Sortir de l'histoire officielle

     


Nazisme et Surmoi
Les prédateurs et autres nazis écrasent-ils leur être par leur SurMoi ?

Je sais que la Shoah n'avait pas encore eu lieu mais de nombreuses personnes n'ont pas eu ces propos haineux envers une partie de l'humanité. Je sais qu'il faut bien vivre, qu'Irène Némirovsky, elle-même paradoxalement victime du nazisme, a écrit ce roman malgré tout de qualité David Golder entrant dans le schéma racial attendu, mais beaucoup de ces antisémites n'avaient pas de justification pécuniaire pour répandre leur haine.
D'autres à la même époque dans la même situation ont été plus discrets et pour certains plus courageux comme par exemple Paul Valéry qui sous l’occupation prononce en sa qualité de secrétaire de l’Académie française l'éloge funèbre de Henry Bergson de confession juive. Ce qui lui vaut de perdre ce poste, comme celui d’administrateur du Centre universitaire de Nice.
Et même sous l'emprise directe du nazisme comme ce professeur de philosophie à Munich Kurt Huber qui s'est engagé dans le mouvement La rose blanche et a été guillotiné en 1943. Il ne s’agit pas d'être des héros mais au moins de ne pas participer au totalitarisme. Il est vrai que la mise à l'index des professeurs juifs a libéré des places.

Il y a vraiment trop de bons textes à lire pour se salir dans Céline ou s’attarder à réfléchir sur la pensée double de ceux qui suivent :

Heidegger

Antisémitisme raisonnable. Burk !

Mircea Eliade - Emil Cioran - Vintila Horia

Heidegger
On s’est beaucoup posé de questions autour de l’Être, qui n’est pas l’étant mais peut être l’étant le là, le deizen de Heidegger ! Pour moi c’est du verbiage et ceci le restera peut-être ! Mais est-ce raisonnable de suivre Heidegger dont l’excroissance du cerveau provoqua un gonflement de l’égo, du Moi prédateur où l’autre n’est qu’un objet. Pensée s’appuyant sur une pseudo spiritualité païenne agricole, pure car première. Pensée éliminant toute humanité qui ne rentrerait pas dans ces critères néolithiquo-celto-germano-européenne ... ne rentrerait pas dans ces critères par sa culture et ses coutumes disons « exotiques », comme par exemple les gitans ou les juifs. Le bon terrien européen syncrétique contre le sémite ou le nomade. Heidegger qui s’exprimait ainsi à 27 ans le 18 octobre 1916 dans une lettre à sa fiancée Elfride : "L’enjuivement de notre culture et des universités est en effet effrayant et je pense que la race allemande devrait trouver suffisamment de force intérieure pour parvenir au sommet ". Il est vrai qu’il a couché plus tard avec son élève Hannah Arendt, mais soit il ne savait pas que les quatre grands-parents de cette dernière étaient juifs, soit il a pris un bon bain après, parfumé à l’eau de javel.

Certains penseurs séduits par la pensée de Heidegger et pensant en avoir, eux, compris le sens refusent de voir l'évidence "il est nazi". Donc ils vont alimenter leur déni par des circonvolutions théoriques.

J'apprends par Charles Pépin dans "La planète des sages" que jeune il a fait l'éloge d'un prédicateur augustinien appelant aux pogroms contre les juifs. Et qu'il a envoyé ses bons voeux à l'eugéniste Eugène Fischer «Après 1933 et l'avènement du régime nazi, le Docteur Eugène Fischer fut promu recteur de l'université de Berlin. En 1934, il donnait ses cours aux médecins SS dont le docteur Joseph Mengele qui devint son assistant. Sous le régime national-socialiste, il développe ses théories sur les spécificités raciales déterminant les origines raciales des individus. Il expérimente avec son équipe ses théories sur les Roms et les africains. Il fait pratiquer une stérilisation forcée de centaines de milliers d'individus comme les retardés ou les malades mentaux parce que « racialement déficients. » Dès 1936, les « bâtards de Rhénanie » se trouvent ainsi pour moitié envoyés en camp de concentration, l’autre moitié étant stérilisée de force sous la supervision du docteur Fischer...Il meurt le , sans que son rôle dans la solution finale ... ait jamais fait l'objet d'un procès.»

Recension de Jonathan Daudey sur «Banalité de Heidegger», de Jean-Luc Nancy et un commentaire de Stéphane Domeracki «Banalité de Heidegger», de Jean-Luc Nancy

Martin Heidegger, les heures noires d'un philosophe Heidegger voulait refonder la philosophie et mettre fin à «l’enjuivement de son peuple»… L’engagement du penseur au service des nazis suscite encore la consternation. par

Colloque «Heidegger et "les juifs"» - Gérard Bensussan


Henri Meschonnic, Le langage Heidegger, 1990 Michael Löwy

𝐇𝐞𝐢𝐝𝐞𝐠𝐠𝐞𝐫, 𝐡𝐢𝐭𝐥𝐞́𝐫𝐢𝐞𝐧 𝐬𝐚𝐧𝐬 𝐫𝐞𝐦𝐨𝐫𝐝𝐬 - Roger-Pol Droit

Emmanuel Faye
Heidegger, l'introduction du nazisme dans la philosophie
«Le livre a fait l'objet d'une critique conséquente à sa sortie, qui a conduit à une pétition de la part de plusieurs intellectuels appelant au calme et à la mesure. Parmi eux on compte des philosophes comme Jacques Bouveresse, Jacques Brunschwig, Michèle Cohen-Halimi, Pierre Guenancia, Claude Imbert, Richard Wolin (en), des historiens comme Pascal Ory, Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet, Paul Veyne, des germanistes et philologues comme Jean Bollack, Georges-Arthur Goldschmidt, Jean-Pierre Lefebvre, Alain Rey, ainsi que Serge Klarsfeld :
« Ce livre revient sur l'engagement partisan du penseur dans la politique hitlérienne. [...] Depuis sa parution, dont l'importance a été soulignée par toute la presse, des heideggériens radicaux cherchent à discréditer ce travail par tous les moyens, y compris des attaques diffamatoires contre l'auteur diffusées sur internet. Nous n'acceptons pas ces procédés déshonorants [...] et pensons que la recherche critique sur l’œuvre de Heidegger dans son rapport au nazisme doit se poursuivre et s'approfondir. »»
Antisémitisme et extermination : Heidegger, l’ Œuvre intégrale et les Cahiers noirs par Emmanuel Faye
Les fondements nazis de l’œuvre de Heidegger dont un échange avec Emmanuel Faye en 2005
sur le site de Association des professeurs de philosophie de l’enseignement public

