Sortir de l'histoire officielle

    


Panaït Istrati (1884 - 1935)
« On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs », à savoir : « Je vois bien les œufs cassés, mais où donc est l’omelette ? »

Mars 2016, Manifestation organisée par l’Association des Amis de Panaït Istrati et par la Bibliothèque Diderot de Lyon. »
Panaït Istrati d’hier à aujourd’hui en pdf sur unprolospecule «Panaït Istrati d’hier à aujourd’hui»

Un article Panaït Istrati, écrivain et aventurier en pdf sur unprolospecule Panaït Istrati, écrivain et aventurier

Des extraits de Kyra Kyralina https://osetracines.com/2020/12/02/kyra-kyralina-panait-istrati/

Le vagabond du monde Articles, interviews, nouvelles

Codine - Une nuit dans les marais - Kir Nicolas

Préface de La vache enragée de George Orwell
(Dans la dèche à Paris et à Londres)

Le vagabond du monde Articles, interviews, nouvelles
http://www.pleinchant.fr/titres/Voixdenbas/istrati.html

Du site de l'éditeur «Textes rares et inédits rassemblés et présentés par Daniel Lérault.
«Dans ces Notes… j'oublierai l'écrivain pour n'être que le vagabond, insouciant du style, de la composition. Je dirai les choses telles qu'elles se présenteront à mon esprit, après les avoir vécues sur mes nouvelles routes et sur les anciennes. Ce sera le roman pris sur le vif de mes dernières pérégrinations… Devoir voluptueux. Besoin ardent de plonger dans la mêlée, de donner des coups et d'en recevoir. Et surtout de pouvoir dire à mon aise tout ce que je sens, tout ce que je penses. Voilà ce que j'ai toujours désiré être. Se réalisent-ils, les vieux rêves ? »
Et la 4ème de couverture «Ainsi s'exprime Panaït lstrati dans ce recueil de textes divers - rares, dispersés, inédits - qui, s'ils n'ont pas le caractère des œuvres achevées, n'en reflètent pas moins les préoccupations constantes de leur auteur. Il s'agit avant tout d'un combat mené pour la justice, pour l'égalité, pour une société plus humaine. Cela est plus essentiel que l'art. Cet art du conteur, qu'il possède à merveille, lstrati crut un temps qu'il pouvait aider à transformer la société. Vaincu, il ne renonce pas pour autant au combat pour la réalisation de ses rêves. Ce combat, il le mène avec une seule arme : le cœur. lstrati ? Un vagabond, certes... mais aussi un combatant des rêves. Et ses rêves, on pourra juger de leur actualité, sont nos rêves! .
PANAIT ISTRATI Né à Branla en 1884 lstrati, autodidacte issu du peuple, deviendra écrivain célèbre à 40 ans, après une longue période de vagabondages et d'expériences diverses. Tel un météore ce «Gorki balkanique » (l'expression est de Romain Rolland), traverse le monde littéraire, de 1924 à 1935. Ses œuvres sont traduites en 27 langues. Mais ses positions politiques, passionnée, vont être fatales à l'homme comme à l'œuvre. Il meurt, dans le dénuement, tuberculeux, en 1935. Après tente-cinq années d'un étrange silence, les éditions Gallimard publieront ses œuvres complètes. Aujourd'hui, disponibles en livres de poche, on redécouvre, à travers elles, l'universalité de leur auteur, «l'un des plus grands conteurs du monde ».

