Sortir de l'histoire officielle

    


Albert Camus - son cheminement

Dans le "dictionnaire Albert Camus" dans l'article "Roger Quilliot" «L'une de ses dernières interventions, en 1985 au colloque de Nanterre, s'intitule «Camus et le socialisme». «Oui, concluait-il, Camus fut socialiste, d'un socialisme libéral ou libertaire ; socialiste par souci de la solidarité, socialiste du relatif, hors de tout dogme, plus proche de proudhon que de Guesde.»»

Actuelles
Actuelles Chroniques 1944-1948
Actuelles II Chroniques 1948-1954
Actuelles III Chroniques algériennes 1939-1958

Carnets
Carnets I : mai 1935-février 1942 (1962)
Carnets II : janvier 1942-mars 1951 (1964)
Carnets III : mars 1951-décembre 1959 (1989)

Écrits libertaires

À Combat

Jean Grenier Albert Camus

Actuelles Chroniques 1948-1953


Actuelles II Chroniques 1948-1953
Pages édition Gallimard
Lettres sur la révolte

Création et liberté
Le pain et la liberté
160-161 «La liberté est l'affaire des opprimés et ses protecteurs traditionnels sont toujours sortis des peuples opprimés. Ce sont les communes qui dans l’Europe féodale ont maintenu les ferments de liberté, les habitants des bourgs et des villes qui l'ont fait triompher fugitivement en 89, et à partir du XIXe siècle, ce sont les mouvements ouvriers qui ont pris en charge le double honneur de la liberté et de la justice, dont ils n'ont jamais songé à dire qu'elles étaient inconciliables. Ce sont les travailleurs manuels et intellectuels qui ont donné un corps à la liberté, et qui l'ont fait avancer dans le monde jusqu'à ce qu'elle devienne le principe même de notre pensée ...le grand événement du XXe siècle a été l'abandon des valeurs de liberté par le mouvement révolutionnaire, le recul progressif du socialisme de liberté devant le socialisme césarien et militaire. Dès cet instant, un certain espoir a disparu du monde, une solitude a commencé pour chacun des hommes libres
163-164 «La révolution faite par des travailleurs a triomphé en 17 et ce fut alors vraiment l'aube de la liberté réelle et le plus grand espoir que ce monde ait connu. Mais cette révolution, encerclée, menacée à l'intérieur comme à l'extérieur, s'est armée, s'est munie d'une police. Héritière d'une formule et d'une doctrine qui par malheur lui rendaient la liberté suspecte, la révolution alors s'est peu à peu essoufflée pendant que la police se renforçait, et le plus grand espoir du monde s'est sclérosé dans la dictature la plus efficace du monde. La fausse liberté de la société bourgeoise ne s'en porte pas plus mal, aussi bien. Ce qui a été tué dans les procès de Moscou et d'ailleurs, et dans les camps de la révolution, ce qui est assassiné quand on fusille, comme en Hongrie, un cheminot pour faute professionnelle, ce n'est pas la liberté bourgeoise, c'est la liberté de 17.»
165-166 «... si vous protestez contre l'assassinat à Prague d'un historien opposant comme Kalandra, on vous jette à la figure deux ou trois nègres américains. Dans cette dégoûtante surenchère, une seule chose ne change pas, la victime, toujours la même, une seule valeur est constamment violée ou prostituée, la liberté, et l'on s'aperçoit alors que partout, en même temps qu'elle, la justice est aussi avilie.»
167-168 «... on choisit la liberté aujourd'hui au niveau de ceux qui partout souffrent et luttent, et là seulement. On la choisit en même temps que la justice et, à la vérité, désormais nous ne pouvons plus choisir l'une sans l'autre. Si quelqu'un vous retire votre pain, il supprime en même temps votre liberté. Mais si quelqu'un vous ravit votre liberté, soyez tranquille, votre pain est menacé, car il ne dépend plus de vous et de votre lutte, mais du bon plaisir d'un maître. La misère croit à mesure que la liberté recule dans le monde, et inversement. Et si ce siècle implacable nous a appris quelque chose, c'est que la révolution économique sera libre ou elle ne sera pas, de même que la libération sera économique ou elle ne sera rien. Les opprimés ne veulent pas seulement être libérés de leur faim, ils veulent l'être aussi de leurs maîtres. Ils savent bien qu'ils ne seront effectivement affranchis de la faim que lorsqu'ils tiendront leurs maîtres, tous leurs maîtres, en respect
168-169 «Je n'ai jamais reconnu quant à moi que deux aristocraties, celle du travail et celle de l'intelligence, et je sais maintenant qu'il est fou et criminel de vouloir soumettre l'une à l'autre, je sais qu'à elles deux elles ne font qu'une seule noblesse, que leur vérité et surtout leur efficacité sont dans l'union, que séparées, elles se laisseront réduire une à une par les forces de la tyrannie et de la barbarie, mais que, réunies au contraire, elles feront la loi du monde. C'est pourquoi toute entreprise qui vise à les désolidariser et à les séparer est une entreprise dirigée contre l'homme et ses espoirs les plus hauts