François Ratier

Dans les pas de Hannah Arendt par Laure Adler

Heidegger ou la compromission de la philosophie

Le cas trawny - Michèle Cohen-Halimi et Francis Cohen

Sciences humaines : Le débat de Davos et Sauver Hiedegger ? Un débat français

Wittgenstein - Les impostures du langage

Pierre Bourdieu "un racisme sublimé"

Le temps des magiciens de Wolfram Eilenberger S'ils n'entre pas par la porte, il va entrer par la fenêtre

Échanges suite à la diffusion de La Zone d'intérêt" de Jonathan Glazer

Et aussi : Heidegger et sa solution finale - Essai sur la violence de « la » « pensée » de Stéphane Domeracki du site de l'éditeur http://www.connaissances-savoirs.com/  «Le nazisme est-il circonstanciel et en cela secondaire dans la démarche de "la" "pensée"? Une "grosse bêtise"? Les Cahiers noirs, incitent à relire tout le corpus connu pour se rendre à l'évidence : non seulement Heidegger n'a eu de cesse de chercher à mieux penser le nazisme qu'il ne s'est pensé lui-même, mais il semble même avoir élaboré un antisémitisme alternatif, "historial", justifiant à sa façon le recours génocidaire au concept de "race". Peut-on admettre qu'il promeuve le "rang" germanique ou propose des interprétations révisionnistes de l'extermination des Juifs d'Europe sous prétexte d'une "pensée" fort spéculative de l'histoire de l'Occident ? Qu'est-ce cela a encore à voir avec de la "philosophie"? Comment comprendre qu'en France et ailleurs, une apologétique plus ou moins discrète perdure ? Il faudrait pourtant envisager d'autres hypothèses de lecture ; plus que celle de l'être, n'est-ce pas en effet la question du mal qui serait au centre du discours heideggerien ? Sa coloration fort manichéenne et comminatoire ne vise-t-elle pas in fine à incriminer quelque "enjuivement" intime et inapparent de la modernité ? Ce, sachant que le nazisme lui-même en serait paradoxalement le point d'orgue. Pourquoi, dans les années 30, Heidegger lui reproche ses demi-mesures ? Le chemin vers un Quatrième Reich s'avérera fort tortueux, surtout lorsque celui qui l'indique voue un culte au secret. Pour enfin exhiber toutes les variétés de mystifications, nous proposons ici de reprendre les œuvres de Heidegger à partir d'un fil conducteur inédit : la notion d'insurrection.»


Heidegger ou la compromission de la philosophie par Alain Policar

« ... dénonciation qu’il s’agit : celle des diverses catégories d’heideggériens qui cherchent encore, ... à éviter le naufrage du « prophète ». ... la séparation entre le recteur nazi et le philosophe du Dasein est au mieux un non-sens mais plus certainement une faute morale d’une extrême gravité. Or c’est cette faute qui fait l’objet d’un invraisemblable déni.

Ce dernier touche des philosophes aux engagements politiques extrêmement divers : certes François Fédier et Jean Beaufret, thuriféraires patentés que rien ne saurait troubler, mais également, dans une sorte d’inventaire à la Prévert, Badiou, Vattimo, Trawny, Finkielkraut, B.-H. Lévy, Agamben, Cassin, Derrida, Nancy, Lacoue-Labarthe, Negri, Zizek, Blanchot, Lyotard, Rorty, Safranski, Salanskis, France-Lanord, Romano… ... ce que pratiquent les heideggériens, ..., c’est « l’art de ne pas lire ». Comment sinon expliquer qu’il ait fallu attendre la publication des Cahiers noirs pour voir quelques apologistes troublés admettre enfin (pour certains d’entre eux) l’antisémitisme du Maître qu’ils n’avaient pas perçu dans les 93 volumes précédents ? La thèse de l’erreur de jugement temporaire (celle également invoquée pour sauver Carl Schmitt de l’opprobre), qui justifiait l’intenable séparation entre, d’une part, les cours et discours militants et, d’autre part, les textes fondateurs, a désormais vécu.

... Heidegger, ce dernier incitant à une lecture ésotérique et déclarant « ne rien pouvoir pour ceux qui ne comprenaient pas l’intention première malgré les réécritures » (p. 71). Il ajoutait que « le plus grand danger pour la Pensée est la tentative de se faire comprendre » ... F. Rastier souligne que si Sein und Zeit (1927) évoque des thèmes traditionnels en philosophie (ontologie grecque ou phénoménologie de la quotidienneté), Heidegger, membre actif d’une société ésotérique catholique, la Ligue du Graal, emploie des mots cryptés, des néologismes jamais définis et agissant comme des symboles inexpliqués, et utilise des procédés de dissémination et d’équivoque. Et ce discours prophétique... se présente comme une réaction contre le prophétisme juif : « La prophétie est la technique du rejet du destinal dans l’histoire. Elle est un instrument de la volonté de puissance. Que les grands prophètes soient Juifs est un fait dont le secret n’a pas encore été pensé ».(Heidegger cité par Rastier, p. 31) La légitimité, voire la nécessité, de ce « pathos prophétique » se fonde sur la transformation d’événements politiques, tels la venue du IIIe Reich et l’extermination des juifs, en événements théologiques : « Dans son catastrophisme, Heidegger prophétise ce qui vient d’advenir, en recodant les événements dans l’Histoire de l’Être – ou en agitant des menaces : ainsi la technique (enjuivée) qui menace de faire “partir la terre en fumée” (selon Trawny) » (p. 33). Ainsi le changement purificateur aura lieu, l’humanité actuelle, dans un grand mouvement de restauration apocalyptique, sera remplacée par une humanité nouvelle. On songe ici à l’expression fortement suggestive de Saul Friedländer parlant d’« antisémitisme rédempteur » pour qualifier l’antisémitisme nazi. Le Führer, pour Heidegger, est celui qui libère de la dépossession, qui permet la « restitution de l’Étant » et inaugure un « autre commencement » où « la force de l’essence non encore purifiée des Allemands est capable de préparer dans ses fondements une nouvelle vérité de l’Être ».

