Sortir de l'histoire officielle

    


Franz Rosenzweig (1886-1929)

Mots, idées, concepts, personnalités repérés : l'âme, Walter Benjamin, le Cantique des cantiques, l'État, Johann Gottlieb Fichte, Utilisation des guillemets, Hegel, l'Histoire, méssianisme, pacifisme, paganisme, pangermanisme, le progrès, religion, Robespierre, les orifices, Oswald Spengler, la tragédie greque, Les deux Triangles, le vrai et le réel

C'est un gars gavé de philosophie et surtout hegelienne.
Le chemin de l'Histoire, avec un H majuscule, va glorieux en avant ne pouvant apporter que du bien-être matériel et spirituel.
L’homme va son chemin serein. Chaque marche à franchir ne peut que l’élever.
Et patatras ! Les tranchées de 14 où la mitrailleuse hache le copain, où la boue sert de couette après votre journée éprouvante, où la masse tombant du ciel va vous éparpiller.
Le gars dans les tranchées y écrit L’Étoile de la rédemption.
Faut tout remettre à plat, Hegel ne pas l’effacer mais le démonter.
Faut se retirer du mouvement des juifs se christianisant pour parfaire son intégration, aux désespoirs des amis qui n’envisageaient que cette conversion, métaphysique commune aux peuples en guerre.
A cette époque il est difficile même sous nos cieux de ne pas être croyant en un Dieu anthropomorphiste, Spinoza n‘a pas suffi.

Leurs débats entre qualités chrétiennes et juives ne me concernent pas. Mais ils m’intéressent pour comprendre leur foi et leurs textes. Sans aller jusqu'au matérialisme ils leur aient impossible de s’imaginer en dehors des religions établies.

L'étoile de la rédemption

4e de couverture «L'etoile de la rédemption de franz rosenzweig fait partie des chefs-d'oeuvre de la pensée du xxe siècle.
Ecrit dans le feu des tranchées de la première guerre mondiale, traversé par les questions les plus graves et les plus douloureuses du siècle - la guerre, la violence, l'état, la religion, les rapports du judaïsme et dit christianisme. -, ce livre frappe également par son architecture de pensée, par sa fulgurante orchestration conceptuelle. emmanuel lévinas fut l'un des premiers à en percevoir la signification : " sa nouveauté profonde tient à la contestation du caractère primordial d'une certaine rationalité : de celle qui éclaire la philosophie traditionnelle " des îles ioniennes à iéna " - des présocratiques à hegel - qui consistait à totaliser l'expérience naturelle et sociale, à en dégager et à enchaîner entre elles les catégories jusqu'à en bâtir un système incluant l'ordre religieux lui-même.
La nouvelle philosophie s'efforce, au contraire, de penser la religion - la création, la révélation et la rédemption qui en orientent la spiritualité - comme horizon originel de tout sens et jusqu'à celui de l'expérience du monde et de l'histoire. ".»

Je m'attaque à un pavé, par son nombre de pages et aussi par sa densité. J'ai pris en main ce pavé, retourné, feuilleté, lu le sommaire, lu qq passages de noms cités. Je suis loin des croyances de l'auteur mais sa pensée nourrit la mienne.
Nous rentrons clairement dans le contexte de l'écriture, les tranchées de 14-18, dès la première page de l'étoile «... l'homme se terre comme un ver dans les plis de la terre nue, devant les tentacules sifflants de la mort ...».
En lisant la préface, je me suis remis dans le contexte de lectures précédentes et actuellement j'en suis à penser ainsi sur l'Histoire (façon Hegel remis en question par Rosenzweig), je fais un parallèle entre la vision messianique (sorte de dessein positif de la place de l'homme) de l'Histoire et celle de progrès scientifiques et techniques (dépassant leurs utilités, y mettant un espoir). Deux visions qui n'en font qu'une et qui nous a conduit à la catastrophe du XXIe siècle.
Le messianisme ici serait'il une aspiartion à ... et non un destin ?

Recensions plus bas

https://akademimg.akadem.org/Medias/Documents/stern.pdf
«L'étoile de la rédemption comprend trois parties, chacune partant méthodiquement d'une interrogation différente:
1/ Le premier livre présente une clarification philosophique préliminaire contre la pensée de l'absolu de la philosophie idéaliste. .
2/ Le deuxième pose les fondements d'une conception philosophico-religieuse de la révélation, qui se démarque de la théologie traditionnelle.
3/ Enfin, le troisième livre élabore une phénoménologie des communautés de croyance juive et chrétienne.»

Extraits et commentaires - Édition 1987 - manque la préfaces de Stéphane Mosès :
Note sur la traduction en fin de volume.
page 503 « La traduction de L’étoile de la rédemption pose des problèmes considérables. Les plus immédiats et les plus incontournables relèvent de la compréhension même d'« un des livres les plus ardus de toute la littérature philosophique », un de ceux dont on peut dire « que ce n'est pas parce qu'on les a lus qu'on peut déclarer aussitôt qu'on les a compris » (Gershom Scholem). Plus que les nombreuses difficultés intrinsèques inhérentes à telle ou telle phrase, c'est l'entrée dans la logique même d'un texte philosophique d'une exceptionnelle puissance et d'une remarquable originalité que le traducteur a dû dominer avant le lecteur. A cet égard, si l'auteur nous facilite la tâche en allant jusqu'à indiquer le thème des paragraphes ou d'un bloc de paragraphes, le texte garde quelque chose, dans ses imprévisibles ruptures, du bouleversement et du bouillonnement qui suscitèrent sa naissance. Et pourtant, L’étoile de la rédemption Possède une rigueur extraordinaire de construction ! »
1-18-19 Sytème du Stern
1 Les éléments ou le perpétuel pré-monde
15 note 2 du traducteur «... Création, Révélation, Rédemption ... constituent la tram de ce livre»
Introduction. De la possibilité de connaître le Tout
Proposition philosophique de la première partie, « de Iéna à Hegel » qui dégage les notions de « Dieu – homme – et monde » est la plus difficile. Elle s’inspire du livre de Shelling, « Les Âges du monde », déconstruit l’homme idéal allemand et lui substitut « l’homme concret », qui a un nom et  un prénom – avant d’être un citoyen, éthique et politique. Le miracle, pour Rozensweig, c’est que les éléments du monde soient animés de vie et de beauté. C’est pour cela qu’ils sont nommés création. A travers eux, l’homme reçoit une révélation.
1-12« L’Étoile, toujours dans ses premières pages, insiste beaucoup sur le mensonge (ontologico-historial) et les mensonges (existentiels) de la philosophie. Ces passages constituent un acte d’accusation impitoyable, on peut y lire le Misère de la philosophie de Rosenzweig. J’y renvoie le lecteur. Mais pour le dire en deux mots : face à l’angoisse de mort qui est aussi une angoisse du corps souffrant, face à la terreur des mortels, la philosophie oppose son sourire vide et béat. Elle « embrouille » les hommes, si je puis dire, en tissant autour d’eux sa « brume bleue du Tout », comme un opium vaporeux qui ôterait illusoirement, dans une sorte d’hallucination factice, son dard à ce qui nous plonge dans la plus horrible des épouvantes.  »
1-16 «...le premier livre de L’Étoile engage une destruction ou une déconstruction de la totalité en ses éléments restants, une détotalisation de tout Tout, si je puis dire.»
De la mort
« Tout ce qui est mortel vit dans cette angoisse de la mort, …
Mais la Philosophie conteste ces angoisses de la terre.
Que l’angoisse de la mort ignore tout d’une telle séparation en âme et en corps … peu en chaut à la philosophie.
… la philosophie sourit de son sourire vide et, .. elle renvoie la créature … chancelants d’angoisse … elle ne veut rien savoir.
Il ne faut pas que l'homme rejette loin de soi l'angoisse du terrestre ; il doit subsister. .. dans l'angoisse de la mort.
... Il ne doit donc rien vouloir d'autre que ce qu'il veut déjà : subsister. L'angoisse du terrestre ne doit lui être retirée qu'avec le terrestre lui-même. Mais aussi longtemps qu'il vit sur terre, il doit demeurer dans cette angoisse du terrestre. Et la philosophie le dupe sur ce « doit » quand elle tisse autour du terrestre la brume bleue de son idée du Tout. En effet, il est bien évident qu'un Tout ne saurait mourir et que dans le Tout rien ne mourrait. Seul l'individuel peut mourir, et tout ce qui est mortel est solitaire. Que la philosophie doive exclure du monde l'individuel, cette ex-clusion du « quelque chose » est aussi la raison pour laquelle elle ne peut être qu'idéaliste. Car l'idéalisme, avec sa négation de tout ce qui distingue l'individuel du Tout, est l'outil qui permet à la philosophie de façonner la matière rebelle jusqu'à ce qu'elle cesse d'opposer une résistance à la brume où l'enveloppe le concept de l'Un et du Tout.
... les mensonges cruels de la philosophie
La philosophie du Tout
... toute connaissance du Tout a pour présupposé : rien.
... la philosophie devrait avoir le courage de prêter l'oreille à ce cri et de ne pas fermer ses yeux devant la terrible réalité. Le néant n'est pas rien, il est «quelque chose»
La multiplicité du néant que la philosophie présuppose, la réalité de la mort impossible à bannir du monde, qui s’annonce dans le cri impossible à étouffer de ses victimes, c’est elle qui a fait de la pensée fondamentale de la philosophie, la pensée de la connaissance une et universelle du Tout, un mensonge avant même qu’elle soit pensée.
Le secret de la philosophie, deux fois et demie millénaire, Schopenhauer l'a ébruité sur sa tombe : c'est que la mort a été son musagète (conducteur des muses) ; mais ce secret perd son pouvoir sur nous. Nous ne voulons pas d'une philosophie qui se place à la remorque de la mort et qui nous donne le change sur son règne durable grâce aux accords l’universel et uns de sa danse. Nous ne voulons pas d'illusion du tout. Si la mort est « quelque chose », alors nulle philosophie ne doit désormais en détourner notre regard avec son affirmation qu'elle ne présuppose rien.
Le matérialisme et l'idéalisme, tous deux - et non seulement le premier - « aussi vieux que la philosophie », ont part égale dans ce présupposé. Ce qui, face à lui, exigeait de l'autonomie fut ou réduit au silence ou écouté sans la moindre attention. Elle fut réduite au silence, la voix qui prétendait posséder par une Révélations la source du savoir divin, jaillissant au-delà de la pensée. La tâche séculaire de la philosophie est consacrée à ce débat entre le savoir et la foi ; elle touche au but à l'instant précis où le savoir du Tout s'achève en lui-même. Car il faut à coup sûr parler d'un achèvement quand ce savoir n'englobe plus seulement son objet, le Tout, mais encore qu'il se comprend lui-même sans reste, sans reste du moins selon ses prétentions propres et ses modalités particulières. C'est arrivé quand Hegel a inclus l'histoire de la philosophie dans le système. histoire suite
Hegel
Par Hegel conflit réglé en apparence entre la philosophie et la foi autour de la Révélation.
Kierkegard - philosophie nouvelle - Schopenhauer - Nietzsche - L'Homme - Le métaéthique - Le Monde - Le métalogique - Dieu - Le métaphysique - Mathématique et signe - L'origine
Premier livre. Dieu et son être ou métaphysique
 
Deuxième livre. Le monde et son sens ou métalogique
 
Troisième livre. L'homme et son soi ou métaéthique
 
Transition
 

2 La voie ou le monde constamment renouvelé
Proposition philosophique de la deuxième partie, les catégories philosophiques, « Dieu – monde – homme » deviennent, chez lui, celles de la théologie : « création – révélation – rédemption ».
1-18 «...Rosenzweig, dans la deuxième partie du Stern tout au moins, reconnaît que l’expérience que nous faisons et que nous avons du monde repose sur une forme d’inachèvement, pour ne pas dire sur l’inachèvement lui-même. C’est extraordinairement complexe comme élaboration conceptuelle et spéculative.»
Introduction. De la possibilité de faire l'expérience du miracle
 