Actuelles III Chroniques algériennes
Chroniques 1948-1953 Pages édition Gallimard 1958



69 Démocratie fédérative «...ce plan revient à réaliser une démocratie encore plus complète dans le douar-commune et à la baser sur une sorte de représentation proportionnel le. S'il s'agit seulement d'éviter les heurts d'intérêts, en effet, M. Hadjeres est d'avis qu'il suffit de donner une expression à tous ces intérêts. Et c'est ainsi que le président propose, d'une part, que les élections ne se fassent plus au scrutin de liste, mais que chaque village élise ses représentants. La réunion de ces représentants formera le conseil municipal qui élira son président. Ainsi les compétitions entre villages à l'intérieur d'un douar seront supprimées. D'autre part, les élections à l'intérieur du village se feront au scrutin proportionnel. Et chaque village aura un représentant par 800 habitants. Ainsi les rivalités à l'intérieur du village seront également supprimées.»
72 Arabisation forcée «... cette politique généreuse ouvrirait la voie à l'émancipation administrative de la Kabylie. Cette émancipation, il suffit aujourd'hui de la vouloir réellement. Elle peut se poursuivre parallèlement au relèvement matériel de ce malheureux pays. Nous avons fait assez d'erreurs dans cette voie pour savoir utiliser aujourd'hui l'expérience qui suit tous les échecs. Je ne connais guère, par exemple, d'argument plus spécieux que celui du statut personnel quand il s'agit de l'extension des droits politiques aux indigènes. Mais en ce qui concerne la Kabylie, cet argument devient risible. Car ce statut, c'est nous qui l'avons imposé aux Kabyles en arabisant leur pays par le caïdat et l'introduction de la langue arabe. Et nous sommes mal venus aujourd'hui de reprocher aux Kabyles cela même que nous leur avons imposé.»
89-90 Une certaine naïveté ou en jouer pour mettre les colonialistes devant leur médiocrité «...si la conquête coloniale pouvait jamais trouver une excuse, c'est dans la mesure où elle aide les peuples conquis à garder leur personnalité. Et si nous avons un devoir en ce pays, il est de permettre à l'une des populations les plus fières et les plus humaines en ce monde de rester fidèle à elle-même et à son destin.
Le destin de ce peuple, je ne crois pas me tromper en disant qu'il est à la fois de travailler et de contempler, et de donner par là des leçons de sagesse aux conquérants inquiets que nous sommes. Sachons du moins nous faire pardonner cette fièvre et ce besoin de pouvoir, si naturel aux médiocres, en prenant sur nous les charges et les besoins d'un peuple plus sage, pour le livrer tout entier à sa grandeur profonde.»
94  Même attaché à l'Algérie pour Camus l'Algérie n'est pas la France «...avant d'entrer dans le détail de la crise nord-africaine, il convient peut-être de détruire quelques préjugés. Et, d'abord, de rap-peler aux Français que l'Algérie existe. Je veux dire par là qu'elle existe en dehors de la France et que les problèmes qui lui sont propres ont une couleur et une échelle particulières. Il est impossible, en conséquence, de prétendre résoudre ces problèmes en s'inspirant de l'exemple métropolitain.»
121 Massacres de Ghelma et de Sétif «Cette crise politique, qui dure depuis tant d'années, n'a pas disparu par miracle. Elle s'est au contraire durcie et toutes les informations qui viennent d'Algérie laissent penser qu'elle est établie aujourd'hui dans une atmosphère de haine et de défiance qui ne peut rien améliorer. Les massacres de Guelma et de Sétif ont provoqué chez les Français d'Algérie un ressentiment profond et indigné. La répression qui a suivi a développé dans les masses arabes un sentiment de crainte et d'hostilité. Dans ce climat, une action politique qui serait à la fois ferme et démocratique voit diminuer ses chances de succès
Les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata « sont des répressions sanglantes qui suivent les manifestations nationalistes, indépendantistes et anti-colonialistes survenues le dans le département de Constantine pendant la colonisation française. Ces évènements se déroulent pendant le mandat du président du gouvernement provisoire de la République française, Charles de Gaulle. Ils durent sept semaines et prennent fin le .
Pour fêter la fin des hostilités de la Seconde Guerre mondiale et la victoire des Alliés sur les forces de l'Axe soient agités. À , un défilé est organisé. Les partis nationalistes algériens, profitant de l'audience particulière donnée à cette journée, appellent à des manifestations pour rappeler leurs revendications. Les manifestations sont autorisées par les autorités à la condition que seuls des drapeaux françaisSétif, après des heurts un policier tire sur Bouzid Saâl, un scout musulman âgé de 26 ans, tenant un drapeau de l'Algérie, et le tue, ce qui déclenche plusieurs émeutes et actions meurtrières des manifestants, avant que l'armée n'intervienne.
Il y a parmi les Européens 102 morts. Le nombre des victimes algériennes, difficile à établir, est encore sujet à débat 70 ans plus tard. Les autorités françaises de l'époque fixent le nombre de tués à 1 165 (rapport du général Duval). Le gouvernement algérien reprend, par la suite, le nombre de 45 000 morts avancé par le Parti du peuple algérien (PPA). En juillet 1945, devant l'Assemblée, il est demandé au ministre de l'intérieur d'annoncer 15 000 victimes. Selon François Cochet, Maurice Faivre, Guy Pervillé et Roger Vétillard, certains historiens évalueraient le nombre des victimes dans une fourchette allant de 3 000 à 8 000 victimes alors que Jean-Louis Planche ou Gilbert Meynier donnent pour plausible une fourchette allant de 20 000 à 30 000 morts.
Commémorée chaque année en Algérie, « la tentative insurrectionnelle avortée de 1945 a servi de référence et de répétition générale à l'insurrection victorieuse de1954 » et même de « premier acte de la guerre d'Algérie ». L'ambassadeur de France en Algérie, dans un discours officiel à Sétif en , a décrit cet événement comme une « tragédie inexcusable »»
125 «Supposer que les Français d'Algérie puissent maintenant oublier les massacres de Philippeville et d'ailleurs, c'est ne rien connaître au cœur humain. Supposer, inversement, que la répression une fois déclenchée puisse susciter dans les masses arabes la confiance et l'estime envers la France est un autre genre de folie. Nous voilà donc dressés les uns contre les autres, voués à nous faire le plus de mal possible, inexpiablement. Cette idée m'est insupportable et empoisonne aujourd'hui toutes mes journées.»
Les massacres d'août 1955 dans le Constantinois, «dits également massacres de Philippeville et d'El Halia ou insurrection du dans le Nord-Constantinois, sont des tueries perpétrées par les indépendantistes du FLN puis, en représailles, par l'armée française et des civils pieds-noirs armés, qui ont touché toute la région du Constantinois.
Ces massacres étaient perpétrés d'un côté contre les populations civiles d'origine européenne, et musulmanes loyalistes, ainsi que contre des notables musulmans modérés signataires d'un appel condamnant « toute violence d’où qu’elle vienne ». De l'autre côté, les tueries commises contre la population musulmane étaient aveugles et ne faisaient aucune distinction : des modérés furent ainsi victimes de la répression. L'indignation suscitée par ces massacres de civils a attiré l'attention de l'opinion internationale sur le combat algérien pour l'indépendance ; c'était justement l'un des buts poursuivis par le FLN, qui voulait par ailleurs semer la peur dans les rangs de l'ennemi, des colons et de leurs auxiliaires musulmans»

