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Source du néoplatonisme

Plotin par Jean-François Pradeau

Jerphagnon Portraits de l'antiquité

Les Ennéades de Plotin-Porphyre

Traité 1 à 6 chez GF Flammarion
Introduction de Luc Brisson et Jean-François Pradeau
Page 19 «...les questions philosophiques aux quelles se consacrent les traités sont déjà et depuis des siècles des questions entendues : comme Plotin le répète, elles sont aussi anciennes que le sont les œuvres maîtresses de Platon. Mieux encore, elles ont été rencontrées, avant que Platon n'y réponde, par les plus illustres de ses prédécesseurs : les pythagoriciens, Empédocle. Héraclite, Parménide. Anaxagore et d'autres encore. De sorte que la philosophie n'a pas plus vocation à ré fléchir sur sa raison d'être qu'à se trouver des motifs ou à rechercher des objets ;...»
20-21 «...les questions héritées des premiers maîtres, les philosophes des Ve et IVe siècles, ne pouvaient être examinées, à l'époque de Plotin, qu'à la condition de prendre position par rapport à l'enseignement stoïcien, qu'on souhaitât l'approfondir, parfois l'infléchir ou le corriger, ou encore le réfuter pour renouer avec Platon.
...
Les platoniciens, et ce bien avant Plotin, lisent et commentent l'œuvre platonicienne avec des outils et des catégories d'analyses stoïciens, de telle sorte que leurs objections et leurs initia:ives doctrinales se formulent le plus souvent dans les limites, dans la langue même de cette culture stoïcienne commune à laquelle ils tentent de se soustraire.»
23-24 «Elle rompt d'abord avec plusieurs des dispositions religieuses qui caractérisent la tradition dite « médioplatonicienne» du IIe siècle. Ainsi Plotin rejette-t-il la théurgie. tout comme il se montre peu ouvert ou franchement hostile aux influences religieuses orientales ou gnostiques ; ainsi discrédite-t-il encore la plupart des enseignements astrologiques, tout comme l'ensemble des pratiques rituelles irrationnelles qu'il dénonce comme des erreurs philosophiques ou scientifiques. Ensuite, tributaire de la culture philosophique stoïcienne qui est encore celle de son époque, Plotin renonce à l'hypothèse médioplatonicienne extrêmement ambiguë d'une dualité principielle divine pour défendre l'unité et la cohérence du monde, l'ordre unique de toutes choses. Pour ce faire, il doit entièrement revoir l'interprétation alors dominante du Timée, qui avait été, plus de deux siècles durant, le dialogue de référence des platoniciens. Les médioplatoniciens posaient au principe de toutes choses un dieu confondu avec son intellect, un Intellect divin pensant en lui-même les Formes intelligibles qui sont les réalités et les paradigmes de toutes choses, et laissant à l'intellect céleste (l'intellect de l'âme du monde) le soin de produire toutes les choses sensibles après lui. C'est à ce schéma principiel que Plotin renonce lorsqu'il refuse d'accorder à l'Intellect le rang de premier principe ; et c'est en y renonçant qu'il inaugure la tradition néoplatonicienne.
Très brièvement résumé, l'argument plotinien est le suivant : l'intellect (noûs), comme les Formes intelligibles qu'il contient, ne saurait être le premier principe, ni la première activité : le noûs. qui est affecté de dualité, puisqu'il est une pensée qui se pense et qui pense aussi, en elle-même, une multiplicité de folies intelligibles, doit avoir une cause simple et première : il y a, répète ainsi Plotin, quelque chose au-delà de l'intellect. Quelque chose dont la lecture alors dominante du Timée ne peut rendre compte qu'imparfaitement, et dont il faut chercher l'explication dans un autre dialogue que le Timée, le Parménide. qui traite précisément de « l'Un » absolument simple, au-delà de toutes choses. Là première hypothèse du Parménide 137c-142a suppose ainsi l'existence de l'Un sans parties, sans commencement, dépourvu de toute qualité qui le multiplierait, dépourvu de toute figure, situé en aucun lieu et dépourvu de tout mouvement. Plotin entend se servir de cette hypothèse platonicienne afin de désigner plus convenablement le principe premier comme ce qui est simple, dépourvu pour cette raison de toute qualité (et de ce fait «ineffable») et cause de toutes choses, cause de toutes les réalités qui proviennent successivement de lui. Le Parménide de Platon devient ainsi, il le restera pour tous les représentants du néoplatonisme, le dialogue de référence de l'exégèse platonicienne, dont on peut dire qu'elle se présente unanimement comme une explication de la manière dont toutes choses procèdent du «Premier». Le dispositif doctrinal plotinien se met ainsi en place au croisement de la lecture, ou plutôt de la révision médioplatonicienne du Timée, dont il est l'héritier fidèle, et d'un usage inédit du Parménide.
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Puis de 187 à 195 : Sur les Formes : Platon ; Aristote ; Le medioplatonisme ; L'intellect, les Formes et le monde intelligible

Septembre 2021