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Les Ennéades

Plotin - Traités - Éditions GF Flammarion

Textes d'une lecture aisée, mais pas si simple et sujet à interprétation qui justifie pour les exégètes de cette édition d'ajouter une notice et des notes par Ennéades, d'un nombre de pages égales et même supérieures à celles-ci (sans parler pour les notes d'une police de dimention inférieure à la celle de la notice et de l'Ennéades).

Par la chaine des causes décrites je vois une confusion entre déterminisme et destin.

Émile Saisset sur la traduction des Ennéades de Plotin par M. Bouillet  Revue des Deux Mondes, 1857
«Je n’ose pas encore répondre qu’il y a dans ces bizarres et obscures Ennéades une foule de pensées sublimes et d’éclairs de génie, notamment un livre entier sur le beau, digne du divin Platon ; ... les Ennéades ont joué un grand rôle dans le monde des idées à partir des premiers siècles du christianisme, et qu’on y trouve la clé de toutes sortes d’énigmes curieuses de l’histoire philosophique et religieuse de l’esprit humain.
On sait que l’auteur des Ennéades, Plotin, est le chef de cette illustre école d’Alexandrie qui, pendant plus de quatre siècles, tint en échec le christianisme partout victorieux. Ce fut l’asile où la philosophie, les arts, la religion, la poésie de la belle antiquité vinrent se réfugier, comme on voit se retirer peu à peu des extrémités vers le cœur la chaleur et la vie d’un corps expirant,  le véritable chef d’une grande secte est l’homme qui lui donne un corps de doctrines organisé, cet homme n’est autre que Plotin. Lui seul peut-être à Alexandrie a eu des idées originales ; je citerai au premier rang cette étrange et profonde conception d’un dieu triple et un, divisé en trois hypostases, dont la première, qui est l’Unité, enfante la seconde, qui est l’Intelligence ou le Logos, verbe éternel de Dieu, consubstantiel à son père, principe fécond à son tour et tirant éternellement de soi-même la troisième hypostase, qui est l’Âme, c’est-à-dire cet Esprit universel qui contient les germes de tous les êtres. Voilà la Trinité alexandrine, qu’on croirait d’abord toute semblable à la Trinité chrétienne, mais qui en paraît si différente, quand on y voit à la place d’un Dieu libre et parfait je ne sais quelle unité obscure, soumise à la loi fatale de l’émanation et condamnée à se répandre au dehors comme un fleuve qui s’écoule par une pente irrésistible. C’est dans les Ennéades que l’on trouve pour la première fois la Trinité panthéiste d’Alexandrie, non plus à l’état de germe indécis ou de tradition incertaine, mais sous la forme d’une doctrine profondément méditée et revêtue d’une forme scientifique. ...Le monde romain était alors envahi par les idées venues de la Perse, de l’Inde, de la Syrie, de l’Égypte, de la Judée. C’était de tous côtés un souffle mystique dont la vieille société s’enivrait. Plotin goûta le charme de cette ivresse, et dans son génie méditatif, le mysticisme s’organisa en doctrine. Il fit de l’extase une théorie, l’extase, nom nouveau, inconnu à Platon,...
Porphyre, génie critique, écrivain facile et ingénieux, très propre à la controverse, se sert de la doctrine de Plotin comme d’une machine de guerre pour battre en brèche les dogmes naissans du christianisme. La lutte s’envenime et s’agrandit. Toutes les puissances du siècle s’y engagent ouvertement. Le christianisme triomphe avec Constantin. Un élève d’Alexandrie, l’empereur Julien, donne au paganisme une revanche brillante, mais éphémère, suivie d’une chute profonde et irrévocable. Le monde est aux chrétiens, et alors la philosophie, chassée d’Alexandrie, de Rome, de Constantinople, revient vers sa cité natale, à Athènes, où un dernier enfant du beau génie de la Grèce, le poète et philosophe Proclus, jette encore un reflet de gloire sur ses derniers jours.