Premier livre. Création ou le fondement perpétuel des choses
 
Deuxième livre. Révélation ou la naissance sans cesse renouvelée de l'âme
 
Troisième livre. Rédemption ou l'éternel avenir du Royaume
 
Seuil
 
3 La figure ou le sur-monde éternel
Proposition philosophique de la troisième partie, ces catégories religieuses déploient toutes les convictions et toutes les richesses de L’étoile de la rédemption : ou l’éternel avenir du Royaume.
6-94 «Dans l’emprise de ces ambiguïtés, L’Étoile se trouve au pôle opposé de ce que Scholem avait diagnostiqué : loin d’ « apprivoiser » le messianisme, L’Étoile, dans sa troisième partie, prend les caractéristiques du « catastrophisme » indissociable du messianisme selon Scholem. Les formulations de Rosenzweig concernant le droit et la force ressemblent étrangement à celles que Walter Benjamin emploie dans son article à peu près contemporain, « Critique de la violence ». Ainsi deviennent visibles quelques traits révolutionnaires de Rosenzweig, même sur un teint conservateur.»
6-96 «La troisième partie de L’Étoile apparaît plus polymorphe que les deux premières parties. En brandissant « in tyrannos ! », elle ne dispose ni d’un adversaire univoquement identifiable, ni d’un champ de savoir classique à partir duquel Rosenzweig renouvelle la pensée. Peut-être serait-il possible de voir les tyrans, associés à des sciences humaines assez récentes, comme synthèse des philosophes et des théologiens contre lesquels la première et la seconde partie sont conçues ?»
Introduction. De la possibilité d'obtenir le Royaume par la prière
 
Premier livre. Le feu ou la vie éternelle
 
Deuxième livre. Les rayons ou la voie éternelle
 
Troisième livre. L’Étoile ou la vérité éternelle
 
Porche
 

Commentaires du traducteur Jean-Louis Schlegel https://www.youtube.com/watch?v=-GzDytZW28g
Recensions :
Mars 2010 Deborah Blicq L'exil amoureux de la personne dans L'Étoile
Novembre 2011 Les cahiers philosophiques de Strasbourg - Franz Rosenzweig : politique, histoire, religion
Mars 2012 Danielle Cohen-Levinas préface de Stéphane Mosès, Franz Rosenzweig. Sous l’Étoile
Janvier 2015 Francis Guibal La marche à L'Étoile ...
Novembre 2016 Sébastien Lapaque F. R. Ou le commencement d'un autre commencement
Janvier 2017 Brice Couturier Franz Rosenzweig, l'anti-Hegel sur France Culture
Février 2019 Sophie Nordmann L’Étoile de la Rédemption : « livre juif » ou « système philosophique » ?
Février 2019 Irene Kajon Le Faust de Goethe dans L’Étoile de la Rédemption : une figure de la culture chrétienne
Mars 2021 David Gonzalez L'étoile
Décembre 2019 Gérard Bensussan, Ambivalences du mystique dans le judaïsme, Franz Rosenzweig

Brice Couturier Franz Rosenzweig, l'anti-Hegel sur France Culture
«Attention ! Un réactionnaire n’est pas un conservateur. Le conservateur n’est systématiquement hostile au changement ni aux réformes. Il demande seulement, ... qu’on « ne sacrifie pas à la légère un bien connu pour un mieux inconnu ». Face au changement, il demande à voir. Il se méfie de ... « la politique de la foi » et recommande « la politique du scepticisme ». Or**, les réactionnaires**, « aussi radicaux que les révolutionnaires », ... sont bel et bien du côté de la « politique de la foi ». Leurs angoisses sont aussi apocalyptiques que le sont les espoirs fous des révolutionnaires.
Aux yeux de Mark Lilla, Rosenzweig est un anti-Hegel. Hegel est un philosophe progressiste : il croit à l’Histoire, comme d’autres aux Lumières ou au Progrès. Elle lui apparaît comme destinée à réaliser un dessein providentiel. C’est une force impersonnelle, mais orientée vers une destination précise, que la mission du philosophe est de deviner. La pensée de Rosenzweig est réactionnaire. Mais pas dans le sens où son auteur proposerait le retour à un passé juif mythifié. Ce qu’il enseigne, c’est à s’extraire du temps et à abandonner l’historicité aux nations. Les autres peuples – je cite L’Etoile de la Rédemption – « poussent leurs racines dans la nuit de la terre qui, même morte, leur fournit cependant la vie ; dans sa durée, ils prennent l’assurance de leur propre durée. Leur volonté d’éternité s’accroche au sol, au territoire, lieu de leur souveraineté. »
Or, le désir de protéger sa terre, sa patrie, peuvent conduire les nations à sacrifier leur propre survie. « C’est ainsi, je cite Rosenzweig, que la terre trahit le peuple qui lui confie sa survie ; la terre, elle, continue à durer, mais le peuple qui l’a habitée disparaît. »
Le Juif, écrit Rosenzweig « reste toujours sans attaches, comme le voyageur », c’est « un immigré ». Ce qui est un lieu commun. Mais plus fort ! Alors que chez tous les autres peuples, les coutumes et les lois qui constituent l’essentiel de l’identité ne cessent de s’ajouter les unes aux autres, le peuple juif, lui, a reçu sa Loi une fois pour toutes. C’est pourquoi il ne vit pas « dans le temps ». Non seulement, Rosenzweig était hostile au sionisme – pour lui, Israël est « une terre de nostalgie », non le lieu où bâtir un Etat -, mais il appelle le peuple juif à refuser de participer à l’histoire universelle. Et à se concentrer sur sa propre mission, de relais du divin au sein des nations.
Le christianisme, au contraire, est profondément tourné vers l’idée d’historicité. Il organise l’histoire humaine à partir d’un événement : l’Incarnation, le Messie. Il y a un temps d’avant, et le temps d’après, qui est celui de l’attente de son retour. Le chrétien est « toujours en route », jamais chez lui dans le monde tel qu’il est. Il n’est pas étonnant que le christianisme soit devenu une force historique. »
C'est un point de vue. Le réactionnaire politique accepte et éventuellement initie le meurtre, pour protéger son bien et une pensée qui protège ce bien, pas Rozenzweig.
Nous devons toujours mettre l'auteur dans son contexte.
Une nouvelle dimension existe qui rebat les cartes concernant l'utilisation du progrès comme messianisme, téléologie fastueuse rêvée. Cette dimension est la destruction de la biosphère.
Concernant Israël après la Shoah Rosenzweig aurait accepté malgré ses réticences l'existence d'un territoire où les juifs auraient trouvé la paix.
Sinon c'est bizarre aujourd'hui d'opposer le chrétien et le juif.

David Gonzalez L'étoile
« La publication de L’étoile de la Rédemption de Franz Rozensweig a cent ans. L’alliance du « feu éternel » du Judaïsme et de la « voie éternelle » du Christianisme reste un appel au désir de vivre, sans l’écrasante angoisse qu’il a dans l’existentialisme : un défi très contemporain.
« Il s’agirait d’une exigence liée à la nature de la pensée de Rozensweig ; non pas une pensée destinée à un cercle universitaire restreint, mais une pensée destinée à des hommes ouverts à l’écoute d’une parole ».
« Chef d’œuvre », « Opus Magnum », le maître-livre de Rozensweig est un classique dans la théologie protestante en relation avec la pensée contemporaine, malgré le retard de sa réception en milieu francophone ... Dans cette perspective, l’Étoile de la rédemption est « un cas très rare dans l’histoire du rapport entre ces deux religions – d’une approche non polémique et non apologétique [sans désigner les preuves de la divinité]», où « Judaïsme et Christianisme sont conçus comme deux modes d’ouverture à l’avenir de Dieu ». Néanmoins, malgré son architecture rigoureuse impressionnante et son style formellement exceptionnel, perfectionné et clarifié par son auteur entre 1918 et 1920, c’est un livre difficile, prévient son traducteur.
… Mais c’est un livre choc, souligne Jean-Louis Schlegel : « L’homme de Rozensweig, c’est d’abord l’homme qui pose les questions éternelles de l’amour et de la volonté, de la puissance et de la sagesse, de la justice et de la miséricorde, de la vie et de la mort, de la création et de la rédemption. » « C’est l’œuvre d’une vie, expliquait Emmanuel Lévinas dans sa fameuse conférence, non seulement comme le chef d’œuvre qui dans la vie d’un créateur est l’aboutissement de son activité créatrice […] Mais L’Étoile de la rédemption est le livre d’une vie dans un autre sens encore. Rozensweig l’a ressenti comme un moment essentiel de sa relation avec la vie, comme un livre qui ouvre les portes de la vie. La vie s’étend au-delà du livre, mais suppose un passage à travers le livre ». Comme tout écrit porté, traversé, tourné vers la vie, il vaut la peine d’être découvert. Personnellement, il m’a été offert à un moment essentiel de ma vie, puisqu’il m’a été remis à la fin de mon stage pastoral, avec ces mots qui motivent à l’ouverture : « La pensée, la réflexion d’une autre personne est toujours enrichissante, elle nous « oblige » à découvrir un autre point de vue, une autre manière de voir la vie. Elle nous prépare aussi à discerner la présence du Tout-Autre, elle nous laisse enfin présager [de] la rencontre à venir… ». A fortiori à travers l’une des œuvres philosophiques et théologiques les plus importantes du XXè s.
… « Triomphe et chevauche pour la cause de la vérité » (le Ps 45,4, est en exergue de L’étoile de la rédemption) : pour Emmanuel Lévinas, Rozensweig a permis à l’éthique juive de se confronter à la philosophie néo-kantienne et hégélienne de la raison pratique.
... Rozensweig a pleinement remis au centre le judaisme comme tel, qui, dans sa vie quotidienne, conteste le mode de pensée nationaliste de l’histoire « en surplomb ». L’exergue du psalmiste [lecteur des spaumes] sonne comme un reproche à l’idéalisme allemand, celui de faire semblant d’ignorer la souffrance du mourant de la Grande guerre. « Déjà, Kierkegaard et Nietzsche avaient dénoncé la raison majestueuse de l’idéalisme oubliant le cri des humains, mais de manière extraordinairement différente. Le thème de la temporalité, si important pour l’existentialisme, avec celui de la mort, dans l’avertissement de Rozensweig aux philosophes en introduction, les rejoint ». L’étoile de la rédemption, c’est aussi un style, le langage imagé et concret de la vie avec le langage conceptuel de la philosophie, issus de l’esthétisme et du romantisme des années 20.
La proposition philosophique de la première partie, « de Iéna à Hegel » qui dégage les notions de « Dieu – homme – et monde » est la plus difficile. Elle s’inspire du livre de Shelling, « Les Âges du monde », déconstruit l’homme idéal allemand et lui substitut « l’homme concret », qui a un nom et  un prénom – avant d’être un citoyen, éthique et politique. Le miracle, pour Rozensweig, c’est que les éléments du monde soient animés de vie et de beauté. C’est pour cela qu’ils sont nommés création. A travers eux, l’homme reçoit une révélation. Dans la deuxième partie, les catégories philosophiques, « Dieu – monde – homme » deviennent, chez lui, celles de la théologie : « création – révélation – rédemption ». Dans la troisième partie, ces catégories religieuses déploient toutes les convictions et toutes les richesses de L’étoile de la rédemption : ou l’éternel avenir du Royaume.
Registre de la parole et de la foi, sans aucun fondamentalisme, souligne Jean-Louis Schlegel. Tout l’effort de Rozensweig consiste à montrer la supériorité de la rationalité de la parole, axée à la vérité du monde, à la vérité de Dieu, à la vérité de l’homme, plus sûrement qu’à la raison idéaliste. C’est évidement un grand défi. »

