Sortir de l'histoire officielle

    


Nestor Makhno et la Makhnovchtchina


Makhno Une épopée par Malcolm Menzies

La makhnovchtchina 1918 à 1921
par Archinov

Nostor Makhno, le cosaque libertaire, 1888-1934
par Alexandre Skirda

Nestor Makhno Textes (1925-1932)
http://kropot.free.fr/Makhno-causetravail.htm

Des articles :
La grande relève - La Makhnovtchina

- "Les soviets trahis par les bolcheviks" de Rudolf Roker NESTOR MAKHNO ET LES BOLCHEVIKS...
- Éric Aunoble : « Makhno était l’un des milliers de dirigeants d’insurrections locale »
- Makhno en visite au Kremlin : entretien avec Lénine (juin 1918)

Film documentaire : Hélène Châtelain «Nestor Makhno, un paysan d’Ukraine» Arte, 58 minutes, 1996.
Complet ici https://www.youtube.com/watchyoslMHaF20zahGQKFVrVksOJ1st4#dialog
Entretien avec Hélène Chatelain pour son film documentaire Nestor Makhno, paysan d’Ukraine

En pdf sur unprolospecule Entretien avec Hélène Chatelain

Beaucoup de combattants sincères et dévoués à la cause du socialisme libertaire en Ukraine oubliés, morts au combat ou victimes de la répression bolcheviks. Ils en existent quelques traces comme pour Maria Nikiforova.

Joseph Kessel «En 1926, il publie un roman intitulé Makhno et sa juive où il décrit le leader anarchiste ukrainien Nestor Makhno en tyran assoiffé de sang touché par la beauté d'une jeune juive. Il provoque une vive réaction dans les milieux anarchistes et des réponses de Makhno lui-même, en exil à Paris. La crédibilité du récit de Kessel, qu'il affirme basé sur le témoignage d'un officier blanc, est aujourd'hui considérée comme nulle.» voir aussi plus bas

Makhno Une épopée par Malcolm Menzies

https://www.lechappee.org/makhno
4ème de couverture «Nestor Makhno, protagoniste légendaire et damné de la guerre civile qui suit la révolution russe de 1917, déclenche un mouvement insurrectionnel autonome en organisant des paysans d’Ukraine qui brandissent bien haut le drapeau noir de l’anarchie. La « Makhnovchtchina » comptera jusqu’à 25 000 partisans et la fulgurance de son action n’aura d’égal que son courage à livrer bataille : contre les armées blanches, contre les nationalistes ukrainiens et finalement contre l’Armée rouge. C’est cette épopée grandiose qui nous est racontée ici.
Mais ce livre est aussi l’évocation d’un destin hors du commun, aussi tragique que celui du mouvement auquel il a donné son nom. Celui d’un homme, fils de paysans plongé au cœur de l’un des plus grands bouleversements de l’histoire, obligé de s’exiler loin des steppes qu’il a parcourues avec tant d’ardeur, et qui, après avoir erré de prison en prison dans divers pays, devint ouvrier chez Renault et mourut dans une extrême pauvreté. Voici l’un des épisodes les plus glorieux, et pourtant méconnu, de la mémoire des vaincus.»


Quelques liens vers des articles et leur sauvegarde en pdf :
http://acontretemps.org/ et  passé-présent d’une légende avec un homme parmi les hommes
http://www.acratie.eu et tribulations d’un héros révolutionnaire
https://www.laretive.info et Bibliographie Makhnovtchina

