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Pierre Macherey Mots, idées, concepts, personnalités repérés : âme entité autonome, le latin sans article, Bergson, se tracer un chemin par sa lecture, étude possible de l'utilisation du terme «conscient» Descartes, reposer le statut de l'histoire de la philosophie, Rapprochement entre Spinoza et Hegel, imagination ou idée inadéquate, notion d'image, liberté par les nécessités comprises, ordres de lectures multiples, absence de parallélisme, thérapie psychophysiologique terminologie de la scolastique, raisonnement en spirale, signes du langage, seul ouvrage qu’il ait publié, troisième genre de connaissance, synthèse pour Spinoza ou analyse pour Descartes, vraie philosophie, pas d'échappatoire seulement vivre dans le monde, Entretien avec Pierre Macherey Échanges autour de son livre Le sujet des normes Introduction à l'Éthique de Spinoza En cinq volumes aux éditions PUF Texte en ligne archive.org/details/introduction-a-lethique-pierre-macherey Ordre de parution des cinq volumes (indiqué dans l'avant propos du cinquième traitant de la première partie) : concernant la cinquième partie paru en 1994, la troisième en 1995, la quatrième en 1997, la deuxième aussi en 1997 et la première en 1998. Liens directes pour l'étude des parties cinq, trois, quatre, deux, une, dans l'ordre de parution. Présentation - Lire l'Éthique de Spinoza Introduction générale placée dans le premier volume qui étudie la cinquième partie. Page 3 « ... il n’est pas du tout certain qu’il y ait une « philosophie de Spinoza », au sens d’une théorie générale de la réalité, ou, comme on dit, d’une vision du monde tirant sa validité de sa plus ou moins grande cohérence intrinsèque, et relevant d’une mise en perspective singulière qui dépendrait en dernière instance des choix subjectifs de son auteur : du moins n’est-il pas certain que ce soit ce qu’il y aurait de plus intéressant à retirer d’une lecture de l’ Ethique. « C’est ainsi qu’on peut interpréter la fameuse formule utilisée par Spinoza dans sa lettre 76 à A. Burgh : « Je n’ai pas la présomption d’avoir inventé la meilleure philosophie, mais je sais que, moi, je comprends la vraie philosophie » (non praesumo me optimam invenisse philosophiam, sed veram me intelligere scio), que l’on peut interpréter ainsi : moi, je suis sûr de comprendre ce que c’est vraiment que la philosophie, et en conséquence j'ai la certitude que ce que je fais, c’est de la vraie philosophie, en un sens qui dépasse largement une prise de position doctrinale fermée, propre à un système limité de pensée, la « philosophie de Spinoza », qui, en lui-même, serait exclusivement vrai.»» 6 Note 1 En latin pas d'article «Lorsqu'on lit l’Éthique, il faut en particulier prêter une constante attention au fait que le latin, langue sans article, ignore de ce fait la distinction entre article défini et article indéfini : substantia, cela signifie à la fois « la substance » et « une substance ». Cette particularité donne à la formule, qui a souvent été commentée, et dans des sens très différents, cette polysémie étant inscrite dès le départ dans sa lettre, habeo enim ideam veram, une profondeur de perspective qui empêche qu’on recoure, pour la rendre dans une autre langue, à une traduction univoque : signifiant littéralement « j'ai en effet idée vraie », elle peut aussi bien vouloir dire « j'ai en effet une idée vraie », que « en effet j’ai de l’idée vraie », ou encore « l’idée vraie, je l’ai en effet », sans qu’il y ait lieu de privilégier définitivement l’une de ces traductions à l’exclusion des autres, car, telle qu’elle est écrite, elle veut précisément dire tout cela à la fois.» 19 « ... la linéarité du raisonnement suivi par Spinoza dans l’Éthique n’est qu’apparente : à l’examen, il apparaît plutôt que ce raisonnement effectue une sorte de mouvement en spirale qui trace autour de son contenu spéculatif des cercles concentriques tendant tendanciellement vers une compréhension maximale de ses enjeux rationnels théoriques et pratiques. » 20 « ... la construction qu’il suggère, et qui est surajoutée au texte, n’a qu’une valeur hypothétique, et elle doit en permanence être remise en question par le lecteur, qui a lui-même à se tracer un chemin à travers le lacis des arguments entremêlés qui représente, non pas l’état d’une pensée déjà toute faite, mais une incitation à penser, c’est-à-dire un projet théorique qu’il reste encore et toujours à faire fonctionner. » 22 « ... idée de la subordination ontologique, physique et logique de la « nature naturée » (natura naturata), dans laquelle sont compris tous les effets de la puissance divine, par rapport à la « nature naturante » (natura naturans)1, c’est-à-dire la substance considérée en tant que cause, subordination qui suffit par elle-même à expliquer tout l’ordre des choses dans ses rapports intrinsèques de détermination réciproque. Note 1- Ces expressions, reprises à la terminologie de la scolastique et retravaillées ... » 23-24 L'âme, entité autonome mais ne veut pas dire pérenne après la mort « A l'intérieur de cette réalité globale, le « de Mente » découpe un secteur d’investigation plus restreint, que Spinoza désigne en se servant du terme mens, que nous choisirons ici, par pure commodité, de traduire par « âme »1. Note 1- C’est la traduction retenue par C. Appuhn, conformément à la tradition de la langue du XVIè siècle, et en particulier de la langue de Descartes (dont les Méditations métaphysiques nous sont connues dans le texte latin et dans une traduction française acceptée par l’auteur, où le terme mens est rendu par « âme »). D’autres traducteurs, comme B. Pautrat ou R. Misrahi, ont choisi au contraire de traduire mens par « esprit » (en raison du fait, en particulier, que Spinoza utilise aussi les termes anima et animus, et également pour des raisons de fond sur lesquelles il n’y a pas lieu de s'étendre ici). De fait, aucune de ces traductions n’est vraiment satisfaisante, tant est particulier l’usage que Spinoza fait de ce concept, dont il se sert pour désigner un être mental, on serait presque tenté de parler, en termes modernes, de « psychisme », en tant que celui-ci appartient à un ordre de réalité autonome : celui-ci est précisément la réalité psychique ou mentale, la « chose pensante » (res cogitans), irréductible au fonctionnement du corps, qui relève lui-même d’un tout autre genre d’être, celui qui constitue la « chose étendue » (res extensa), ces deux ordres ayant exactement le même poids de réalité et correspondant substantiellement à des formes d’existence strictement corrélatives entre elles. ... tout ce que l’âme fait, elle le fait dans l'horizon du corps, en sa présence, qui lui est absolument concomitante,...» Le corps autonome dans l'étendue (mais lié par la causalité) dépendant de la vie. A la mort tout se dilue dans l'étendue globale faisant disparaître autonomie et unité. Ne peut-on pas imaginer le même processus pour l'esprit, une âme autonome se diluant à la mort de l'individu se diluant dans l'ensemble de l'attribut esprit ? 