Écrits libertaires d'Albert Camus

http://www.indigene-editions.fr/esprit/albert-camu...

Du site de l'éditeur « J’ai souvent suggéré en haut lieu qu’on fasse quelque chose sur Albert Camus avec les libertaires, mais l’on m’a regardée en me faisant comprendre qu’on n’était pas sur la même longueur d’onde », déclarait Catherine Camus, la fille de l’écrivain, cet été 2013 où, partout en France, on marquait le centenaire de la naissance de son père.
Les textes réunis ici, et jamais séparés de leur contexte d’origine – les revues où ils parurent initialement – viennent enfin célébrer ce « génie libertaire » dont Camus disait que « la société de demain ne pourra se passer ». En 1952, il livrait cet aveu quant au père de l’anarchie : « Bakounine est vivant en moi. » Travaillant avec ses amis anarcho-syndicalistes algériens, il suggère une solution fédérative pour la terre où il est né. Il rédige sous de Gaulle un statut pour les objecteurs de conscience ; adopte Gandhi et sa non-violence ; intervient pour sauver des militants condamnés à mort par Franco, en Espagne, à ses yeux « le seul pays où l’anarchie ait pu se constituer en parti puissant et organisé ». Ces textes, enfin, portent son ultime message : « Ne pas haïr, si l’on peut. » –J.-P. Barou et S. Crossman