Pagination de l'édition Belfond
Page  15 «Au moment où devait débuter la révolution, en 1917, il y avait 83% d'analphabètes en Ukkraine. La misère le talonna dès la naissance et son héritage fut ce sens moujik de la caste, fruit de siècles de répression paysanne et de stagnation sociale des campagnes. Et pourtant, quelque chose dans son essor ultérieur s'explique sans doute par la limitation de son intelligence, l'étroitesse de ses vues [!], et sa façon simpliste de formuler la question sociale sous sa forme la plus élémentaire : propriétaire et paysan, privilège et misère, autorité et révolte. Il devait déchaîner et diriger l'insurrection paysanne, la révolte contre cet état de sujétion séculaire.»
«...appauvrissement des nobles et des paysans (le revenu de 115 millions de russes provenaient exclusivement de l'agriculture) ...»
16 «En 1902, la jacquerie éclatait dans les provinces de Khakov et de la Poltava. [Le concept d’une révolution paysanne unique de 1902 à 1922 (étonnant qu'il ne parle pas de Makhno)] Le projet des autorités de transformer la paysannerie, après émancipation des serfs, en classe économique stable, donc politiquement conservatrice, en la liant aux biens communaux, avait échoué. ... La paysannerie se voyait ... dans l'obligation d'acheter ou de louer des terres appartenant à l'église, à la famille impériale ou à la noblesse, et par conséquent, de s'endetter encore d'avantage.»
19 «Les anarchistes n'avaient jamais pris des mesures effectives d'organisation, jamais établi à l'échelle nationale une corrélation des forces qui aurait pu leur assurer un rôle majeur dans l'action décisive de 1917. ... Les anarchistes furent incapables de mettre à profit cet instant de pause de l'Histoire.»
20 «Les anarchistes russes étaient divisés en deux groupes distincts, virtuellement incompatibles, les anarchistes-communistes, d'une part, aux tendances terroristes le plus souvent, et les anarcho-syndicalistes, de l'autre.»
21 «...les anarcho-syndicalistes, eux, considéraient que la main-d'œuvre organisée constituait un moteur puissant de révolte. Ils tiraient leurs idées et leurs inspirations principalement de l'exemple du syndicalisme révolutionnaire tel qu'il avait évolué en France dans les années 90 et de l'expérience de la Confédération générale du travail (C.G.T.).» 1890. Elle a bien changé et bien loin des anarchistes, les ayant virés ou étant partis dans les années 1930.
33 «... la fameuse prison Boutyrki, à Moscou ... là qu'un si grand nombre de libéraux et de révolutionnaires russes étaient morts depuis deux siècles.»
34 «... Piotr Andreïevitch Archinov, le futur historien du mouvement makhnoviste ... la seule influence  ... sur l'homme qui l'inspira.»
36 «L'anarchie agissait sur Makhno avec l'intensité révélatrice d'une religion plutôt qu'à la manière d'une idéologie sociale. Il y découvrait des idées maîtresses souvent nébuleuses - la liberté, la destruction de l'état existant de la société et des classes, le partage de la propriété industrielle et agricole, la dignité humaine - et il restait indifférent aux détails et nuances. Son sens paysan, exacerbé, de l'indépendance, reconnaissait dans ces « contours » sa façon de penser. Il réduisait les vagues idées sociologiques qu'il avait accumulées à une logique élémentaire implacable, à des maximes d'action, les appliquait exclusivement au monde de son expérience limitée : Gouliaï-Polie, et à la classe qui était la sienne : paysannerie pauvre ; l'anarchie la conduirait de sa misère à des conditions de vie plus larges et lumineuses. C’est dans ce primat de l'intuition sur la raison que résident et sa force et sa faiblesse. Il embrassait non des théories mais une vision. Une vision essentiellement destructrice, apocalyptique.»
38 «L'Histoire, à laquelle il devait participer, lui donnerait raison : «J'ai vécu en 1912 la crise intime définitive. A son issue, je n'éprouvais plus le même respect pour les soi-disant «hommes politiques éminents» ni pour leurs opinions. J'en arrivais à cette conclusion que, dans tous les problèmes vitaux et concrets, ces hommes n'étaient que des enfants comme moi-même.»»
«De tous les révolutionnaires éminents ayant survécu à cette époque, seul Tseretelli, le menchevik, avait enduré autant de souffrances physiques et morales que Makhno.»
41 «Il n'était plus un être humain ayant une dignité humaine, mais un objet. Alors que dans le noir du cachot, il étendait la main pour toucher le mur, ce n'était que le contact de deux objets dans un univers de folie. Au cours de ses campagnes militaires, que pouvaient être ceux qu'il tua ou fit tuer, sinon les objets terrifiants qui, autrefois, avaient hanté ses rêves ? Si un des trais les plus profonds de sa nature était sa réaction immédiate à la chaleur humaine, il possédait, néanmoins, cette capacité d'envisager la mort, la sienne ou celle de l'ennemi, avec indifférence la plus complète, et la volonté froide, intransigeante, de régler ses comptes sans pitié, sans merci.»
92 «Karle [?], Münzer, Stenka Razine, Pougatchev, tous ils avaient échoué. Makhno lui aussi, il allait échouer. Mais non sans avoir fait que la jacquerie, sous sa direction, fût devenue révolution.»
114 «De novembre 1918 à juin 1919, les paysans de la « région libre » vécurent libérés, en effet, de la soumission à toute autorité politique quelconque. Ils mirent à profit cette pause pour prendre les premières dispositions visant à créer une société d'inspiration libertaire. Peu de ces paysans étaient des anarchistes déclarés mais, tous ils étaient opposés à toute autorité extérieure en raison non de théories, mais d'une amère expérience. Ils étaient accoutumés depuis des générations à un mode de vie communautaire et ils étaient instinctivement attirés par une organisation sociale à base communale égalitaire, et libertaire. En janvier, février et avril 1919, se tinrent une série de congrès régionaux de paysans, ouvriers et insurgés, qui devaient étudier des questions économiques et militaires et superviser la tâche de la reconstruction.»
160 «La guerre civile en Ukraine, cette lutte fratricide, fut comme un rêve hideux dans lequel toute tendresse, toute pitié et toute merci paraissent avoir fui la terre, à tout Jamais.
Makhno avait les appétits, les haines, les sentiments irrationnels et les passions du pauvre paysan de son pays. Émotif et féroce, soudain sorti d'une servitude immémoriale et d'une exploitation qui ne l'était pas moins, comment le paysan aurait-il pu maîtriser, moralement du moins, sa liberté nouvelle ? C'était la liberté de créer, mais aussi la liberté de tuer. Derrière lui s'étendait l'atavisme de la brutalité cosaque, qui avait constitué une partie douloureusement essentielle de sa vie. Makhno avait transformé une jacquerie en révolution mais dans la makhnovitchina il restait nécessairement quelque chose de la jacquerie, instinctive, sauvage, chaotique.
Une classe transforme ses destinées en violant les règles d'existence qui lui ont été imposées depuis si longtemps. Et quand cela se produit, un élément de vengeance, de talion pour la misère et la dégradation passées doit nécessairement intervenir et jouer son rôle dans les préoccupations les plus immédiates. La violence devait permettre à la paysannerie pauvre du sud de l’Ukraine de devenir ce qu'elle n'avait jamais été jusque-là, non plus un simple groupe social diffus, mais un groupe de pression ayant son rôle propre, autonome et souverain à jouer dans l'avenir de la société. C'était la violence qui donnait au paysan la conscience de ses nécessités et de ses propres ressources humaines, lui permettant de les surmonter, qui brisait ses préjugés millénaires et l'arrachait à sa passivité traditionnelle pour le pousser en direction de cet avenir dont il serait le seul artisan. Privé de moyens licites de promotion économique ou politique, il se vit contraint de trouver des moyens illicites et destructeurs.»
162 «La guerre réveille la bête en l'Homme et dans ce tourbillon sanglant aucune force ne gardait les mains pures.»
186 «...le mouvement makhnoviste constituait une menace pour les ambitions bolcheviques en Ukraine. Et si, comme certaines sources (Victor Serge : Mémoires d'un révolutionnaire page 153) le suggèrent, aux jours les plus noirs de la guerre civile, Lénine et Trotsky avaient envisagé de reconnaître légitimement une République libre soviétique paysanne d'Ukraine ...»
Les blancs vaincus il fallait se débarrasser immédiatement de Makhno et compagnie :
200 «La guerre civile était terminée. Les bolcheviks n'avaient plus d'adversaire à redouter, ni à l'intérieur ni à l'extérieur. Il ne restait plus pour terminer la partie qu'un mouvement final, presque insignifiant à jouer.
Les makhnovtsy n'avaient plus leur utilité d'allié militaire. Le 25 novembre, les chefs makhnovistes en Crimée furent enlevés par les bolcheviks et passés par les armes. Karetnik, le commandant suprême, périt, mais Martchenko, commandant de la cavalerie, réussit à s'échapper ...»
202 «Louis Aragon, le doyen littéraire permanent du Parti communiste français, poète surréaliste devenu membre stalinien du Comité central, veut nous persuader dans son Histoire de l'U.R.S.S., si habilement nuancée, que : « A cette heure d'enthousiasme où chaque homme de cette armée populaire pense à son champ, son atelier abandonné, et des bois et des montagnes sortent les partisans qui ont enfin le droit au soleil, brusquement Frounzé porte à la connaissance des soldats un certain nombre de faits brutaux: le 12 novembre, dans un village, les hommes de Makhno ont laissé derrière eux douze cadavres nus de soldats rouges... Dans toute l'Ukraine des groupes qui se disent makhnoviens pillent et assassinent la population. »
«Si la provocation nécessaire ne pouvait se trouver, il fallait la fabriquer de toutes pièces.»
205 «La volonté évidente de la part du Comité central bolchevique de Moscou, d'en finir avec Makhno, est rendue évidente par la dépêche suivante de Lénine à Sklyansky, commissaire-adjoint à la Guerre, en date du 6 février 1921 : « Je joins un nouvel avertissement. Notre commandement militaire a échoué lamentablement, en laissant échapper Makhno (malgré l'immense supériorité des forces et les ordres stricts de le capturer ... »
231 «Le jugement de l'Histoire au sujet des anarchistes russes s'est exprimé en termes de prison, de bannissement et de mort. Après la rébellion de Cronstadt, le parti bolchevique avait pris des mesures rigoureuses contre toute opposition politique. Ceux des militants anarchistes qui jusque-là avaient échappé à la Tchéka maintenant se trouvaient pourchassés et traduits devant les tribunaux révolutionnaires. Tous étaient mis en prison, beaucoup fusillés; les plus heureux, finalement, furent autorisés à quitter la Russie.
Mais pour ceux qui survivaient dans l'exil, il restait l'amertume de voir la Révolution se transformer en exactement le contraire de ce qu'ils avaient espéré, une prise de conscience cruelle de la faillite de leurs efforts, et l'affliction devant le martyre de leurs compagnons. Ils se répandaient en attaques au vitriol contre la dictature en Russie, mais de telles attaques n'étaient que des piqûres d'épingles sur la peau de crocodile du pouvoir soviétique. Ils savaient ce que la Révolution avait été en réalité, et ils étaient les victimes du despotisme intolérant d'un régime politique qui s'était permis de violer systématiquement leurs droits humains. Mais en Europe occidentale les protestations de ces exilés trouvaient peu d'écho. Le mythe de la Révolution était tout-puissant et, pour les opprimés, restait celui de l'espoir; tous ceux qui le critiquaient, qu'ils fussent de droite ou de gauche, nécessairement prenaient place parmi les contre-révolutionnaires. Rien ne blesse aussi cruellement que la possession d'une vérité qui ne peut convaincre personne.»
Campagne calomnieuse en France :
233 à 235 «… en mars 1926, tel un taureau poursuivi mais qui se croit en sécurité dans un coin inaccessible de l'arène, il reçut un coup d'une férocité et d'une violence sans précédent. S'inspirant des élucubrations capiteuses du journaliste blanc Arbatov et du colonel blanc Guerassimenko, parues en 1922 dans une revue berlinoise, Joseph Kessel écrivit et publia son roman Makhno et sa juive. Ce livre à sensation eut des effets troublants, attira l'attention de la presse communiste de la plus grande partie des pays européens qui découvrirent dans cet aventurier littéraire un allié malgré lui. Jetant une lumière dure, compromettante et malveillante, le roman pénétra la solitude lamentable de Makhno à Vincennes et provoqua une nouvelle controverse sur son nom. Dans l’Humanité, Henri Barbusse, prosélyte ingénu du bolchevisme, écrivait : « Je préfère des trois la nouvelle qui relate les hauts faits sanglants du chef de bande Makhno, voleur et assassin de paisibles populations, qui commit avec un sadisme de fou les plus abominables attentats et qui, paraît-il, se prélasse en ce moment chez nous, après avoir eu la chance d'échapper à l'Armée rouge. »
«Barbusse, du haut du prix Goncourt, terminait en accusant Makhno, ce quasi-indigent, d'avoir été l'agent payé des gouvernements alliés. De Russie, venait la voix du général Slastchov, chef blanc et organisateur de pogroms, à présent professeur d'Académie militaire soviétique, qui accusait Makhno d'avoir été soutenu par les armes et munitions françaises. ...
Le 23 juin, dans un débat sur l'antisémitisme en Ukraine qui eut lieu au Club du Faubourg, Makhno eut enfin l'occasion de s'expliquer avec Kessel. Devant un nombreux public, presque entièrement russe, il prononça un discours remarquable. Mais à quoi bon ? Ce n'était pas cette réunion obscure et n'ayant reçu que peu de publicité qui pouvait dissiper un tissu de mensonges. Kessel qui, dans la préface de son roman, avait déclaré qu' « un auteur ne justifie que par la façon dont il les traite le choix de ses sujets », attaqué par Voline sur son manque de morale, disait tranquillement qu'il n'avait pas d'opinion politique et que, en tant qu'écrivain, il ne s'intéressait qu'aux produits de l'imagination
235 «La révolution russe et le mouvement makhnoviste en particulier avaient mis en évidence les principales faiblesses du mouvement anarchiste en Russie. Cinq années de trouble et d'occasions manquées avaient révélé sans qu'on pût s'y tromper le manque d'organisation, la confusion idéologique et l'incapacité absolue de la part des anarchistes de former un front uni face aux factions politiques visant à s'emparer du pouvoir. Des faiblesses analogues, malgré des conditions sociales très différentes, entravaient le mouvement anarchiste français. Archinov, dont la conscience révolutionnaire avait été formée au berceau du bolchevisme, manifestait déjà les premiers signes d'un retour à celui-ci dans son effort de lutte pour remédier à ces maux. En décembre 1926, son groupe de la Delo Truda publiait une brochure : Plateforme d'organisation pour une Union générale d'Anarchistes.
En bref, la Plateforme recommandait la constitution d'une Union générale des Anarchistes dotée d'un comité exécutif central chargé de coordonner la politique et l'action, exerçant une certaine autorité sur tous les adhérents, quelles que fussent leurs conceptions libertaires particulières. Dans les temps de révolution, les anarchistes devaient se trouver prêts à conduire les masses plutôt qu'à leur venir tout simplement en aide, et une fois que la Révolution remportait l'avantage, elle devait être défendue par une armée forte et fortement centralisée dans son commandement et dans son contrôle. Les anarchistes se livrant à des activités syndicalistes devaient rester conscients - et ici Archinov innovait en matière de conception libertaire - de la lutte des classes existant entre le Capital et le Travail, et considérer que l'anarchisme en tant que mouvement social travaillait au triomphe du second.
Un groupe d'opposition se rallia autour de Valine. Dans son Manifeste de 1927, il accusait le groupe de la Delo Truda de chercher à créer un parti anarchiste de tendance dangereusement bureaucratique et centraliste, recommandant l'organisation artificielle et flirtant avec le dogme bolchevique. Voline écrivait : « Le premier pas vers une unification véritable de notre mouvement, vers son organisation sérieuse, doit être un travail idéologique, vaste, amical, solidaire, fraternel, appliqué à une série de nos problèmes les plus importants : une tentative d'arriver collectivement à leur solution claire et nette. »»

Nestor Makhno, le cosaque libertaire, 1888-1934 par Alexandre Skirda
http://www.bibliomonde.com/livre/nestor-makhno-cos...

«Le destin de Nestor Makhno (1888-1934), paysan anarchiste ukrainien, sert de trame à ce livre qui raconte la chute de l'empire des tsars et les convulsions de la guerre civile qui ensanglanta la Russie entre 1917 et 1921.
Stratège redoutable, animé d'une bravoure hors du commun, Makhno se retrouve à la tête d'une véritable armée insurrectionnelle. Comme au temps des grandes chevauchées de l'Histoire, les combats décisifs, en ce XXe siècle, se jouent au cours de charges fantastiques et de corps à corps acharnés - au sabre - entre cosaques des divers camps : cavalerie rouge de Boudienny, Cosaques du Don et du Kouban (alliés des blancs), nationalistes ukrainiens et partisans makhnovistes. Une société « sans maîtres ni esclaves, sans riches ni pauvres » voilà l'idéal pour lequel luttent Makhno et les siens. Cet idéal, ils le mettent en pratique en créant des « soviets libres », si différents de ceux vidés de tout sens par la dictature d'un parti-État. Les organes de base d'une démocratie directe sont ainsi mis en place.
S'appuyant sur une immense documentation à laquelle peu d'historiens ont eu accès, cet ouvrage nous aide à mieux comprendre pourquoi et comment une révolution commencée sous les meilleurs auspices put déboucher sur une impasse totale. Un moment capital de l'histoire contemporaine apparaît en pleine lumière.»