23-24 « Par cette définition de l’âme, Spinoza résout le problème traditionnel du rapport de l’âme et du corps d’une manière complètement originale, excluant que leur « union » prenne la forme de l'ajustement extrinsèque de deux substances distinctes, entre lesquelles elle installerait les conditions d’une interaction réciproque1 : ainsi c’est de l’intérieur de leurs ordres respectifs, et non de l’extérieur, qu’âme et corps communiquent. Note 1-C’est cette conception que les commentateurs de Spinoza ont pris l'habitude de désigner en se servant du terme de « parallélisme », qui ne se trouve pas chez Spinoza. » 24 « … ce que l’âme fait, elle le fait dans l'horizon du corps, en sa présence, qui lui est absolument concomitante, puisque c’est le corps qui donne son contenu représentatif à l’idée qu’elle est : s’explique ainsi son mode de fonctionnement spontané, lié au fait que le corps est sans cesse affecté par ses rencontres avec d’autres corps qui lui sont étrangers ; ce mode de fonctionnement est l’imagination. Les idées qui se forment ordinairement dans l’âme sont ainsi « inadéquates », c’est-à-dire non à proprement parler fausses, mais « mutilées et confuses » » « … Spinoza esquisse dans la suite du de Mente une théorie des genres de connaissance montrant comment, en suivant en premier lieu la voie des « notions communes » (notiones communes), telles qu’elle sont en particulier mises en œuvre par la connaissance mathématique, l'âme parvient à penser en se détachant des conditions immédiates de l’expérience, et en quelque sorte en se plaçant à distance de son objet qui est le corps, ce qui lui permet de développer un plein régime d’activité : alors les idées qui se forment en elle deviennent « adéquates » (adaequatae), c’est-à-dire qu’elles portent en elles-mêmes la puissance de reconnaître et d’affirmer leur propre caractère de vérité. Et suivant cette voie, l’âme peut s'élever à la connaissance parfaite, réalisée par la science intuitive, ou connaissance du troisième genre, ... » Avant-propos placé en début de la première partie (dernier volume édité) Page 1 Ordre de parution des volumes de Introduction à l'Éthique de Spinoza 5-6 « ...un parcours sinueux (V, III, IV, II, I) qui en rompt la linéarité apparente, il s'agissait ... de lui restituer une espèce de volume, de manière à lui appliquer un travail de lecture en profondeur qui ne se contente pas de le prendre tel qu’il se donne ... et ceci parce qu’il ne suffit pas d’avoir effectué ce parcours une seule fois en entier et dans l’ordre pour être définitivement quitte à l'égard de l’ensemble des enjeux spéculatifs auxquels l’entreprise philosophique de Spinoza est attachée. Si l'Éthique obéit à un principe de composition rigoureux, qui la fait prendre appui sur une recherche initiale concernant la nature des choses (I), se tourner ensuite vers l’ordre de la réalité mentale (II), puis aborder l'étude de la vie affective (III), pour pouvoir enfin s'intéresser aux problèmes posés par la condition humaine (IV) et dégager à partir de là des voies de la libération (V), moments par lesquels elle s’oblige de passer pour réaliser son objectif éthique fondamental, la structure nécessaire que détermine ce principe, ... l'effort de compréhension qu’elle appelle de la part du lecteur ne revêt pas l'allure d’une soumission formelle et passive … il ne peut se développer qu’à travers l'intervention d’une pensée active ... qui se donne à elle-même les moyens d’accéder à l’intelligibilité globale du texte, en s'inventant un ou des trajets à travers son épaisseur, tout en sachant qu’aucun de ces trajets n’en épuise en totalité la teneur philosophique. ... le livre écrit par Spinoza, ... est susceptible d’être lu dans tous les sens ;.. il ne faut pas lui prêter une rigidité qu’il n’a pas … En partant de sa fin pour arriver à son début, et en effectuant une sorte de tour de ses développements intermédiaires, on a ... épousé la circularité d’une pensée qui, en même temps qu’elle va de l’avant, ne cesse aussi de revenir sur elle-même, suivant un mouvement complexe dont une seule lecture ne saurait épuiser tout le sens. L’Éthique est par excellence un texte qu’on relit ; et on n'en maîtrise le début que si on a déjà une claire compréhension de ses objectifs finaux, qui sont d'emblée impliqués dans ses premières démarches : c’est pourquoi il est vain de chercher à la renfermer entre un commencement et une fin ponctuels délimitant définitivement une trajectoire en deçà et au-delà de laquelle il n’y aurait rien. » J'ai remplacé âme par esprit, et le chiffre indique la proposition dans la partie étudiée. Ce qui est étonnant c'est que Macherey traduit «âme» (anima) dans 10 de V par «esprit». Le nombre en début de ligne indique la proposition. Cinquième partie Le titre semble être le pendant de celui de la quatrième partie. «Puissance de l'entendement et liberté humaine», image inversée de «Servitude humaine et Force des affects.» Ces deux formules composent un énoncé qui décrit le parcours dans le projet global d'une éthique, de la servitude humaine à sa liberté. D'un pluriel des affects, désignant une multitude de conflits, à une présentation unificatrice par le singulier de la force de l'intellect et de la Raison. Une puissance de ce que peut l'homme et non celle d'un surhomme. Que peut l'homme en vue de sa libération ? Il n'y a pas une autonomie de la volonté, cette dernière n'a que la puissance de former des idées et former des volitions. Les deux axiomes qui n'interviennent que pour deux propositions, le premier par la démonstration de la 7 et le deuxième par la 8. Aucune définition pour cette partie. Par l'argumentation déjà mis en place avant, en particulier dans la partie IV, la libération se joue sur la condition ordinaire humaine. La conversion pour une vie autre ne substituera pas la liberté à la servitude. Le projet libératoire peut seulement permettre de vivre dans le monde humain avec ses limitations et ses contraintes. Être libre dans la servitude ! La nature de l'homme est indépassable, la connaissance des conditions de sa puissance en dehors desquelles la liberté humaine est impensable. L'axiome 1 repose sur la résolution des contradictions sources de conflits sans que le sujet, comme un spectateur, intervienne, seulement en modifiant l'impact en imposant ses propres règles de développement. L'axiome 2 : comprendre la puissance d'un effet passe par la compréhension de l'essence de sa cause, Les propositions en deux temps. D'abord pour les propositions de 1 à 20 : Les remèdes aux affects Puis de 21 à 42 la dernière, Libération de l'esprit et béatitude. - Les propositions pour les remèdes aux affects sont séparées de 1 à 10 : Traitement psychophysiologique de l'affectivité.
