactifs du mimétisme affectifs : désiré et être désiré ...
31
32
33
34
Conflits affectifs Propositions 35 à 47 & définitions 5, 11, 32, 34, 35 à 39, 42
35 à 38 & déf 32 Comment l'amour se transforme en haine
35
36
37
38
39 à 44 & déf 34, 36 à 39, 42 Ne pas vouloir ce qu'on veut et vouloir ce qu'on ne veut pas
39
40
41
42
43
44
45 à 47 & déf 5 et 11 Phobies et engouements
45
46
47
Accidents et variations de la vie affective Propositions 48 à 57 & déf 4, 5, 10, 25 à 27, 40, 41 et 42, 45 à 48
48 et 49 Fixations
48
49
50 Pressentiments
51 & déf 27 Lubies
52 & déf 4, 5, 10, 40 à 42 Emballements
53 à 55 é déf 25, 26 Soucis et préférences
53
54
55
56 & déf 45 à 48 Déductions des comportements affectifs ... et définitions ... des affects passifs
57 Disparité des expériences affectives individuelles
Les affects actifs 58 et 59
58
59
Quatrième partie
par 38 de libertate :
L'Esprit pâtit moins des affects, qui sont des maux comme l'a indiqué 30 de servitude
Notre vie est une succétion de mort, vu en 39 de servitude

Deuxième partie

Première partie
page 16 « ...le seul ouvrage qu’il ait publié de son vivant sous son nom : les Principes de la philosophie de Descartes dont le titre complet est Renati Descartes Principiorum Philosophiae pars I et II more geometrico demonstratae per Benedictum de Spinoza, parus à Amsterdam en 1631. Note 1 Spinoza avait annexé à cette publication ses Pensées métaphysiques (Cogitata Metaphysica) où, en vis-à-vis de celles de Descartes, il avait esquissé ses propres positions philosophiques : ... »
16 Note 2 « Une lecture attentive de ces Principes de la philosophie de Descartes permettrait sans doute de reposer sur le fond les problèmes concernant le statut de l'histoire de la philosophie tels qu’ils se présentent à nous aujourd’hui. »
16 à 22  « Les Principes de la philosophie de Descartes ... précédés d’un longue Préface, signée du nom de l’un de ses proches, Louis Meyer,  : ...cette Préface, ...seul texte où il se soit quelque peu expliqué sur ce point par personne interposée, est esquissée une justification philosophique du mode d'exposition géométrique, dont l'adoption répond, au point de vue de Spinoza, à des raisons ... rapport avec sa conception de la nécessité naturelle qui repose sur l'identification complète des raisons et des causes, principe qui est lui-même à la base de l’ordo philosophandi [ordre de philosopher ]. »
Analyse pour Descartes, synthèse pour Spinoza« L'explication proposée ... repose sur la distinction entre les deux points de vue de l'analyse et de la synthèse, distinction reprise à Descartes mais retournée contre celui-ci par Spinoza.
Selon Descartes, qui s’est lui-même expliqué sur ce point dans un passage des Réponses aux Secondes Objections annexées à la publication de ses Méditations métaphysiques, ... l'analyse, véritable ars inveniendi [art de la découverte], est la méthode pour trouver des vérités en allant systématiquement du connu à l'inconnu,
... la synthèse est la méthode d’exposition formelle qui permet, une fois ces vérités trouvées, de les présenter sous une forme démonstrative, en allant du connu au connu : [ (C'est bien "du connu au connu" qui est écrit dans le texte.) Grande ambition qui me paraît irréaliste, il y a un espace infranchissable entre Dieu et éventuellement les causes qui nous ont amené à l'asservissement actuel. Début des causes que l'on pourrait repérer au début des productions d’artefacts pour la chasse et les récoltes.]