Sophie Nordmann L’Étoile de la Rédemption : « livre juif » ou « système philosophique » ?
«Résumé
Dans son article « La pensée nouvelle », paru en 1925, Franz Rosenzweig affirme à propos de
L’Étoile de la rédemption, qu’il ne s’agit pas d’un « livre juif » mais d’un « système philosophique ». Il revient pourtant, quelques pages plus loin, sur cette affirmation, pour déclarer cette fois qu’« il s’agit bien d’un livre juif ». Comment comprendre le sens de ces deux affirmations de prime abord antithétiques ? En quel sens L’Étoile peut‑elle, à la fois, être et n’être pas un « livre juif », tout en étant un « système philosophique » ? Ce sont à ces questions que cet article cherche à répondre, en montrant comment Rosenzweig entend d’une manière radicalement nouvelle le « système de la philosophie » qu’il présente dans L’Étoile, et en envisageant, à partir de là, quel est le statut qu’y occupe la référence juive.»
«Plan
L’Étoile de la rédemption : un « livre juif » ?
L’Étoile de la rédemption : un système philosophique ?
« B=A » versus « A=B »
L’Étoile, un système philosophique écrit en langue juive
L’Étoile, un livre juif écrit en langue philosophique
De l’historien au philosophe»
« Quatre ans après la parution de L’Étoile, en 1925, Rosenzweig publie un texte intitulé « La pensée nouvelle *», qu’il présente comme des « remarques additionnelles à L’Étoile de la Rédemption ». Dans ce texte, Rosenzweig avance, à quelques pages d’écart, deux affirmations qui paraissent antithétiques. Dans les premières pages, il écrit en effet, à propos de L’Étoile, qu’il ne s’agit « absolument pas d’un livre juif « . Quelques pages plus loin, il affirme au contraire, qu’il s’agit « bien d’un livre juif ». Comment tenir ensemble ces deux affirmations ? En quel sens L’Étoile n’est absolument pas un livre juif, et en quel sens est-elle pourtant bel et bien un livre juif ?
Le public a cru, en effet, accueillir la parution d’un livre juif – et n’a pas manqué, du fait de cette attente, d’être déçu …
...L’Étoile n’est absolument pas le livre juif que pensaient se procurer les lecteurs, c’est dans la mesure où, explique Rosenzweig, L’Étoile n’est pas un livre sur le judaïsme. Certes, il y est ça et là question du judaïsme, mais « pas de manière plus approfondie que du christianisme et à peine plus que de l’Islam. *»
...dans la première partie, il n’est absolument pas question du judaïsme ; dans la deuxième partie, seuls trois passages – situés à la fin de chacun des trois livres – portent sur l’analyse d’un texte biblique ; dans la troisième partie enfin, un seul des trois livres – le premier – est spécifiquement consacré au judaïsme.
« ...il s’agit pourtant bien d’un livre juif : il ne traite pas de « choses juives » […] ; mais c’est un livre qui s’exprime à travers d’anciens mots juifs pour dire ce qu’il veut dire et surtout lorsqu’il veut exprimer la nouveauté qu’il recèle.* »
Rosenzweig affirme aussi, nous l’avons vu, que L’Étoile présente seulement « système philosophique » : qu’est-ce alors qu’un système philosophique « qui s’exprime à travers d’anciens mots juifs pour dire ce qu’il veut dire » ? En d’autres termes, qu’est-ce qu’un système philosophique écrit en langue juive ?
L’Étoile se présente en effet à la fois comme une critique radicale de la philosophie systématique et, de l’aveu même de Rosenzweig, comme un système philosophique.
Y aurait-il alors deux formes de « système philosophique », qui permettraient de dire à la fois que L’Étoile n’en est absolument pas un, et qu’elle est pourtant bien un ?
… ces deux voies de systématicité sont déjà inscrites, en filigrane, dans les deux premières phrases de L’Étoile. Ces deux phrases sont les suivantes : « De la mort, de la crainte de la mort, dépend toute connaissance du Tout. Rejeter la peur du terrestre, enlever à la mort son dard venimeux, son souffle pestilentiel à l’Hadès, voilà ce qu’ose faire la philosophie ».
...le statut que la philosophie systématique assigne à l’existence individuelle, ou plutôt son absence de statut. … par principe, la philosophie systématique ne reconnaît pas l’existence individuelle dans son irréductibilité puisque précisément, étant systématique, elle se place du point de vue de la totalité.
La seule philosophie systématique qui pourrait être en mesure de reconnaître la singularité de l’existence serait une philosophie qui en ferait son point de départ : qui partirait de l’existence singulière pour aller vers la totalité. Or, tel est précisément le sens de la première phrase de L’Étoile.
Par opposition au « mensonge compatissant de la philosophie » que Rosenzweig évoque un peu plus loin, la véritable « connaissance du Tout », c’est celle qui part de la « crainte de la mort », de la prise en considération de la « peur du terrestre », autrement dit de la reconnaissance de l’existence singulière dans son irréductibilité. Dès lors, c’est une connaissance, non pas qui part du Tout en niant l’existence singulière, mais qui vise le Tout à partir de l’existence singulière. ... le mouvement de L’Étoile : comme l’ouverture d’une autre voie de systématicité, qui non seulement n’implique pas la négation de l’existence singulière, mais au contraire la prend comme son point de départ et s’y fonde.
Un système qui ne présuppose pas le Tout mais le vise.
C’est donc pour des motifs philosophiques que Rosenzweig dénonce les philosophies systématiques qui reposent sur le présupposé du Tout pensable : si l’effort de la pensée philosophique – cet effort qui s’énonce déjà dans l’exigence socratique d’une mise en question des préjugés – est celui d’une pensée sans pré-supposé, sans pré-jugé au sens littéral du terme, alors un système qui repose tout entier sur un présupposé infondé est philosophiquement invalide.
Cette dénonciation du présupposé du Tout pensable n’hypothèque pourtant pas, comme telle, toute forme de systématicité : si le « Tout » ne peut plus être présupposé par la pensée, il peut être visé à partir du point de vue particulier du philosophe « avec son nom et son prénom ».
… les deux équations « B=A » et «  A=B » modélisent les deux voies de systématicité que nous avons distinguées : une systématicité « A=B » qui part du Tout, qui le présuppose, et une systématicité « B=A » qui au contraire le vise à partir du particulier. Dans une forme de mise en abyme, Rosenzweig formalise donc, dans l’équation « B=A » du second livre de la première partie de L’Étoile, cela même qu’il est en train de faire : il dessine le mouvement de L’Étoile, ce trajet du particulier « B » Franz Rosenzweig vers l’universel « A » du système philosophique.
.. il faut déjà être sorti du système pour avoir les moyens d’en sortir… Il faut en quelque sorte considérer le système depuis l’extérieur, pour apercevoir aussi le pré-supposé sur lequel il repose.
… on ne peut pas sortir du système depuis l’intérieur puisque, justement, il fait système. Pourtant, de fait, Rosenzweig en sort puisqu’il en aperçoit et en dénonce le présupposé … [par] l’expérience de sa découverte du judaïsme.

Dans « La pensée nouvelle », Rosenzweig enjoint d’ailleurs son lecteur à passer rapidement, sans trop s’y attarder, sur la première partie de L’Étoile : « Tout ce qui vient d’être dit sur la manière raisonnable de lire les premières pages d’un ouvrage philosophique vaut pour le premier volume de mon livre. Donc, surtout le lire vite ! Ne pas s’arrêter ! L’important viendra après ! ».
… il importe de prendre la mesure de ce que signifie l’impossibilité d’établir un lien logique, déductif, entre la première et la seconde partie de L’Étoile : cela revient en effet à réintroduire dans le discours philosophique une catégorie qui en avait été exclue par la philosophie du « Tout pensable », celle de miracle. Miracle entendu non pas au sens de l’intervention dans le cours des choses d’une mystérieuse force surnaturelle, mais simplement, comme ce qui advient sans être compris par la pensée. Cette catégorie est inadmissible pour la philosophie du « Tout pensable », en vertu même de son présupposé : si on part en effet du principe que Tout est pensable, alors la possibilité même d’un in-compréhensible par la pensée – au double sens de ce qui ne peut être expliqué et de ce qui ne peut être englobé – se trouve d’emblée exclue.
… écrire cette sortie miraculeuse de Dieu vers le monde (création), de Dieu vers l’homme (révélation) et de l’homme vers le monde (rédemption), c’est dans les sources juives, qu’il mobilise tout au long de cette seconde partie, que Rosenzweig va puiser.
… les passages bibliques que Rosenzweig analyse dans chacun des livres de la deuxième partie : le premier chapitre de la Genèse pour le livre sur la création, le Cantique des cantiques pour le livre sur la révélation, le Psaume 115 pour le livre sur la rédemption.

… la rencontre de Rosenzweig avec la philosophie se fait hors de toute référence au judaïsme. Mais sa philosophie est tout entière traversée par cette référence : l’ouverture d’une « pensée nouvelle », d’un projet philosophique nouveau, passe par le recours aux sources juives. Et c’est à la lumière de cet écart entre la philosophie et sa philosophie que l’on peut comprendre pourquoi, dans une lettre à son maître Freidrich Meinecke, Rosenzweig présente L’Étoile, par contraste avec Hegel et l’État, comme son premier texte véritablement philosophique : « d’historien (susceptible d’habilitation à la carrière universitaire), j’étais devenu philosophe (non susceptible d’habilitation) ». Rosenzweig était, indépendamment de toute référence au judaïsme, historien de la philosophie dans Hegel et l’État, mais c’est par le judaïsme que s’ouvre pour lui, dans L’Étoile, une voie philosophique nouvelle, par laquelle il devient « véritablement philosophe ». »

Deborah Blicq L'exil amoureux de la personne dans L'Étoile
«RÉSUMÉ. — L’exil amoureux de la personne dans l’Étoile de la Rédemption de Franz ROSENZWEIG. Par Deborah BLICQ.
Si le concept de « personne » semble aux premiers abords étranger à l’œuvre de Franz Rosenzweig, il semblerait toutefois que ce qu’il désigne dans l’Étoile de la Rédemption sous le mot « âme » et ce qu’il décrit de ses conversions successives, questionnent le statut même d’un « concept » de personne. Ainsi l’âme, expression féminine d’une tension insurmontable entre Éros et Thanatos, permet d’appréhender la personne` comme un concept fuyant ou toujours en devenir, à l’image du paradigme biblique de l’exil amoureux de la Sulamite dans le Cantique des cantiques, contrepoint de la Révélation dans l’Étoile de la Rédemption.
MOTS-CLEFS : âme – Soi – éveil – révélation – temps – plainte – amant – aimée.» Je rajoute : exile, langage
«Plan :
Le Soi ou l’ethos de l’homme
Le dessaisissement de soi
L’amour, événement de l’intériorité
L’appel du nom propre
La nostalgie comme expropriation
L’amour, langue parabolique»
«L’Étoile de la Rédemption n’offre pas à son lecteur une réflexion sur la « personne » en tant que telle. Cependant, si on consent à ce que la « personne » ne soit pas dans l’histoire de la philosophie un concept figé mais une pensée en devenir, si l’on s’accorde avec Emmanuel Housset à entendre dans le mot « personne » une vocation1, un appel à être dans l’apparition à soi affrontée à l’autre, alors il y aurait dans L’Étoile une figure qui s’apparenterait à celle de « personne » mais qui revêtirait le nom d’« âme ». L’âme, telle que l’entend Rosenzweig, est au-delà d’une dissociation classique entre âme et corps et désigne l’homme qui est devenu un être parlant d’une parole vive, vivante, l’homme qui est uni à un autre homme par l’engagement entre eux d’une parole dialogale. L’âme chez Rosenzweig n’est pas une réalité abstraite mais la difficile concrétude quotidienne et universelle du partage de soi dans la langue. La « personne » serait un devenir qui ne se comprend pas comme mouvement absorbant dans son allant ce qui le précède, mais ce serait un devenir synonyme de conversion..., non pas comme devenir autre ou métamorphose, mais comme devenir visible et sonore, selon une formule essentielle de L’Étoile, d’une réalité jusqu’alors fermée et obscure.»
«...une tension qui traverse l’ensemble de L’Étoile : celle entre Éros et Thanatos. Cette tension trouve son acmé dans le livre du Cantique des cantiques que Rosenzweig utilise comme paradigme de la Révélation afin de décrire le mouvement du Soi sortant de lui-même dans l’événement de l’amour.
C’est ainsi au Cantique des cantiques comme paradigme de la révélation qu’il est nécessaire de s’intéresser pour y déceler le devenir âme de l’homme.»