Page 17 «Pour Christian Rakovsky» Militant pourchassé par le pouvoir Roumain il rejoint les bolcheviks en 1917. Ami de Trotsky critique vis à vis de Staline il se soumet à son autorité. Ce qui n'a rien fait pour le sauver des assassinats du despote.
Jacquerie paysanne roumaine de 1907 citée aussi p48. De la page wikipédia : «Les causes de la jacquerie de 1907 sont multiples et discutées, mais les principales sont les mauvaises récoltes des années précédentes et la spéculation du prix des grains par les « arendaches » auxquels les boyards et princes vivant à l'étranger laissaient la gestion de leurs domaines, attendant seulement des « arendaches » qu'ils envoient à Paris, Nice ou Londres les rentes les plus élevées possible.
Plus marginalement, la diffusion des idéaux égalitaires et socialistes parmi les paysans a pu jouer un rôle, mais pas le « rôle moteur » comme l'a affirmé et enseigné durant 45 ans l'historiographie communiste, car la plupart des paysans étaient encore illettrés en 1907 et n'avaient guère le loisir de s'approprier des idées politiques.
Sur le plan culturel, la violence de l'insurrection provoque, en Roumanie même, l'effondrement du mythe bucolique du „paysan paisible”, docile voire servile, soi-disant „fondement de la nation”, et à l'étranger, la dégradation (déjà) de l'image du pays, tant en raison des violences des paysans, que de celles de l'armée contre eux.»
19-20 Manifestation le 19 octobre 1909 en soutien à Christian Rakovsky https://fr.wikipedia.org/Christian_Rakovski_mouvement_socialiste_roumain De la page wikipédia : «Une manifestation ouvrière en sa faveur eut lieu, qui fut brutalement réprimée.»
24 «J'ai gouté aussi la prison de droit commun et voici à peine deux ans, je dus, quatre fois, purger des condamnations de simple police à Nice, mais dans la maison cellulaire de cette ville, dont le régime sévère rappelle les descriptions du grand détenu que fut André Party». De la page wikipédia : «...dirigeant du Parti communiste français, dont il est exclu en 1952. Il est député de 1924 à 1955, avec quelques interruptions, et secrétaire de l'Internationale communiste de 1935 à 1943. Marty est particulièrement connu pour sa participation à la guerre d'Espagne et pour la brutalité qui lui est reprochée durant ce conflit contre les anarchistes et les propres membres des Brigades internationales.»
25 Pogroms de Focsani et Piatra-Neamtz en 1925. Peu d'informations sur le net juste pour Focsani.
26 Procès du lieutenant Moraresco responsable de massacres de vols Bessarabie  et acquitté.
«Que reproche-t-on à Moraresco ?
Envoyé sur la frontière du Dniester à l'époque où les fuyards ukrainiens tournaient le dos aux Soviets barbares et cherchaient un asile provisoire dans la Bessarabie du « civilisé » Bratiano, le lieutenant Moraresco, aussi patriote que pratique, comprit que son devoir était de faire en même temps deux bonnes actions : défendre la frontière en s'enrichissant.
Vieille pratique du temps de guerre, il ordonne des fusillades contre les barques de réfugiés. Les familles ont-elles débarqué sur la rive roumaine, il les fait assassiner sur place.»
De la page Wikipédia Bessarabie  «L’Office Nansen est très actif en Bessarabie et y accueille des dizaines de milliers de réfugiés majoritairement russes, juifs et ukrainiens fuyant la Guépéou, la collectivisation et les famines soviétiques de 1921-1922 et l'Holodomor. Le 23 février 1932, près du village d'Olăneşti sur le Dniestr, quarante réfugiés russes et juifs, femmes et enfants compris, fuyant la terreur rouge, sont abattus par les gardes-frontière soviétiques : le fait est relaté par les survivants dans les journaux européens.»
Devant le contenu de l'article celui-ci ne pouvait pas être publié dans l'Humanité comme d'autres précédemment.
31 Tués parce-qu’ils seraient juifs.
38 «Notre Stéphan» et page 156
Ștefan Gheorghiu. De la page wikipédia en allemand «Gheorghiu, fils d'ouvrier, a rejoint le club des ouvriers (Club al muncitorilor) dans sa ville natale. Après la dissolution du Parti travailliste social-démocrate roumain (Partidul social-démocrate al Muncitorilor din România) en 1899, Gheorghiu rejoignit le Parti libéral et s'engagea dans la restauration du Parti travailliste et la formation de syndicats. Lors du soulèvement paysan roumain de 1907, il a soutenu les revendications des paysans. La même année, il a été condamné à six mois de prison pour incitation. En 1907, il fut élu au Conseil général des syndicats roumains par contumace. Après la restauration du Parti social-démocrate (Partidul social-démocrate Român) en janvier 1910, Gheorghiu combattit la direction révisionniste du parti. En 1912, il était le chef d'un groupe de socialistes qui s'opposaient à la participation de la Roumanie à la deuxième guerre des Balkans. La même année, il publie le manifeste anti-guerre Război războiului (Guerre contre la guerre). Gheorghiu fut élu secrétaire du Syndicat roumain des ouvriers du transport (Uniunea muncitorilor de transport din România) en 1912 et mena une grève à Brăila en avril 1913. Gheorghiu est mort de la tuberculose à l'âge de 35 ans.»
41 «Amis de notre saint Stéphan, prolétaires de mon pauvre pays, apprenez que votre idole n'a été ni «socialiste», ni «communiste», ni «bolchevique», ni aucun autre mot creux mis entre guillemets. Il n'a été qu'un révolté inné contre l'oppression, un homme bon et un grand ami. Tant ! S'il vivait à présent, il dirait ce que le dis et que le redirai jusqu'à la mort : l'homme de cœur, l'ami opprimé ne se dispute pas avec ses frères de souffrance à cause d'idées, mais il va les chercher là où ils se trouvent, les rassemble dans un même lieu et leur dit un mot, un seul mot : Révoltez-vous ! Nice, 21 février 1926.» Mais il a été récupéré par le pouvoir dictatorial qui émit un timbre à son effigie en 1979.