La makhnovchtchina
par Archinov
L'insurrection révolutionnaire en Ukraine de 1918 à 1921
 

https://spartacus.atheles.org/livres/lamakhnovchtchina/
De ce site : «Après le renversement du Tsar en 1917, la révolution suivit en Ukraine son propre cours. Le traité de Brest-Litovsk eut en particulier pour conséquence un retour au pouvoir des grands propriétaires réactionnaires, appuyés par les troupes austro-allemandes, contre lesquels se mobilisèrent paysans et ouvriers pour défendre les acquis de la révolution.
Ce mouvement révolutionnaire autonome prit une ampleur et une durée considérables dans le sud-est de l’Ukraine, dans la région bordant la mer Noire et la mer d’Azov. Les groupes d’auto-défense apparus en 1917 et 1918 constituèrent une armée pour faire face aux armées blanches qui se dressèrent contre la révolution russe. Leur dirigeant le plus éminent en fut Nestor Makhno, un ouvrier anarchiste originaire de cette région ; d’où le nom de makhnovchtchina qui fut donné à l’époque à l’ensemble de ce mouvement. L’armée révolutionnaire ukrainienne joua un rôle déterminant dans les défaites de Dénikine, puis de Vrangel, et donc dans la sauvegarde de la révolution bolchevik, pour être finalement anéantie par l’Armée rouge.
Archinov, qui fit la connaissance de Makhno en prison à Moscou, le rejoignit en Ukraine en 1919 et prit une part importante à l’action éducative et culturelle du mouvement. Il entreprit d’en écrire l’histoire dès 1920, en réponse aux déformations et calomnies de toutes sortes dont il était l’objet, en particulier de la part des bolcheviks. Dans des circonstances très difficiles, il l’acheva en avril 1921, quelques mois avant la défaite finale du mouvement.
Cette édition reprend les textes de la première édition en français préparée par Voline (Éditions anarchistes, 1924), à l’exception de la préface de Sébastien Faure. Elle y ajoute une postface d’Hélène Châtelain, des photos qui ont été confiées à celle-ci par la famille Makhno à Gouliaï-Polié et des cartes.
“Durant toute la lutte révolutionnaire en Ukraine, la classe ouvrière et les paysans de ce pays n’eurent pas l’habitude d’avoir à leurs côtés un tuteur permanent et inflexible comme le fut le parti communiste en Grande Russie. Par conséquent il s’y développa une plus grande liberté d’esprit qui devait infailliblement se faire jour à l’heure des mouvements révolutionnaires des masses…Le mouvement révolutionnaire en Ukraine s’accompagnait donc de deux circonstances qui n’existaient pas en Grande Russie et qui devaient tant influer sur le caractère même de la révolution ukrainienne : l’absence d’un parti politique puissant et organisé, et l’esprit de la Volnitza historiquement propre aux travailleurs d’Ukraine. En effet, tandis qu’en Grande Russie la révolution était étatisée sans peine, contenue dans les cadres de l’État communiste, cette même étatisation rencontrait en Ukraine des difficultés considérables ; l’appareil « soviétiste » s’y instaurait surtout par la contrainte, militairement. Aussi, un mouvement autonome des masses, surtout des masses paysannes, continuait à s’y développer parallèlement. Il s’annonçait déjà sous la République démocratique de Petlioura et progressait lentement, cherchant encore sa voie. En même temps ce mouvement avait ses racines dans les fondements essentiels de la révolution russe. Il se fit ostensiblement remarquer dès les premiers jours du bouleversement de Février. C’était un mouvement des couches les plus profondes des travailleurs cherchant à renverser le système économique d’esclavage et à créer un système nouveau, basé sur la communauté des moyens et des instruments de travail et sur le principe de l’exploitation de la terre par les travailleurs eux-mêmes.”»