La promesse prophétique
Le corpus canonique ne peut donc plus être lu sans les textes qui leur sont contemporains (de 1930 à 1970) et qui « utilisent le même langage, exploitent les mêmes thèmes, mais en ajoutant ce qu’ils taisent ou en reformulant plus clairement ce qu’ils voilaient » (p. 71). Les Cahiers noirs ne font que révéler la promesse prophétique, laquelle n’était jusqu’alors que suggérée. F. Rastier insiste justement sur l’aspect délirant du prophétisme heideggérien, celui-ci prêtant une puissance surnaturelle aux noms débutant par la lettre H, et annonçant le caractère historique de l’année 2327 (400e anniversaire de la publication de Sein und Zeit). Ce nostradamisme, qui est « la rançon d’une vision du monde qui refuse le principe de réalité pour s’ériger en critère de toute vérité » (p. 47) décourage tout débat philosophique. Au-delà, il légitime le complotisme dont la « logique délirante de métonymie généralisée voit partout le même ennemi, sous des guises diverses » (ibid.). Il entre en congruence avec l’idée que le lecteur de Heidegger doit être pénétré, c’est-à-dire intimidé et soumis : « La lecture n’est pas appropriation critique mais contemplation » (p. 77). Et en effet interprétation et prophétie ne sauraient s’accommoder l’une de l’autre. C’est pourquoi tout est permis, notamment la transformation des bourreaux en victimes. Le premier moment de cette transformation, c’est l’idée que celui qui ne meurt pas de la mort des héros ne meurt pas vraiment.

Comme le souligne F. Rastier, Heidegger « brouille le fait historique de l’extermination en concluant que l’homme n’est pas encore le mortel » (p. 96). Ce négationnisme ontologique (selon l’expression d’Emmanuel Faye) renvoie à l’idée que « les Juifs, purs étants erratiques, sont dépourvus de monde propre car privés de racines et cosmopolites, ils restent sans rapport à l’Être » (ibid.). Le second moment, clairement manifeste dans les deux conférences de 1949 (parues en allemand en 1994 mais inédites en français), permet de confondre l’extermination nazie avec la politique américaine (ou russe), thème central chez de nombreux philosophes « radicaux ». Heidegger écrit : « L’agriculture est à présent une industrie alimentaire motorisée ; dans son essence c’est la même chose que le blocus de régions afin de les affamer, la même chose que la fabrication de bombes à hydrogène » (cité par Rastier, p. 97). Dès lors, la signification historique de l’extermination est détournée, puisque s’accomplissant dans les malheurs présents des Allemands, « la culpabilité est transmuée en victimisation » (p. 99). Au lieu donc de distinguer, comme l’exige la pensée analytique, « il s’agit ici de confondre tant les formes que les fonds sémantiques et les moments, par l’intervention providentielle d’une identité métaphysique qui réside dans l’Essence » (p. 100). Confusion à laquelle succombe Marcel Conche lorsqu’il écrit : « Le national-socialisme lui-même n’a, comme tel, pas grand-chose à voir avec Auschwitz ». ...

L’égarement des apologistes
... la cible principale de F. Rastier est ici clairement désignée : ceux qui méprisent l’argumentation au profit de la recherche du « grand style », ceux qui se proposent de réunifier poésie et philosophie (« au détriment de l’une et de l’autre », note F. Rastier), ...; Gianni Vattimo qui, ..., n’hésite pas à parler de procès de Nuremberg pour évoquer celui intenté à Heidegger, fait de la vérité le mensonge oppresseur d’autorités illégitimes ... et enfin voit Heidegger comme un « antisémite indispensable »; Peter Trawny ... s’acharne, comme la plupart des apologistes, à montrer qu’il n’a rien de commun avec le racisme biologique des nazis). ...

Il faut avouer que vouloir repérer chez Heidegger une influence juive a été, au mépris du sens commun, défendu par quelques auteurs. Ainsi Marlène Zarader a-t-elle intitulé l’un des ses ouvrages, La Dette impensée. Heidegger et l’héritage hébraïque ... et Pascal David, dans Essai sur Heidegger et le judaïsme, « estime que Heidegger est requis pour la “sanctification du nom” » (p. 151). Comment, note F. Rastier, peut-on oser opérer pareil rapprochement, alors que le judaïsme se veut une religion de l’éthique et que l’œuvre de Heidegger en est spectaculairement dépourvue ?

On voit que la défense de Heidegger se heurte à des apories, lesquelles, avec la publication des Cahiers noirs, précipitent la crise des apologies. On est certes passés du négationnisme à une banalisation de l’antisémitisme heideggérien, le déni absolu étant désormais impossible. Mais ce n’est pas rassurant pour autant, au vu des stratégies discursives utilisées pour « noyer le poisson » (p. 170). Ainsi Barbara Cassin considère qu’après la publication des Cahiers noirs, « la philosophie doit se débrouiller avec ça » (cité par Rastier, p. 172) : la philosophie ou les philosophes heideggériens ? Pour elle, « les philosophes aiment les tyrans, c’est une déformation professionnelle ».

Comme le résume F. Rastier, il s’agit, dans ce propos, de compromettre la philosophie pour protéger Heidegger. Un autre exemple effarant est fourni par Jean-Luc Nancy pour qui le jugement moral était une vengeance des vainqueurs de l’hitlérisme : « Nous avons vu se reformer un esprit de croisade où le désir de vengeance se flatte d’agir au nom de la démocratie, du droit et de l’humanisme » ... »

Le cas trawny - Michèle Cohen-Halimi et Francis Cohen
https://sens-tonka.net/auteur/cohen-halimi-michele