... il doit y avoir préséance de l’analyse, selon laquelle sont effectivement rédigées les Méditations métaphysiques,
par rapport à la synthèse, exposition géométrisée de contenus ... cette forme d'exposition synthétique ne peut avoir qu’une valeur complémentaire d'illustration ou d'application répondant principalement à des fins pédagogiques d'instruction ou de transmission de savoir; en conséquence, si cette forme d'exposition synthétique a la capacité de forcer la conviction par la puissance de la preuve, elle paraît entachée corrélativement d’une certaine stérilité.
...dans la perspective qui est celle de Spinoza, les deux-méthodes se distinguent ... la synthèse, procède de la connaissance des causes à celle de leurs effets, ... sorte de calque correspondant à la manière dont les choses sont effectivement produites,
la seconde, ... connaissance des effets à celle de leurs causes en remontant le mouvement ..., en offre au contraire une image inversée, et par là même déformée. Or ordo philosophandi tel que Spinoza le conçoit, et qui est une autre façon de désigner la connaissance de Dieu, est précisément censé reproduire mentalement, c’est-à-dire idéellement, à l'identique l’ordre selon lequel les choses sont et se font effectivement, à partir de Dieu et en Dieu: c'est ce que signifie la doctrine de la causa seu ratio de laquelle se dégage la conception d’une logique qui est simultanément logique du pensé et logique du réel 1.
Note 1 ... rapprochement ... entre les positions philosophiques de Spinoza et celles de Hegel. Mais ... Hegel, ...n'y a vu qu’une manifestation de formalisme, a porté une condamnation radicale contre le mode synthétique d’exposition géométrique que Spinoza a tenté d'introduire en philosophie, auquel il a opposé un mode d'exposition génétique qui,...pourrait s’apparenter à une analyse.
...Spinoza est conduit à affirmer contre Descartes la primauté de la synthèse par rapport à l'analyse, ... loin d’être stérile, la synthèse est ... porteuse d’une puissance rationnelle qui exprime ... la productivité du réel, chargeant ainsi les idées et les choses d’une identique force dont le principe de base se trouve dans la nature prise absolument, c’est-à-dire en Dieu même.
... la conséquence suivante : par ordre géométrique, aussi bien dans les Principes de la philosophie de Descartes que dans l'Éthique, il faut d’abord entendre l’ordre synthétique au sens de la forme de discours ...c’est-à-dire la progression nécessaire, est agencée sur le modèle ... se déroule le processus causal, et reproduit tel qu’il est en lui-même l’ordre du réel, ... les choses telles qu'elles sont et telles qu’elles se font, suivant le mouvement rationnel conduisant des causes aux effets et non l’inverse.
... conception spinoziste de la pensée, ...simultanément ontologique et logique, ...affirmer la capacité pour l’intellect ou entendement (intellectus) de «comprendre» (intelligere) la nature des choses selon sa nécessité intrinsèque,
à l'opposé donc d'une conception artificialiste de la rationalité ... une reconstitution ou une reconstruction de la réalité, ... qui, en transposant cette réalité sur un plan abstrait d'idéalité, en élabore des représentations plus ou moins conformes, mais est empêchée de la faire apparaître mentalement ou idéellement telle qu’elle est dans sa réelle présence, donc ...de la «présenter »1. [Note 1 Ce point est ... développé dans la deuxième partie de l'Éthique, où est exposée une théorie de la connaissance rationnelle qui ôte à celle-ci tout caractère représentatif ou représentationnel Au point de vue de Spinoza, il y a une intelligibilité intrinsèque du réel, qui est accessible à la raison : la connaissance ne donne pas une image plus ou moins conforme de la réalité, mais elle exprime la réalité elle-même telle que celle-ci se produit selon ses propres rapports de nécessité. Tel est l’enjeu fondamental de la proposition 7 du de Mente, selon laquelle «ordre et enchaînement d'idées et ordre et enchaînement de choses, c'est la même chose» (ordo et connexio idearum idem est ac ordo et connexio rerum). Cette thèse radicale commande la position philosophique de Spinoza qui, en son absence, devient incompréhensible : nul n’est bien sûr obligé d’en admettre le bien-fondé ; mais il est clair qu’en la refusant on se place définitivement à l'extérieur de ... la philosophie de Spinoza...]