1 à 20 Les remèdes aux affects. Les
conditions pour la maîtrise de l'affectivité, libération de l'esprit en
se dominant, démarche progressive - prop 7 «qu'il soit tenu compte du
temps». La libération s'installe dans l'ordre de la durée qui définit
l'existence vécue présentement, règle imposée par le temps.
Cette perspective définit le point de vue de l'imagination.Ensuite de 11 à 20 : L'amour de Dieu - Les propositions pour la libération de l'âme et la béatitude sont séparées en quatre temps : De 21 à 31: La science intuitive et le point de vue de l'éternité. De 32 à 37 : L'amour intellectuel de Dieu De 38 à 40 : La libération de l'âme Pour finir 41 et 42 : L'éthique au quotidien. Libérer l'esprit des maux quelle subit par le dérèglement de l'affectivité en créant de nouveaux affects plus puissant, amorcé par les deux axiomes. A
partir de 21 nous serons libérés du temps et de l'imagination, libérés
de la puissance de l'intellect. Passer de l'amour envers Dieu à l'amour
intellectuel de Dieu 1 à 10 recette pour une thérapie psychophysiologique où esprit et corps
sont engagés sans interaction de l'un sur l'autre. Mieux se connaître
en voyant plus clair dans son esprit et dans son corps.Le traitement psychophysiologique de l'affectivité D'abord traitement esprit et corps pour les délivrer de l'aliénation des causes extérieures, sortir de la passivité. 1 Représentations réciproques et réversibilités des mouvements et actions qui se représentent sous forme d'affections et d'images. L'esprit entraîne dans un même élan le corps et le corps l'esprit, tous les deux soumis au principe de nécessité, procédures indépendantes et corrélatives avec une traduction simultanée. Conception de cette union reprise de 1 à 13 de la partie I, déduites de 6 et 7 de cette partie I. Étude pour se débarrasser de cette simultanéité, détachement formulé en fin de la scolie 20 reprise en scolie 40. L'esprit produisant les effets de sa puissance propre, effets aussi sur le corps sous le regard de l'esprit, suivant le second genre de connaissance. Un esprit libre dans un corps libre des affections des autres corps. 2, 3 et 4 ensemble d'opérations effectuées par et dans l'esprit pour une clarification de son économie interne. Mise en évidence des mécanisme mentaux corrélés avec des évènement de la vie affective. 2 et 3 décrivent les procédures pour dépassionner les affects pour l'esprit reprenne l'initiative. 2 Si un affect cesse d'être la cause d'une chose extérieure il cesse d'être une passion vécue en amour ou haine. Défaire la liaison représentative et de joindre nos affects à d'autres pensées, que soit réaménagé l'enchaînement des idées. L'esprit s'exerce à penser par et pour lui-même non soumis à des fins aliénantes, passer d'affects passifs à affects actifs. 3 La connaissance claire et distincte d'un affect ainsi il perd le statut de passion. Nouveau remède pour que l'esprit forme des idées claires de ses affects, cessant d'être des passions. Qu'il n'y ait plus qu'une distinction de raison entre l'affect et la connaissance que nous en formons. 4 Les explications ne sont pas prescriptives, elles mettent en évidence des aspects de notre régime psychique. Rappel de la différence entre affect de l'esprit et affection du corps, l'esprit se connaît comme idée du corps ce dernier bien que complexe n'échappe pas au regard de cet esprit. L'affect est l'idée d'une affection du corps. Le scolie 4 récapitule et synthétise les notions développées dans 2, 3 et 4. Pour un meilleur remède aux affects il faut répondre aux questions : - quelle est la connaissance des affects et leurs places dans l'affectivité ? Retrait et normalisation du caractère occasionnel de ceux-ci. - quels sont les effets curatifs d'une telle connaissance ? Va dans le sens d'une amélioration, ce qui se présentait comme vice devient vertu. La connaissance rationnelle pénètre la puissance naturelle de l'esprit et la transforme de l'intérieur,en dépassionnant celle-ci. - qu'est-ce qui permet d'affirmer que cette connaissance nous arme contre les errements de la vie affective ? L'affectivité est une dimension naturelle de notre fonctionnement psychique. Elle n'est nocive que par ses excès incontrôlés. En introduisant un élément de mesure affectivité et rationalité peuvent être associées. De 5 à 10 La libération passe par le respect de la puissance naturelle de l'esprit. Suit une échelle progressive des intensités affectives. Quel est l'impact d'un affect réduisant, dans un rapport inverse, l'activité de l'esprit ? Cette évaluation permet une meilleure connaissance de nos affects. Pour aboutir dans le scolie 10 à une véritable règle de vie. 5 et 6 les deux pôles de cette série d'un esprit en passivité maximale à une activité optimale. En premier nous imaginons des idées toutes inadéquates étant privé de la maîtrise de cette production, longuement expliqué dans les parties II De mente - l'esprit et IV De servitude. En deuxième c'est l'inverse, c'est adéquatement, nous comprenons, se connaître, connaître «comme cause des idées par lesquelles elle connaît ce qu'elle connaît.» Comment passer d'un état à l'autre sans rupture absolue qui les séparerait abstraitement, l'esprit ne pouvant être dépossédé de son caractère actif sans se détruire (page 67), ne pouvant pas voire directement l'intellect infini. Pour Spinoza pour passer de l'un à l'autre il est indispensable de s'appuyer sur le fonctionnement de l'imagination, d'en jouer et non le contrer en débouchant sur des échecs, voir des catastrophes, voire début du scolie de 6, paradoxalement perfectionner l'imagination. Servitude ou liberté, la solution repose sur la distinction entre plusieurs manières d'imaginer. Le fait d'imaginer n'apparaît pas comme un symptôme d'impuissance et d'asservissement, en allant vers un progrès dans la puissance d'imaginer consubstantielle à l'esprit, trouver un rôle positif de cette puissance dans le processus de libération. 