La première édition http://egregores.editions.free.fr/ - dossier de presse

Une réponse de Lou Marin à Michel Onfray suite à l'édition de sa biographie philosophique d'Albert Camus, publié initialement dans Le Monde libertaire du 2 février2012, http://editionslibertalia.com/blog/Onfray-contre-les-libertaires

Albert Camus et les libertaires par Lou Marin

Un autre point de vue Camus et Bakounine par Jean-Christophe Angaut

Notes, extraits, idées, remarques :

Préface :
Page 7 Gaston Leval interpelle Camus sur sa vision trop restrictive de Bakounine.
9 «Francisco Ferrer pensait que nul n'est méchant volontairement et que tout le mal qui est dans le monde vient de l'ignorance. C'est pourquoi les ignorants l'ont assassiné et l'ignorance se perpétue encore aujourd'hui à travers de nouvelles et inlassables inquisitions. En faces d'elles, pourtant, quelques victimes, dont Ferrer, seront toujours vivantes.» Albert Camus octobre 1959.

Introduction :
11 Étant anti-totalitaire Camus est considéré comme partisan de l'Ouest (comme George Orwell).
12 Revue Anarchisme et non-violence de 1964 à 1974. http://anarchismenonviolence2.org/
15 Note 5 La revue Témoins dans http://www.la-presse-anarchiste.net/
19 Notes 11 Souvenirs d'anarchie de Rirette Maître
21 note 17 http://www.la-presse-anarchiste.net/spip.php?rubri...
Cité de Camus un paradoxe étonnant : « Je crois que la violence est inévitable ... je dis seulement qu'il faut refuser toute légitimation de la violence. Elle est à la fois nécessaire et injustifiable.»
22 Dans l'approche de la violence rejoindrait David Thoreau. Se rapprocherait des prises de positions de Gandhi. «Mais de fait, Gandhi n'a jamais exclus la violence inévitable.» Voir aussi pages 26 et 27.
23 Breton ou Camus : différence de tempérament et de génération. «A la génération dada, surréaliste et ultra-subversive, issue de la première guerre mondiale ... oppose la génération camusienne, née de la seconde guerre mondiale ...»
25 Le comité de soutien aux objecteurs de consciences où l'on retrouvent ensemble André Breton, Albert Camus, Jean Cocteau, Jean Giono, l'abbé Pierre ...
30 Clivage entre Camus et Sartre par La Chute «Les bonnes âmes des Temps Modernes ... en ont conclus que la lâcheté et la banqueroute morale [de cet homme naguère satisfait de lui] seraient celles de Camus. Autant ... admettre que les lamentables déchets humains que M. Sartre promène sur ses "chemins de liberté" sont des portraits de l'auteur !»
32 L'histoire du mot libertaire
33 Mesure ou démesure dans L'Homme révolté : révolte libertaire de la mesure opposée à la révolte totalitaire de la démesure.
39 Revue Témoins http://acontretemps.org/spip.php?article236   capté
Jean-Paul Samson déserte pendant 14-18. Seule solution mais pour aller où ?  http://www.unifr.ch/grhic/revues/collaborateur.php...
  Témoins - Collaborateurs
40 L'antimilitarisme libertaire, s'appuyant sur un mouvement social extraparlementaire et le pacifisme, s'appuyant sur des négociations entre états.
43-44 La violence révolutionnaire Gaston Leval et Simone Weil autour de sa lettre à Bernanos.
Pas de protestation de Sartre au cours de sa présence au congrès des communistes pour la paix, ni contre la pendaison de communistes tchèques accusés entre autre d'être juifs. 
https://fr.wikipedia.org/wiki/Proc%C3%A8s_de_Pragu...
45 «Sans le nommé, Camus reprochait à Sartre de s'être allié à ce pacifisme communiste typique de la guerre froide, dont l'effet était de maintenir le statu quo autoritaire.»
49-50 Séparation avec les pacifistes autoritaires aligné sur Moscou justifiant des violences pour des lendemains qui chantent.
52 Camus admettait s'être trompé en soutenant Pierre Mendès France aux élections de 1956.
55 Camus refuse de participer à une commission de l'Unesco qui était en train d'intégrer
l'Espagne de Franco.
56 Alfred Rosmer trotskiste défendant Lénine contre Staline mais ne condamnant pas l'écrasement de Kronstadt en 1921.
57 La revue de Pierre Monatte Révolution prolétarienne où Simone Weil publia des articles dans les années 30.
63-64 Heinrich Blücher époux d'Hannah Arendt considère qu'elle sous-estime le nouveau livre de Camus L'Homme révolté «... voilà un authentique philosophe moderne, et ça c'est un sacré réconfort.»
64 Camus refuse l'alternative par rejet du stalinisme un soutien à l'ouest capitaliste.
65 Le non de Camus à l'oppression est un non aux systèmes étatiques et hiérarchiques. Sans l'opportunisme de Sartre.