Pages édition 2010 (entre parenthèses pages de l'édition 2000)
Voline - Mai 1923 : présentation. 9 (7)
Page 9 «...la makhnovchtchina … s'est déroulée avec une force tout à fait exceptionnelle, a joué un rôle colossal et excessivement compliqué dans la révolution, a soutenu une lutte titanesque contre tous les genres de réaction, et a plus d'une fois sauvé la révolution de la débâcle.»
14-15 «Il est significatif qu'un ouvrier soit destiné à être le premier historien du mouvement makhnoviste. Ce n'est pas là un simple jeu du hasard. Pendant toute son existence, le mouvement n'a pu disposer du côté des idées comme de l'organisation, que de ses propres forces et ressources, celles fournies par la masse des ouvriers et des paysans elle-même. L'élément de l'intelligentsia [les intellectuels] théoriquement instruite n'y était, à quelques exceptions près, pour rien. Le mouvement a été pendant toute sa durée abandonné à ses propres ressources et moyens. Le premier historien qui nous l'explique et tâche de lui trouver une base théorique sort des mêmes milieux ouvriers.
L'auteur de cet ouvrage, Pierre Archinov, fils d'un ouvrier d'Ékatérinoslav, est serrurier de son métier, parvenu à un certain degré d'éducation par un travail personnel assidu. Ce fut en 1904, à l'âge de 17 ans, qu'il se rallia au mouvement révolutionnaire. En 1905, alors qu'il travaillait en qualité de serrurier dans les ateliers des chemins de fer de la ville de Khisil-Arvate(Asie russe), il devint membre de l'organisation locale du parti bolchevik. Il commença bientôt à y jouer un rôle actif et devint l'un des guides et rédacteurs de l'organe local illégal des ouvriers, Le marteau, (cet organe était répandu dans tous les chemins de fer de l'Asie russe et était d'une grande importance pour le mouvement révolutionnaire des ouvriers de ces chemins de fer). En 1906, poursuivi par la police locale, Archinov quitte l'Asie pour aller en Ukraine, à Ékatérinoslav. Il y devient anarchiste et continue, comme tel, son travail révolutionnaire parmi les ouvriers d'Ékatérinoslav. Ce qui l'avait fait passer à l'anarchisme était le minimalisme des bolcheviks, qui, d'après la conviction d'Archinov, ne correspondait pas aux aspirations réelles des ouvriers et causa, de même que le minimalisme des autres partis politiques, la défaite de la révolution de 1905-1906. Ce n'est que dans l'anarchisme qu'Archinov trouva, d'après ses propres paroles, rassemblées et poussées à fond les aspirations et les espérances libertaires et égalitaires des travailleurs.»
19 «Remarquons que son appréciation du bolchevisme comme d'une nouvelle caste de maîtres venant remplacer la bourgeoisie et aspirant sciemment à la domination économique et politique sur les masses travailleuses présente un intérêt considérable.»
19-20 «Il s'ensuit que le terme de «makhnovchtchina» n'est que fortuit. Sans Makhno, le mouvement existerait quand même, car existeraient toujours les forces vives, les masses vivantes qui le créèrent, le développèrent, et qui ne portèrent en avant que comme chef de guerre doué de talent.»
20 «... dans cet ouvrage. Les rapports entre le mouvement makhnoviste et les différentes forces ennemies la contre-révolution, le bolchevisme sont peints magistralement. Les pages consacrées aux divers moments de la lutte héroïque de la makhnovchtchina contre ces forces sont saisissantes, foudroyantes. »
« … les anarchistes, plus exactement les « sommets » anarchistes, sont restés en dehors du mouvement ; selon l'expression exacte de l'auteur, ils l'ont laissé passer « en somnolant ». L'auteur donne comme explication qu'une certaine couche d'anarchistes est atteinte des tendances « de parti », du désir néfaste de guider les masses, leurs organisations et leurs mouvements. De là leur incapacité à comprendre les mouvements de masses vraiment indépendants, naissant à leur insu et ne demandant d'eux qu'une assistance idéologique, sincère et dévouée. »
21 « ...ce livre va mettre fin à toutes les fables sur le banditisme, l'antisémitisme et les autres vices qu'on disait inhérents au mouvement makhnoviste.
Si la makhnovchtchina, comme toute œuvre humaine, a ses ombres, ses erreurs, ses déviations et ses côtés négatifs, ces défauts sont, aux dires de l'auteur, si futiles, si peu importants en comparaison de la sublime essence positive du mouvement, qu'ils ne méritent pas d'être pris au sérieux. A la moindre possibilité d'un développement libre et créateur, le mouvement s'en serait certainement facilement défait. »
« L’ouvrage ... témoigne une fois de plus de quelles réalisations, et combien facilement, sont capables les masses travailleuses enthousiasmées par une avancée révolutionnaire décisive, à condition que ce soient elles-mêmes essentiellement qui créent leur révolution, qu'il leur soit laissé la liberté véritable et complète de chercher et d'agir. Leurs voies sont illimitées, si seulement on ne vient pas les leur barrer sciemment. »
« … l'auteur déroule devant nos yeux le tableau d'un mouvement libre, quoique de courte durée, pénétré d'une idée profonde, essentiellement créateur et organisateur, des masses travailleuses qui ne formaient leur force militaire, étroitement soudée à elles, que dans le but de défendre leur révolution et leur liberté. Un préjugé, fort répandu, sur la makhnovchtchina est ainsi renversé. »
22 Dans l'édition de 2010 il manque les chiffres des alinéas 2) avant "L'indépendance ..." et 3) avant "La position ..." !?
« La position du bolchévisme et du pouvoir soviétique ... Toutes leurs machinations criminelles, tous leurs mensonges, tout leur fond contre-révolutionnaire sont complètement mis à nu.»
24 «Que le lecteur ne devienne jamais anarchiste : il n'est pas obligatoire de l'être. Mais ce qui est vraiment un devoir pour chacun, c'est de connaître l'anarchisme.»
Archinov -Janvier à juin 1921 : le mouvement makhnoviste
I La démocratie et les masses travailleuses dans la révolution russe 33(35)
34 « En 1848, la classe ouvrière française qui avait consenti à la révolution le sacrifice de trois mois d'efforts héroïques, de misères, de privations, de famine, obtint-elle cette « République Sociale » qui lui avait été promise par les dirigeants de la révolution ? Elle ne recueillit d'eux que l'esclavage et l'extermination en masse : la fusillade de 50 000 ouvriers, à Paris, lorsqu'ils tentèrent de s'insurger contre ceux qui les avaient trahis.
Dans toutes les révolutions passées, les ouvriers et les paysans ne parvinrent qu'à esquisser sommairement leurs aspirations fondamentales, à former seulement leur courant, généralement dénaturé et en fin de compte liquidé par les « meneurs » de la révolution, plus malins, plus astucieux, plus rusés et plus instruits. Le maximum de leurs conquêtes se bornait à un os bien maigre : un droit étriqué de réunion, d'association, de presse, ou le droit de se donner des gouvernants. Encore cet « os illusoire » ne leur était-il laissé que juste le temps nécessaire au nouveau régime pour se consolider. Après quoi, la vie des masses reprenait son ancien cours de soumission, d'exploitation et de duperie.
Ce n'est que dans des mouvements d'en bas profonds, tels que la révolte de Razine et les insurrections révolutionnaires paysannes et ouvrières de ces dernières années, que le peuple est et reste plus ou moins longtemps maître du mouvement et lui communique son essence et sa forme. Niais ces mouvements habituellement accueillis par des blâmes et des malédictions de la part de toute « l'humanité pensante » n'ont encore jamais vaincu. De plus, ils se distinguent fortement des révolutions dirigées par des groupes ou des partis politiques. »
34-35 « Tout ce qui a été dit et écrit sur elle [l’«intelligentsia » russe] , le bon et le mauvais, a un défaut essentiel : c'est elle-même qui se définissait, c'est elle-même qui se blâmait ou se louait. Pour l'esprit indépendant des ouvriers aucun poids dans leurs relations. Dans ces relations, le peuple ne tiendra compte que des faits. Or, le fait réel, incontestable, dans l'existence de l' « intelligentsia » socialiste, c'est qu'elle a toujours joui d'une situation sociale privilégiée. En vivant dans les privilèges, l'intellectuel devient privilégié non seulement socialement, mais aussi psychologiquement. Toutes ses aspirations spirituelles, tout ce qu'il entend par son « idéal social », renferme infailliblement l'esprit du privilège de caste. Cet esprit se manifeste dans tout le développement de l' « intelligentsia ». »
36 « ... des natures héroïques isolées, comme Sophie Pérovskaïa, se placent au-dessus de ces viles questions de privilèges propres au socialisme. Ce phénomène ne provient pas d'une doctrine de classe ou du démocratisme : il est d'ordre psychologique ou éthique. Ces natures sont les fleurs de la vie, la beauté du genre humain. Elles s'enflamment de la passion de la vérité, se donnent et se dévouent complètement au service du peuple, et par leurs belles existences, font ressortir encore plus la fausseté de l'idéologie socialiste. »
«Les vagues aspirations politiques de l' intelligentsia » russe en 1 825 s'érigèrent, un demi-siècle plus tard, en un système socialiste étatiste achevé, et cette « intelligentsia » elle-même en un groupement social et économique précis : la démocratie socialiste . Les relations entre le peuple et elle se ruèrent définitivement : le peuple marchant vers l'auto-direction civile et économique ; la démocratie cherchant à exercer le pouvoir sur le peuple. La liaison entre eux ne peut tenir qu'à l'aide de ruses, de tromperies et de violences, mais en aucun cas d'une façon naturelle par la force d'une communauté d'intérêts. Ces deux éléments sont hostiles l'un à l'autre.
L'idée étatiste elle-même, l'idée d'une direction des masses par la contrainte fut toujours le propre des individus chez lesquels le sentiment d'égalité est absent et où l'instinct d'égoïsme domine, individus pour lesquels la masse humaine est une matière brute privée de volonté, d'initiative et de conscience, incapable de se diriger elle-même. »
« Le socialisme est l'idéologie d'une nouvelle caste de dominateurs. … est la continuation directe de la psychologie des anciens groupes dominants, éteints ou en train de disparaître. »
41-42 Reste à définir ce qu'est la démocratie ou ce qu'elle n'est pas. La démocratie peut-elle se passer d'état ? Et récupération des mots d'ordre populaires puis répression. «A partir des années 1900-1905, la propagande révolutionnaire parmi les ouvriers et les paysans fût menée par les partisans de deux doctrines principales : le socialisme étatiste et l'anarchisme.
Le premier était propagé par plusieurs partis démocratiques merveilleusement organisés : les bolcheviks, les mencheviks, les socialistes-révolutionnaires et une série de courants politiques de même essence.
L'anarchisme ne disposait que de quelques groupements numériquement faibles qui, de plus, ne précisaient pas d'une façon suffisamment claire leur attitude dans la révolution. Le champ de la propagande et de l'éducation politiques était à peu près totalement conquis par la démocratie. Elle éduquait les masses dans le sens de ses programmes et idéals politiques. L'institution de la république démocratique était son ordre du leur ; la révolution politique, le moyen de sa réalisation.
L'anarchisme au contraire rejetait la démocratie comme une des formes de l'étatisme, rejetait aussi la révolution politique comme moyen d'action. Pour lui, l'ordre du jour des ouvriers et des paysans devait être la révolution sociale, et c'est à elle qu'il appelait les masses. C'était l'unique doctrine qui réclamait la destruction complète du capitalisme au nom d'une société libre non étatiste des travailleurs.
Mais, ne disposant que d'un nombre restreint de militants et ... ne possédant pas un programme concret pour le lendemain d'une révolution, l'anarchisme ne put se répandre largement et s'enraciner dans les masses comme une théorie sociale et politique déterminée. Néanmoins, étant donné qu'il s'adressait aux côtés les plus vitaux de l'existence des masses esclaves, qu'il ne faisait jamais l'hypocrite avec elles, qu'il leur apprenait à lutter pour leur propre cause et à savoir mourir pour elle, il suscita dans les couches les plus profondes des masses travailleuses une série de lutteurs et de martyrs de ]a révolution sociale. Les idées anarchistes résistèrent à la longue épreuve de la réaction tsariste et restèrent, dans l'âme des travailleurs isolés des villes et des campagnes, un idéal social et politique.