Si j'ai bien compris la démarche de Peler Trawny est de réduire les propos et actes antisémites de Heidegger à des concepts. Tout n'est donc que concept. Si je pousse quelqu'un à tuer je n'ai agi qu'en concept !
Page 11-12 «On salue, en France, aujourd'hui le «courage » de cet éditeur. Et ce dernier ambitionnait sûrement cette réception glorieuse puisque, selon lui, les jeunes philosophes allemands et autrichiens, qui « travaillaient en phénoménologie, regardaient Toujours avec envie vers Paris ou Strasbourg, parce qu'en ces lieux on pouvait s'affronter à l'impulsion philosophique forte venue de Heidegger sans paraître suspect au public. » Non seulement Peler Trawny a certainement espéré cette réception de son travail, mais en citant presque exclusivement des philosophes français (Alain Badiou, Jacques Derrida, Jean Luc Nancy, Jean-Paul Sartre), il a tout fait pour se rendre immédiatement accessible aux lecteurs français.»
12 «Depuis plus d'un an, Peler Trawny a donc gagné en France une véritable notoriété : éditer, c'est à-dire au sens étymologique «porter au jour», les réflexions que Heidegger a consignées, de 1931 à 1 970, dans trente quatre cahiers. réflexions mêlées à des stéréotypes antisémites, confondues avec des idéologèmes criminels de l'Allemagne nazie, cela a assuré à Peter Trawny sa réputation de «courage». Rémunéré par les ayants droit de la famille Heidegger, il ajoute à son salaire la plus-value d'une reconnaissance puis qu'il nous affranchit définitivement du déni français ...». Idéologème : «...J. Kristeva (colloque de Cluny, 1968) envisage la notion d’idéologème dans le cadre d’une réflexion qu’elle développe sur les problèmes de la structuration du texte. Après avoir distingué le discours, objet d’échange entre un destinateur et un destinataire et le texte envisagé comme un processus de production de sens, ...» https://www.sociocritique.fr/?Redefinir-la-notion-d-ideologeme.
14 « « Le propre de la conception heideggerienne de l'Histoire consiste en ceci qu'il n'y a, en fait, qu'une seule phase susceptible d'être embrassée du regard, celle de la Métaphysique. ...Ainsi, la pensée correcte de l'Histoire est inséparablement liée à la pensée de l'être lui-même. » ...
Cette différence entre Geschichte et Historie, qui se recoupe jusqu'à un certain point avec la distinction entre ontologique -- qui se rapporte à l'être et ontique -- qui se rapporte aux étants --, constitue la matrice où l'on peut« se sensibiliser» au concept de «l'antisémitisme historial». C'est grâce à ces différences que l'antisémitisme indigne acquiert soudain une dignité ontologique et se voit logé à l'écart de toute responsabilité, de toute culpabilité, à l'écart de la faute même.»
Donc noyer l’antisémitisme dans l'ontologie pour le sortir de l'histoire.
20-21 «Peler Trawny préfère être un homme de paradoxe plutôt qu'un homme de préjugé : là où le bon sens aurait tendance à incriminer l'homme pour innocenter le penseur, Peler Trawny fait l'inverse. La distinction scolairement galvaudée et usée entre «l'homme et l'œuvre » reste le support d'une opération dénégatrice à deux niveaux : je sais bien que monsieur Heidegger n'est pas antisémite, mais le philosophe l'est; puisque le philosophe l'est, alors que l'homme ne l'est pas, il s'agit d'accorder la philosophie antisémite à un niveau de sens où elle cesse d'être ce qu'elle est, antisémite. pour inscrire ce qu'elle est dans « l'histoire de l'être »»
21 «Quand donc le philosophe Heidegger formule « des idées antisémites ». Peter Trawny nous montre que ces formulations ne sauraient être réduites à un plan historique, mais qu'elles doivent être entendues selon une nouvelle perspective, celle de « l'histoire de l'être », où elles cessent d'être stricto sensu antisémites. Ni monsieur Heidegger ni le philosophe Heidegger ne peuvent être dits antisémites, dès lors qu'on a été « sensibilisé» au concept de l'«antisémitisme historial »
... le penseur de Fribourg formule des idées antisémites mais ses idées ne sont pas antisémites.»
27 «Tous ces vocables les plus adhérents à la barbarie nazie pourraient s'entendre d'un nouveau point de vue, «historial », comme des philosophèmes, et devenir acceptables. Ainsi pourrait s'ouvrir la voie à un langage philosophique où «l'extermination des Juifs d'Europe», «Auschwitz», «le judéo-bolchévique» accéderaient au rang de « concepts » et où l'histoire de ces vocables serait entièrement neutralisée par une resémantisation radicale.»
«Parler du «mythe» d'«Auschwitz»", dire que Heidegger serait «le philosophe ayant sauvé "Auschwitz" » ", écrire que « "Auschwitz" n'était possible que par "la poésie du monde" » " atteste une tentative de déréalisation des mots.»
28 «Peler Trawny a pour visée une écranisation [réduire à une image ?] et une déréalisation continuelles des mots. ...Selon la langue « historiale », on pourrait ne plus être choqué de voir la liberté « définie» par «l'extase des flammes et de l'anéantissement» ". Ce recours à «l'extase des flammes» se présente comme une image, qui est l'image d'un réel écranisé en même temps qu'elle renvoie au réel des fours crématoires qu'elle écranise.»
30 «L'apparent courage que Peter Trawny a mis à reconnaître la gravité de l'antisémitisme des Cahiers noirs a donc servi la dissolution de cette noirceur dans l'«antisémitisme inscrit dans l'histoire de l'être »»
«...la déclaration solennelle, qui entendait défendre le nom de Heidegger au nom de Heidegger, est un véritable tour de passe-passe au terme duquel « l'antisémitisme de Heidegger » est transformé en un oxymore.»
33 «Puisque l'errance est plus radicale que l'erreur, et que l'avènement de la vérité voue la responsabilité morale au « phantasme»", la fidélité à l'errance l'emporte sur toute reconnaissance de l'erreur -- une telle reconnaissance est même déclarée « catastrophique ».»
«... Heidegger aurait été «indigne de sa pensée s'il avait remanié ses notes (celles des Cahiers noirs). Être fidèle à sa pensée, c'est l'être à l'errance. De cette loyauté-là les Cahiers noirs sont
l'authentique témoignage »»

Sciences humaines - Les Grands Dossiers - Les grandes controverses


Page 40-41 Le débat de Davos - Cassirer contre Heidegger par Jean-François Dortier
«...Le débat qui suit est le choc de deux pensées, mais aussi le choc de deux styles. Cassirer entame le débat à sa manière : ouvert, conciliant, interrogatif. Heidegger reste égal à lui-même : tranchant, assuré, arrogant. Derrière ce débat, il y a bien d'autres enjeux. Cassirer est un humaniste et fait prévaloir le pouvoir de la raison et du langage. Heidegger invoque des forces plus obscures l'« effondrement du règne de la logique» et la puissance de l'imagination.
L'histoire nous dit que la confrontation a tourné largement en la faveur de Heidegger. Emmanuel Levinas, qui a assisté au débat, confiera avoir été littéralement subjugué par Heidegger. Bien plus tard, il s'interrogera sur son propre enthousiasme. Car trois ans après Davos, Heidegger avait rejoint le parti nazi et le Juif Cassirer, exclu de l'université allemande, prenait le chemin de l'exil.»