Avec Louis Lecoin et ses amis :
69-73 La pacifisme de Camus. Résistant inconditionnel à toutes les folies qu'on nous propose.
70 «... le parti de ceux qui ne sont pas sûrs d'avoir raison »
89-90 «... Caligula ... un tyran intelligent... le seul ... à avoir tourné en dérision le pouvoir lui-même» «... Caligula consent à mourir pour avoir compris pour avoir compris qu'aucun être ne peut se sauver tout seul et qu'on ne peut être libre contre tous les hommes.»

Avec Georges Fontenis, Gaston Leval et Maurice Joyeux :
97 Présentation de Bakounine par Gaston Leval suite à L'Homme révolté.
109 Pelloutier et autres sur le syndicalisme révolutionnaire. Kropotkine et Bakounine en Suisse. wikipedia Bakounine«Le 23 février, réfugié en Suisse, il rédige une adresse « Aux compagnons de l'AIT » publiée dans le journal «Le Progrès» [de Locle]. Il poursuit par un historique sur une époque ou il considère la franc-maçonnerie comme universelle et formidable, puis s'adonne à une virulente critique de son évolution. Accusant la révolution bourgeoise d'avoir anéantie son objet et l'estimant désormais asservie à l’État, conservatrice et réactionnaire»
113 Bakounine viré sournoisement de la Première Internationale par Marx.
Réponse au «catéchisme révolutionnaire» malheureux et condamnable.
114 Les contradicitions ou palinodies ventant Catherine de Russie, pour des sous, ne retirent rien à Diderot. Bakounine dans sa confession au tsar n'a pas fait double jeu, comme Mirabeau,
125 «... je n'ai pas servi la pensée libertaire dont je crois pourtant que la société de demain ne pourra se passer.»