42 Comité de défense des victimes de la Terreur Blanche dans les Balkans.
«Ma révolte contre l'universel complot de la canaille humaine qui s'acharne à briser tout effort vers une vie plus juste et plus saine.»
Les recherches m’emmènent sur la page du Maitron Henri Barbusse et ses livres dont Les Bourreaux (la Terreur blanche dans les Balkans) (1926).
87 «J'ignore quel côté de la littérature française accapare actuellement l'esprit salonnier de chez-nous, mais, pour être juste, je vous dirai que, journellement, j'ai des marques de sympathie de la part des personnalités littéraires et artistiques les plus éminentes. Ce n'est pas facile vu que s'il y a une gauche de la foi littéraire révolutionnaire, je me suis placé, en Roumanie, à l'extrème-gauche, au-delà de toutes les fourberies de partis et de cénacles.»
96 Ses auteurs français préféré en 1926 «Mes passions sont saines, mes préférences au-dessus de toute coterie, et j'ai derrière moi une vie qui me permet le luxe de la franchise, m'offre l'avantage de la haine et le droit d'aimer ce que bon me semble, sans que tout cela me coûte un soupir. Au contraire, le n'attends que le moment d'aller dans mon pays : y aider à abattre les écluses rouillées qui étranglent le fleuve de la vie nouvelle : donner libre cours à la foi universelle de votre Rolland, notre [Romain] Rolland; au courage civique de votre Barbusse, notre Barbusse; et tout de suite après ces deux champions de la liberté, laisser passer le vaillant bataillon de tous ceux qui ont mis de l'amour, de la haine et de la douleur dans leurs œuvres : Jean Richard-Bloch, Jouve, Bazalgette, Duhamel, Arcos, Vildrac, les exotiques Leblond, le fulminant Masereel, le tendre Belot - qui sont mes amis ou seulement gens de connaissances; - enfin, ce puissant Roger Martin du Gard, les frères Tharaud, Werth, Dorgelès, Hamp - qui ne me sont connus que par leurs œuvres et auxquels je n'aurai peut-être jamais l'occasion de serrer les mains, malgré mon vif désir.»
104 «Et qui combattiez-vous ? Je vous le donne en mille. Eh bien, M. Jorga , le déclecheur des hooliganismes de l'époque, à côté de son collègue universitaire A.-C. Couza, ce dernier, aujourd'hui encore l'organisateur de tous les banditismes antisémites.» 1927 dans Les Nouvelles Littéraires.
Ces deux nazis on les retrouve, en pdf sur unprolospecule De l’antisémitisme au fascisme en RoumanieTraian Sandu, sous les orthographes Iorga et Cuza ««La plus grande chance que nous ayons eue, tous les Roumains, a été de posséder le professeur Cuza, un des plus brillants connaisseurs de la question juive du monde.» (CODREANU, La Garde de fer...» «Ceci n‟empêche pas de développer dans un chapitre entier le «problème juif en Roumanie» et de débuter à nouveau par une sous-section de révérence à «lopinion des professeurs A.-C. Couza et N. Iorga»
123 à 128 Son revirement vis à vis de la Russie bolchevik, de la joie dans l'espoir jusqu'au rejet de la tyrannie. Interview de Magdeleine Marx (Legendre, Marx, Paz) «Elle s’engage fortement en faveur des écrivains menacés, comme le Russe Victor Serge.» Pour la revue Contre le courant  «En novembre 1927, Maurice Paz lance la revue Contre le courant, organe de l'Opposition communiste. Le 1er décembre 1927, le quotidien communiste L'Humanité annonce l'exclusion de Maurice Paz et Magdeleine Marx.»
247-248 «Hélas, je n'ai pas pu être que cela. Mon besoin d'aimer la vie, - de rire et de me mettre en colère - a toujours troublé l'équilibre révolutionnaire militant dont la haine permanente forme le piédestal. J'ai essayé et le n'ai pas pu être un tel militant. Mon piédestal est le sentimentalisme. Et Rakovsky, en parlant de mon activité, a dit, à la tribune du congrès socialiste roumain de 1912, que « le sentimentalisme est un danger pour le mouvement révolutionnaire ».
Je me plais à rappeler de temps à autre cette boutade d'un de mes meilleurs amis, lui-même un tendre sentimental, mais dont la haine du régime bourgeois est maîtresse. Ce régime, je le hais et je le combats de toutes mes forces, mais je ne puis passer ma vie à ne faire que cela. Je le ferais très mollement, d'autant plus qu'il me manque le premier outil du bon militant : le don oratoire. Et puis, l'ai horreur de la répétition inlassable des mêmes arguments, dont est faite toute propagande.
Je suis venu au socialisme, grâce non pas à ces arguments théoriques ou pratiques, mais à mon amour pour la vie, que je voudrais voir plus belle, plus humaine, j'y suis venu, non pour lui demander l'amélioration de mon salaire et un peu plus de liberté, mais afin d'exiger le droit de l'homme de disposer de lui-même. Ne rencontrant pas la solidarité nécessaire à cette réalisation et ne voulant pas partager le triste destin que subit ma classe, j'ai fait ma propre révolution : jai refusé au régime capitaliste le travail régulier qu'il me demandait contre une existence de sous-sol qu'il m'offrait, et je suis parti dans le monde grignotant une caroube pleine de soleil.»
275-276 «Si je me trouve en troisième classe, je suis sociable, je prends part aux discussions ou je me contente d'écouter les bavardages qui m'environnent ; car les gens simples sont naturels, sont ouverts, disent ce qu'ils pensent, de sorte qu'on peut facilement lire dans leur cœur bon ou mauvais. Tout à fait autrement je procède lorsque le voyage dans les autres classes ou dans des wagons-lits où, en général, l'homme dit «bien élevé» est un singe hypocrite qui ne fait que guetter votre pensée. Ici, tout ce qui se dit est faux, c'est pour la galerie et les relations faites sont suspectes comme partout dans le « beau monde ». Ici, je n'ai rien à donner, rien à prendre et donc, le préfère me retirer en moi-même ou me coucher.»