5 Comment imagine-t-on simplement, comme le nourrisson ou l'ivrogne ? Imaginer une chose en dehors de l'enchaînement causal, comme une cause libre sur le modèle de cette chose absolue qu'est la substance. Ce qui déclenche un affect d'une intensité maximale nécessairement dérivée de l'amour ou de la haine. Ces affects sont des forces aliénantes. 6 Au contraire nous considérons des choses nécessaires quand nous les connaissons par leur cause, nous en sommes naturellement empêchés d'en faire des absolus, et nous y tenons moins. Elles paraissent ne plus agir sur nous comme des forces indépendantes. Comment diminuer la sujétion de l'imagination débridée (mot que je propose) en la considérant comme nécessaire. Ce qui n'empêche pas d'imaginer plus distinctement et avec plus d'énergie, moins distraite et mécanique pour une plus grande maîtrise de nos affects, voir exemple en scolie 6. Il est donc possible d'être raisonnable ou moins déraisonnable en imaginant. 7 Deux types d'affects, ceux de la raison ou excités par elle, se rapportant à des choses considérées comme présentes. Et ceux se rapportant à des choses pouvant être considérées comme absentes, leur existence dépendant de causes extérieures. Un affect rationnel peut devenir un facteur d'équilibre interne à l'esprit. «Le premier remède aux affects non pas à imaginer moins mais à imaginer mieux» par des mécanismes qui stabilisent le fonctionnement de l'imagination pour en réduire les effets nocifs. Ne plus s'exciter sur la représentation d'une chose qui parait libre mais de concept qui rassemble plusieurs choses à la fois. Un évènement paraissant isolé nous le replaçons dans son contexte, prendre du recul. 8 et 9 L'importance d'un affect dépend de la puissance de sa cause. Chaque affect ayant un désir de persévérer, Spinoza indique le moyen de se le réapproprier par l'esprit, qui en est lui même la cause, pour une globalisation de ces affects. En élargissant l'imagination et l'orientant vers l'intérêt général nous orientons ses productions vers une véritable activité de pensée. Ainsi l'esprit est mis sur la voie d'une complète réorganisation de son fonctionnement renforçant son activité par la suppression des obstacles. La démonstration 10 par les 26, 27 et 30 de IV l'esprit qui ne pense pas, ou au minimum de ses potentialités intellectuelles, est une âme malade. Le soigner en éliminant les gênes qui entravent son activité, en s'attaquant aux causes de sa passivité. Mais il n'est pas permis d'oublier le corps, l'esprit en a le pouvoir d'ordonner les affections de celui-ci. C'est dans un même mouvement que la vie de l'esprit et celle du corps sont progressivement rationalisées pour une plus grande activité. La guérison de l'esprit de l'attention portée au corps et à ses besoins (début scolie 10). 10 scolie caractère prescriptif des termes mais intériorisation des règles de vie corporelles et morales par une mémorisation de celles-ci par leurs rappels réguliers. Les aspects négatifs de la réalité seront réduits à leur caractère commun et ordinaire, les replaçants dans leurs rapports de nécéssité et ne plus être des absolus. 11 à 20 «L'amour en vers Dieu» production d'un affect nouveau, avec disparition de toute trace de négativité et de passivité. La règle de vie qui vient d'être annoncée est tendancielle et progressive, sans atteindre sa fin. Elle élargit notre activité psychique et délivre progressivement des limitations dues aux solicitations de manière à développer une perspective de plus en plus générale, donc rationnelle. 11 à 20 prolongent les améliorations et satisfactions mènent aussi vers l'appréhension des choses et de nous même, fournissant une maîtrise de notre vie affective. Ce processus passe d'un simple régime d'existence, simple étape sur la voie de la libération, dégage une expérience religieuses [que veut-il dire par là ?]. 11, 12 et 13 liées par la notion d'image, mettent en évidence les conditions du développement du processus. La notion d'image ou image des choses est introduite par le scolie 17 de II pour parler des affections du corps, idées des corps extérieurs, images associées entre elles par les signes du langage illustré dans le scolie de la proposition qui suit, 18 de II. Par contre ici sont en jeu les mécanismes corporels et mentaux, de la perception à la mémoire, distingués en II expliquant que l'idée vraie n'est pas une image ou représentation. Ces mécanismes consiste ici en une «stricte reproduction mentale des rapports de nécessité». Ces images ne représentent qu'elles-même nous donnant l'illusion d'une connaissance réelle. 11 et 13 s'interressent au passage d'un régime faible de l'activité mentale à celui fort d'un maximum d'intensité, introduits en 5 et 6 de cette partie. Les affects, qui correspondent aux images ou représentations ont tendance à réapparaître avec plus ou moins de fréquence et donc avoir une plus grande valeur affective au sens de 8, intéressent l'esprit davantage. L'intérêt pour un affect, excité par plusieurs causes à la fois, se rapporte à la représentation de plusieurs choses, rassemblant simultanément les images et mobilisant une plus grande activité de l'esprit et une une plus grande attention. Ces représentations, par une connaissance claire et distincte, peuvent être mieux assimilées, parce-qu'elle connecte entre elles d'avantages de choses. Les affects s'intègrent à la propre force de l'esprit et le font passer à un régime plus élevé en quantité et qualité. 14 La dynamique de l'imagination ainsi amorcée conduit l'esprit à considérer plus de choses et à leur attacher des affects plus importants, fréquence et intensité entraînant l'esprit à fructifier ce dynamisme ; ainsi rapporter affects et affections de la vie courante aux lois générales de la nature pour avoir un point de vue globale et nécessaire et non particulier et accidentel. 15 et 16 Cette vision globale développe un affect spécifique lié au fait de comprendre clairement et distinctement soi et ses propres affects. Ce n'est pas de savoir si Dieu est, mais comment l'esprit arrive à une représentation de celui-ci, qui s'intègre au mouvement de sa vie affective.