Irene Kajon Le Faust de Goethe dans L’Étoile de la Rédemption : une figure de la culture chrétienne
«Résumé
Franz Rosenzweig dans L’Étoile de la Rédemption cite le Faust de Goethe dans la première partie, quand il décrit la descente au Prémonde en utilisant l’expression « Monde des Mères » – évoqué par Méphistophélès en tant que lieu où habite la belle Hélène ; dans la seconde partie, quand il donne une interprétation du Cantique des Cantiques en utilisant le mot Gleichnis, métaphore – le même mot qui apparaît à la fin du chant du Chorus Mysticus qui sauvera l’âme de Faust ; et dans la troisième partie, quand il considère l’aspiration à l’immortalité et à l’infini de Faust, bien que vivant sur terre, en tant qu’esprit de la prière. L’article analyse les contextes et les finalités de ces trois citations. Il montre comment Rosenzweig est débiteur à son maître Hermann Cohen de sa vision de Goethe en tant que panthéiste, c’est‑à-dire défenseur d’une fusion entre la vie et l’esprit qui est caractéristique du christianisme des xixe et xxe siècle, identifié avec la vraie réalisation de l’évangile de Jean. Et pourtant, selon Cohen et Rosenzweig, Goethe a été profondément influencé par la Bible hébraïque : la conclusion présente ce dernier thème comme exemple d’une relation féconde entre Deutschtum et Judentum, christianisme et judaïsme.»
«Plan
Cohen et le Faust de Goethe dans la Religion de la raison
Rosenzweig et le Faust de Goethe dans L’Étoile
Le Faust et la Bible juive : Cohen et Rosenzweig sur la relation entre Deutschtum et Judentum, christianisme et judaïsme»
«La vie et l’œuvre de Goethe – Stéphane Mosès l’avait déjà remarqué dans son livre d’introduction et commentaire à l’Étoile de la Rédemption – sont toujours présentes à l’esprit de Rosenzweig . En particulier le Faust est cité dans l’Étoile dans plusieurs lieux : je me limite ici à rappeler que dans la première partie de l’Étoile Rosenzweig parle d’une descente au pré-monde ou « monde des Mères » ; dans la seconde partie il parle de l’amour entre un homme et une femme décrit dans le Cantique des Cantiques en tant que Gleichnis, symbole ou métaphore, de l’amour entre Dieu et l’être humain ; et dans la troisième partie il parle de la juste façon de prier pour le Règne, c’est-à-dire de la juste relation entre l’homme qui voudrait rejoindre l’infini et sa finitude ou son existence dans le temps, sa mortalité.
... Rosenzweig reconstruit l’histoire de l’Église à partir du catholicisme (l’Église de Pierre) à la Réforme protestante (l’Église de Paul) jusqu’à la Révolution française et la Révolution russe (l’Église de Jean) .»