42-43 Sauver Heidegger ? Un débat français par Régis Meyran
« La publication des Cahiers noirs de Martin Heidegger a révélé l'ampleur de son antisémitisme. Peut-on distinguer son œuvre de son engagement politique ? En France, cette question est très clivante.
  L'affaire semblait entendue. Le philosophe Martin Heidegger a été recteur de l'université de Fribourg, tout de suite après la prise de pouvoir de Hiver en Allemagne (1933), où il a prononcé un discours de soutien au régime nazi. Avant cela il a été proche des SA, mais aussi ami avec le juriste Carl Schmitt avec qui il a siégé dans la commission qui a élaboré les lois raciales de Nuremberg. Pour clore le tout, il a toujours refusé, après-guerre, de s'exprimer sur son  engagement national-socialiste, qu'il n'a jamais renié... Avec avec la parution en 2014 des Cahiers noirs (34 cahiers à couverture noire écrits à la main entre 1930 et 1970, et pas tous encore parus à ce jour), son antisémitisme forcené est apparu plus flagrant encore. Dès lors que tout le monde
admet qu'il a été un nazi convaincu, pourquoi le cas Heidegger est il encore débattu en France ? En fait, ce vieux débat s'est un peu déplacé, et les philosophes se demandent si une distinction est possible ou pas, et si oui à quel point, entre sa pensée philosophique et son engagement politique. Sur cette question. plusieurs groupes s'affrontent, parfois de façon houleuse.
  D'un côté, ceux qui estiment qu'il y a quelque chose, malgré tout, à garder dans la pensée du philosophe. En effet, Être et temps (1927), notamment, a élaboré une réflexion sur le temps et la finitude humaine qui nourrira les pensées de Jean-Paul Sartre, Maurice Merleau-Ponty, Jacques Derrida ou Emmanuel Levinas : cela justifie qu'on se pose la question. On trouve ici Barbara Cassin, Alain Badiou, et surtout François Fédier, traducteur du philosophe allemand. Ce dernier défend une position extrême : Heidegger croyait que le nazisme allait sauver la société allemande en «perte de repères», mais il s'en est ensuite éloigné, et cette funeste erreur n'enlèverait rien à sa réflexion et la perspective originale qu'il propose sur l'histoire de la pensée philosophique occidentale depuis les Grecs. Par ailleurs, sa critique de la civilisation technique occidentale, du nihilisme et du consumérisme feraient Heidegger un penseur très actuel. (1)
  Jean-Luc Nancy estime quant à lui que les écrits de Heidegger relèvent d'une certaine « banalité» (2) : les clichés antisémites complotistes étaient présents chez un grand nombre de philosophes et d'écrivains de la période. Heidegger était clairement un réactionnaire qui visait même une sorte d'« archifascisme», un fascisme débarrassé de la fascination de la technique. Mais par ailleurs. ses concepts continuent à faire réfléchir, notamment sur la question de l'être. Heidegger a introduit dans Être et temps une dimension essentielle de l'existence (Dasein) qu'avait ignorée jusqu'ici la phénoménologie (le courant dans lequel il s'inscrit) : il n'y a pas d'homme seul. on ne peut exister qu'en étant en relation avec autrui. Claude Romano va plus loin : les Cahiers noirs ne sont pas «banals», ils montrent une dégringolade de la pensée. En mettant ses concepts au service du nazisme, Heidegger les a vidés de leur sens. C'est précisément parce que sa pensée fut forte que son enrôlement dans le nazisme reste un «fait déconcertant et monstrueux ». (3)
  Mais nombreux sont les commentateurs à lire dès ses premiers écrits, y compris les plus abstraits et a priori peu politiques, les prémices de son nazisme à venir. C'était déjà le cas de Pierre Bourdieu qui voyait dans son œuvre une mise en forme philosophique d'une posture politique, celle de la « révolution conservatrice» allemande, ce mouvement intellectuel traditionaliste et décliniste des années 1920 qui a précédé le nazisme. (4) D'autres commentateurs vont plus loin encore : selon eux, on ne peut pas séparer sa philosophie de son engagement politique. Ainsi, pour le sémiologue François Rastier (5), les Cahiers noirs montrent la cohérence de toute la pensée de Heidegger. Plus encore, le projet du philosophe était d'introduire le nazisme dans la philosophie - au risque de la détruire, ce que d'ailleurs il revendiquait hautement. Pour F. Rastier, depuis Être et temps jusqu'aux Cahiers noirs, Heidegger élabore un « mythe identitaire», qui sera aussi celui du chef de la SS Heinrich Himmler et de l'écrivain nationaliste Ernst Jünger, qu'il a fréquentés dans les milieux occultistes d’extrême droite. Le concept d'être n'est donc, dans ce contexte, qu'un mot couvert pour désigner la patrie (Vaterland). Sa philosophie est en réalité un prophétisme complotiste et antisémite, présenté sous une forme obscure et religieuse (F. Rastier y voit de nombreuses références à la gnose). Heidegger élabore même des prédictions catastrophistes, en prévoyant l'éclatement du monde et l'anéantissement de l'humanité au moment de l'accomplissement suprême de la technique (la machination menée par les Juifs déracinés). Bref, il s'agirait de propagande maquillée en philosophie. C'est aussi la thèse d'Emmanuel Faye, l'une des figures de proue du débat (6) pour lui, depuis qu'on a accès à l'ensemble des cours du philosophe, il n'est plus possible de séparer sa pensée philosophique de son engagement politique. Un engagement qui, loin d'être un accident de parcours, serait cohérent avec son œuvre : se demandant «qui sommes-nous ?», Heidegger répond « nous  sommes le peuple», au sens de la communauté raciale défendue par Hitler.
  Mais sa pensée a-t-elle évolué dans le temps ? Pour d'autres auteurs, à partir de 1930, la pensée de Heidegger prend une tournure plus directement politique. Dans les Cahiers noirs, le philosophe de Fribourg voit la « juiverie internationale», « douée pour le calcul», comme responsable de la machination supposée mener au nihilisme moderne, à la décadence, à la démocratie et au « déracinement de l'être» : la rationalité et la technique, brandies par les « collectifs » (Américains, Russes, Juifs), ont causé la perte de spiritualité des peuples, leur déracinement et un « oubli de l'être». Pour Jean-Claude Monod (7), ce n'est pas pour autant une « introduction au nazisme dans la philosophie », puisque, paradoxalement, Heidegger va prendre ses distances vis-à-vis du nazisme... Dans la mesure où ils ont voulu maîtriser la technique et se sont faits l'instrument de son déchaînement, les nazis n'étaient pour Heidegger pas assez nationalistes, pas assez «germains» et il les voyait même comme les« Idiots tuiles » des Juifs. Un comble !
  Alors, que penser du cas Heidegger? Philosophe ou propagandiste ? On ne peut en tout cas pas nier qu'il ait défendu des idées racistes et antisémites dans ses écrits, d'abord de manière très diluée puis de plus en plus clairement. Peut-on pour autant nier son apport à la tradition philosophique et estimer qu'il s'agissait de pure propagande ? La question n'a pas fini de diviser.
(1 ) François Fédier, «Cinq questions à propos de Heidegger», Commentaire, n° 154, 2016/2.
(2) Jean-Luc Nancy. Banalité de Heidegger. Galilée, 2015.
(3) Claude Romano, $ aidée d'antisémitisme philosophique est un non-sens ». Critique. n° 811 , 2014/12.
(4) Pieirre Boutédieu, L'Ontologie politique de Martin Heidegger, Minuit, 1 988.
(5) Français Rastier, He/degge4 mess/e anü'sém/fe. Ce que révèlent les Cahiers noirs , Le Bord de l'eaü, 2018.
(6) Emmanue Faye, Heidegger, l'introduction du nazisme dans la phibsophie, Aubin Michel, 2005;
(7) Jean-Claude Manod,« La double énigme des Cahiers noirs», Critique, op cit  »

