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Les bagnes Roman "Jetés aux ténèbres" de Sandrine Berthet DES MILITANTS ANARCHISTES AU BAGNE DE GUYANE DES VAGUES DE DÉPORTATION «Les
condamnations au bagne s’inscrivirent dans des vagues successives
correspondant à des épisodes précis de l’histoire du mouvement social.
Le coup d’État du 2 décembre 1851, moment décisif dans la création du
bagne guyanais, suscita également le contingent de déportés le plus
important, parmi lesquels figurèrent des personnages influents, à
l’instar de Théodore Tassilier, tout comme des figures moinsconnues telles que Jean Moréliéras. Les
agitations de 1855, liées aux sociétés secrètes et à la Marianne furent
également à l’origine de nombreuses déportations. C’est ainsi que
Jean-Marie Secrétain, chef politique de la Marianne dans la région
d’Angers, fut condamné à la transportation en Guyane suite à l’émeute
de la nuit du 26 au 27 août 1855. Quelques
communards furent également déportés bien qu’alors la majorité des
condamnés soit dirigée vers la Nouvelle-Calédonie. Les rares femmes
recensées par le Maitron et passées par la Guyane avaient toutes le
point commun d’avoir participé à la Commune. D’abord condamnées à mort,
elles furent finalement graciées et envoyées aux travaux forcés.
Joséphine Marchais, prise les armes à la main lors de l’insurrection,
connut ce sort et embarqua pour la Guyane d’où elle ne revint jamais. En
1894, au plus fort des « lois scélérates », de nombreux anarchistes
furent transportés. Théodule Meunier fut ainsi emprisonné et condamné
le 26 juillet 1894 aux travaux forcés à perpétuité, échappant de peu à
la peine de mort. Il mourut au bagne en 1907, après deux tentatives
d’évasion ratées. LES ANNÉES DE BAGNE Les
conditions de vie particulièrement rudes, les brimades et les
châtiments poussèrent de nombreux prisonniers à multiplier les actes de
désobéissance. En 1894, les forçats anarchistes isolés sur l’Île Saint
Joseph provoquèrent une révolte suite au meurtre de François Briens par
un surveillant. Plusieurs d’entre eux furent tués dans la répression,
dont Charles Simon, Léon Léauthier ou Henri Meyrueis. Ce soulèvement
collectif montre les liens de soutien et de solidarité qui avaient pu
se créer parmi les anarchistes déportés. Nombreux
furent les forçats qui prirent la plume pour dénoncer ces conditions.
Parmi les plus connus, Auguste Courtois (dit Liard-Courtois) qui publia
ses Souvenirs du bagne en 1903 ; Eugène Dieudonné, condamné en 1913
avec la bande à Bonnot qui publia trois ans après sa libération La vie
des forçats ; et Paul Roussenq, dit « l’Inco », surnom gagné au
pénitencier guyanais pour ses innombrables indisciplines, qui publia
L’enfer du bagne en 1927 et Vingt-cinq ans de bagne en 1934. Le
bagne colonial, conçu comme une terre de relégation purgeant la société
française de ses éléments perturbateurs, pouvait mettre à l’épreuve les
idéaux des condamnés politiques. Certains d’entre eux semblèrent
oublier leurs précédentes utopies. C’est notamment le cas de Léon Ortiz
qui se détacha du cercle anarchiste afin d’obtenir des traitements de
faveur de la part de l’administration pénitentiaire. À l’inverse
d’Ortiz, Jean-Baptiste Girier conserva ses idéaux et les réaffirma en
émettant le souhait de rester en Guyane pour y créer une société
nouvelle. QUITTER LE BAGNE, RETROUVER LA MÉTROPOLE Au
regard de ces conditions de vie, la quête de liberté devenait un espoir
nécessaire pour certains forçats. Les tentatives d’évasion furent
souvent soldées d’échecs, comme ce fut le cas pour Félix Bour qui,
après avoir tenté la « Belle » à trois reprises, finit par mourir fou
dans les cachots du bagne. D’autres, comme Dominique Gourieux qui
s’évada en 1852 en compagnie de Claude Chambonnière et Antoine Quesne
avant de se réfugier aux États-Unis, connurent des fins plus heureuses. Les
lois d’amnistie passées après certains épisodes de répression du
mouvement social permirent à de nombreux forçats de rentrer en France.
Ainsi Jean-Pierre Vivant put retrouver la métropole en 1859 après avoir
été condamné en 1855 suite à l’épisode de la Marianne. Paolo Tibaldi,
condamné en 1857 pour complot, fut quant à lui amnistié en 1869. Certains
bagnards purent aussi compter sur des mouvements de soutien public se
mettant en branle en France et cela particulièrement lorsque leur
condamnation était remise en question. Ces soutiens leur permirent
d’affirmer leur innocence et de demander leur libération : Louis Vial
reçut ainsi le secours de l’ensemble des syndicats lyonnais ainsi que
celui d’Eugène Dieudonné, lui-même déjà libéré grâce aux campagnes
d’Albert Londres. La
libération et le retour en France étaient souvent synonymes de reprise
d’une vie normale. Jean-Baptiste Foret, condamné en 1893 et gracié en
1901, retrouva ainsi du travail dans un café de Reims. D’autres
continuèrent néanmoins le combat, comme Charles Delescluze, transporté
à Cayenne en 1858 et qui mourut sur les barricades le 25 mai 1871. TÉMOIGNAGES DE BAGNARDS :
Parmi
les témoignages les plus récents, on pourra en particulier se référer à
celui de Jean-Baptiste Dunaud, paru sous le titre Des barricades à
l’Île du Diable. Journal de Jean-Baptiste Dunaud, révolutionnaire de
1848 dans une édition établie par Véronique Fau-Vincenti. D’autres
témoignages, plus anciens, ont été publiés antérieurement :
• Auguste Liard-Courtois, Souvenirs du bagne, Paris, 1903 (rééd., Toulouse, 2005).
•
Eugène Dieudonné, La Vie des Forçats, Paris, 1930, 256 p., Bibl. Nat.
8° Z 22008 (II, 22). Réédité en novembre 2007 par les Editions
Libertalia accompagné d’une préface de Jean-Marc Rouillan.
• Paul Roussenq, Ving-cinq ans de bagne, Editions La Défense, Paris, 1934.
• Paul Roussenq, L’enfer du bagne, éditions Pucheu, Vichy, 1957 réédité par les Editions Libertalia en 2009»
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