... les Ennéades ...ce grand monument ... peut-être sert-il plus encore à faire comprendre les origines intellectuelles du monde nouveau. Si en effet Alexandrie a fini par devenir l’adversaire le plus redoutable de la religion chrétienne, elle avait commencé par être son émule en spiritualisme et son alliée. C’est là un fait des plus considérables. À son origine, au temps de Plotin, l’école néo-platonicienne ne songeait nullement à combattre le christianisme. On a cru que Plotin avait déclaré la guerre aux chrétiens dans son livre contre les gnostiques ; point du tout : Plotin est ici l’allié de saint Irénée. Il combat dans les gnostiques ce mysticisme effréné qui faisait du monde matériel l’empire du mal, abandonné par la Providence divine, et qui n’arrachait l’âme à la souillure des choses terrestres que par les illusions et les extravagances de la théurgie.
Pour beaucoup de pères de l’église, Plotin n’est autre chose qu’un disciple fidèle de Platon, de ce philosophe ... qui, par un effort du génie ou par le bienfait d’une tradition mystérieuse, avait pressenti les dogmes du Christ. Il ne faut point répudier de tels philosophes ; il faut plutôt faire alliance avec eux ; il faut parer la religion nouvelle de l’éclat de leur génie, il faut se servir de ce prestige pour attirer les savans et les lettrés- au dogme nouveau. Aussi voyons-nous saint Basile, dans son Oraison sur le Saint-Esprit, insérer un morceau étendu des Ennéades, en se bornant à remplacer le nom païen d’Ame du monde par celui de Saint-Esprit. Et ce ne sont pas seulement quelques pensées que les pères empruntent aux platoniciens ; il y a eu pendant quatre siècles un travail, tantôt visible et tantôt caché, pour incorporer au dogme chrétien la métaphysique grecque. L’histoire des conciles en témoigne ouvertement à qui sait la comprendre. Au Ve siècle, nous voyons l’œuvre consommée dans les livres de saint Augustin. ...saint Augustin, qui, dupe de l’apparente analogie de Plotin avec Platon, a trompé ses disciples et toute la postérité.» Suit une série d'exemples de confusion entre Plotin et Platon.
Puis description des trois hipostases «Au point de vue métaphysique... cette théorie est profondément originale, quoiqu’elle en rappelle beaucoup d’autres. Ainsi la troisième hypostase de Plotin répond parfaitement, je l’avoue, au Dieu-nature de l’école stoïcienne, à cette activité toujours tendue et toujours vivante qui circule à travers les membres de l’univers ; je reconnais également que la seconde hypostase rappelle trait pour trait le Dieu d’Aristote, cette pensée éternelle et immobile, ramassée en soi et jouissant solitairement de la contemplation d’elle-même. Enfin c’est un point manifeste que Plotin a trouvé dans certains dialogues de Platon le germe de cette unité suprême, supérieure à la pensée et à l’être, qui achève et accomplit son Dieu triple et un. Ainsi donc Plotin emprunte tour à tour à Platon, à Aristote, à Zénon,..
Ordre des Enéades non respecté «La difficulté était d’autant plus grande que M. Bouillet s’est conformé à l’ordre des éditions, qui est l’ordre de Porphyre. Je ne dis pas qu’il ait eu tort, mais en vérité, c’est une chose regrettable que Porphyre ait arrangé les écrits de Plotin dans un ordre arbitraire et faussement systématique. L’ordre vrai, c’est l’ordre chronologique ; c’est celui qui reproduit le mieux le développement naturel d’un esprit supérieur toujours agissant et toujours en progrès.»
Description du beau, première Enéade dans l'odre chronologique «Quoi de plus ingénieux, de plus animé et de plus brillant que ce livre sur la Beauté, le premier que Plotin ait écrit et qui eût formé pour le reste de l’édifice un péristyle si noble et si majestueux ! ...»
Pour finir en citant Plotin l'auteur fait l'éloge du replis, pré-chrétien, sur soi et de l'éloignement des beautés de la Terre.