Le temps des magiciens de Wolfram Eilenberger
Éditions Albin Michel
«1919. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, un élan de créativité sans précédent se produit dans l’histoire de la philosophie. Les ouvrages majeurs de Ludwig Wittgenstein, Martin Heidegger, Ernst Cassirer et Walter Benjamin, marquent un tournant de la pensée occidentale qui va façonner la philosophie moderne. Critique de la technologie, crise de la démocratie, repli identitaire, développement durable : pour comprendre et interpréter les grandes questions contemporaines, il faut revenir sur les traces de ces quatre grands penseurs. De l’Autriche à la Forêt-noire en passant par Paris et Berlin, entre biographie et analyse philosophique, Wolfram Eilenberger, qui a été longtemps rédacteur en chef de Philosophie Magazine en Allemagne, retrace de manière très vivante les chemins de réflexion de ces quatre philosophes essentiels.»

Page 17 Se déshériter pour travailler honnêtement !
20 George E. Moore, brillant penseur et logicien de son époque, «un excellent exemple de ce que peut faire un être humain totalement dénué d'intelligence.»

S’il n’entre pas par la porte, je le fais entrer par la fenêtre.
Pourquoi les Allemands cherchent l’appui de l'université française pour retrouver Heidegger ?
Dans ce livre beaucoup d'éloges pour le nébuleux deizen. L’auteur oublie aussi le comportement d'Heidegger vis à vis d’Husserl. Dans "Dans les pas de Hannah Arendt" de Laure Adler Page 67 «Husserl était juif. En raison de ses origines, bien que déjà à la retraite, il fut suspendu de ses fonctions dès 1933, ses livres furent enlevés des bibliothèques, certains brûlés parce que écrits par un Juif. À partir de décembre 1932, Heidegger, qui allait tous les mercredis faire la sieste chez lui après son cours, n'ira plus jamais rendre visite à son ancien maître. Pire, il empêchera qu'un appartement de la ville de Fribourg lui soit prêté pour lui permettre de vivre dignement. Plus symbolique encore, et preuve accablante de sa forfaiture morale et intellectuelle, Heidegger enlèvera, au moment où il rééditera Être et Temps, sa dédicace à Husserl, se contentant de citer son vieux maître en bas de page. La vénération et l'amitié se traitaient désormais en minuscules. Le vieil homme qui lui avait enseigné Platon n'était-il pas devenu, comme le répétait un enseignant nazi, un philosophe qui avait « talmudisé » le monde des idées de «l'aryen » Platon ? Husserl mourut à Fribourg en 1938. Heidegger n'accorda pas un seul mot à sa mémoire ni par oral ni par écrit, ni en public ni en privé.»
 On s’est beaucoup posé de questions autour de l’Être, qui n’est pas l’étant mais peut être l’étant le là, le deizen de Heidegger ! Pour moi c’est du verbiage et ceci le restera peut-être ! Mais est-ce raisonnable de suivre Heidegger dont l’excroissance du cerveau provoqua un gonflement de l’égo, du Moi prédateur où l’autre n’est qu’un objet. Pensée s’appuyant sur une pseudo spiritualité païenne agricole, pure car première. Pensée éliminant toute humanité qui ne rentrerait pas dans ces critères néolithiquo-celto-germano-européenne ... ne rentrerait pas dans ces critères par sa culture et ses coutumes disons « exotiques », comme par exemple les gitans ou les juifs. Le bon terrien européen syncrétique contre le sémite ou le nomade. Heidegger qui s’exprimait ainsi à 27 ans le 18 octobre 1916 dans une lettre à sa fiancée Elfride : "L’enjuivement de notre culture et des universités est en effet effrayant et je pense que la race allemande devrait trouver suffisamment de force intérieure pour parvenir au sommet ".
Parmi les noms cités quelques extraits de leur page Wikipédia :
  Ludwig Wittgenstein : Pendant qu'il était en Irlande, l'Allemagne procéda à l'annexion de l'Autriche (l'Anschluss) ; le citoyen viennois Wittgenstein devint alors citoyen allemand et un Mischling du 2e degré, statut bâtard d'Aryen/Juif (du fait des origines juives de sa famille paternelle)
  Ernst Cassirer : La prise du pouvoir par Hitler en 1933 le pousse à quitter l'Allemagne.
  Walter Benjamin : Le 10 juin 1940, quatre jours avant l'entrée de l'armée allemande dans Paris, Benjamin quitte la capitale ... Dans la soirée du 26 septembre 1940, après avoir franchi la frontière, Walter Benjamin se suicide en absorbant une dose mortelle de morphine.
  Edmund Husserl : Heidegger, membre du NSDAP, devient recteur de l'université de Fribourg-en-Brisgau12. Le professeur Husserl se voit interdire l'accès à la bibliothèque de l'université de Fribourg-en-Brisgau en application de la législation antisémite. ... Il est radié du corps professoral en 1936.
Il meurt le 26 avril 1938, alors que le nazisme menace de destruction ses manuscrits inédits.
  Kerl Jaspers : Son mariage avec une juive, Gertrud Mayer (1879-1974), le poussera à s'éloigner du nazisme, de même que le fait qu'il considère que les « origines de l'Occident » se retrouvent tant dans la philosophie grecque que chez les prophètes juifs4.
L'avènement du nazisme le prive de sa chaire : en 1937, ... et en 1938, il est frappé d’une interdiction de publier.