Les cahiers philosophiques de Strasbourg - Sommaire Franz Rosenzweig : politique, histoire, religion
Gérard Bensussan et Danielle Cohen-Levinas
Avant-propos  « Philosopher dans la forme du monde », Entretien de Gérard Bensussan avec Danielle Cohen-Levinas
13 «Il est très instructif de lire les premières pages de Totalité et infini de Levinas, autour de la guerre, expérience pure de l’être pur, comme l’écho, le commentaire, le prolongement de la thèse rosenzweigienne, ... Dans les deux œuvres, Hegel est le Commandeur qui domine tout le paysage. Comme une figure muette dans Totalité et infini ou comme une immense statue de pierre dans L’Étoile.
Si, par la guerre, la philosophie en son entier, « l’idéalisme », s’avère dans son mensonge, c’est-à-dire dans sa fausseté épistémologique et existentielle, Hegel se tient en effet au centre de cette avération. C’est la seconde leçon des tranchées. Elle concerne avant tout la philosophie de l’histoire de Hegel. Laquelle est « nocive », nuisible, comme écrit Rosenzweig dans une lettre, schädlich, occasion de dégâts et de désastres. Précisément parce qu’elle oblige à penser l’histoire comme une totalité « spirituelle » et la guerre comme le secret ontologique de l’histoire. Hegel dit la vérité du mensonge de la philosophie en quelque sorte. Par lui, en effet, quelque chose de très profond s’atteste du lien étroit qui noue en Occident métaphysique et politique. Ce lien, les champs de bataille de 1914-1918 l’auront confirmé : « l’être se révèle comme guerre » dans les mots de Levinas ou, pour le dire comme Rosenzweig, l’histoire des ontologies de l’histoire porte en elle la guerre, comme la nuée l’orage selon le mot de Jaurès à propos du capitalisme.
...
Dans sa nouvelle pensée, Rosenzweig tente ainsi de défaire toute la tradition de la philosophie en Occident, « de l’Ionie à Iéna », en la laissant en quelque sorte se déconstruire d’elle-même par l’effet conjoint et continué de ce qui est au cœur de la nouvelle pensée, ce nœud de la parole, de la temporalité et de l’altérité.»
Ionie «région historique du monde grec antique située dans l'ouest de l'Asie Mineure, ...première région de Grèce où la philosophie, l'art (en particulier l'architecture avec l'ordre ionique) et les sciences se sont développés, bénéficiant des richesses intellectuelles du Proche-Orient et de l'Égypte. Les cités ioniennes ont donné de nombreux grands penseurs présocratiques» - Iena «La bataille d'Iéna en 1806 est une victoire décisive de Napoléon Ier sur les Prussiens.» « La défaite d’Iéna va déclencher un violent nationalisme allemand qui conduira à l'unification de la nation allemande au cours du XIXe siècle. ... La défaite prussienne provoque un traumatisme au sein de l’élite prussienne et allemande. Des réformateurs tels que Clausewitz (qui a participé à la bataille) et Fichte prennent alors conscience de la nécessité de transformer la vieille Allemagne en un État moderne et unifié afin de rivaliser avec la France.»
14 «Rosenzweig part d’une analyse du mode d’existence extraterritorial, diasporique, qui marque le rapport du judaïsme à l’histoire telle que la détermine la philosophie spéculative et dialectique de l’histoire. Il y voit une façon foncièrement extra-historique qu’il retourne contre Hegel. Car cette extra-historicité juive s’évase jusqu’à une pensée de l’histoire, de l’État et du politique qui excède le seul « peuple juif ». .. Il y a au contraire chez Rosenzweig un « matérialisme » de la Révélation – le mot est de lui, il le brandit dans une lettre comme l’emblème de son antiplatonisme. Ces analyses rosenzweigiennes forment en fin de compte une pensée des effets historiques singuliers de l’extra-historicité, repérables dans des configurations particulières du rapport entre histoire et éternité. C’est certainement d’ailleurs l’oubli de ce lien complexe entre extériorité à toute histoire et temporalité des guerres, des États et des révolutions qui est au principe des grands désastres et des grandes catastrophes historiques, ...»
18-19 «... il parle de son « système » dans une intention délibérément provocatrice, ..., pour marquer la différence à ses yeux capitale entre L’Étoile et « un livre juif ». ... En lisant L’Étoile, et en particulier sa deuxième partie, il faut constamment avoir en tête le double sens de la Révélation, sa double fonctionnalité. D’une part, elle irradie l’ensemble du livre, le « système » en son entier en quelque sorte, c’est-à-dire les parties I et III, aussi bien la Création que la Rédemption – et cette irradiation, ce n’est rien d’autre à vrai dire que la temporalité elle-même, éclatée dans ses trois stratifications enchevêtrées, l’instance temporalisée de la « trajectoire de la voie » comme dit Rosenzweig, c’est-à-dire l’arrachement des éléments Dieu Monde Homme ... à leur essence simplement élémentale (?), leur devenir-facticité (?) en quelque sorte.
D’autre part, la Révélation revêt un sens étroit ..., qui est moins que la structure médiane de temporalisation qu’elle signifie et plus que son assignation exclusivement « systématique ». Ce moins et ce plus à la fois, c’est la Révélation comme Ereignis, la rencontre si l’on veut ou, pour parler comme Rosenzweig, la naissance sans cesse renouvelée du Soi retourné en Aimé(e) – c’est d’ailleurs la relation nommée Révélation, en ce sens étroit ou nucléaire, qui sert à Rosenzweig à dire l’amour qu’il porte à Gritli dans la monumentale correspondance qu’il lui adresse.
Cette « seconde » Révélation est appelée par la première, comme l’explique Rosenzweig. En effet, la première fait de quelque façon le « tout » des trois modalités de la relation en général : la Révélation révéle la Création, elle révèle la Rédemption et elle s’autorévèle comme « âme aimée » dans l’ipséité [ Identité propre ; ce qui fait qu’une personne est unique et absolument distincte d’une autre] tragique du soi.
Au sens fort, ou large, seule existe la Révélation d’un passé créationnel et d’un avenir rédimant [Se racheter en corrigeant ses règles, son comportement.].
Je ne dirais donc pas que la Révélation est un « moment » du « système ». Une Création qui ne se révèlerait pas ne serait qu’un prémonde bis, un paganisme.
Une Rédemption qui ne se révèlerait pas comme relation Homme-Monde s’abîmerait en quiétisme et laisserait l’inachèvement du monde à lui-même.
L’Étoile dessine une économie générale des flux, complexe mais cristalline, et on pourrait multiplier les descriptions de ces multiplicités ouvertes les unes sur les autres, le « système » si vous voulez. Mais ce « système » est un système des temps, au sens où Schelling le disait des Âges du monde. Et ces deux usages du mot « système » (Hegel et Schelling, donc) sont hétérogènes, ils ne désignent pas du tout les mêmes intentions théoriques ni les mêmes tensions du logique et du temporel. ... la Révélation est dans le système ou hors du système, consiste à rappeler cette hétérogénéité. D’un mot je dirais (en espérant qu’on ne se méprendra pas) : le Système, c’est la Révélation. Ce que je veux indiquer par là, c’est que la Révélation assure tout au long de L’Étoile, des passages, des passes, des changes, le devenir-événement des éléments, des structures, des concepts. Non pas des transitions conceptuelles qui assureraient la bonne circulation, dialectique ou pas, de l’avant vers l’après, mais des conversions, des révélations, des déformalisations. S’il y a un « système », c’est un système sens dessus dessous.»
24 «La religion comme interprétation de présages naturels et assignation de leur sens à une autorité supérieure (c’est la double étymologie du terme selon Cicéron et selon Lactance, lire et lier) emporterait à la fois une connaissance et une vénération, explique Rosenzweig à son cousin. En tant qu’elle est païenne, la religion constitue une forme de connaissance qui vénère. Or la Révélation, écrit-il dans la même lettre, restaurerait dans les objets ainsi connus-vénérés, leur contenu « unreligiös » en les arrachant à leur statut naturel exhaussé dans leur adoration en esprit. Il ne dit pas « anti-religieux » comme vous le suggériez mais unreligiös n’en est pas loin.»
25 «Le paganisme, ce que Rosenzweig nomme ainsi et qui n’est pas une simple période ou un moment de l’histoire, constitue un mode de la durée du temps historique, une perpétuité transhistorique. Le paganisme est toujours là comme une sorte de compagnon silencieux de la Révélation, sous des formes extraordinairement contrastées et multiples, et son actualité est interminable. L’idéalisme dont nous parlions tout à l’heure en est d’ailleurs la figure éminente. À bien des égards, les grandes ontologies de l’Histoire sont des « religions » de l’Histoire, des paganismes en ce sens très particulier accordé à ce terme par Rosenzweig. Et leur mise en crise a pour enjeu la substitution de la « religion » comme Révélation, ce que Rosenzweig appelle la religion au sens du xxe siècle à la Religion comme histoire, au sens du xixe siècle, comme il dit encore.»
Sonia Goldblum
Franz Rosenzweig
« Gritli »-Briefe (extraits)
34 «...
il y a maintenant près de 7 ans [24 ans], j’ai fait une expérience amicale très désagréable, dans laquelle chacune des deux parties était d’une funeste innocence ; cela m’a longtemps rongé et ce n’est en fait que depuis quelques années que je me sens libéré de cette histoire ; ce reste de superstition a eu des répercussions jusqu’à ces derniers temps. C’est que l’on reste effectivement toujours celui que l’on a été, encombré par tout son passé ; et ce n’est qu’en rencontrant de nouvelles personnes que l’on devient soi-même nouveau et que l’on revit des aurores et des matins intérieurs.» Expérience amicale très désagréable - superstition ?
39-40 « ...le triangle ..., avec trois sommets et trois côtés se révèle être une Étoile de la Rédemption à six rayons [dessin d’un hexagramme], qui contient en lui de nouvelles « étoiles » [dessin de la même étoile en contenant d’autres, plus petites] etc. Comme je viens de le dire, je suis encore très méfiant à l’égard de ce pendant de la croix de la réalité [la croix est dessinée] [Im Kreuz der Wirklichkeit – eine Soziologie – Titre de l’œuvre maîtresse d’Eugen Rosenstock; ... l’étoile n’est rien de plus que la combinaison de deux triangles, qui ne veulent pas se laisser superposer et donc doivent former ensemble une étoile : le triangle ... de la Création, à savoir ce qui est là avant la Révélation ; Dieu en haut, l’Homme à gauche et le Monde à droite, ... ; et le triangle [triangle renversé ] de la Révélation, le monde d’après, à savoir : en haut la Révélation et la Création, en bas la Rédemption, … constituent désormais les points d’un second triangle ... Les deux triangles de la Création et de la Révélation indissociablement reliés [dessin d’une étoile] donnent la certitude de la Rédemption. Ses termes fondamentaux doivent donc apparaître aux points qui forment ce lien indissociable, à savoir les 6 points de jonction des deux triangles, qui pour leur part peuvent être reliés pour former une nouvelle étoile. Le mot qui correspond à ces points de jonction peut à chaque fois être déduit des deux sommets [[extérieurs]] voisins, et de manière concordante pour les deux, ce qui en fait devrait permettre d’exclure l’arbitraire (mais naturellement ne le fait pas). Chaque « point de jonction » est donc le produit d’une scission concordante des deux sommets voisins, dont chacun partage les autres produits de scission avec d’autres sommets. ... la mathématique est la langue d’avant la Révélation. Ce n’est que dans la Révélation que la langue des hommes est créée. C’est pourquoi les points du triangle de la Création doivent être compris de manière uniquement mathématique, ceux du triangle de la Révélation également, s’ils sont, comme il est nécessaire de le faire ici, déduits du triangle [triangle renversé] de la Création. Dans la version aboutie de l’étoile de la Rédemption, les paroles humaines prennent le relais, car la Révélation est là et désormais les symboles mathématiques ne sont plus nécessaires non plus pour les points qui avaient été trouvés jusqu’alors.…
De la même manière qu’il y a une métaphysique, à savoir une science qui traite de Dieu en faisant abstraction du fait qu’il ait ou non un jour créé le monde, Dieu pris pour lui-même, Dieu comme s’il n’était pas le seigneur et le créateur de la « physique » mais avait lui-même sa physique propre et de la même manière que Hans fait une métalogique, une science du Monde qui ne se préoccupe aucunement de sa relation (celle du Monde) avec une éventuelle pensée, un logos, mais au contraire comprend ce logos lui-même comme un morceau du contenu du Monde et non pas comme forme du Monde, de la même manière, j’ai mis sur pied une métaéthique, une doctrine de l’Homme tel qu’il n’est pas soumis à des lois et à des ordres, et pour lequel aucune éthique ne vaut, mais dont l’éthos, s’il en a un, serait un simple morceau de son existence, de sa nature sauvage. Ces méta-sciences parcourent l’ensemble du cercle de la Création, le Dieu sans devenir (aphysique), le Monde sans concepts (alogique), l’Homme sans coutumes (a-éthique).
Du triangle de la Création [en tant qu’existence], on extirpe maintenant le triangle de la Révélation comme celui de la parole, ..., sauf que la Création réapparaît désormais naturellement comme Création ayant accédé à la parole, comme cosmos [parlant et parlable] en lieu et place du triple chaos muet et sourd du premier triangle ; mais maintenant il n’en constitue plus qu’un tiers et non plus à lui seul la totalité. (Et ensuite, de nouveau au cœur de l’étoile de la Rédemption, mais maintenant il n’en constitue plus qu’un sixième, par exemple comme « ce monde-ci ». De la même manière que la Révélation elle aussi revient ensuite).
...je n’ai fait rejouer que la partie qui se joue en réalité, en grand, entre l’Homme et le Monde dans le triangle de la Création. Dans le microcosme, vu donc de manière microscopique, ce qui permet de voir certaines choses de manière plus intime que seulement avec les yeux, mais cache également la relation, qui est réelle, de certaines choses, justement parce qu’elles sont microscopiquement isolées. »
47 «...il faut qu’il désapprenne les constructions historiques (d’après lesquelles soudainement en 1919 tout est différent de 1819 ou d’avant). Nous devons tous le faire, particulièrement Hans. L’histoire n’est pas un outil dont nous disposons pour « comprendre ». Dieu ne laisse personne voir dans son jeu. Les institutions et leur esprit nous sont donnés. Il faut que nous nous y tenions et nous n’avons pas le droit de coller aux anciennes institutions, à l’aide de la glu de la philosophie de l’histoire, ce qui nous est offert à titre privé, comme s’il s’agissait d’une nouvelle phase de l’histoire du monde. Notre glu ne tient pas. Et Dieu n’assemble pas bout à bout, il laisse croître. » histoire-suite
Francesco Paolo Ciglia
Entre eurocentrisme et globalisation - Une lecture de « Globus » 
Deborah Blicq
Marion Picker
Franz Rosenzweig, le « Reich », et les tyrans
83 «Le « Reich », c’est à la fois le Royaume et l’Empire, le Royaume des cieux et les royaumes terrestres. Dans ces « Reiche », le pouvoir terrestre est intrinsèquement lié à l’autorité divine. Mais le « Reich » nous permet également d’en percevoir l’autre face : le Royaume des cieux, tel qu’il s’imagine, s’espère et s’anticipe, s’étaye sur la notion du pouvoir politique terrestre ; en ce sens, il en est également indissociable. Cette problématique que la notion de « Reich » comporte réapparaît, en plusieurs variations, dans la troisième partie de L’Étoile de la Rédemption ; »
84 «Quels sont les destinataires de la polémique des trois parties de L’Étoile de la Rédemption ? Les devises précédant les introductions respectives semblent l’indiquer bien clairement : « in philosophos ! », « in theologos ! », « in tyrannos ! ». Pourtant les trois ordres d’adversaires ainsi désignés ne prennent pas forme de la même façon. Alors qu’il est relativement facile d’arriver à des conclusions satisfaisantes au regard des philosophes et théologiens en lisant un peu plus loin dans le texte, ce n’est pas le cas des tyrans contre lesquels se dresse l’introduction à la troisième partie de L’Étoile, « Vom Reich ».»
85 «Le « Reich » ci-dessus est devenu le « Royaume des cieux » ; ainsi se trouve précisé l’objet de la demande pressante, voire tyrannique. Illuminés et sectaires servent d’exemples de ceux qui précipitent le rythme indiqué. Rosenzweig se réfère ici à Matthieu 11, 12, passage selon lequel le Royaume souffre aux mains de ceux qui tentent de se l’approprier par la force. Le discours de justification de Jésus devant les disciples de Jean Baptiste s’insère ainsi dans le développement rosenzweigien sur la prière, entrelaçant la deuxième et la troisième partie de L’Étoile. Dans son ouverture vers le monde, décrite dans la troisième partie, la prière transcende le dialogue et devient geste liturgique.»
86 «Le concept de « culture » de Rosenzweig – comme également sa notion de l’art – découle directement du celui de « culte », avec ses connotations de rythmes annuels d’agriculture et conquête des terres bibliques : « ce n’est pas pour rien que la langue sainte ne connaît qu’un seul mot pour culture et culte, service de la terre et service de Dieu, culture des terres et formation du Royaume »»
87 «... même ses propres amis ne comprirent pas L’Étoile de la façon voulue, au grand déplaisir de Rosenzweig. Il se vit donc contraint de publier, après coup, une sorte de préface à L’Étoile, l’article « La pensée nouvelle » publié en 1925. Le directeur de la revue dans laquelle parut l’article, Der Morgen, souligna que « La pensée nouvelle » servait d’abord à rendre visible le fil polémique de L’Étoile, le fil que Rosenzweig s’était appliqué à faire disparaître si soigneusement quelques années plus tôt (Rosenzweig 1984, p. 845). Évidemment il ne s’agit pas d’un seul fil traversant l’ouvrage, mais de plusieurs – au moins trois, si l’on se tient aux devises des trois introductions.»
88 «Certes, dans la mesure où le judaïsme est anhistorique, conformément à son existence diasporique, des Juifs en tant qu’allemands, français, britanniques etc. peuvent contribuer aux guerres, comme Rosenzweig lui-même, mais ils n’y participent pas en tant que Juifs (Rosenzweig 1979, p. 286). La part active de l’histoire incombe au christianisme.» ?
89 Franc-maçonnerie ?
93 «La croyance en la mission divine d’un peuple censé aller vers Dieu, fait paraître le risque de sa disparition que la guerre comporte, à la fois inévitable et impensable. Dans ce contexte, Rosenzweig fait allusion au mot notoire de Guillaume II (que celui-ci avait emprunté à Eduard Geibel) : « Qu’est-ce qui fera guérir le monde si l’essence de ce peuple en est effacée ? » (Rosenzweig 2003a, p. 460).»
Grégoire Boulanger
La guerre et la question du système dans L’Étoile de la Rédemption
102-103 «Avec L’Étoile de la Rédemption, la mort cesse d’être une menace – celle de la dissolution de la singularité non sur-sumée dans l’universalité – pour devenir don. Elle est ce qui manifeste l’excès de la réalité humaine sur la simple individualité historique. A l’inverse de Hegel, pour qui « …l’inadéquation (de l’individu) à l’universel est sa maladie originaire et son germe inné de mort » (Hegel 1970, p. 344), la mort est pour Rosenzweig « ce moment où l’individu renonce aux derniers vestiges de son individualité et retourne à son origine, le Soi s’éveille à l’ultime singularisation et à l’ultime solitude » (Rosenzweig 2003b, p. 110). En faisant de la mort, un instant qui n’est pas à combattre, c’est-à-dire un instant que les différentes manifestations de l’universel dans le monde (famille, société, État) ne peuvent intégrer, Rosenzweig rompt avec la philosophie comprise comme travail du concept toujours en train de réduire la mort à un moment intégré au sein de son cheminement. Dans la perspective de Hegel, la guerre n’est qu’une modalité parmi d’autres de la tentative d’attacher l’homme à sa stricte individualité. L’homme n’est homme que s’il est l’individu toujours capable de s’inscrire à nouveau dans le mouvement universalisant de l’esprit absolu. C’est ainsi que si la famille ou la société représentent un certain moment au sein du devenir universel, chacune risque, si elle est laissée à elle-même, de s’isoler dans une particularité qui ne saurait déboucher que sur la mort. Pour maintenir l’individu au sein du processus historique, au-delà de sa simple fonction procréatrice – dès lors qu’il est parent, l’individu se découvre homme dans le Soi –, la guerre, entre autre, devient nécessaire.