Janvier 2021

Codine - Une nuit dans les marais - Kir Nicolas
https://www.editionslibertalia.com/catalogue/la-petite-litteraire/panait-istrati-codine

4ème de couverture et du site de l'éditeur : «« Sais-tu ce que c’est : faire mal à quelqu’un ? — C’est le faire souffrir, dis-je. — Non. Mon bonhomme ! Tu n’y es pas. Le mal, le seul mal, c’est l’injustice : tu attrapes un oiseau et tu le mets en cage ; ou bien, au lieu de donner de l’avoine à ton cheval, tu lui fous des coups de fouet. Voilà des injustices. Il y en a bien d’autres… »
Adrien Zograffi et sa mère, blanchisseuse, viennent d’emménager dans la Comorofca, un quartier pauvre de Braïla, à l’est de la Roumanie. Adrien est un garçon poli et propre sur lui qui ne s’intègre pas aux garçons qui jouent au foot dans la rue, tous dépenaillés et grossiers. Un jour, il fait la connaissance du « géant du port », le forçat au grand cœur, le fameux Codine, colosse des bas-fonds redouté de tous. Tous deux se lient d’une amitié forte et exclusive, ils deviennent « frères de croix ». Mais la fatalité rattrapera bien vite le grand Codine…
Panaït Istrati (1884-1935), écrivain roumain d’expression française, poète vagabond et révolutionnaire antiautoritaire, était surnommé le « Gorki des Balkans ». Depuis une quinzaine d’années, son œuvre à caractère autobiographique connaît une nouvelle jeunesse.»