Dans cette lecture j'en arrive à voir de l'animisme dans la démarche
de l'Éthique. C'est un retour aux sources de la spiritualité
respectueuse de son environnement et donc éloigné des monothéismes qui
placent l'humanité au dessus du reste de la nature.
Au terme cette entreprise de perfectionnement n'est pas rationnelle,
non pas déductive mais inductive. Sans quitter le terrain de
l'imagination et de l'expérience s'intègre la représentation des causes
extérieures dans celle d'une cause unique.17 à 19 Quelles sont les caractères spécifiques de cet affect ? D'abord quelle est la nature de l'objet sur lequel il se fixe ? Il est dépourvu de passions, et ne peut éprouver joie et tristesse. Cette détermination négative fait comprendre ce qu'il est objet d'amour et ce qu'il n'est pas. Il est quand même appréhendé comme un objet sur lequel se fixent les désirs de l'esprit, tout en se tenant à l'écart du jeu ordinaire des passions. 17 fait apparaître une image rationnelle qui recoupe partiellement la détermination du concept de Dieu. L'idée de Dieu donne une valeur de nécessité qui soustrait à l'indécision et à l'indétermination. L'esprit issu de l'ordre divin de la pensée revient à Dieu par un mouvement inverse. Par l'imagination et l'affectivité l'esprit se retrouve tel qu'en lui-même. Le corollaire de 17 tire les leçons de cette détermination négative Un Dieu inébranlable et vérace, étant dépourvu de passion, règle les mouvements de l'affectivité, car il échappe lui-même à leur jeu. Il échappe à nos critères ordinaires d'évaluation. 18 L'amour ainsi porté n'est pas inaltérable. Pas une connaissance ponctuelle avec Dieu comme seul objet, mais constitue l'élément à l'intérieur duquel se développent toutes nos idées. Un mouvement affectif, en introduisant de l'ordre dans notre régime psychique, rend l'esprit de plus en plus actif et satisfait. Le corollaire souligne cette irréversibilité, l'esprit ne peut interrompre ce mouvement, ni l'inverser et doit chercher à aller plus loin dans les possibilités de son développement. 19 souligne un accroissement de puissance de l'esprit sans vouloir être aimé de Dieu, ce qui introduirait une limitation. 20 En joignant mon affectivité à l'idée de Dieu et mon engagement pour mon propre perfectionnement éthique je m'unis tendanciellement avec d'autres individus. Je me délivre ainsi de mon attachement à moi-même. Effort associatif, par l'imagination, nous exerce à nous représenter le plus grand nombre d'hommes associés à notre propre pratique libératoire, démarche politique. 20 scolie est une transition avec le développement suivant. Précédemment l'esprit considérée en soi seul a traité l'affectivité de manière à contrer les inconvénients liés au libre déploiement des affects et leurs forces. L'esprit, par cinq types d'actions, parvient à faire prévaloir sa puissance en agissant à travers la connaissance des affects, ce qui lui permet de moins souffrir. - L'esprit intervient par la connaissance des affects ; - L'esprit peut séparer les affects de la cause extérieure ; - Avec le temps il fait prévaloir les affections qui renvoient à des choses connues sur celles dont la connaissance est imparfaite ; - Il peut élargir la base de sa vie affective en rapportant à chacun des affects plusieurs affects ; - Il peut lier les affects communs et en changer l'ordre. Le trait commun à ces remèdes est de les rationaliser. Ce ne sont pas des recettes formelles mais leur démarche commune. 1 à 20 nous ramène à la question unique, jusqu'où l'esprit est passif ou actif ? La passion coïncide avec un état maximal de servitude de l'esprit. Le moyen de la délivrer consiste à renforcer son activité interne, pour le rendre moins sensible aux agressions externes. Cette démarche ne peut être dégagée de l'affectivité qui est celle de l'imagination et du désir. Ces dernières proposition sépareraient l'esprit et le corps, bien qu'ils disparaîtront ensemble ? Mais c'est simplement pour s'installer dans une perspective libérée des obligations de la vie quotidienne concrète. Libération de l'esprit et béatitude 21 à 42 (page 49) l'esprit se donne les moyens de voir les choses en dehors de toute durée et sans relation avec l'imagination. Ainsi est libérée la puissance de l'intellect. Ici sont exploitées les hypothèses introduites par le dernier scolie qui permis le processus de libération des contraintes obsédantes qu lui imposent la présence du corps. Ce nouveau développement est organisé autour de deux notions fondamentales : de 21 à 31 celle d'éternité de l'esprit vis à vis du corps ; de 32 à 37 celle d'amour intellectuel de Dieu se substituant à l'amour envers Dieu ; 38 à 40 débouchant sur la complète libération de l'esprit ; 41 et 42 terminant sur les problèmes d'une éthique concrète au quotidien, en rapport avec les exigences de la vie courante. 21 à 31: La science intuitive et le point de vue de l'éternité. Après les développements précédents tournés vers l'affectivité et ses problèmes Spinoza semble s'orienter vers une nouvelle voie avec des références aux premières parties, la troisième ayant disparues, permettant d'accéder à l'esprit seul et sa puissance consubstantielle : penser, connaître et développée pour lui-même, hors conditionnement extérieur. Est mise en valeur des aspects cognitifs de la liberté de l'esprit hors conditions de durée imposées par la cohabitation avec le corps. Il est possible ainsi de donner une signification d'un troisième genre de connaissance (ou science intuitive). 21 à 23 dégagent les conditions d'une vie éternelle de l'esprit, dégagé de la durée ou du temps. 