Le socialisme étant l'enfant naturel de la démocratie, il disposa toujours d'énormes forces intellectuelles : professeurs, étudiants, médecins, avocats, journalistes, etc., étaient ou bien des marxistes patentés, ou des sympathisants déclarés de cette doctrine Grâce à ses forces nombreuses engagées dans la politique, le socialisme réussit constamment à s'attacher une partie considérable des travailleurs, bien qu'il les appelât à la lutte pour les idéals de la démocratie, idéals peu compréhensibles et suspects.
Malgré cela, au moment de la révolution de 1917, l'intérêt et l'instinct de classe prirent le dessus et entraînèrent les ouvriers et les paysans vers leurs buts directs : la conquête de la terre, des fabriques et des usines.
Lorsque cette orientation se fit jour dans les masses, et ce leur s'était déjà fait longtemps avant la révolution de 1917, une partie des marxistes, et notamment leur aile gauche, les bolcheviks, abandonnèrent rapidement leurs positions ouvertement démocratiques-bourgeoises et lancèrent des mots d'ordre s'adaptant aux aspirations des travailleurs, et, au Jour de la révolution, marchèrent avec la masse en révolte, cherchant à se rendre maîtres de son mouvement. Grâce aux forces intellectuelles considérables composant les rangs du bolchevisme et aussi aux mots d'ordre socialistes séduisant les masses, ils y parvinrent.
Nous avons déjà indiqué plus haut que le bouleversement d'Octobre s'effectua sous deux mots d'ordre puissants : «Les usines aux ouvriers ! La terre aux paysans ! » Les travailleurs leur donnaient un sens simple, sans faire aucune réserve. Selon eux, la révolution devait remettre toute l'économie industrielle du pays à la disposition et sous la direction des ouvriers, la terre et l'agriculture à celle des paysans. L'esprit de justice et d'auto-action compris dans ces mots d'ordre emporta si bien les masses que leur partie la plus active était prête, au lendemain de la révolution, à entreprendre l'organisation de la vie sur la base de ces formules. Dans différentes villes, les unions professionnelles et les comités d'usines prirent en charge la gestion des entreprises et des marchandises, éloignèrent les propriétaires et les patrons, établirent eux-mêmes les tarifs, etc. Mais toutes ces tentatives se heurtèrent à une résistance de fer de la part du parti communiste devenu déjà celui de l'État.
Ce parti marchant au coude à coude avec la masse révolutionnaire, se saisissant des mots d'ordre extrémistes, souvent anarchistes, changea brusquement son comportement, aussitôt que le gouvernement de coalition eut été balayé et qu'il se fut emparé du pouvoir. A partir de ce moment, il commença à réagir systématiquement contre toutes les entreprises socialistes des masses ouvrières et paysannes. Ce revirement dans la révolution, ce plan bureaucratique de son développement ultérieur furent d'une lâche insolence de la part d'un parti qui ne devait sa situation qu'aux masses travailleuses. C'était de la pure imposture et de l'usurpation. M.ais la logique de la position occupée par le parti communiste dans la révolution était telle qu'il lui était impossible de se comporter autrement.Tout autre parti politique cherchant dans la révolution à établir sa dictature et sa domination sur le pays aurait agi de même. Avant « Octobre », ce fut l'aile droite de la démocratie, les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires, qui chercha à commander la révolution. Leur seule divergence avec les bolcheviks, c'est qu'ils ne surent pas organiser leur pouvoir pour emprisonner les masses dans leurs filets ou qu'ils n'en eurent pas le tempsDonc le PC est dès le départ une caste qui aurait voulu le pouvoir ?
II La révolution d'Octobre en Grande Russie et en Ukraine 41(43)
Mon résumé de ce chapitre : La volonté du parti communiste était-elle de devenir un dictateur ? Peut-être des personnes convaincues par le messianisme marxiste et des truands qui profitent de cette organisation dans un contexte favorable pour accaparer le pouvoir ?
III L'insurrection révolutionnaire en Ukraine – Makhno 49(53)
Après le traité Brest-Litovsk occupation de l'Ukraine par les austro-allemands et retour des grands propriétaires terriens avec leurs méthodes de servitudes. Ce traité permet aux russes de souffler et aux bolcheviks de se débarrasser d'opposants dans des territoires qu'ils espèrent occupés. mais ce qui provoque une insurrection.
50-51 «Il est à noter que ces vastes insurrections paysannes spontanées surgissaient sans préparation aucune et que ces actions guerrières étaient toujours menées par les paysans eux-mêmes, sans le secours ni la direction d'une organisation politique quelconque. Les conditions de leur lune les mirent dans la nécessité de pourvoir eux-mêmes aux besoins du mouvement, de le diriger, de le conduire vers la victoire. Durant toute la lutte contre l'hetman et les agrariens, aux moments les plus pénibles, les paysans demeurèrent seuls face à des ennemis acharnés, bien organisés et bien armés. Ceci a eu comme nous le verrons plus loin une très grande influence sur le caractère de toute l'insurrection révolutionnaire. Son trait fondamental partout où elle se maintint jusqu'à la fin comme action de classe, sans tomber sous l'influence des partis ou des éléments nationalistes, fut non seulement qu'elle sortait de la profondeur des masses paysannes, mais aussi de la conscience générale des paysans qu'ils étaient eux-mêmes les guides et les animateurs de leur mouvement. Les détachements des partisans étaient particulièrement imbus de cette idée. Ils en étaient fiers et en tiraient la force pour remplir leur mission.»
52-53 «Le rôle le plus important dans cette œuvre d'unification et dans le développement général de l'insurrection révolutionnaire au sud de l'Ukraine appartint au détachement de partisans guidé par le paysan indigène Nestor Makhno.
Dès les premiers jours du mouvement jusqu'à son point culminant où les paysans vainquirent les agrariens, Makhno joua un rôle tellement prépondérant et capital, que des régions insurgées entières et les moments les plus héroïques de la lutte sont liés à son nom. Lorsque, ensuite, l'insurrection triompha définitivement de la réaction de Skoropadsky, mais que la région fut menacée par Dénikine, Makhno devint le point de ralliement de millions de paysans relevant de plusieurs provinces. Dans l'histoire de l'insurrection en Ukraine, ce fut le moment où se dégagea définitivement son véritable aspect et se précisa sa tâche historique.»
53 «... la prison fut l'unique école où Makhno puisa les connaissances historiques et politiques qui lui furent d'un si grand secours dans son action révolutionnaire ultérieure. La vie, les faits furent une autre école où il apprit à connaître et à comprendre les hommes et les événements sociaux.»
IV La chute de l'hetman - la pediourovchtchina - le bolchevisme 63(69)
«Le bolchevisme est un phénomène historique de la vie russe et internationale. Il est expression d'un type non seulement social, mais aussi psychologique. Il fit surgir un groupe nombreux de personnages tenaces, autoritaires, exempts de toute sentimentalité sociale ou morale, prêts à user de tous les moyens dans la lutte pour leur triomphe. Il produisit en même temps un guide convenant parfaitement à ce groupe. Lénine n'est pas seulement le guide d'un parti : il est, ce qui a beaucoup plus d'importance, le guide d'un type déterminé d'hommes. C'est en lui que ce type humain trouva sa personnification la plus achevée, la plus puissante ; c'est d'après ce modèle que se font la sélection et le regroupement des forces combatives et offensives de la démocratie du monde entier. Le trait psychologique saillant du bolchevisme est l'affirmation de son vouloir par l'écrasement violent de toute autre volonté, l'anéantissement absolu de toute individualité jusqu'à ce qu'elle devienne un objet inanimé. Il n'est pas difficile de reconnaître à ces traits la caractéristique traditionnelle des maîtres dans la société humaine. Et en effet c'est exclusivement par des gestes autoritaires que le bolchevisme se manifeste dans toute la révolution russe. Il lui manque jusqu'à l'ombre de ce qui constituera le trait essentiel de la vraie révolution sociale future : le désir ardent, désintéressé, de travailler, sans trêve ni relâche, jusqu'au dernier souffle, avec un complet oubli de soi-même, pour le bien du peuple. Tous les efforts du bolchevisme, parois énormes et acharnés, se réduisirent à la création d'organes autoritaires ne représentant pour le peuple que les menaces et les brutalités des anciens maîtres.»
70-71 «Il est clair que, dans tout ceci, nous avons araire au simple remplacement du capitalisme privé par un capitalisme d'État. La nationalisation communiste de l'industrie établit un nouveau type de rapports dans la production, dans lequel l'esclavage, la sujétion économique de la classe ouvrière sont concentrés dans une seule poigne : celle de l'État. Au fond, cela n'améliore nullement la situation de la classe ouvrière. Le travail obligatoire (pour les ouvriers, bien entendu) et sa militarisation sont l'esprit propre à la fabrique nationale. Citons un exemple : au mois d'août 1 918, les ouvriers de l'ancienne manufacture Prokhorov, à Moscou, s'agitèrent et menacèrent de se révolter contre l'insuffisance des salaires et le régime policier établi à la fabrique
««...la fabrique doit être fermée, les ouvriers renvoyés ; une commission doit être créée, qui saura rétablir à l'usine un régime ferme ; après quoi, il faudra recruter de nouveaux cadres ouvriers. » Ainsi fut-il fait ; on peut se demander qui étaient ces hommes, ces trois ou quatre personnes qui décidèrent si librement du sort de milliers d'ouvriers ?»
«L'idée de ce pouvoir est l'organisation d'une économie agraire unifiée appartenant toujours au même et unique maître, l'État. Des propriétés agricoles soviétiques cultivées par des ouvriers et des paysans salariés, tel est le modèle selon lequel le pouvoir communiste cherche à organiser l'agriculture d'État dans tout le pays. Les leaders du bolchevisme l'énoncèrent d'une façon claire et simple après les premiers jours de la révolution.»
72 «En quelles mains se trouvent le comité central du parti, le « Conseil des commissaires du peuple », le « Comité exécutif central de toute la Russie », etc. ? Entièrement entre les mains de ceux qui ont été élevés au sein de la politique, loin du labeur, et qui prononcent le nom du prolétariat comme un pope incroyant peut prononcer le nom vide de Dieu
73-74 «De même qu'il avait réglé la vie sociale et économique du pays conformément à son programme, le bolchevisme y renferma aussi la vie spirituelle du peuple. Le camp plein de vie de la pensée populaire, des recherches et des essais des masses travailleuses est changé en une sombre caserne de dressage à la baguette et d'apprentissage servant les desseins du parti. La pensée et l'âme du prolétariat sont mises à l'école du parti. Tout désir de voir au-delà des murs de cette école est proclamé nuisible et contre-révolutionnaire.
Ce n'est pas tout. On ne saurait fausser le sens et les perspectives de la révolution comme l'a fait le bolchevisme par sa dictature, sans que s'élèvent des protestations de a part des masses et que se manifestent des tentatives de lutte contre une telle défiguration. Cependant, toutes ces protestations aboutirent non pas à un affaiblissement :nais au renforcement de l'oppression politique. Une longue période de terreur gouvernementale s'ouvrit qui transforma toute la Russie en une immense prison où la peur devint une vertu, le mensonge un devoir. Écrasé par l'oppression politique terrassé par la terreur, tout le monde ment, mentent non seulement les adultes, mais aussi les tout jeunes, les adolescents, les écoliers, les enfants de 5-7 ans.
Une question se pose : pourquoi donc une telle situation sociale, politique et morale insupportable s'est-elle créée dans un État communiste ? La démocratie socialiste serait-elle pire que la bourgeoisie capitaliste qui l'a précédée? Est-il possible qu'elle ne veuille pas même concéder les libertés illusoires à l'aide desquelles la bourgeoisie d'Europe et d'Amérique sauve l'apparence de l'équilibre dans ses États ?»
74 «Ce qui précède fait facilement comprendre pourquoi le pouvoir communiste en Russie se hâte de multiplier et de consolider une nouvelle bourgeoisie représentée par le parti communiste, les hauts fonctionnaires et les cadres de commandement de l'armée. Cette bourgeoisie lui est indispensable comme un sol naturel lui fournissant les sucs vitaux nécessaires, comme un soutien de classe permanent dans sa lutte contre les masses travailleuses