Juste 2 citations : Pages 105 et 107
«... le coupable n'a qu'un péché : celui qu'il a commis ; mais l'accusateur en a mille : tous ceux dont il accable à tord son prochain.»
«... la nation c'est un mot dont se parent deux sortes de gens : les très malins et les imbéciles. Malheureusement, il y a aussi un petit nombre de sincères et de naïfs qui sont de bonne foi, c'est grâce à eux que les frontières se maintiennent. Autrement, c'en serait vite fait du mot nation.»

Du site de Libertalia :
«Paru dans Les Lettres françaises, janvier 2019. Istrati, amant de la liberté par Sébastien Banse
À la nuit tombée, Adrien Zograffi part avec son oncle couper les roseaux dans les marécages du delta du Danube : « De temps en temps, des vols d’oies et de canards sauvages, dénichés et épouvantés dans leur sommeil par cette visite nocturne, prenaient l’air avec de grands battements d’ailes. Au clair de lune, Adrien les contemplait avec émotion ; une forte envie le prenait de leur crier : “Prenez-moi aussi avec vous !” »
Ce vertige que lui donne l’horizon, c’est cela qui va le rapprocher de Codine, un colosse, redoutable et rebelle, bouleversé par l’amitié de cet enfant comme lui épris d’absolu et de liberté. Lorsque Codine emmène Adrien chasser les oies sauvages, le jeune garçon est submergé par l’envie de se jeter à l’eau : « La vaste étendue d’eau frémissante sous la lune et bordée de rives mystérieuses me faisait croire que la terre avait subi un nouveau Déluge et que nous étions les seuls êtres restés vivants au monde. »
Cet appel de l’ailleurs, du large, a le même caractère impérieux que celui que décrit le Marius de Marcel Pagnol : « Ce n’est pas moi qui commande… Lorsque je vais sur la jetée, et que je regarde le bout du ciel, je suis déjà de l’autre côté. Si je vois un bateau sur la mer, je le sens qui me tire comme avec une corde. » Adrien comprend que cette fièvre ne s’éteindra pas. À la mort de Codine – une fin violente, atroce, inéluctable, – Adrien part à son tour.
Codine appartient au cycle des aventures d’Adrien Zograffi, « oiseau voyageur », « amant de la Méditerranée », double littéraire de son créateur, Panaït Istrati, auteur roumain qui a toujours écrit en français. (Istrati a appris le français par ses propres moyens, en côtoyant les grands auteurs, et l’on ne peut qu’admirer la maîtrise que cet autodidacte en a acquise.) Codine constitue le point de départ de cette saga inspirée de la vie vagabonde d’Istrati, écrivain nomade dont les périples représentent plus une quête de liberté et de poésie que d’action.
Panaït Istrati, figure célèbre de la littérature « prolétarienne » des années 1920-1930, avait sombré dans un certain oubli, pour des raisons essentiellement politiques. C’est sa connaissance intime de la misère et de l’injustice qui l’avait mené au communisme. Un voyage en URSS sonna la fin de ses illusions. Sa critique du régime lui valut de rudes attaques et l’amena à rompre douloureusement avec d’anciens amis. Mais l’antisoviétisme qu’il développa par la suite s’accommoda assez bien de son goût de la liberté, qu’il plaçait au-dessus de tout. Il n’est sans doute pas un hasard que ce soit aujourd’hui des maisons d’édition de tendance libertaire qui le ressortent de ce purgatoire immérité : L’Échappée a republié Méditerranée à l’été 2018, et Libertalia vient de faire reparaître son Codine en fin d’année dernière.
Dans notre monde où les frontières se resserrent, il est bon d’entendre à nouveau la voix d’Istrati, éternel exilé à la recherche de l’Autre  : « Quand tu seras grand, je ne serai plus qu’un souvenir pour toi. Sache donc ceci : l’étranger est une ombre qui porte son pays sur le dos. Cela ne plaît pas aux patriotes et c’est pourquoi l’étranger est partout un homme de trop. »»

Novembre 2020