23 résume la réponse. Solution esquissée à la difficulté soulevée par la lecture des dernières lignes du scolie 20. Durée et temps cessent d'être placés sur une même ligne (illustration de la distinction bergsonienne entre un temps qui se projette et une durée qui se ramasse et se concentre en elle-même, par une expérience purement mentale). 21 revient sur la notion que l'esprit exprime l'idée du corps. 29 expliquera que ce ne peut-être deux choses différentes. Concevoir l'existence actuelle d'une chose, c'est automatiquement la rapporter à l'existence actuelle du corps et de ses affections. Le corps est, dans son organisation complexe, le résultat de la rencontre entre des corps relativement extérieurs les uns des autres. Les mécanismes de l'imagination et de la mémoire s'expliquent par la puissance de l'esprit de concevoir le corps et les choses en relation avec le temps. L'esprit et le corps sont soumis ensemble d'un même mouvement à la loi de la durée et de l'existence qui ordonne simultanément les affections de l'un et de l'autre. L'esprit affirme ou enveloppe l'existence actuelle du corps. Il n'est pas du tout nécessaire que l'esprit maîtrise cette mise en rapport. Le corps est une organisation complexe, le résultat de la rencontre des corps, ses parties relativement extérieures les une des autres. L'esprit ne peut cesser d'être présent à lui-même. L'existence présente de l'esprit et sa puissance d'imagination sont ôtées aussitôt que l'esprit cesse d'affirmer l'existence présente du corps. L'esprit et le corps sont soumis ensemble d'un même mouvement, à la loi de la durée, ou par l'extriorité des affections subies par l'un et l'autre. 22 Mais en Dieu les idées et les choses se suivent avec nécessité sans être soumises à la loi de la durée. 22 introduit la notion d'essence du corps humain, en alternative à celle de l'existence actuelle du corps. Cette essence est individuée en rapport avec la puissance naturelle de ses désirs d'être (conatus). 23 développe l'idée de l'éternité de l'esprit. ... proposition ambiguë volontairement ou pas, autour de la destruction du corps et de celle partielle de l'esprit ? Et par le scolie l'esprit serait habité par une certaine pratique de l'éternité ? 24, 25 indiquent comment parvenir à l'expérience de l'éternité. C'est par la pratique du troisième genre de connaissances que l'esprit parvient à voir sous l'angle de l'éternité. 24 reprend le schéma «d'autant plus ... d'autant plus ...» caractéristique d'un processus tendanciel. Spinoza ici et plus tard parle plus de comprendre que de connaître. Cette compréhension le secours de l'imagination pour approcher la véritable nature de Dieu. Comprendre Dieu et les choses singulières sont une même chose. Plus on comprend ces dernières plus on comprend Dieu. Il ne suffit plus d'associer des représentations, il faut penser l'unité de la substance (divine). 25 L'accomplissement de l'intelligibilité intégrale du réel est la seule verue de l'esprit et «passe par une compréhension de plus en plus complète de la nature des choses.» Ici pas d'explication de ce qu'est une science intuitive. Le seul but est comprendre Dieu par la compréhension les essences des choses. 26 est que ce mouvement se nourrit de lui-même. Il engendre le désir d'aller plus loin. cette tension cognitive et affective s'anime à l'intérieur de lui même. L'esprit avant d'en être conscient est incité à parvenir à une parfaite intelligibilité du réel. Le mouvement qui conduit l'esprit à la connaissance du troisième genre de connaissance obéit à la logique du désir. Ma mise en pratique est inséparable d'un environnement affectif. 27 se ramène à un affect spécifique qui est l'apaisement ou la sérénité. Ce n'est pas une banale satisfaction d'un contentement de soi. L'esprit est convaincu d'être sur la bonne voie avec la satisfaction d'être dans le vrai et d'y être de plus en plus. 28 à 31La disposition à connaître par le troisième genre de connaissance, que ce soit de façon inné ou de l'extérieur, est un caractère de l'esprit. 28 et 29 permettent de préciser la nature de cette disposition. 30 et 31 Ce genre de connaissance donne la conviction de l'esprit qu'il est lui même éternel. 28 La provenance par les deuxième et troisième genres de connaissance est ontologique, logique et physique. D'où vient l'impulsion de ce désir de connaissance ? L'imagination, venant de l'esprit, par le premier genre de connaissance empêche de saisir l'origine, corporel ou spirituelle et leur maîtrise, «de prendre en considération son vrai bien». On trouve un début de réponse à la question de savoir si le désir de connaître par le troisième est inné ou acquis. L'esprit se réapproprie sa propre nature par la maîtrise intellectuelle de l'essence des choses. L'esprit doit se libérer du poids des idées inadéquates. 29 ébauche une réponse à la question comment rendre compte du passage de la connaissance à celui de la connaissance vrai. L'esprit représente les choses en relation avec le temps. La connaissance vraie les lui représente sous l'angle de l'éternité, toujours d'être idée d'un corps. 30 C'est par un seul et même acte de pensée que l'esprit se connaît et connaît les choses singulières comme éternelles. En se posant comme idée que l'essence du corps est en quelques sorte le corps du corps, l'esprit lui-même l'esprit de l'esprit. 31 L'esprit s'affirme comme étant lui-même cause adéquate ou formelle, la connaissance ne lui est plus imposée de l'extérieur. L'esprit exploite au maximum la puissance de penser qui est en lui. Scolie de 31 résume l'ensemble des propositions à partir de 28 de manière génétique les conditions de production de la connaissance du troisième genre de connaissance, processus tendanciel. Pages 147 à 149 Sujet d'étude possible de l'utilisation du terme «conscient» qui apparaît 23 fois dans l'Éthique.