Pour ne pas (…) laisser s’enraciner et se figer dans (…) l’isolement (la communauté des personnes), pour ne pas laisser par là même le tout se disloquer et l’esprit se dissiper dans les airs, le gouvernement doit de temps en temps les secouer dans leur intérieur par des guerres et donc perturber et léser l’ordre qu’ils se sont ménagé et le droit d’autonomie (…). Par cette forme de dissolution de la forme de la pérexistence, l’esprit contrecarre le glissement hors de l’existence éthique et l’engloutissement dans l’existence naturelle, préserve et élève le Soi-même de sa conscience dans la liberté et dans sa force (Hegel 1991 p. 308).»
108 «Conclusion : Dans « La pensée nouvelle » Rosenzweig affirme que ce n’est qu’« au moment où la philosophie arrivera au terme de sa propre pensée qu’une philosophie en quête d’expérience pourra vraiment commencer » (Rosenzweig 2001, p. 151). En même temps que la critique de la philosophie hégélienne permettait d’attester de la présence d’un pré-monde, elle permettait aussi la future inscription de la philosophie de l’histoire de Hegel au sein de ce à partir de quoi elle s’originait, à savoir le christianisme. En contestant le présupposé de la philosophie du Tout de n’avoir aucun présupposé, Rosenzweig a permis à la philosophie de Hegel de retrouver sa dimension théologique. Car, si l’auteur de L’Étoile refuse à l’auteur de la Phénoménologie la prétention de constituer sa philosophie comme identité parfaite de l’être et de la pensée, c’est afin de replonger celle-ci dans l’expérience dont elle cherchait à faire abstraction : la religion chrétienne. Le devenir universel du monde n’ayant pu être pensé qu’à partir de l’histoire rédimante du christianisme.»
Petar Bojanić
Le pacifisme et « l’éthique de la guerre » chez Rosenzweig
109 «Chez Rosenzweig, les politiques de l’usage des guillemets – qui sont certainement une conséquence de sa lecture répétée de Hegel, « le maître des guillemets » – peuvent probablement déterminer une possible « éthique de la guerre » (Ethics of War), dont l’importance a été majeure ces dernières années. Mes propres guillemets au syntagme [suite signifiante des signes] « éthique de la guerre » expriment une hésitation quant aux interprétations rosenzweigiennes de la guerre et du pacifisme et à leur influence sur la théorie de la guerre juste (ou mieux, injuste) au sein de la tradition politique juive. Dès lors, en reléguant au second plan la confrontation des usages parfois forcés des « guillemets » chez Hegel et Rosenzweig, j’aimerais essayer de reconstruire, de manière préliminaire, l’influence (im)possible (ou « possible ») des textes de Rosenzweig (lettres, journaux, textes courts) sur la pensée contemporaine de la guerre. J’essaierai de comprendre, à la lumière de ses réserves sur le pacifisme, son projet d’une théorie de la « raison de la guerre » (Kriegsgrund) qu’il a finalement de facto refusé d’élaborer et d’achever (« le Juif est proprement la seule personne incapable de prendre la guerre au sérieux »). Il me semble que ses commentaires obscurs sur le pacifisme et l’interprétation fort originale qu’il en donne, que son opposition puis son « consentement » au pacifisme (à la « secte sauvage » des pacifistes), sont le mieux à même de démontrer la difficulté qu’il y a à penser une guerre juste, c’est-à-dire à justifier la dernière guerre messianique [14-18 ?]. Trois questions : est-ce que ces textes de Rosenzweig sur la guerre et la paix, ses arguments, ses hésitations et ses changements d’avis incessants, peuvent être le moins du monde utiles aux polémiques actuelles sur les dernières et nouvelles guerres ? Est-il possible de penser avec Rosenzweig les guerres pluridécennales de l’État d’Israël et les nouvelles théories éthiques de la guerre et du droit à la guerre ? Ou bien la « politique messianique » de Rosenzweig et sa tentative de penser la « guerre messianique » ne se rapporte-t-elle qu’au futur, qu’à un futur qui « retire » le présent, qui « attire » et « ouvre » l’« ‘aujourd’hui’ qui n’est pas encore le véritable ‘aujourd’hui’ » ?
Ces trois questions si différentes et si complexes manifestent clairement mon intention de démontrer que les textes de Rosenzweig sur le pacifisme pourraient être une introduction à sa « théorie » du messianisme. Malgré la non-systématicité et l’inconsistance de Rosenzweig quant à la définition du pacifisme (de la guerre, du messianisme, etc.), et en dépit de mes propres hésitations à préserver les « suggestions » de Rosenzweig de toute simplification abusive et de toute démonstration strictement argumentative, la distinction originale qu’il fait entre deux types de pacifisme donne à comprendre autrement la guerre et les nouvelles guerres (que je me permets d’appeler : « dernières » guerres). Pour Rosenzweig, le « pacifiste idéal » (i.e. le Juif) et le peuple juif sont les véritables protecteurs du secret de la distinction entre les différents types de guerre et jouent à ce titre un rôle spécifique dans sa compréhension de la guerre. ...» Est-ce les guerres nombreuses dans l'ancien testament qui donne cette spécificité au peuple juif ?
110-111 «Le chapitre de L’Étoile de la Rédemption que Rosenzweig a intitulé après-coup « Les peuples du monde : politique messianique » constitue ce qu’on pourrait appeler son testament « politique ». Ces pages, qui introduisent au court et obscur chapitre « L’éternité de la promesse » dans lequel il insiste sur le fait que « la véritable éternité du peuple éternel reste étrangère et irritante pour l’État et l’histoire universelle »... » Pourtant Marx est juif et l'État pour lui était une étape obligatoire.
111 «Rosenzweig explique ... en précisant dans la seconde partie que le présent expire avant tout parce que « le futur l’attire à lui ». Le futur, qui est comme tel une force (le futur ne possède pas une force mais il est une force, dit Rosenzweig), attire le présent.» Oui mais un futur construit au présent par l'Homme. «...la « topologie », l’« action » ou le « mouvement » messianiques sont probablement le « plus clairement » décrits – pourrait être une introduction idéale à la théorie du temps messianique.»
112 Robespierre cité.
113 «...on constatera que son insatisfaction se manifeste toujours lorsqu’il rencontre des difficultés à « intégrer » le pacifisme, comme désir sans réserve de paix, à la guerre et au militarisme. Son idée est bien que le pacifisme doit servir la guerre et qu’il est incorporé au militarisme,...» ?
«Les orifices se situent avant tout sur le visage, et l’expression « Zug um den Mund » [entraîner autour de la bouche] permet à Rosenzweig de considérer le pacifisme aussi comme une « grimace de la guerre », à l’instar de la rhétorique de l’engagement en faveur de la paix chez Robespierre et Lénine. Il nous faut laisser de côté maintenant ce qu’il y a probablement de plus attractif dans ces deux exemples : non seulement, d’une part, la métaphore de l’orifice qui revient à plusieurs reprises chez Rosenzweig (la « tombe » et le « gouffre » en sont des variantes), ou bien les autres orifices sur le corps de Lénine autour desquels se « groupe » le pacifisme, mais aussi bien, d’autre part, les traces de Hegel dans le texte de Rosenzweig : je pense ici notamment aux passages de la Philosophie de la nature où Hegel parle de la différence sexuelle, ainsi qu’aux passages de l’Esthétique où il est question de la pudeur
«Rosenzweig est tout à fait sûr, à l’instar de Benjamin par exemple, que la violence peut produire quelque chose (par exemple, qu’elle fonde un nouveau droit, ou bien que par elle l’ancien droit se transforme en un nouveau).»
118 «Car être ou avoir un pazifistischer Zug signifie finalement arrêter d’être (un État national) ou d’avoir (une souveraineté). Ainsi Rosenzweig trouve-t-il à l’intérieur de l’État lui-même – dont les caractéristiques principales sont la violence (le droit), la guerre et la révolution – ce qui précisément le détruit complètement. On peut donc considérer le « pazifistischer Zug » comme un élément déconstructif et affirmatif qui se trouve aux fondements et au sein de l’État national lui-même, comme le suggèrent certains passages du chapitre « Les peuples du monde : politique messianique », où Rosenzweig parle avec une surprenante inspiration de l’endurance du peuple juif en vue d’obtenir un État et d’appartenir par là aux peuples du monde. Rosenzweig affirme qu’il existe dans l’État quelque chose d’opposé au peuple juif, quelque chose de totalement alternatif, qui a justement la force paradoxale d’ôter l’éternité au peuple éternel. Rosenzweig affirme en effet la possibilité qu’a l’État de réaliser quelque chose de complètement neuf et alternatif (« si l’État réussissait à réaliser ce à quoi il aspire ») et de faire que le « peuple se soit rendu maître de ses ennemis » (Rosenzweig 2003, pp. 463, 466). Ne laisse-t-il pas présager ici un éventuel pazifistischer Zug [mouvement paifiste ?] de l’État d’Israël ?» suite sur l'État
119 Hitler avait raison concernant les juifs, en plus de sa haine ils ne pouvaient entrer dans sa politique guerrière. «À l’encontre de cette vie en permanence placée devant la guerre sainte, le peuple juif a désormais sa guerre sainte derrière lui, dans un passé mythique. Aussi, toutes les guerres qu’il peut encore connaître [die es noch erlebt] sont-elles pour lui des guerres purement politiques [rein politische Kriege]. Mais comme il possède malgré tout le concept de guerre sainte, il ne peut prendre ces guerres (guerres purement politiques) au sérieux… [ernst nehmen] […] De fait, à l’intérieur du monde chrétien, le Juif est proprement la seule personne incapable de prendre la guerre au sérieux [nicht ernst nehmen kann], et en ce sens il est le seul « pacifiste » authentique [der einzige echte « Pazifist »]. […] le peuple juif se tient en dehors du monde [steht es außerhalb der Welt] […] en vivant la paix éternelle, il se tient en dehors d’une temporalité guerrière ... Par deux fois Rosenzweig souligne que le Juif « ne peut pas » donner de sens à ces guerres politiques. Elles lui sont étrangères car elles n’appartiennent pas au concept (Begriff) des guerres de religion. En dépit du fait que Rosenzweig dit dans le chapitre précédent (« Glaubenskrieg ») qu’à la différence des peuples chrétiens le peuple juif connaît les deux types de guerre et qu’il est le seul à connaître encore leur distinction, et en dépit du fait que Rosenzweig découvre peut-être la possibilité d’un troisième type de guerres (où se mêlent le religieux et le politique), le peuple juif reste totalement hors du monde et hors d’une « temporalité guerrière » (kriegerische Zeitlichkeit).»
Sophie Nordmann
Quand « le pressentiment des prophètes s’allie à la réalité de l’Empire » (« Globus ») : F. Rosenzweig et la question théologico-politique
124 «...Cette appropriation de la terre, ce découpage de la terre en mien, tien et sien, sont présentés comme un acte de force : c’est sur un arbitraire que repose la naissance de la propriété foncière et avec elle, pour Rousseau, de la société civile. Le Contrat social posera dans toute son acuité la question du rapport de la force au droit et à ce titre aussi, il est significatif que Rosenzweig en appelle implicitement à Rousseau. Car la question du rapport de la force et du droit comme moteur de l’histoire, et l’idée suivant laquelle tout droit repose, en dernière instance, sur un acte de force, sera d’une importance toute particulière dans L’Étoile. La dialectique de la violence et du droit y apparaîtra en effet comme la force motrice de l’histoire,...»
124-125«De même que l’histoire scande le temps en heures et en époques, de même elle découpe le monde en frontières. « Chaque époque, écrit Rosenzweig dans « Globus », a son concept de monde, d’‘œcoumène’ […] » (Rosenzweig, 2003a, p. 39) : à chaque heure de l’histoire correspond un découpage du monde. Et l’histoire n’est rien d’autre que le jeu de ces découpages spatio-temporels, à partir de l’indifférenciation du temps et de l’espace naturels, comme le laisse entendre la suite du paragraphe : « Toute l’histoire universelle n’est que le prolongement de cette première frontière, n’est que l’empiètement permanent du mien, du tien et du sien, la formation toujours plus prégnante des relations je et tu, à partir du chaos indifférencié du ça » (Rosenzweig 2003a, p. 37). La question de l’histoire universelle est donc, d’emblée, rapportée par Rosenzweig à celle du rapport de l’humanité à la terre, c’est-à-dire de l’homme au monde.»
125 «« la Rédemption, c’est précisément qu’à travers l’engagement de l’homme, l’être soit donné au monde ; le monde est inachevé : c’est à l’homme de l’achever » (Mosès 1982, p. 136). En tant qu’elle est rapport de l’homme au monde, « prise de possession » de la terre par l’humanité, l’histoire universelle telle que nous la présente Rosenzweig au tout début de « Globus » pourrait donc être envisagée comme un mode de Rédemption, c’est-à-dire d’action humaine sur le monde en vue de son achèvement.»
«...l’histoire a un commencement – le tracé de la première frontière –, elle a aussi une fin : cette fin, c’est l’unification ultime, celle du nous unanime en lieu et place du je, du tu, et du il.»
125-126 «...l’histoire a un « sens ». Elle n’est pas le jeu indéfini des frontières, elle vise sa propre fin : disparition des frontières, unification du monde et de l’humanité. Et là encore, le parallèle est étroit avec ce que Rosenzweig développe dans L’Étoile, notamment dans les trois livres de la deuxième partie.»
Les "je" et "tu" seraient créateur de l'Histoire, à quel moment ceci aurait commencé ?
126-127 «La courbe de l’histoire qui se dessine ici fait donc écho à ce que décrit Rosenzweig dans la deuxième partie de L’Étoile. On peut saisir la marche de l’histoire universelle, telle que Rosenzweig nous la présente dans l’introduction de « Globus », sous les catégories de Création, Révélation et Rédemption telles que Rosenzweig les mobilise dans L’Étoile :
– Création comme passé immémorial, avant de l’histoire, monde sans frontières et sans empreinte humaine, unité première du « ça indifférencié » auquel le temps linéaire, la frontière, la séparation, ne sont pas encore advenus, « première unité » qui remonte « au plus ancien souvenir de l’humanité » (Rosenzweig 2003a, p. 38).
– Révélation comme irruption d’un je et d’un tu, séparation, frontière, marche linéaire de l’histoire comme jeu du mien, du tien et du sien.
– Rédemption comme horizon d’un au-delà de l’histoire, monde à nouveau sans frontières, unité dernière, nous unanime
Comment imaginer la Rédemption alors que l’on ne sait pas comment s’est passé la Création ? Où s’arrête la frontière entre l’animalité et l’humanité ? Les « je » et « tu » empêcheraient-il un monde sans frontière ?
127 «...par cette référence au « pressentiment des prophètes », la question de l’histoire universelle se trouve explicitement posée en termes théologico-politiques. Qu’en est-il alors ? Comment le « pressentiment des prophètes » peut-il s’allier à « la réalité de l’Empire », alors que les deux semblent s’exclure absolument l’un l’autre ?» histoire suite
128-129 «À une Rédemption appréhendée, par les prophètes, sur le mode du pressentiment – c’est-à-dire, pour reprendre les catégories de L’Étoile, de l’anticipation et de la promesse – s’oppose la réalité de l’Empire : forçant le Royaume, pour reprendre une expression que Rosenzweig emploie à plusieurs reprises dans L’Étoile (Rosenzweig 2003b, p. 371-415), la politique est, en effet, nécessairement violente dans sa tentative d’atteindre, par le biais de l’État, une forme d’éternité, d’immobilisation de l’instant. L’État représente en effet, pour Rosenzweig, « la tentative, nécessairement toujours à reprendre, de conférer aux peuples une éternité dans le temps » (Rosenzweig 2003b, p. 463) : l’État tente de maîtriser le temps historique de l’intérieur, par opposition au judaïsme qui crée un temps parallèle, non historique. Pour saisir l’idée suivant laquelle l’État cherche à arrêter l’écoulement linéaire du temps, Rosenzweig filera, tout au long de la troisième partie de L’Étoile, la métaphore du fleuve : « les peuples du monde sont en soi sans cycle ; leur vie roule dans le vaste fleuve qui descend la vallée. Si une éternité doit lui advenir grâce à l’État, il faut arrêter le fleuve, il faut l’endiguer pour en faire un lac » (Rosenzweig 2003b, p. 463). L’État s’efforce d’immobiliser l’instant présent, qui s’écoule sans cesse, et il le fait en projetant un ordre durable sur la réalité mouvante du peuple : cet ordre s’exprime dans le droit.»
Les riches par l'État essaie de péréniser le temps présent mais ils ont besoin du "demain" pour accroître leur richesse.
129 «On retrouve là l’idée, que nous évoquions à l’occasion de la référence à Rousseau, qu’il n’y a pas de fondation ultime du droit, l’idée suivant laquelle tout droit repose, en dernière instance, sur une forme de violence.»
Danielle Cohen-Levinas
L’éclat de l’extériorité  Notes sur la critique de la Totalité chez Franz Rosenzweig et Emmanuel Levinas
et Platon
Orietta Ombrosi
Sonia Goldblum
Oswald Spengler et le refus de la Révélation  Rosenzweig lecteur du Déclin de l’Occident
169 «Pour introduire à la réception rosenzweigienne du Déclin de l’Occident d’Oswald Spengler [si je lis bien c'est un fasciste (mais pas un nazi)] ,citons une lettre adressée à Rudolf Ehrenberg (5.5.1919) dans laquelle Rosenzweig rend compte avec précision d’un certain nombre d’aspects importants de sa lecture de cet ouvrage :
«Je suis dominé par l’impression que me procure "Le Déclin de l’Occident" de Spengler qu’Eugen a critiqué dans un brillant article. C’est sans doute l’impression la plus forte que j’ai ressentie depuis L’Étoile, et en toute objectivité, probablement le plus grand essai de philosophie de l’histoire qui soit paru depuis Hegel.»
Cette citation montre par la comparaison avec Hegel l’importance que Rosenzweig attribue au livre de Spengler, mais aussi l’admiration qu’il porte à la critique de ce dernier par Eugen Rosenstock. Rosenzweig évoque également la relation qu’il voit entre "Le Déclin de l’Occident" et "L’Étoile de la Rédemption". Ce passage résume en quelque sorte l’objet de cet article qui est de déterminer la nature de l’intérêt que Rosenzweig porte à l’ouvrage de Spengler en attirant particulièrement l’attention sur le parallèle que fait Rosenzweig entre ce livre et le sien propre et sur le rôle d’Eugen Rosenstock dans le développement de cet intérêt.»
171 «Il importe d’abord de rappeler quelques unes des thèses centrales de la première partie du Déclin de l’Occident. Spengler réfute l’idée de progrès, car elle repose sur le principe de causalité qu’il considère comme inopérant, et développe une vision cyclique de l’histoire dirigée contre l’héritage hégélien. Sa conception est en partie héritée de Herder et de l’historicisme allemand dont il reprend l’idée de la relativité historique en la radicalisant ...»
172-173 «... un imperium germanicum (Merlio 1994, p. 123), qui constituerait à la fois l’accomplissement de la civilisation occidentale et le moment de son effondrement, qui semble préfigurer l’impérialisme national-socialiste. Comme l’écrit Gilbert Merlio : « On voit le tournant pris par Spengler, un tournant qui, brusquement, fait du bréviaire du pessimisme européen une bible du pangermanisme » (1992, p. 198). Merlio souligne également que le « pessimisme culturel » de Spengler est compensé par « l’optimisme du nationalisme »»
178«Faisant une sorte de bilan de sa lecture du Déclin de l’Occident, il écrit : « Il en est avant tout ressorti que je vais quand même publier L’Étoile. Je dois cela à Spengler. Maintenant je ressens soudainement que c’est un livre de son temps ». Cette citation tirée de la lettre du 6 mai 1919 nous donne un certain nombre de clefs pour comprendre ce qui fait que, sur une courte période de temps, Spengler semble prendre tant d’importance dans la vie intellectuelle de Rosenzweig. Les « Gritli »-Briefe rendent très bien compte de la méfiance que Rosenzweig éprouve à l’idée de publier L’Étoile de son vivant, qui irait à l’encontre de sa conception d’une pensée vivante, vécue dans le dialogue. À ce sujet il écrit à Eugen Rosenstock dans la lettre du 24 juillet 1918 : « les écrits sont pour la postérité », pour le temps où l’on ne sera soi-même plus là pour se parler. On est en droit de penser que l’expérience que fait Rosenzweig lors de la rédaction de L’Étoile et dont il rend abondamment compte, suffit à expliquer qu’il ait changé d’avis sur la question de sa publication, car Rosenzweig a conscience d’avoir écrit quelque chose d’important. Néanmoins, il n’est sans doute pas négligeable de prendre en compte l’interprétation qu’il livre ici : ce serait en lisant Spengler qu’il aurait décidé de publier L’Étoile et ce pour une raison bien particulière. Il s’agirait d’un livre bien de son temps, d’un livre qui témoigne de son époque.»
Dimitri Sandler
Martin Brasser
Das Mystische im Konzept der Methode des Philosophierens bei Rosenzweig und Heidegger 