74-75 «Mais comment se fit-il que ce groupé étranger et hostile aux masses travailleuses, ait réussi à s'imposer comme guide des forces révolutionnaires de ces masses, à se faufiler au pouvoir en leur nom et à consolider sa domination ?
Deux fait en ont été les causes : l) l'état de pulvérisation, de désorganisation où se trouvaient les masses aux jours de la révolution, et 2) la duperie des masses par les mots d'ordre socialistes.»
75 «Grâce à son énergie révolutionnaire et à la confusion démagogique entretenue entre les idées révolutionnaires des travailleurs et sa propre conception politique et autoritaire, le bolchevisme avait gagné les masses et usa amplement de leur confiance.»
76 «... l'essentiel en était, comme dans tous les autres systèmes étatistes, l'accaparement et la répartition des forces du peuple et des produits de son travail par un groupe de fainéants peu nombreux mais bien organisés.»
«... il se développe sur un vaste territoire et est habilement masqué par le groupe intéressé. ]] faut un certain temps pour qu'il se révèle aux yeux des masses. ...
... Plusieurs années passèrent avant que le peuple travailleur, regardant bien autour de lui, eût saisi la réalité : un simple changement d'autorités, la place du roi et de la noblesse occupée par une nouvelle caste de maîtres exploiteurs, la bourgeoisie industrielle et commerciale. De tels faits historiques demandent toujours un certain temps pour devenir manifestes et compréhensibles aux larges masses.»
77 Utilisation par les bolcheviks des forces paysannes entre autre de Tchéredniakov [un des oubliés de l'histoire - pas de trace sur le net ] et son détachement (qui a adhéré ensuite à l'armée de Makhno) et installèrent sur les territoires libérés les organes du pouvoir communiste.
V La makhnovchtchina 79(87)
Ce chapitre présente la démocratie comme une force étatiste ayant soif de pouvoir. Quel le sens ici du mot démocratie, celle que ne voulait pas les légistes de la révolutions françaises et de la guerre d'indépendance des USA. Le pouvoir pyramidale mais électif est-il démocratique ? Où est la place du peuple, étymologiquement présent dans ce mot, dans le parlementarisme ?
79 «Les traits caractéristiques spécifiques de ce mouvement sont : une profonde défiance envers les groupes non travailleurs ou privilégiés de la société ; la méfiance envers les partis politiques ; la négation de toute dictature sur le peuple par une organisation quelconque ; la négation du principe étatiste ; l'auto-direction entière des travailleurs dans leurs localités. La forme primaire et concrète de cette auto-direction devait être les conseils (soviets) laborieux libres des organisations paysannes et ouvrières. « Libres » signifie qu'ils devaient être absolument indépendants de tout pouvoir central et faire partie du système économique général sur la base de l'égalité. « Laborieux » veut dire que ces conseils devaient être édi6ïés sur le principe du travail, ne comprendre que des travailleurs, ne servir que leurs intérêts et n'obéir qu'à leur volonté, sans donner d'accès aux organisations politiques.»
80 «... l'attitude de la makhnovchtchina envers le pouvoir d'État, envers les partis politiques, envers les groupes improductifs devenait l'attitude des paysans.»
81 «La réponse de Makhno et de son état-major fut brève : la petliourovchtchina était, à leur avis, un mouvement de la bourgeoisie ukrainienne nationaliste dont la voie était tout autre que celle prise par eux, paysans révolutionnaires. L'Ukraine devrait être organisée sur la base du travail libre et de l'indépendance des ouvriers et des paysans à l'égard de tout pouvoir politique ; aucune union, seule la lutte était possible entre le mouvement du peuple travailleur, la makhnovchtchina, et celui de la bourgeoisie, la petliourovchtchina
82 Écrit en 1923 ! «Les étatistes redoutent le peuple libre. Ils affirment que sans autorité ce dernier perdra l'ancre de la sociabilité, se dissipera et retournera à l'état sauvage. Ce sont la assurément des propos absurdes, tenus par des fainéants, des amateurs de l'autorité et du travail d'autrui, ou bien par les penseurs aveugles de la société bourgeoise.»
83 «Durant plus de six mois de novembre 1918 jusqu'à juin 1919 ils ont vécu sans aucun pouvoir politique et, non seulement ils ne perdirent pas les liens sociaux entre eux, mais bien au contraire, ils ont créé une nouvelle forme supérieure de relations sociales : la commune de travail libre et les soviets (conseils) libres des travailleurs.»
«Ainsi, près du bourg de Pokrovskoïé s'organisa la première commune libre, du nom de Rosa Luxemburg. Les membres en étaient tous des indigents. Au début, cette commune ne comprenait que quelques dizaines de membres ; puis leur nombre augmenta jusqu'à plus de trois cents. Cette commune fut créée par les paysans les plus pauvres de la région ; sa dénomination, consacrée à la mémoire de Rosa Luxemburg, témoigne de l'absence de tout esprit de parti chez ses organisateurs. Avec une simplicité et une grandeur d'âme propres au peuple, les paysans avaient honoré la mémoire d'une héroïne de la Révolution, une inconnue pour eux, mais qui avait péri en martyre dans la lutte révolutionnaire. Or, la vie intérieure de la commune n'avait rien de commun avec la doctrine pour laquelle Rosa Luxemburg avait lutté. La commune était basée sur le principe anti-autoritaire.»
84 «Les communes étaient créées non par une quelconque fantaisie ou à partir d'un exemple, mais exclusivement en raison des besoins vitaux des paysans qui ne possédaient rien avant la révolution et qui, après avoir remporté la victoire, se mirent a organiser leur vie économique sur une base communale.»
85 «Il était nécessaire de trouver en commun des solutions aux différentes questions concernant la région entière. Il fallait créer les organes correspondants ; les i .sans n'y manquèrent pas. Ces organes, c'étaient les congrès régionaux des paysans, ouvriers et partisans. Pendant la période où la région resta libre, il y eut trois de ces congrès. Les paysans y réussirent à se lier étroitement, à s'orienter et à déterminer les tâches économiques et politiques qui se dressaient devant eux.»
90 «L'insurrection révolutionnaire fut une tentative des masses du peuple de réalise les aspirations non accomplies de la révolution. L'insurrection était la suite organique du mouvement des masses ou\vitres et paysannes d'Octobre 1917
91 «Makhno lui-même, ainsi que tout le mouvement insurrectionnel révolutionnaire étaient encore à ce moment une inconnue pour les bolcheviks. Dans la presse communiste de Moscou et de la province on avait jusqu'alors parlé de Makhno comme d'un insurgé audacieux promettant beaucoup pour l'avenir. Sa lutte contre Skoropadsky, puis contre Petlioura et Dénikine lui attirait par avance la bienveillance des chefs bolcheviks. Il leur paraissait hors de doute que les détachements révolutionnaires des makhnovistes qui avaient combattu tant de contre-révolutions différentes en Ukraine se fondraient dans l'Armée rouge. Aussi chantaient-ils d'avance les louanges de Makhno sans avoir fait sa connaissance sur place, et lui consacraient-ils des colonnes entières dans leurs Journaux... Les particularités politiques et idéologiques de l'insurrection révolutionnaire étaient considérées comme toutes naturelles et ne pouvant en aucune façon faire obstacle à l'union sur la base d'une cause commune. Ces particularités devaient rester inviolables, Makhno et son état-major se rendant parfaitement compte que l'arrivée du pouvoir communiste était une nouvelle menace pour la liberté de la région ; ils y voyaient bien l'augure d'une guerre civile d'une nouvelle essence. Mais ni Makhno, ni l'état-major de l'armée, ni le conseil (soviet) régional ne voulaient cette guerre, car elle pouvait avoir une influence funeste sur le sort de toute la révolution ukrainienne. ... Les insurgés gardaient un certain espoir que la lutte avec les boucheviks se bornerait au domaine des idées. En ce cas, ils pouvaient rester absolument tranquilles en ce qui concernait leur région, car la vigueur des idées libertaires, le bon sens révolutionnaire et la défiance des paysans à l'égard des éléments étrangers à leur mouvement libre étaient les meilleurs garants et défenseurs de la liberté de la région.»
92 «C'est dans ce sens que se fit la jonction de l'armée makhnoviste et de l'Armée rouge. Nous verrons plus tard que les guides de la makhnovchtchina s'étaient trompés en espérant ne trouver dans les bolcheviks que des adversaires d'idées. Ils n'avaient pas réalisé qu'ils avaient affaire à des étatistes et à des adeptes de la violence autoritaire les plus achevés. Les fautes commises, quand elles ne mènent pas au péril, sont utiles. Celle-ci servit aux makhnovistes de bonne leçon.»
93 «Toute question politique était exclue de l'entente qui restait strictement militaire. Grâce à cela, la vie de la région et son développement social et révolutionnaire continueraient dans la même voie : celle de l'activité autonome des travailleurs qui n'admettaient aucun pouvoir dans leur région. Nous verrons plus bas que ce fut la ;aube unique de l'agression armée des bolcheviks contre cette région.»
VI La makhnovchtchina(suite) - la révolte de Grigoriev - première agression des bolcheviks contre Gouliaï-Polié 103(105)
109-110 «Nous devons faire observer aussi que les raisons qui ont susçité le mouvement de Grigoriev ont leur origine non seulement en Grigoriev lui-même mais en grande partie aussi dans le désordre dans lequel l'Ukraine est plongée ces derniers temps. Depuis la venue des bolcheviks, la dictature de leur parti y a été établie. En qualité d'étatistes ils se sont empressés d'établir partout des organes gouvernementaux afin de régir le peuple révolutionnaire. Tout doit leur être soumis et passer par leur contrôle vigilant l Toute velléité de résistance, de protestation ou même d'initiative indépendante a été cruellement étouffée par leurs Commissions Extraordinaires. Pour comble, tous ces organes du gouvernement étaient formés de personnes étrangères tant au Travail qu'à la Révolution. De là naquit un état de choses tel que tout le peuple laborieux et révolutionnaire se trouva soumis à la tutelle et à la surveillance de gens absolument éloignés des classes laborieuses et enclins à exercer envers elles un régime d'arbitraire et de violence. C'est de cette façon que se manifesta la dictature du parti des bolcheviks-communistes. Elle excita parmi les masses populaires une irritation, un mouvement de protestation et une animosité envers l'ordre existant. Grigoriev profita de cet état de choses pour se lancer dans son entreprise aventureuse. Grigoriev est un traître à la Révolution et un ennemi du peuple. ...
L'aventure de Grigoriev coula aussi vite qu'elle était venue. Elle provoqua plusieurs pogroms antijuifs, dont l'un - celui d'Elisabethgrad - fut particulièrement terrible.»
111 «Aussitôt que le danger représenté par Grigoriev eut disparu, la propa;aride antimakhnoviste des bolcheviks reprit de plus belle.
Ce fut Trotski, arrivé entre temps en Ukraine, qui donna le ton de cette campagne. Le mouvement insurrectionnel n'était, selon lui, rien d'autre qu'un mouvement des fermiers riches (« koulaks ») cherchant à établir leur pouvoir dans la contrée. Tous les discours des makhnovistes et des anarchistes sur la commune libertaire des travailleurs n'étaient qu'une ruse de guerre, tandis qu'en réalité les makhnovisïes et les anarchistes aspiraient à établir leur propre autorité anarchiste, qui serait, en fin de compte, celle des riches koulaks. (Dans le journal En route, n'51, article de Trotski : La makhnovchtchina).»
116 «L'ordre deTrotski déclare hautement (articles 3 et 4) que non seulement les délégués qui s'efforcent d'exécuter les directives reçues par eux des masses révolutionnaires, mais même ceux qui viennent d'être élus et qui n'ont pas encore eu le temps de s'occuper de leur mandat devront être arrêtés et mis à mort. (Être traduit devant le tribunal militaire révolutionnaire de l'armée et être fusillé revenait au même. C'est ce qui arriva à Kostine, Polounine, Dobrolubov et d'autres qui furent traduits devant le tribunal de l'armée et fusillés, sous l'inculpation d'avoir discuté de l'appel du Conseil Révolutionnaire Militaire de Gouliaï-Polié).»