Difficultés liées à l'idée d'une durée de l'esprit sans relation avec le corps.32 à 37 : L'amour intellectuel de Dieu 32 33, 34 et 37 (35, 36 voir plus bas) 35, 36 38 à 40 : La libération de l'âme 41 et 42 : L'éthique au quotidien Troisième partie Quatrième partie Deuxième partie Première partie page 16 « ...le seul ouvrage qu’il ait publié de son vivant sous son nom : les Principes de la philosophie de Descartes dont le titre complet est Renati Descartes Principiorum Philosophiae pars I et II more geometrico demonstratae per Benedictum de Spinoza, parus à Amsterdam en 1631. Note 1 Spinoza avait annexé à cette publication ses Pensées métaphysiques (Cogitata Metaphysica) où, en vis-à-vis de celles de Descartes, il avait esquissé ses propres positions philosophiques : ... » 16 Note 2 « Une lecture attentive de ces Principes de la philosophie de Descartes permettrait sans doute de reposer sur le fond les problèmes concernant le statut de l'histoire de la philosophie tels qu’ils se présentent à nous aujourd’hui. » 16 à 22 « Les Principes de la philosophie de Descartes ... précédés d’un longue Préface, signée du nom de l’un de ses proches, Louis Meyer, : ...cette Préface, ...seul texte où il se soit quelque peu expliqué sur ce point par personne interposée, est esquissée une justification philosophique du mode d'exposition géométrique, dont l'adoption répond, au point de vue de Spinoza, à des raisons ... rapport avec sa conception de la nécessité naturelle qui repose sur l'identification complète des raisons et des causes, principe qui est lui-même à la base de l’ordo philosophandi [ordre de philosopher ]. » Analyse pour Descartes, synthèse pour Spinoza« L'explication proposée ... repose sur la distinction entre les deux points de vue de l'analyse et de la synthèse, distinction reprise à Descartes mais retournée contre celui-ci par Spinoza. Selon Descartes, qui s’est lui-même expliqué sur ce point dans un passage des Réponses aux Secondes Objections annexées à la publication de ses Méditations métaphysiques, ... l'analyse, véritable ars inveniendi [art de la découverte], est la méthode pour trouver des vérités en allant systématiquement du connu à l'inconnu, ... la synthèse est la méthode d’exposition formelle qui permet, une fois ces vérités trouvées, de les présenter sous une forme démonstrative, en allant du connu au connu : [ (C'est bien "du connu au connu" qui est écrit dans le texte.) Grande ambition qui me paraît irréaliste, il y a un espace infranchissable entre Dieu et éventuellement les causes qui nous ont amené à l'asservissement actuel. Début des causes que l'on pourrait repérer au début des productions d’artefacts pour la chasse et les récoltes.] ... il doit y avoir préséance de l’analyse, selon laquelle sont effectivement rédigées les Méditations métaphysiques, par rapport à la synthèse, exposition géométrisée de contenus ... cette forme d'exposition synthétique ne peut avoir qu’une valeur complémentaire d'illustration ou d'application répondant principalement à des fins pédagogiques d'instruction ou de transmission de savoir; en conséquence, si cette forme d'exposition synthétique a la capacité de forcer la conviction par la puissance de la preuve, elle paraît entachée corrélativement d’une certaine stérilité. ...dans la perspective qui est celle de Spinoza, les deux-méthodes se distinguent ... la synthèse, procède de la connaissance des causes à celle de leurs effets, ... sorte de calque correspondant à la manière dont les choses sont effectivement produites, … la seconde, ... connaissance des effets à celle de leurs causes en remontant le mouvement ..., en offre au contraire une image inversée, et par là même déformée. Or ordo philosophandi tel que Spinoza le conçoit, et qui est une autre façon de désigner la connaissance de Dieu, est précisément censé reproduire mentalement, c’est-à-dire idéellement, à l'identique l’ordre selon lequel les choses sont et se font effectivement, à partir de Dieu et en Dieu: c'est ce que signifie la doctrine de la causa seu ratio de laquelle se dégage la conception d’une logique qui est simultanément logique du pensé et logique du réel 1. Note 1 ... rapprochement ... entre les positions philosophiques de Spinoza et celles de Hegel. Mais ... Hegel, ...n'y a vu qu’une manifestation de formalisme, a porté une condamnation radicale contre le mode synthétique d’exposition géométrique que Spinoza a tenté d'introduire en philosophie, auquel il a opposé un mode d'exposition génétique qui,...pourrait s’apparenter à une analyse. ...Spinoza est conduit à affirmer contre Descartes la primauté de la synthèse par rapport à l'analyse, ... loin d’être stérile, la synthèse est ... porteuse d’une puissance rationnelle qui exprime ... la productivité du réel, chargeant ainsi les idées et les choses d’une identique force dont le principe de base se trouve dans la nature prise absolument, c’est-à-dire en Dieu même. ... la conséquence suivante : par ordre géométrique, aussi bien dans les Principes de la philosophie de Descartes que dans l'Éthique, il faut d’abord entendre l’ordre synthétique au sens de la forme de discours ...c’est-à-dire la progression nécessaire, est agencée sur le modèle ... se déroule le processus causal, et reproduit tel qu’il est en lui-même l’ordre du réel, ... les choses telles qu'elles sont et telles qu’elles se font, suivant le mouvement rationnel conduisant des causes aux effets et non l’inverse. ... conception spinoziste de la pensée, ...simultanément ontologique et logique, ...affirmer la capacité pour l’intellect ou entendement (intellectus) de «comprendre» (intelligere) la nature des choses selon sa nécessité intrinsèque, à l'opposé donc d'une conception artificialiste de la rationalité ... une reconstitution ou une reconstruction de la réalité, ... qui, en transposant cette réalité sur un plan abstrait d'idéalité, en élabore des représentations plus ou moins conformes, mais est empêchée de la faire apparaître mentalement ou idéellement telle qu’elle est dans sa réelle présence, donc ...de la «présenter »1. [Note 1 Ce point est ... développé dans la deuxième partie de l'Éthique, où est exposée une théorie de la connaissance rationnelle qui ôte à celle-ci tout caractère représentatif ou représentationnel Au point de vue de Spinoza, il y a une intelligibilité intrinsèque du réel, qui est accessible à la raison : la connaissance ne donne pas une image plus ou moins conforme de la réalité, mais elle exprime la réalité elle-même telle que celle-ci se produit selon ses propres rapports de nécessité. Tel est l’enjeu fondamental de la proposition 7 du de Mente, selon laquelle «ordre et enchaînement d'idées et ordre et enchaînement de choses, c'est la même chose» (ordo et connexio idearum idem est ac ordo et connexio rerum). Cette thèse radicale commande la position philosophique de Spinoza qui, en son absence, devient incompréhensible : nul n’est bien sûr obligé d’en admettre le bien-fondé ; mais il est clair qu’en la refusant on se place définitivement à l'extérieur de ... la philosophie de Spinoza...] L'ordre géométrique ... est ... tout sauf un artifice formel de présentation qui viendrait se greffer sur un contenu doctrinal ... il ne peut être séparé, comme une enveloppe ou un habillage plus ou moins factice, du noyau rationnel de la conception philosophique dont il constitue au contraire l'expression adéquate, c'est-à-dire nécessaire. ... la valeur de légitimation assignée à la démonstration, ... mentionnée dans le texte de l'Éthique par le rappel lancinant de la formule QED (quod erat demonstrandum, «ce qu’il fallait démontrer, CQFD »), ne doit pas être prise dans le sens que lui assignent traditionnellement les théories de la connaissance : celles-ci, en posant les idées et les choses comme rigoureusement extérieures les unes aux autres, font en effet de la preuve une validation extrinsèque et non une détermination intrinsèque du vrai en tant que celui-ci est inséparable de la présence effective de l’idée vraie. ...exposer géométriquement sa conception de la nature des choses, Spinoza ne cherche ... à construire un arsenal de preuves ... , ... une éthique libératoire ayant comme principale vocation d'effectuer « l'épuration de l’intellect » (intellectus emendatio) en supprimant les écrans imaginaires qui l’empêchent de saisir le réel ... » 22 «... la philosophie de Spinoza est la philosophie d’une nécessité qui est aussi simultanément liberté, c'est-à-dire qui devient liberté pour autant qu'elle accède au statut d’une nécessité non plus passivement subie mais activement comprise.» 23-24 De deo en deux grands développements en Dieu puis depuis Dieu, toutes choses tendent en lui puis précèdent de lui. Dans les quinze premières propositions ce Dieu est, pour déduire dans les vingt et une suivantes ce qui relève de sa puissance. Le sujet des normes - Échanges en 2014 Éditions Amsterdam «Vous venez de publier un livre sur "Le sujet des normes". Et dans cette tentative, il ne sera pas question de parler des normes de manière Platonicienne comme si elles étaient des régulations Intelligibles. Mais, en même temps, on n'est pas davantage dans l'opinion lorsqu'il s'agit de normes. Peut-on en rester du coup à une éthique qui ne trouve aucune règle extérieure aux cas pour lesquels faire valoir une vérité ? N'y a-t-il plus de loi ? Sommes-nous désormais perdus ? Les lois sont toujours là: ce qui s'est perdu, c'est la croyance en leur légalité, c'est-à-dire en leur objectivité. A mon point de vue, s'est substituée à cette croyance disparue une forme de persuasion insidieuse, que j'appelle "infra-idéologie", et qui s'adresse à ceux qu'Althusser appelait des "toujours-déjà-sujets". C'est une mutation historique radicale, dont nous vivons au jour le jour les retombées, qui sont tout sauf réjouissantes. On ne peut pas seulement dire que c'est l'Etat qui perd la chose en soi de la loi. C'est l'Etat qui lui-même se perd -soit dans une gouvernance qui procède aux coups de sondage soit par des décisions qui ont simplement pour elles le sérieux de l'intention. La normativité se place-t-elle en-dehors de cette impasse ? C'est quoi précisément une norme ? Relève-t-elle d'une autre stratégie? d'un autre Sujet ? Je suis de plus en plus convaincu que le dépérissement de l'Etat est entré dans une phase avancée. Maintenant, l'essentiel se passe ailleurs, selon mon hypothèse qui n'est bien sûr qu'une hypothèse de travail, sur le plan des normes, qui est davantage économico-idéologique ou idéologico-économique que politique: le changement effectué par le moyen des normes a consisté précisément dans la fusion inattendue de l'économie et de l'idéologie, d'où est sortie une forme toute nouvelle de pouvoir (la "gouvernementalité" dirait un foucaldien). ... » Haut de page Page en amont Des visites régulières de ces pages mais peu de commentaires. Y avez-vous trouvé ou proposez-vous de l'information, des idées de lectures, de recherches ... ? Y avez-vous trouvé des erreurs historiques, des fautes d'orthographes, d'accords ... ? Ce site n'est pas un blog, vous ne pouvez pas laisser de commentaires alors envoyez un mail par cette adresse Contacts Au plaisir de vous lire. |