Gérard Bensussan, Ambivalences du mystique dans le judaïsme, Franz Rosenzweig
1 déc. 2019 Journée de conférences dédiée à la philosophie, la religion et les mystères, à la médiathèque (PMC) de Colmar.

Une conférence claire mais quelques mots "techniques".
Introduction : 1'23 Par Pierre Hadot deux sens du mot mystique par Plotin et les néoplatoniciens ... le 1er renvoie à la contemplation, le 2e renvoie à ce qui est caché nécessitant un enseignement.
Bannir ce mot source de confusion et d'obscurité.
3'23 La kabbale est la mystique juive (spécialiste Gershom Scholem), Charles Mopsik opposé à Scholem sur la mystique juive. Il préfère la mystagogie (initiation aux mystères) pour parler de la kabbale, qui renvoie à une sagesse qui n’est pas que spéculative mais à une mystique théurgique (theourgía (« œuvre divine ») .Qui produit des effets sur le divin lui-même, qui transformerait du dedans la relation à Dieu.
Ne pas bannir le mot « mystique » mais le limiter à certains contextes.
6’39 Sens du « mystique » dans l’Étoile … ?
7’14 Antisystème pour une anti-philosophie, matrice qui structure ce système (un structuralisme existentiel – deux mots qui ne vont pas ensemble)
8’27 le 1er livre (1ère partie) est un livre de philosophie ou plutôt de méta-philosophie ou d’anti-philosophie. Une destruction de la métaphysique de la totalité (tradition occidentale), rapportée à de l’indestructible (proche de Dérida)
9’30 Cet indestructible est du pré-philosophique. Ce sont les éléments Dieu, le Monde et l’Homme. Ce ne sont pas des concepts, pas des objets rationnels, ce qui impliquerait une théologie, une cosmologie et une anthropologie. Cet élémental est comme une trame, un tissus facticiel d’existence, une réalité effective extérieure en train de se faire (virtichkei - virtuel [?]).
10'40 Celui-ci est irréductible. Dieu, Monde Homme ne sont plus des concepts, plus d'athéisme, plus de monde nié, plus de mort de l'homme [?] Mais comme facticités expérientielles ils se maintiennent au delà de toute destruction
12'13 Comment s'expériencent-ils ? Dans une existence, dans une relation, dans une dynamique,
Ces flux ils les nomment création, révélation et rédemption. Comme pour Dieu, Monde et Homme, il leur fait subir des distorsions.
13’08 Ainsi se constitue une matrice qui porte toute l’architecture de l’Étoile ...
La création nomme une relation Dieu-Monde..
La révélation nomme une relation Dieu-Homme.
La rédemption nomme une relation Homme-Monde.
Ces relations sont fluctuantes et structurante. Elles sont des temporalités singulières.
14’10 Pour ces trois relations s’explicitent par un certain type d’organons (instruments appropriés à ces relations).
14’34 L’organon est pour la création la mathématique, la parole convient à la relation, les rites-liturgie … c’est la grammaire de la rédemption. L’homme construit dans le silence collectif, construit un certain type d’actif au monde.
15’35 Quelle place dans cette structure très générale occupe la mystique ?
Deux mises en scène dans l’Étoile … (deux figurations) qui correspondent aux deux déterminations de Pierre Hadot, d’abord rencontre avec le mystique (c’est une figure presque un personnage (l’Étoile sorte d’épopée romanesque et avec d’autres personnages : le héro tragique, le Saint, etc.)).
Dans chaque relation un tiers s’absente , exemple dans la Création l’Homme, dans la Révélation le Monde(la Révélation c’est Dieu-Homme), dans la Rédemption c’est Dieu qui s’éclipse.
17’34 Le mystique (ou la mystique) ne prend place que dans une seule relation Dieu-Homme [donc la Révélation].
18’ 7 L’Étoile est un livre des structures et aussi des passages entre ces structures.
18’28 Le passage dans la Création (Dieu-Monde (18’48 pré-monde)) à la Révélation (Dieu-Homme) s’effectue par la parole (ou le devenir sonore des concepts).
Une étoile ou deux triangles inversés