Avec J-Paul Samson, Robert Prix et Rirette Maîtrejean :
138 «... Actuelle II nous permet de comprendre L'Homme révolté ... une sorte de biographie intellectuelle, de confession.»
140 Bakounine serait un contempteur (mépriserait) de la science ... sujet à du bergonisme ? Bergson «... Il put affirmer une dernière fois ses convictions à la fin de sa vie en renonçant à tous ses titres et honneurs plutôt que d’accepter l’exemption des lois antisémites imposées par le régime de Vichy. Bien que désirant se convertir au catholicisme, il y renonça par solidarité avec les autres Juifs. Marque de cette solidarité, plusieurs témoignages indiquent qu'il s'est fait porter par des proches jusqu'au commissariat de Passy, malgré sa maladie, afin de se faire recenser comme «israélite», alors qu'on l'en avait dispensé du fait de sa notoriété et qu'il avait rompu avec le judaïsme»
153 «... le Marx dont on leur parlait tous les jours, que l'égalité ne pouvait et ne devait pas se passer de liberté.»
157 «... la Résistance ... elle leur [aux écrivains] a enseigné le prix des mots.» René Char «... a pris les armes en même temps qu'il écrivait ... pas eu besoin de la ... haine pour chanter la beauté au milieu des ténèbres. ... l’œuvre ... comme ... le miroir fidèle d'une vertu libre ...»
158 "Dans une nation dont les périodiques pour une moitié insultent ... la nation américaine et pour l'autre moitié le peuple russe ..."
159 Qui fait suite aux échanges autour de L'Homme révolté dont page 163 pour les Temps Modernes.
160 «... cette contestation entre la gauche libre et la gauche progressiste est le problème essentiel de notre mouvement." La progressiste ? Celle de Sartre, celle qui soutient l'URSS ?
«... Sartre n'a pas été un adversaire loyal,..."
161 «la Résistance ... est pour moi ... une expérience toujours vivante, ..."
162 La trahison d'une certaine gauche en 1955 en montrant des complaisances pour une nation étrangère, qui prétend réaliser leur idéal, et l'espoir d'un retour vers les idéaux de libération et de justices.
164 « ... fin heureuse qui autorise tous les excès.»
165 « ... quand nos intellectuels progressistes visitent officiellement la Pologne ou la Russie ... frapper leurs amis ... ouvriers français d'opposer leurs poitrines aux tanks du progrès ...»
166 «... qu'ils ne jugent pas ... ceux qui, non sans peine, essaient de donner un contenu à leur fidélité ..." sinon ce n'est qu'une "aventure de chien couchant.»
167 Lettre de Simone à Georges Bernanos et échanges autour de celle-ci. >page 181 dont
177 «retrouver le mobile commun ou l'angoisse permanente qui en assure l'unité»
178 «... la guerre des pauvres contre les riches se transforma en guerre entre puissances totalitaires ...»
181 «... les réactionnaires de droite ou de gauche ..." "... le meurtre de la République espagnole ...»
200 «Pour Dostoïevski" Socialisme religieux ? "Que ce monde meure ou qu'il renaisse, Dostoïevski ... sera justifié. ... il domine de toute sa nature ... Aujourd'hui encore il nous aide à vivre et à espérer.». Il en est resté à ses romans et non à ses prédictions d'un peuple russe qui a pour mission d'apporter le bonheur à l'humanité !
201 Rappel douloureux de l'assassinat Imre Nagy et ses camarades par les staliniens les dites démocraties populaires.
210 Un témoignage «Au marbre» (capté) «Camus, il comprenait vraiment bien tous les problèmes, c’était vraiment un gars du marbre Camus, on pouvait le considérer comme un ouvrier du Livre, il avait pris toutes nos méthodes particulières, toutes nos qualités et tous nos défauts, il était exactement dans l’ambiance du marbre aussi bien du point de vue gaieté, du point de vue blague, du point de vue tout, il était dans tous les coups, dans la tradition. Il était bien compréhensif du point de vue ouvrier, sur tous les problèmes qu’on avait au début sur les salaires et les conditions de travail nouvelles nées de la Libération. Il s’efforçait vraiment de comprendre la classe ouvrière, c’est sûr. À cette époque, je crois que Camus avait de grands espoirs. ... Dans ses éditoriaux il parlait avec son cœur beaucoup plus qu’avec sa plume...Nos rapports, du point de vue délégué, étaient épatants, ... c’était toujours en profonde amitié et compréhension, il comprenait vraiment tous les problèmes du Livre, il s’était identifié, il était dans le coup dans tout. Il pouvait discuter avec n’importe qui, tout le monde l’abordait, il n’y avait aucune retenue pour lui parler. Ce n’était pas le Monsieur à qui on hésite à s’adresser comme avec un autre rédacteur en chef ; c’était « Bonjour Albert », on n’avait pas du tout envie de l’appeler « Monsieur le Directeur ». Il était toujours d’une humeur régulière,
je n’ai jamais assisté à aucun mouvement d’humeur de sa part, même quand ça n’allait pas tout seul, parce que cela ne va pas toujours tout seul dans un journal, jamais je ne l’ai vu se mettre en colère, il restait toujours calme, charmant camarade, c’était un ami à qui on pouvait tout confier...
»
214 «Cela a été pour lui une chute verticale quand il a vu comment se dirigeait la politique, même sous Mendès ; ç'a été le coupe de grâce cette histoire ...»