L'ordre géométrique ... est ... tout sauf un artifice formel de présentation qui viendrait se greffer sur un contenu doctrinal ... il ne peut être séparé, comme une enveloppe ou un habillage plus ou moins factice, du noyau rationnel de la conception philosophique dont il constitue au contraire l'expression adéquate, c'est-à-dire nécessaire.
... la valeur de légitimation assignée à la démonstration, ... mentionnée dans le texte de l'Éthique par le rappel lancinant de la formule QED (quod erat demonstrandum, «ce qu’il fallait démontrer, CQFD »), ne doit pas être prise dans le sens que lui assignent traditionnellement les théories de la connaissance : celles-ci, en posant les idées et les choses comme rigoureusement extérieures les unes aux autres, font en effet de la preuve une validation extrinsèque et non une détermination intrinsèque du vrai en tant que celui-ci est inséparable de la présence effective de l’idée vraie.
...exposer géométriquement sa conception de la nature des choses, Spinoza ne cherche ... à construire un arsenal de preuves ... , ... une éthique libératoire ayant comme principale vocation d'effectuer « l'épuration de l’intellect » (intellectus emendatio) en supprimant les écrans imaginaires qui l’empêchent de saisir le réel ... »
22 «... la philosophie de Spinoza est la philosophie d’une nécessité qui est aussi simultanément liberté, c'est-à-dire qui devient liberté pour autant qu'elle accède au statut d’une nécessité non plus passivement subie mais activement comprise.»
23-24 De deo en deux grands développements en Dieu puis depuis Dieu, toutes choses tendent en lui puis précèdent de lui.
Dans les quinze premières propositions ce Dieu est, pour déduire dans les vingt et une suivantes ce qui relève de sa puissance.

Le sujet des normes - Échanges en 2014
Éditions Amsterdam
«Vous venez de publier un livre sur "Le sujet des normes". Et dans cette tentative, il ne sera pas question de parler des normes de manière Platonicienne comme si elles étaient des régulations Intelligibles. Mais, en même temps, on n'est pas davantage dans l'opinion lorsqu'il s'agit de normes. Peut-on en rester du coup à une éthique qui ne trouve aucune règle extérieure aux cas pour lesquels faire valoir une vérité ? N'y a-t-il plus de loi ? Sommes-nous désormais perdus ?
Les lois sont toujours là: ce qui s'est perdu, c'est la croyance en leur légalité, c'est-à-dire en leur objectivité. A mon point de vue, s'est substituée à cette croyance disparue une forme de persuasion insidieuse, que j'appelle "infra-idéologie", et qui s'adresse à ceux qu'Althusser appelait des "toujours-déjà-sujets". C'est une mutation historique radicale, dont nous vivons au jour le jour les retombées, qui sont tout sauf réjouissantes.
On ne peut pas seulement dire que c'est l'Etat qui perd la chose en soi de la loi. C'est l'Etat qui lui-même se perd  -soit dans une gouvernance qui procède aux coups de sondage soit par des décisions qui ont simplement pour elles le sérieux de l'intention. La normativité se place-t-elle en-dehors de cette impasse ? C'est quoi précisément une norme ? Relève-t-elle d'une autre stratégie? d'un autre Sujet ?
Je suis de plus en plus convaincu que le dépérissement de l'Etat est entré dans une phase avancée. Maintenant, l'essentiel se passe ailleurs, selon mon hypothèse qui n'est bien sûr qu'une hypothèse de travail, sur le plan des normes, qui est davantage économico-idéologique ou idéologico-économique que politique: le changement effectué par le moyen des normes a consisté précisément dans la fusion inattendue de l'économie et de l'idéologie, d'où est sortie une forme toute nouvelle de pouvoir (la "gouvernementalité" dirait un foucaldien).
... »

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