𝐇𝐞𝐢𝐝𝐞𝐠𝐠𝐞𝐫, 𝐡𝐢𝐭𝐥𝐞́𝐫𝐢𝐞𝐧 𝐬𝐚𝐧𝐬 𝐫𝐞𝐦𝐨𝐫𝐝𝐬 - Roger-Pol Droit 
« Philosophes et despotes » (4/5).
Fascination de l’auteur d’« Etre et Temps » pour le dictateur nazi, convergences entre la pensée de l’un et l’idéologie de l’autre : ce tableau, longtemps voilé, est désormais tout à fait clair.
Par Roger-Pol Droit le 11 août 2023
« Le Führer lui-même et lui seul est la réalité d’aujourd’hui et de l’avenir. » Ainsi parle Martin Heidegger (1889-1976) dans son « Appel aux étudiants », en novembre 1933. A l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler (1889-1945), le philosophe a été élu par ses collègues recteur de l’université de Fribourg, et cet appel reçoit un accueil fervent parmi les nazis. Ce n’est pas la première manifestation de l’intense soutien du penseur allemand à l’auteur de Mein Kampf. Dans sa « Profession de foi en Adolf ­Hitler », quelques mois plus tôt, il déclare déjà : « La révolution nationale socialiste apporte le bouleversement total de notre existence. »
Le terme traduit ici par « existence » est, en allemand, Dasein. C’est avec les termes-clés de sa pensée que le philosophe exprime son adhésion au nazisme. Il ne faut pas imaginer que ses nombreux textes publics en faveur du Führer sont seulement des propos de circonstance, éphé­mères, circonscrits, dictés par de brèves fonctions officielles. Cette légende pieuse, élaborée après-guerre et diffusée en France par Jean Beaufret et d’autres disciples, a pu faire illusion jusqu’aux années 1970.
Elle faisait de l’engagement de Heidegger auprès d’Hitler un égarement très limité, d’avril 1933 à mars 1934, suivi d’une longue disgrâce et de persécutions de la part du pouvoir. « Nous pensions parfois à ce qui s’était passé pour Platon à Syracuse », écrira le fidèle Hans-Georg Gadamer. Platon avait cru pouvoir persuader le tyran Denys de gouverner selon la vérité philosophique. Heidegger aurait fugitivement rêvé de voir l’Allemagne s’éveiller et renaître à elle-même avec l’édification du Reich, en résonance avec sa propre vision. Puis, comme Platon, il aurait payé cher ce qu’il appelait encore, en 1960, de manière faussement infantile, une « grosse bêtise ».
Cette fable n’est plus tenable. On sait désormais que Heidegger a siégé dans plusieurs organismes hitlériens durant des années, que ses textes ont été constamment réédités, et des stocks de papiers débloqués à cet effet par le régime nazi jusqu’en janvier 1944. Tout cela évoque plus, dans le contexte d’alors, un traitement de faveur qu’une persécution. Surtout, grâce aux travaux menés ces dernières décennies, les convergences entre ses choix philosophiques profonds et les axes de l’idéologie nazie ont été établies de plus en plus clairement.
Un antisémitisme violent
Loin de se fourvoyer, Heidegger a poursuivi sa trajectoire la plus authentique et la plus constante dans sa ferveur envers Hitler. Convictions et promesses du Führer rejoignaient les siennes. L’atteste, dès 1910, le vibrant éloge que publie le tout jeune philosophe d’un prédicateur fanatique, Abraham a Sancta Clara (1644-1709), qui en appelait à envoyer les juifs au bûcher. En cet antisémite virulent, il exalte un modèle à suivre : « La santé du peuple,
Longtemps, ses disciples et thuriféraires ont juré, la main sur le cœur, que la pensée de Heidegger ne comportait pas la moindre trace d’antisémitisme. A les entendre, le philosophe aurait été fasciné par les mains du dictateur (« Il a de si belles mains », écrit Heidegger à Karl Jaspers, qui s’étonne de son enthousiasme pour cet homme). Selon eux, il aurait soutenu Hitler, emporté par le rêve d’une renaissance spirituelle de l’Allemagne, mais aucunement par haine envers les juifs. La publication de ses Cahiers noirs (Gallimard, 2018-2021) révèle au contraire un antisémitisme violent, inséparable de sa pensée comme de celle du IIIe Reich, et leur connivence à distance.
Pour l’homme de la Forêt-Noire, une rivalité première et indépassable oppose deux mondes ennemis, destinés à s’exterminer. D’une part, le monde de la raison, de l’humanisme, de la loi morale universelle, qu’il juge déraciné, hors-sol, « enjuivé ». D’autre part, celui de « l’affirmation de soi » du peuple allemand, de sa race et de sa langue, de l’esprit et de l’essence de la germanité, appelés à dominer. Entre les deux, le combat est sans merci. L’anéantissement de l’ennemi doit être total.
Heidegger n’eut effectivement jamais une phrase de regret sur son parcours, ni un mot de compassion pour les victimes de la Shoah. S’exonérant de toute faute morale, il se bornera à imputer le désastre des morts ­allemands, seules vraies victimes selon lui, aux erreurs stratégiques d’Hitler : pragmatisme, opportunisme, soumission excessive à l’emprise de la technique. Le Führer a échoué. Pour Heidegger, c’est faute d’avoir écouté son message. Il en conclut ne pas avoir à s’excuser de quoi que ce soit.»