Avec Pierre Monatte et ses amis :
229 Article de La Révolution prolétarienne - Quelle Europe avec l'Espagne de Franco ?
236 Refus de Camus à collaborer aux travaux de l'Unesco qui fit entrer en son sein l'Espagne de Franco.
238 Dommage que la CGT alignée sur le PCF, lui même aligné sur Moscou, n'ait pas participé au meeting pour la défense des libertés.
239 Vision de la liberté comparée à une vieille cousine que l'on ne sort que pour les grandes occasions.
240 De Le Révolution prolètarienne n°376 oct 1953 « La société de l'argent et de lʼexploitation nʼa jamais été chargée, que je sache, de faire régner la liberté et la justice.»
« Ce sont les communes qui dans lʼEurope féodale ont maintenu les ferments de liberté, les habitants des bourgs et des villes qui lʼont fait triompher fugitivement en 89, et à partir du XIXe siècle, ce sont les mouvements ouvriers qui ont pris en charge le double honneur de la liberté et de la justice, dont ils nʼont jamais songé à dire quʼelles étaient inconciliables.»
214 «... le grand événement du XXe siècle a été lʼabandon des valeurs de liberté par le mouvement révolutionnaire, le recul progressif du socialisme de liberté devant le socialisme césarien et militarisé. Dès cet instant, un certain espoir a disparu du monde, une solitude a commencé pour chacun des hommes libres.»
245 « le désarroi des intellectuels européens vient de ce que la double mystification, bourgeoise et pseudo-révolutionnaire, les a séparés de leur seule source dʼauthenticité, le travail et la souffrance de tous, les a coupés de leurs seuls alliés naturels, les travailleurs. Je nʼai jamais reconnu quant à moi que deux aristocraties, celle du travail et celle de lʼintelligence,...»
246 «on accepte, on ratifie, on conserve la séparation du travail intellectuel et manuel qui est le vrai scandale de notre société» «... la liberté nʼest pas faite de privilèges, elle est faite surtout de devoirs.»
248 « ... il sous-estime le retentissement énorme qu’eut la dissolution, par les bolcheviks, de l’Assemblée Constituante. Quelles que furent les justifications de cette mesure, elle a été le signe visible que l’arbitraire, légitimé jusque là parce qu’il s’exerçait contre les anciens oppresseurs, pouvait se retourner aussi contre les révolutionnaires.» Extrait de Préface de Moscou sous Lénine
253 Liberté de la presse et droit du travail en citant Rosa Luxembourg.
254 «... nous nierons jusqu'au bout qu'une presse soit vraie parce qu'elle est révolutionnaire ; elle ne sera révolutionnaire que si elle est vrai ...»
267 Camus : la ballote et la littérature prolétarienne
268 «... une littérature ... Vallès, Guilloux (dont Compagnon )... Gorki, martin du Gard ... qui parlent pour tous...»

281 Épilogue de Freddy Gomez
284-285 «... obtenir la libération des républicains espagnols qui avaient combattu le fascisme dans les rangs de l'armée soviétique et qui croupissaient ... au camp 99 (Karanga).» Un nouveau crime de la GPU (1948)
286-287 Felipe Alaiz très favorable à L'Homme révolté «... une révolte qui ne débouche pas sur le nihilisme, ne repose pas sur la négation, ne s'inspire pas du ressentiment.»
287 «... Sartre bien installé dans son fauteuil de coryphée.» (Chef de cœur dans les tragédies grecques)
290 Pour l'Espagne en 1952 Camus, Sartre, Breton réunit malgré tout.
291«... la fidélité des solitudes»
292-293 Camus et son amour de l'Espagne
293 Camus et Brassens générosité discrète.
 
Dernier message d'Albert Camus
297 Coexistante pacifique entre capitalisme et communiste ? Puissances qui coexistent et se font peur. Espoir d'une Europe alliée à l'Amérique latine et à l'Afrique (sur les non alignés alors ?). Pas se réjouir devant les réalisations techniques. «Donner quand on peut. Et ne pas haïr si l'on peut.»

À Combat Éditoriaux et articles, 1944-1947

4èem de couverture «Entre le 21 août 1944 et le 3 juin 1947, Albert Camus est rédacteur en chef et éditorialiste à Combat. C'est la totalité de ses 165 articles - signés, authentifiés, ou légitimement attribuables - qui est ici recueillie, présentée et annotée.
Plus de cinquante ans après leur publication, et bien qu'ils soient intimement liés aux événements historiques de leur temps mouvementé, dont ils reflètent parfaitement les espoirs et les désillusions, ces textes n'ont rien perdu de leur force ni de leur actualité. Ils nous transmettent le témoignage lucide d'un journaliste conscient de ses responsabilités sur une époque où, au sortir de l'Occupation, il faut à la fois réorganiser la vie quotidienne et dessiner l'avenir de le France et de l'Europe.
Camus aborde de multiples sujets : la politique intérieure ; l'épuration ; la politique étrangère ; droits, les devoirs et le rôle d'une nouvelle presse ; la politique coloniale, et en particulier, la nécessité de doter l'Algérie d'un nouveau statut... Sur tous ces points et sur bien d'autres, Camus ne se contente pas d'informer ; il réagit, et sa pensée, avertie, profonde, vigilante, peut éclairer et enrichir notre réflexion d'aujourd'hui.
Les articles de Camus à Combat font entendre la voix passionnée d'un écrivain face à l'histoire, d'un homme épris de justice, de liberté, de vérité, obstinément soucieux d'introduire la morale en politique, et d'exiger le respect de la dignité humaine ; une voix qui continue à résonner dans la conscience contemporaine. »

Jean Grenier Albert Camus
http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Blanche/Albert-Camus