Introduction de Luc Brisson et Jean-François Pradeau des traités 1-6 :
Page 13 Donc Plotin, la philosophie il en fait une religion : « Hébergé dans la demeure de Gémina où il donne ses cours, Plotin n'y possède rien en propre. Sa vie est celle d'un ascète qui prône le renoncement aux biens matériels et l'impose à ceux des jeunes gens dont il est tuteur et qui souhaitent devenir philosophes : « Tant qu'ils ne sont pas philosophes, disait-il, ils doivent garder leurs biens et leurs revenus intacts et préservés » (9. 12-16). Le refus de posséder le moindre patrimoine, dans une société où l'exercice d'une responsabilité politique exigeait le paiement d'un cens, valait ainsi pour renoncement à toute activité politique. »
20 Contexte : « Le paysage philosophique de l'Antiquité tardive a perdu la netteté des contours qui étaient les siens au début du IIIe siècle av. J.-C., lorsque les écoles platonicienne, aristotélicienne, stoïcienne ou encore épicurienne, toutes récemment instituées, se distinguaient et s'affrontaient sans que les appartenances doctrinales puissent être, rétrospectivement, brouillées et suspectées. Mais deux à trois siècles plus tard, pour des raisons qui tiennent à la fois à l'extension géographique de la culture philosophique, à la multiplication des institutions et des lieux d'enseignement dans le monde grec et romain, mais aussi bien à la constitution progressive d'une culture philosophique commune et hégémonique dans le nouvel empire méditerranéen, les doctrines sont inextricablement mêlées. Elles ne le sont toutefois pas au hasard ou dans la confusion, et l'on ne gagne guère à parler d'« éclectisme » ou simplement de « syncrétisme » pour qualifier cette culture philosophique commune. Car les rencontres et les mélanges scolaires et doctrinaux, depuis la période hellénistique jusqu'au siècle de Plotin, n'ont précisément été rendus possibles qu'à la faveur de la diffusion et de la domination culturelle du stoïcisme qui, plus de sept siècles durant, impose sa langue conceptuelle et sa représentation du monde aux spéculations philosophiques des Grecs et des Romains. »
« Ainsi, les questions héritées des premiers maîtres, les philosophes des Ve et IVe siècles, ne pouvaient être examinées, à l'époque de Plotin, qu'à la condition de prendre position par rapport à l'enseignement stoïcien, qu'on souhaitât l'approfondir, parfois l'infléchir ou le corriger, ou encore le réfuter pour renouer avec Platon. »
« Les platoniciens, et ce bien avant Plotin, lisent et commentent l'œuvre platonicienne avec des outils et des catégories d'analyses stoïciens, de telle sorte que leurs objections et leurs initiatives doctrinales se formulent le plus souvent dans les limites, dans la langue même de cette culture stoïcienne commune à laquelle ils tentent de se soustraire. »
« Au début du IIe siècle, le platonisme connaît une véritable « renaissance », dont les conditions et les enjeux sont aussi bien philosophiques que religieux : elle a ceci de caractéristique qu'elle semble naître au sein même du stoïcisme, à la manière d'une insatisfaction qui dénonce l'incapacité de la doctrine à atteindre ses propres objectifs, qu'il s'agisse de l'intelligence de la réalité, de la nature des choses ou de l'acquisition de la sagesse et de la vertu. Quelques générations plus tard. cette école « médioplatonicienne » s'est suffisamment émancipée et développée pour proposer une alternative philosophique et culturelle à l'empire stoïcien romain. et surtout pour connaître elle-même de profonds bouleversements. » Médiplatonicienne une convention entre l'époque de Platon et le néoplatonisme avec Plotin, cette dernière achevée « en 529 sous le coup du funeste édit de Justinien.
Dans les pages suivantes les descriptions de la métaphysique de Plotin ressemble plutôt à de l'immanence.

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