118-119 Passage libre aux cosaques par les bolcheviks «D'après le témoignage d'un personnage ayant commandé plusieurs divisions de l'Armée rouge, ainsi que d'après les dires de certains chefs militaires alors au service des bolcheviks, Trotski aurait formulé sa ligne de conduite à l'égard de la makhnovchtchina à peu près de la façon suivante : «Il vaut mieux céder l'Ukraine entière à Dénikine que permettre une expansion du mouvement makhnoviste ; le mouvement de Dénikine, comme étant ouvertement contre-révolutionnaire pourrait aisément être combattu par le moyen de la propagande de classe, tandis que la makhnovchtchina se développe au fond des masses et soulève justement les masses contre nous. »
«Quelques jours avant ces événements, Makhno fit savoir à l'état-major et au Conseil que les bolcheviks avaient dégarni le front dans la section de Grichino et qu'ils offraient ainsi aux troupes de Dénikine un accès libre à la région de Goullaï-Polié par le flanc du côté nord-est
«En une seule journée les paysans de Gouliaï-polié formèrent un régiment pour tâcher de sauver leur village. Ils durent s'armer à cet effet d'instruments primitifs, de haches, de piques, de vieilles carabines, de fusils de chasse, etc. Ils se mirent en marche à la rencontre des cosaques, cherchant à arrêter leur élan. A 15 kilomètres environ de Gouliaï-Polié, à proximité du village de Sviatodoukhovka, ils se heurtèrent à d'importantes forces de cosaques du Don et du Kouban. Les Gouliaïpoliens engagèrent avec eux une lutte acharnée héroïque et meurtrière, au cours de laquelle ils succombèrent presque tous, avec leur commandant B. Vérételnikov, ouvrier des usines Poutilov de Petrograd, originaire de Gouliaï-Polié
122 «Aussitôt, le chef de l'état-major de l'armée insurrectionnelle Ozérov, les membres de l'état-major Mikhalev-Pavlenko, Bourbyga et plusieurs membres du Conseil Révolutionnaire Militaire furent traîtreusement saisis et mis à mort par les bolcheviks. Ce fut le signal de nombreuses exécutions de makhnovistes tombés vers cette époque entre les mains des bolcheviks.»
VII La grande retraite des malthnovistes et leur victoire exécution de Grigoriev - la bataille de Pérégonovka déroute des troupes de Dénikine - ère de liberté 125(139)
138-139 «Alexandrovsk et la région environnante marquèrent la première étape ou les makhnovistes se fixèrent pour un temps plus ou moins long. Ils s'adressèrent d'abord à la masse laborieuse de la population pour l'inviter à participer à une conférence générale des travailleurs de la ville. Lorsque cette conférence fut assemblée, un rapport lui fut fait sur la situation du disûct du point de vue militaire, après quoi l'on délibéra sur la proposition d'organiser la vie de la cité et le fonctionnement des usines et des fabriques par les forces et les soins des ouvriers eux-mêmes et de leurs organisations, se basant sur les principes du labeur et de l'égalité. Les ouvriers acclamèrent vivement cette idée ; cependant ils tardaient à se mettre à l'œuvre, troublés à un certain point par sa nouveauté, et inquiétés surtout par la proximité de la ligne du front, qui leur faisait craindre que la situation de la ville fût peu sûre et instable. La première conférence fut suivie à brève échéance par une deuxième. La question de l'organisation de la vie d'après les principes de l'auto-direction des ouvriers y fut approfondie et discutée avec animation par les masses des travailleurs qui tous accueillaient cette idée avec le plus grand enthousiasme, mais parvenaient difficilement a trouver les premières formes concrètes de son application. Les cheminots firent le premier pas dans cette direction : ils organisèrent un comité, se chargèrent d'assurer le fonctionnement des voies ferrées dans la région, établirent un plan détaillé pour le service des trains, le transport des voyageurs, le système de rémunération, etc. Dès lors, la pensée du prolétariat d'Alexandrovsk travailla systématiquement à élaborer un plan pratique d'auto-direction ouvrière.»
139 «Peu après les conférences ouvrières, un congrès régional des paysans et des ouvriers eut lieu à Alexandrovsk, le 20 octobre 1919. Plus de deux cents délégués y prirent paré dont 180 paysans, et deux à trois douzaines d'ouvriers. Le congrès délibéra tant sur des questions d'ordre militaire (lutte contre Dénikine, accroissement de l'armée insurrectionnelle et de son ravitaillement) que sur d'autres touchant l'organisation de la vie civile...
Et pour parfaire le tout, le congrès avait un collaborateur et un rapporteur excellent en la personne de l'anarchiste Valine, traduisant, au grand étonnement des paysans, le fond même de leurs pensées et de leurs vœux.»
140 «L'esprit de liberté véritable, tel qu'il est rarement donne de le sentir, était présent dans la salle. Chacun voyait devant soi, chacun concevait une œuvre grande en vérité, valant la peine qu'on lui consacrât toutes ses forces, et même qu'on mourût pour elle. Les paysans, parmi lesquels se trouvaient beaucoup de gens âgés et même de vieillards, disaient que c'était le premier congrès où ils se sentaient non seulement parfaitement libres, mais aussi frères, qu'ils ne l'oublieraient Jamais. Et en effet, il est peu probable que quiconque a pris pari à ce congrès puisse jamais l'oublier.» Est-ce que les grandes famines tueuses « extermination par la faim »  de 1921-1922 et de 1932-1933 n'a pas été le moyen de punir leur volonté d'autonomie et faire disparaître tout témoin et souvenirs de cette époque glorieuse ?
146 «Il y avait tout d'abord le bolchevisme. Jamais et en aucun cas il n'aurait pu consentir, de par sa nature même, à admettre l'existence libre et ouverte d'un mouvement populaire d'en bas, des masses elles-mêmes, tel que la makhnovchtchina. Quelle que fût l'opinion des masses ouvrières et paysannes, le bolchevisme ne se serait point gêné, au premier contact avec le mouvement, non seulement de l'ignorer, mais de tout faire pour le garrotter et l'annihiler. C'est pourquoi les makhnovistes, placés au cœur des événements et des mouvements populaires en Ukraine, auraient dû commencer par prendre d'avance toutes les mesures nécessaires pour se garantir contre une pareille éventualitéFacile d'écrire après. Que faisait Archinov pendant ce temps ?
Critiques reprises sur le chapitre concernant la personnalité de Makhno page 205 : «les résultats de la victoire remportée par les makhnovistes en automne 1919 sur la contre-révolution de Dénikine ne furent pas mis suffisamment à pro6lt et développés jusqu'aux proportions d'une insurrection pan-ukrainienne, bien que le moment eût été particulièrement favorable pour le faire. La raison en était, ente autres, un certain enivrement de la victoire ainsi que la trop forte dose de sécurité et d'insouciance avec laquelle les guides de l'insurrection, et Makhno en tête, s'installèrent dans la région libérée, sans prendre suffisamment garde au bolchevisme qui arrivait du Nord.»
150-151 «Beaucoup de personnes se souviendront que la presse soviétique avait coutume de citer, en parlant de la lutte contre les insurgés, le chiffre des makhnovistes défaits, faits prisonniers et fusillés. Mais on omettait de dire qu'il s'agissait dans la majeure partie des cas, non pas d'insurgés militants appartenant à l'armée insurrectionnelle, mais de simples villageois témoignant de quelque sympathie pour la makhnovchtchina. L'arrivée des soldats de l'Armée rouge dans un village était inévitablement accompagnée de l'arrestation de nombreux paysans qui étaient ensuite exécutes soit comme insurgés makhnovistes soit comme otages. ...
Le village de Gouliaï-Polio qui passa une quantité innombrable de fois de mains en mains eut le plus à souffrir. Chaque fois que les troupes bolcheviques y faisaient leur entrée ou étaient obligées d'en sortir, les commandants s'empressaient de s'emparer de plusieurs dizaines de paysans, les arrêtant à l'improviste dans les rues, et de les fusiller.
Chaque habitant de Gouliaï-Polio demeuré en vie pourrait raconter des cas erra)anis. D'après les calculs les plus modérés, l'on ne saurait évaluer le chiche des paysans et des ouvriers fusillés et mutilés par les autorités soviétiques en Ukraine durant cette période à moins de deux cent mille. Un nombre à peu près égal de victimes fut déporté dans le fin fond de la Sibérie et ailleurs.
Naturellement, les makhnovistes, ces fils révolutionnaires d'un peuple en révolution, ne pouvaient rester indifférents devant une déformation aussi monstrueuse de la Révolution. A la terreur des bolcheviks ils ripostèrent par des coups non moins rudes. Ils appliquèrent aux bolcheviks toutes les formes de guérilla qui avaient eu cours au moment de leur lutte contre la skoropadchtchina.»
​VIII Les erreurs des makhnovistes - deuxième agression Les erreurs des makhnovistes 145(163)
159 «Les makhnovistes ne pouvaient rester ïndifférents à l'avance prise par Vrangel. Ils concevaient clairement qu'il importait de combattre Vrangel sans retard, sans lui laisser le temps de s'affermir dans sa lutte contre la Révolution. Tout ce qui serait fait contre lui servirait en fin de compte à la Révolution. Mais que faire avec les communistes? Leur dictature était tout aussi funeste et hostile à la liberté du travail que Vrangel lui même. Cependant, la différence entre les communistes et Vrangel, c'était que de leur côté se trouvaient les masses empreintes de la foi en la Révolution. Il est vrai que les communistes trompaient ces masses cyniquement et détournaient l'enthousiasme révolutionnaire des travailleurs au profit de leur pouvoir. Pourtant les masses opposées à Vrangel croyaient en la Révolution, et cette réalité était d'une grande importance
165 «À Gouliaï-Polié se trouvèrent plusieurs adeptes des idées de l'école libre de Francisco Ferrer, ainsi que des théoriciens et des disciples pratiques des idées de l'école unifiée. ...
Après avoir adopté la séparation de l'école et de l'État, les habitants de Gouliaï-Polié adoptèrent un plan d'enseignement libre ayant beaucoup d'analogies avec celui de Francisco Ferrer.» Ce pédagogue anarchiste espagnol est plusieurs cité dans le texte.
IX Accord des makhnovistes avec le gouvernement des Soviets - troisième agression des bolcheviks 157(177)
187 «La troisième campagne des bolcheviks contre les makhnovïstes fut en même temps une campagne dirigée contre les villages et la paysannerie de l'Ukraine. Le but général et essentiel de cette campagne était non seulement d'infliger une défaite décisive à l'armée des insurgés mais de se rendre maître, immédiatement après, des paysans mécontents et de leur enlever toute possibilité d'organiser à l'avenir tout mouvement de guérilla révolutionnaire. La nombreuse Armée rouge libérée du souci de mater Vrangel permettait aux bolcheviks de mettre ce plan à exécution. Des divisions rouges traversèrent tous les villages rebelles de la région insurgée, exterminant les paysans en masse d'après les indications des riches fermiers (« koulaks ») de l'endroit. Lorsque, huit jours après l'attaque traîtresse des bolcheviks contre Gouliaï-Polié, Makhno y opéra sa rentrée, les paysans et les paysannes du village se pressèrent autour des makhnovistes leur racontant avec désespoir comment les communistes avaient fusillé, la veille encore, plus de trois cents habitants. La population avait attendu journellement l'arrivée des makhnovistes espérant qu'ils sauveraient ces malheureux. Quelques leurs après, les makhnovistes arrivaient à Novospassovka et y constataient qu'une exécution pareille venait d'y avoir lieu. La section de culture de l'armée makhnoviste et le Conseil des insurgés établirent incontestablement que, dans ce dernier endroit, les tchékistes assoiffés de meurtre avaient forcé des mères à serrer leurs nourrissons dans leurs bras pour les tuer du même coup. On avait agi de la sorte, par exemple, avec la femme et le nourrisson d'un insurgé de Novospassovka, Martin. L'enfant avait été tué mais la mère blessée survécut grâce à l'inattention des tchékistes. Les cas de ce genre étaient assez fréquents. L'Histoire nous les relatera un iour. Les bolcheviks fusillèrent encore en masse des paysans dans les villages deMalaïa-Tokmatchka, Ouspénovka, Pologui, etc
X Le problème national dans la makhnovchtchina - la question juive 191(215)