         Dieu / Monde / Homme une trame et non des concepts

Passages par
           Structures                 Relations         / L’outil (l’organon, la grammaire) / exemples utilisés
    VVV               Dieu ←→ Monde        (Création)        /La mathématique                        / La génèse
- La parole      <
                           Dieu ←→ Homme       (Révélation)      /La parole                                    / Le cantique des cantiques
- __________ <
                           Homme ←→ Monde   (Rédemption)    /Les rituels, la litturgie                 / Les psaumes
- __________ <
                            Dieu ←→ Monde ……..
La ou le mystique seulement présent dans la relation Dieu / Homme
19’04 (Un concept n’a pas besoin de parler. L’idéal philosophique, la mathesis universalis, [ce que l'homme connaît d'avance et qu'il porte déjà en lui-même] une langue qui ne passerait pas par une langue vivante.)
19’20 Ce passage de la création à la Révélation se fait par un devenir sonore ; une pensée parlante opposée à une philosophie traditionnelle.
19’55 ce passage s’accomplit à travers l’Amour, par une parole instante, une sorte de performative temporalisante, qui n’est pas un commandement.
20’12 Pour les philosophes, Kant, Hegel …, on ne commande pas à l’amour, c’est vrai en soi mais c’est faux quant aux prémisses. Dans les dix commandements il y a une intensité tragique qui s’est perdue dans les traductions.
En hébreu on ne dit pas « tu ne tueras point », on dit «tu ne tues pas». Il s’adresse au tueur lui-même, fonction d’arrêter le bras du tueur par une parole.
21’37 « Tu aimeras ton prochain, Dieu, etc »pas au sens critiqué par les philosophes, au sen « aime moi » comme une injonction d’amour.
22’03 Rosenzweig appelle « l’articulation éthico-langagière de l’humain » s’expose dans cette grammaire de la Révélation, une tension …
22’44 par où le héro-tragique, celui de la tragédie grecque, le Soi, figure de l’enfermement, du repli, emmuré en soi, au fond il ne parle pas.
23’19 Pendant le passage de la Création à la Révélation le Soi par la parole se transforme en « âme aimée ». Par le jaillissement de l’amour que la parole advient à elle-même. Le Héro-tragique par la parole se transforme en âme aimée.
23’51 Le mystique se tient dans ce rugissement de la parole et de l’amour, dans la relation à Dieu. Il goutte pleinement ce duo avec dieu.
L’ambition de l’Étoile … est de décrire les différents modes sous lesquels se produit une grande circulation Dieu-Monde-Homme, sous toutes ses figures tendues vers une « venue ». Ça passe par l’attente, l’espérance, le déjà là, ce que l’on retrouve chez Benjamin ou Ernst Bloch.
25’16 Le mystique qui s’auto-réduit à un statut d’objet d’amour divin. Comme il se tient dans ce duo il bloque cette circulation Dieu-Monde-homme. Il bloque le duo homme-Dieu et le prive de son externalisation, de son essentialisation. Il se prive d’avenir.
26’41 Le mystique constitue donc une menace par l’oubli du Monde.. Le Monde est un fond disponible façon Heidegger.
28’35 Le risque de l’oubli du Monde, c’est l’oubli des hommes. Le Monde est achevé et disponible.
30’00 Un Topos central, une théologoumène centrale [concept théologique dépourvu d'une autorité doctrinale absolue ], du judaïsme est ce point du monde inachevé, le monde est créé comme inachevé.
D’ailleurs la Rédemption Homme-Monde (Dieu est absent) se tient dans cet achèvement de l’inchangeable (formule proche de celles de benjamin, Bloch, Levinas).
Le mystique ou la mystique laisserait le Monde en souffrance de son achèvement et constituerait un rapport foncièrement immoral au Monde.
Donc condamnation du ou de la mystique par Rosenzweig.
31’30 Il y a deux figures de la mystique, c’était la première qui se tient au premier tiers de l’Étoile…
31’44 La deuxième figure se rapporte aux toutes dernières pages de l’Étoile… Pages énigmatiques ont une résonance mystique au deuxième sens de Hadot (ouverture sur un mystère). Rosenzweig quand il évoque une expérience mystique, il n’en utilise pas le mot.
La question de la vérité traverse toute l’œuvre, une théorie anti-idéaliste du vrai.
33’57 Toute une pensée chez Rosenzweig du rapport entre le vrai et le réel.
34’23 C’est le réel qui maintient le vrai.
35’06 C’est le vrai qui prouve le réel.
35’34 Il n’y a de vérité que dans le partage de la vérité, sinon elle n’est m^me pas vrai.
36’03 Le livre commence et se clôt avec la question de la vérité.
36’18 Partagée avec Dieu, au moins en Dieu, la vérité se tient dans une vision du visage de Dieu (anthropomorphisme, idolâtrie, paganisme, une abomination pour la tradition juive).
37’15 c’est une vision de l’invisible, là est la dimension mystique au sens évanescent.
37’30 dans cette contemplation de la vérité qui se tient au-delà de l’étoile. Il fait une analogie de l’étoile à six branches avec le visage. Il dit c’est une image.
38’28 Les images ne sont pas des chimères. S’il y un rapport mystique c’est via une image.
38’54 On trouve dans ces pages finales ce thème de la mort de Moïse (à la fin du Deutéronome), « sur ordre de Dieu » peut-être traduit par « dans le baiser de Dieu ».
40’02 Rosenzweig convoque ce verset dans la vision de la Vérité, du visage, etc.
40’25 L’Étoile… est une structure extra-ordinairement sophistiquée, cristalline, où un terme en renvoie à un autre .. provoque des schémas pour circuler.
41’27 Les premières pages revient aux champs de bataille, à l’angoisse de la mort, une sorte de terreur existentielle, de mort à Soi.
41’44 L’Étoile… se clôt par cette vision de contemplation de la face … la mort de Moïse.
41’52 L’Étoile… commence par « La mort » et les derniers mots « à la vie ».
Elle serait bornée par ces deux expériences limites : la mort et la vérité, la terreur et la vision, le repli infernal sur Soi angoissé et l’élargissement de tous les sens dans un « voir vrai ».

Conférence de Gérard Bensussan Institut Universitaire Européen Rachi
Lundi 13 décembre 2010 à 20h
«Résumé : La pensée de Rosenzweig procède d’un refus de l’universalité du logos et de la patience du concept. Ce refus n’est pas un parti pris. Il prend son élan depuis une attention vive à l’expérience humaine dans ce qu’elle a de plus singulier et de plus commun, la rencontre, l’autre, l’échange dans la parole, le temps vécu. Dans le chemin de vie et de pensée de Rosenzweig, le retour au judaïsme tient une place décisive car il y signifie pratiquement l’instance d’un retournement de la métaphysique. C’est de cet entrelacs qu’il sera question dans cette conférence qui présentera les grands thèmes de la pensée de Rosenzweig.»
2’01 Trois entrées dans l’Étoile … :
- Critique, refus, d’une certaine tradition dominatrice de la philosophie
- La redécouverte du « religieux » de Rosenzweig « Dieu a créé l’homme et le monde, pas la religion »
- Le judaïsme
6’45 (La philosophie1er livre de l’Étoile …) la philosophie est consolatrice.
8’37 Dérida > la dialectique de Hegel est amortissement de la mort.
8’58 La philosophie comment fait-elle ? Deux idées : l’idée d’universalité et idée de totalité.
11’28 La philosophie de Hegel et son sens de l’Histoire donc les morts individuels prennentsens dans un processus qui les dépassent.
13’02 Des collègues pensaient qu’il y avait deux Rosenzweig, un spécialiste remarquable, très grand chercheur, de Hegel et un autre qui avait écrit un livre complètement extravagant « Étoile ... »
13’50 Une véritable bifurcation par son renoncement à sa conversion au christianisme et [une remise en question de la philosophie]
18’37 La belle « totalité » qui donne du sens sens à l’existence, à la mort, à la vie, etc ; une fois brisée en trois éléments Dieu – Monde – Homme. Il y a une inversion de la question du sens. Par exemple ce n’est pas le monde qui est logique, c’est la logique qui est un ingrédient du monde, détruisant la position hégélienne. Ce n’est pas la logique qui peut expliquer le monde mais le monde qui expliquer la logique.
Même opération pour l’élément Homme et l’élément Dieu.
Ramener Monde et Homme à des figures d’expérience immédiate.
20’34 Dieu est une expérience de la transcendance partagée par tous les hommes, qui est de l’ordre du partage de toute l’humanité
21’21 Alors que le système hégélien est à une certaine culture , à une histoire de la métaphysique occidentale.
21’32 La réalité est brisée et réduite à ces trois éléments
21’50 Alors comment penser ces trois éléments ?
22’20 Le premier mode est le mode grec. Dans le monde grec les éléments coexistent par la philosophie, par l’art et âr la tragédie (pages remarquées par Benjamin), les éléments sont séparés.
23’58 Dans l’Étoile … une théorie très profonde du paganisme. Il n’est pas dépassé, il est perpétuel.
24’44 Le deuxième mode de coexistence des éléments c’est celui de la tradition biblique avec des reliaisons entre les éléments : la création, la révélation et la rédemption.
25’40 Ce qui est fondamental dans cette reliaison c’est la parole.
2’30 Pour signifier la création il emprunte un passage de la genèse, pour la révélation un du cantique des cantiques et la rédemption un des psaumes. Il prend un paradigme grammatical, il parle des grammaires de la révélation.
27’20 Les héros grecs ou les protagonistes autour d’Abraham ne s'adressent pas la parole.
28’39 Dans l’histoire d’Abel et Caïn il y a quelque chose qui est proprement tragique.
28’47 Il faut donc une subjectivité humaine,un « je » humain qui répond au « je » divin.
29’12 Où donc y a-t-il un « tu » pour mon propre « je » ?
C’est dans ce jeux des « je » qu’une subjectivité ce fait jour et (?)
29’31 La parole insonore ou sonore. La parole universelle insonore des concepts, de la parole scientifique ...
34’11 La deuxième entrée est le religieux. La Révélation … relation entre les trois éléments.
Révélation du présent, d’un passé mais aussi un futur redimé [racheté, délivré]
37’50 Centralité de la Révélation, c’est la question de l’amour (le cantique des cantiques).
Le « aime moi » biblique vu par Kant est hétéronome, il ne peut être imposé.
Le « aime moi » pour Rosenzweig est en direction d’un amour déjà existant.
51’00 les juifs de Chagal volent au dessus de l’Histoire.
52’30 Hegel - « faire son temps » - incompréhension de l’éternité.
Ensuite ex-historicité du peuple juif pour Rosenzweig. L’assimilation ou l’idée d’un État juif est une volonté d’entrer dans l’historicité.

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