Colloque «Heidegger et "les juifs"» - Gérard Bensussan

Commentaires :
Le mien : Je suis éloigné de cette approche qui est celle d'un universitaire conicé dans son savoir et sa faconde. Eiddegger était antisémite et ... il a adhéré au parti nazi applaudissant Hitler, pendant que d'autres se faisaient discrets ou s'opposait comme ce prof de philo Kurt Huber, qui a soutenu la Rose blanche et en est mort. Mëme si mon boulanger est xénophobe je vais acheter son pain mais si je le sais j'irai ailleurs. Donc lire ailleurs les dérives de la technique déracinante. C'est sûr, c'est dur pour une Tête de n'avoir pas su lire entre les lignes la haine qui s'y cachait.
Un autre : « J'ai connu un Bensussan mieux inspiré en d'autre temps sur Marx dont il est un spécialiste éminent et reconnu,que ce philosophe un peu prétentieux qui nous fait,curieusement pour critiquer le maître,du sous,sousHeidegger,pour atteindre la cible,d'une manière qui se veut radicale et experte. Mais qui trop embrasse...Heidegger s'en sort car Bensussan visiblement très ému et pressé d'en finir,bâcle sa démonstration.Dommage.»

Vattimo et les mains sales de Heidegger par François Ratier
Extraits : « Heidegger était nazi, fait historique largement établi de longue date, mais le livre d’Emmanuel Faye ne se satisfait pas de l’éternel retour de cette certitude : il montre que sa philosophie l’était, à la lumière notamment de ses cours des années 1933-35 conservés à Marbach et de textes parus récemment qui justifient « l’extermination totale » et approuvent motorisation de la Wehrmacht comme « un acte métaphysiqueme »

Vattimo approuve Heidegger pour son courageux engagement nazi: « Heidegger, en adhérant au nazisme, a fait une action courageuse. […] Il est monté au créneau, il a mis en œuvre sa conception personnelle d’intellectuel engagé. Qu’ensuite ce soit une idée erronée, c’est une autre histoire. Mais il s’est sali les mains. »

...Heidegger s’est bel et bien placé du côté de la vérité hitlérienne absolue, quand par exemple, dans Sein und Wahrheit il fixe le but d’une extermination totale. D’autre part, personne n’a exigé qu’il devienne atlantiste. Mais l’essentiel reste l’insinuation que la « démocratie » ne serait qu’un conformisme, voire un absolutisme mensonger (les guillemets l’attestent), comme pour les valeurs « humaines » mentionnées plus haut. C’est d’ailleurs une des constantes de l’heideggérisme radical de dénoncer les droits de l’homme et la démocratie comme des leurres. Ce point rapproche bizarrement ce courant déconstructif de l’extrême-droite radicale ; mais il serait discourtois d’insister.

En position défensive, Vattimo attaque alors la mémoire de deux intellectuels juifs antifascistes, Ernst Cassirer et Marc Bloch. Il fait d’abord de Marc Bloch, héros de la résistance, un partisan de Staline. Étrange judéo-bolchevique… Chacun sait que Bloch, torturé par la Gestapo, puis fusillé, n’était pas communiste et que son mouvement, Franc-tireur, ne l’était pas non plus. Pourquoi l’évocation d’un stalinien imaginaire disculperait-elle un nazi authentique ?

Vattimo insinue que Cassirer, pouvait se permettre d’être rationaliste parce que membre d’une riche famille hambourgeoise. Hélas, le stéréotype du ploutocrate juif transparaît ici. Vattimo lui oppose l’image d’un pauvre Heidegger, avec son disciple préféré, Gadamer, lisant Guerre et paix à la lumière d’une unique chandelle (les temps étaient durs, ils n’en avaient qu’une. Alors même que Heidegger a toujours perçu son confortable salaire, Cassirer avait perdu le sien dès 1933, en vertu d’une loi que le Recteur Heidegger, prétendue victime à la chandelle, mettait en œuvre avec zèle.

Plus généralement, les réactions contre le livre de Faye marquent une inflexion. On passe peu à peu de la dénégation du nazisme de Heidegger à sa justification ...

La Déconstruction revendique l’irresponsabilité à l’égard des exigences philologiques, selon le principe heideggérien qu’il faut faire violence aux textes. Elle ne peut ou ne veut donc pas lire ses propres textes fondateurs, dont elle voile par mille commentaires lénifiants la radicalité insane et cryptée. Ayant préparé ainsi son étrange défaite, elle se condamne à un double langage dont Vattimo donne ici un florilège édifiant et presque pathétique. Elle se prête ainsi au jugement que Cassirer portait en 1945 sur la philosophie qui avait favorisé le nazisme, celle de Heidegger notamment : « cette nouvelle philosophie a affaibli et lentement miné les forces qui auraient pu résister aux mythes politiques modernes. »
Ces doctrines complaisantes avec la force minent en effet la vigueur critique de la philosophie, l’instrumentalisent ; c’est pourquoi Primo Levi considérait Heidegger comme un exemple majeur de « l’abdication intellectuelle » - on ne saurait en effet considérer comme courageux un engagement nazi, aliénation délibérée de la liberté de penser.

Les livres portent aussi la parole de l’étranger et peuvent être victimes comme lui d’un feu « purificateur » : Heidegger l’invoqua pendant « l’autodafé symbolique » de livres (symbolischer Verbrennungsakt von Schmutz- und Schundliteratur) du 24 juin 1933, où il commença ainsi son Feuerspruch (GA 16, p. 131) : « Flamme, annonce-nous, éclaire-nous, montre-nous le chemin d’où il n’y a plus de retour ».

Quand on a brûlé les œuvres des penseurs juifs, part notoire de la culture, comme Marx, Freud, Cassirer, sans même évoquer les philosophes arabes ou orientaux, l’épreuve de l’étranger devient impossible et la philosophie, privée de toute dimension critique, se ravale au rang d’une doctrine agressive. »

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