De mes lectures j'en ai déduit ce commentaire. L'antisémitisme était répandu alimenté précédemment par le pouvoir tsariste responsable de pogroms provoquant l'émigration juive. Des paysans, artisans et intellectuels juifs ont soutenus la makhnovchtchina et se sont battus à ses côtés. Quand des officiers étaient reconnus responsables de crimes antisémites Makhno les faisaient fusiller. Dans les territoires libérés l'éducation mise en place et l'information luttaient contre les préjugés religieux. L'antisémitisme de Makhno est une construction de la propagande et des manipulations du pouvoir bolchévique.
XI La personnalité de Makhno 201
206 «A notre grand étonnement, la plupart des anarchistes russes contemporains prétendant à un rôle prépondérant dans le domaine de la pensée anarchiste ne surent pas percevoir les côtés remarquables de la personnalité de Makhno. Beaucoup d'entre eux le regardaient et le jugeaient à travers les lunettes bolcheviques, se fondant sur les informations officielles, ou bien s'arrêtaient à des détails. Pierre Kropotkine faisait exception de façon éclatante à cette manière de voir : « Dites de ma part au camarade Makhno qu'il prenne soin de lui-même, car il y a peu d'hommes tels que lui en Russie. » Ces paroles de Kropotkine datent du mois de juin 1 9 19, c'est-à-dire à un moment où en Russie centrale on ne savait guère sur Makhno que ce qu'en disaient les informations officielles dénaturées.»
XIII La makhnovchtchina et l'anarchisme
Les anars devraient lire ces pages
213 «L'anarchisme embrasse deux mondes : celui des idées proprement dites, de la philosophie, et celui des actions et des réalisations pratiques. Les deux sont intimement liés entre eux. La classe ouvrière en lutte s'attache naturellement plutôt au côté concret et pratique de l'anarchisme. Le principe essentiel et fondamental en est le principe de l'initiative révolutionnaire des travailleurs et leur affranchissement par leurs propres forces. De ce premier principe découlent naturellement celui de la négation de l'État ainsi que celui de l'auto-direction des travailleurs dans la société nouvelle. Cependant, jusqu'à présent, l'histoire des luttes prolétariennes ne nous a pas donné l'exemple d'un mouvement des masses guidé par le principe anarchiste pur. Tous les mouvements ouvriers et paysans qui ont eu lieu jusqu'ici se sont déroulés dans les limites du régime capitaliste et n'ont été que plus ou moins teintés d'anarchisme. Ceci est parfaitement naturel et compréhensible. Les classes laborieuses agissent non pas dans le monde souhaité, mais dans celui qui existe ; elles sont journellement en butte à l'action physique et psychique des forces hostiles. En dehors du monde des idées anarchistes, qui n'a qu'une faible extension, les travailleurs subissent constamment l'influence de tout le milieu réel du régime capitaliste et des groupes intermédiaires.»
215 «En considérant la makhnovchtchina, nous sommes confrontés d'emblée à deux côtés essentiels de ce mouvement : 1) son caractère vraiment populaire et issu des sources mêmes du prolétariat, un mouvement surgi d'en bas, des profondeurs de la masse travailleuse ; pendant tout son parcours, ce sont les masses populaires elles-mêmes qui le soutiennent, le développent et le dirigent ; 2) ce trait distinctif que, dès ses premiers jours, il s'est appuyé, non seulement instinctivement, mais aussi à bon escient, sur certains principes incontestablement anarchistes :
a) Le droit des travailleurs à une initiative complète ;
b) Leur droit d'autodirection économique et sociale ;
c) Le principe de non-étatisme dans l'édi6lcation sociale.»
«...ce mouvement était issu des profondeurs du peuple, il ne disposait pas des forces théoriques nécessaires, des forces de généralisation indispensables à chaque grand mouvement social.
...le mouvement avançait lentement et avec peine, compte tenu également des forces ennemies multiples qui l'attaquèrent.
La majeure partie des anarchistes russes qui étaient passés par l'école théorique de l'anarchisme demeura à l'écart, dans des cercles isolés n'ayant aucune raison d'être à cette époque ; ils cherchaient à approfondir ce qu'était ce mouvement et de quel œil il fallait le considorer; et ils restaient cois, se consolant de leur inertie à l'idée que le mouvement paraissait ne pas être purement anarchiste.»
216 «...les anarchistes perdirent énormément en restant en dehors de l'actualité vivante et en se condamnant par là à l'inaction et à la stérilité.
...cette attitude déplorable n'était pas due au hasard : elle prend sa source dans des causes précises...»
Une grande partie de nos theoriciens appartiennent par leurs origines à l'«intelligentsia». Cette particularité est d'une grande importance. Tout en se rangeant sous l'étendard de l'anarchisme, beaucoup d'entre eux sont pourtant incapables de rompre définitivement avec l'état d'esprit, la psychologie du milieu dont ils sont issue. S'étant occupés plus que le reste des camarades de la théorie de l'anarchisme, ils en sont graduellement venus à se sentir pénéués de leur rôle de leaders du monde anarchiste et ils finissent par croire que le mouvement anarchiste lui-même se conduira d'après leurs indications ou tout au moins avec leur concours immédiat et dirigeant.
Or, le mouvement commença bien loin d'eux dans la lointaine province et dans les couches les plus profondes de la société contemporaine. Quelques-uns seulement parmi les théoriciens de l'anarchisme - des isolés furent assez perspicaces et assez courageux pour reconnaître que ce mouvement était bien celui auquel l'anarchisme les avait préparés de longue date et pour s'empresser d'aller vers lui. Il serait même plus Juste de dire que, de tous les anarchistes «intellectuels » et théoriquement instruits, Voline fut le seul qui participa au mouvement avec une entière conviction ...»
217 «...l'impuissance et de l'inactivite des anarchistes est la confusion des idées anarchistes et le désarroi organisationnel dans les rangs libertaires. Quoique l'idéal de l'anarchisme soit puissant, positif et incontestable, il contient encore pas mal de lacunes, il y entre encore, pour beaucoup, des lieux communs abstraits et vagues et des déviations vers des domaines qui n'ont rien à voir avec le mouvement social des travailleurs. C'est de là que vient la possibilité d'interpréter faussement les aspirations de l'anarchisme et son programme pratique.
Ainsi, beaucoup d'anarchistes ont dépensé jusqu'à présent leurs forces à chercher à déterminer si le but de l'anarchisme est la libération des classes, de l'humanité ou de la personnalité. Cette question est vaine ; cependant elle a sa base dans quelques positions vagues de l'anarchisme, et elle ouvre le champ aux abus dans le domaine des idées d'abord, puis dans celui de la pratique anarchiste. La théorie anarchiste de la liberté personnelle qui, elle aussi, est loin d'être suffisamment éclaircie, ouvre un champ encore plus vaste aux abus. Assurément, les hommes d'action, possédant une volonté ferme et un instinct révolutionnaire fortement développé, verront dans l'idée anarchiste de la liberté personnelle avant tout l'idée du respect anarchiste pour la personnalité d'autrui, l'idée de la lutte infatigable pour la liberté anarchiste des masses. Mais ceux qui n'ont pas la passion de la Révolution, qui songent en premier lieu aux manifestations de leur propre « moi», comprennent cette idée à leur guise. Chaque fois qu'il s'agit d'organisation pratique, de responsabilité sérieuse, ils se cramponnent à la théorie anarchiste de la liberté personnelle et, se fondant sur elle, cherchent à se soustraire à toute responsabilité et à empêcher toute organisation. Chacun d'eux se retire sous sa tente, élabore son œuvre propre et prêche son propre anarchisme. Les idées et les actions des anarchistes sont ainsi émiettées d'une façon insensée.»
Conclusion 223
227 «Sur la crête du puissant mouvement des paysans et des ouvriers qui aboutit à la Révolution d'octobre 191 7 s'éleva le système autoritaire des communistes.
Le fait que l'autorité de ces derniers a réussi à se maintenir, depuis un temps assez long, en Russie révolutionnaire, a laissé penser à beaucoup de personnes que ce système est le produit et la forme naturelle de la Révolution russe. Mais c'est une erreur profonde. La Révolution russe et le système autoritaire des communistes sont deux antipodes. Au cours de la Révolution russe, le pouvoir communiste n'est et n'a été que la forme la plus subtile, la plus souple et en même temps la plus tenace de la réaction. Dès ses premiers moments, une lutte s'est engagée entre celle-ci et la Révolution. Dans ce combat les masses travailleuses de Russie ont déjà perdu les premières conquêtes de leur Révolution : la liberté d'organisation, celles de la parole, de la presse, le droit d'échapper à l'assassinat arbitraire, etc. Cette lutte s'est déroulée d'une façon ou d'une autre sur toute la vaste étendue de la Russie, pénétrant dans chaque village et chaque usine ; son apogée fut atteint par l'insurrection révolutionnaire de l'Ukraine ; elle s'étendit ensuite de nouveau à plusieurs provinces de la Russie centrale et gronda dans le soulèvement des matelots de Cronstadt au mois de mars 1921.
La Russie traverse actuellement une période de réaction aiguë. Il est impossible de prédire si ce sera le mouvement révolutionnaire des ouvriers et des paysans qui remportera la victoire ou bien la réaction qui parviendra à se maintenir et à s'affermir pour un long laps de temps. Mais une chose est incontestable : l'époque révolutionnaire dans laquelle la Russie se trouve à présent engagée est loin d'être parvenue à sa fin ; une quantité énorme d'énergie révolutionnaire est toujours emmagasinée parmi les ouvriers et les paysans ; leurs «poudrières regorgent encore de poudre», et des luttes révolutionnaires actives de la part des masses travailleuses sont plus que possibles au cours des prochaines années.»
C'était en 1921, la répression féroce a tué toute résistance par la peur et le meutre de tout esprit opposé potantiel et éventuel.
230 «Tout au long de la Révolution russe, dès que les travailleurs se sont efforçés de faire acte d'indépendance véritable, d'agir par eux-mêmes, le bolchevisme a étouffé leurs efforts. Son esprit réactionnaire ne se démentit même pas au moment ou il devint clair pour tous, et pour lui-même aussi, que la Révolution russe se trouvait en danger de mort sous la poigne de la dictature écrasante. L'idée vraiment folle et maladive de serrer et de tenir par la force toute la Révolution dans l'étau de son programme ne le quitte pas un seul instant.»
231 «Fausse est l'affirmation des étatistes que les masses ne sont capables que de détruire ce qui est périmé, qu'elles ne sont grandes par leur héroïsme que dans cette œuvre de destruction, et que dans l'ouvre de création elles font preuve d'inertie et de vulgarité.
Dans le domaine de la création aussi, dans celui du travail quotidien, les masses sont capables d'héroïsme et de dévouement. Mais, pour cela, il faut qu'elles sentent un fondement solide sous leurs pieds ; il faut qu'elles se sentent réellement libres, qu'elles sachent et qu'elles aient foi en ce que l'œuvre qu'elles font est vraiment leur œuvre à elles, que c'est leur cause qu'elles défendent; il faut qu'elles voient dans chaque mesure sociale adoptée la manifestation de leur volonté, de leurs espérances et de leurs aspirations. En un mot, les masses doivent se diriger elles-mêmes au sens large du mot.» Ceci rejoint les «racines» de Simone Weil.
«Dans la foi maladive en sa dictature, le bolchevisme est devenu tellement insensible, ossifié et rigide, que les besoins et les appels de la Révolution lui sont devenus totalement étrangers, qu'il a fini par préférer en voir le cadavre plutôt que de consentir des concessions.»
Toutes les directions de partis avant la direction voulaient maintenir l'état central autocratique  et c'est le plus fourbe qui a gagné.
Trotski promoteur de la révolution permanente est contredit par ses agissements refusant celle-ci.
Qu'est devenue cet esprit révolutionnaire dans les mémoires de l'Ukraine actuelle ?
La famine de 1932 a été «utile» pour en faire disparaitre toutes traces.

Haut de page  Page mer noire  Page révolution russe

Des visites régulières de ces pages mais peu de commentaires.
Y avez-vous trouvé ou proposez-vous de l'information, des idées de lectures, de recherches ... ?
Y avez-vous trouvé des erreurs historiques, des fautes d'orthographes, d'accords ... ?
Ce site n'est pas un blog, vous ne pouvez pas laisser de commentaires alors envoyez un mail par cette adresse robertsamuli@orange.fr
Au plaisir de vous lire.