Tiré du site de Gallimard : «À dix-sept ans, élève de philosophie au lycée d'Alger, Albert Camus eut pour professeur Jean Grenier. Ainsi commença une amitié qui devait durer toujours. Et Camus a dit lui-même assez souvent l'influence qu'avait eue, sur sa pensée et sur son style, l'auteur des Îles.
Le livre de Jean Grenier n'est ni une biographie ni un commentaire de l'œuvre de Camus. C'est une suite de souvenirs strictement personnels, un témoignage dont la discrétion volontaire n'exclut pas la précision. Jean Grenier est ainsi amené à parler de questions qui se sont posées à Albert Camus touchant la politique, la religion, l'Algérie, la création littéraire, etc.
Un portrait se dégage peu à peu de cette suite de souvenirs où la vérité est obtenue avec une grande sobriété de moyens et où sont abordés indirectement des problèmes qui nous concernent tous.»

Voir aussi dans la ,page Correspondance celle de Jean Grenier et Albert Camus chez le même éditeur.

Page 11 « ... il faut tenir compte de la fierté de l'adolescent, malade et pauvre, orphelin de père, vivant dans un milieu où ses aspirations ne pouvaient être comprises ni encouragées et cette fierté peut prendre ombrageux. Il faut encore parler de pudeur à ce propos de cette pudeur qui a fait dire des âmes nobles qu'elles ne veulent pas faire partager le trouble qu'elles ressentent. Ce dernier sentiment ne m'était pas apparu alors ; il m'apparut ensuite déterminant.»
14 « Il pouvait lui arriver aussi de se laisser circonvenir mais c'est qu'il ne s'en apercevait pas; le mot le dit.
C'est cette distance qui inspirait le respect et qui donne à son œuvre une portée lointaine. »
15 «« Peut-être, absolument parlant,  représentiez-vous la Société. Mais vous étiez venu et ce jour-là j'ai senti que je n'étais pas aussi pauvre que je le pensais.»»
22 « Ai-je été un inspirateur ? Oui, très indirectement. Par exemple c'est à travers une imagination celtique éprise de rêves mobiles comme l'Océan que j'ai fait par contraste l'éloge de la Méditerranée. Et d'après Albert Camus ce seraient ces pages qui lui auraient servi de catalyseurs. »
23 « Il y a des thèmes généraux qui caractérisent une époque : après la guerre de 1914 un afflux romantique ressuscita les thèmes éternels de la solitude, de la mort et du désespoir. Les Îles (c'est-à-dire les Isolements) ne faisaient que reprendre le motif de l'île déserte dans laquelle se trouve l'homme selon Pascal : « En voyant l'aveuglement et la misère de l'homme... j'entre en effroi comme un homme qu'on aurait porté endormi dans une île déserte et effroyable, et qui s'éveillerait sans connaître où il est et sans moyen d'en sortir. » »
24 « … un chemin plus proche de Montaigne ou des Romantiques que de celui de Pascal ou de Dostoïevski, l'on passait de l'angoisse à la délivrance, sans que « l'humain » entrât en considération. J'entends ici par « humain », ce qui a priori ne comporte ni métaphysique ni surnaturel. Ma porte de sortie donnait sur le non-humain.
C'est ce que souligna un Jour Albert Camus dans un entretien qu'il eut avec moi à la R.T.F. : « Jean Grenier, dit-il, n'est pas un humaniste. » Ce qui signifiait : « Il désespère de l'homme et cherche le salut ailleurs. » Lui, par contre, ne voulait explorer que« le champ du possible » et son œuvre est déchiré par un accent d’humanité. »
25 « Il doit y avoir deux sens du mot humanisme, ce qui fait que deux esprits peuvent être à la fois proches et éloignés l'un de l'autre. Proches en ce qu'ils aiment tout ce qui est terrestre et constitue l'humus dans lequel se développe l'humain. Éloignés en ce que l'un ne se contente pas de cette nature humaine, en ce que l'autre s'y limite volontairement. »
26 « Camus avait donc tous les droits de se dire un humaniste. Il n'avait en vue que l'homme, il ne parlait que de lui; son horizon était celui de la vie humaine, si limitée dans le temps et si riche aussi de désirs insatisfaits et d'amours condamnées. Si l'héroïsme et la sainteté avaient un grand sens pour lui, c'était chez des hommes qui n'en tiraient aucun éclat. »
27 «Qui déterminera la frontière de ce qui est donné à l'homme et de ce qui est refusé ?»
29 « Peu avant la guerre, il m'écrivait que contrairement à ce que le croyais de lui il n'était pas bien sûr d'être un vrai penseur, qu'il était séduit par le côté paradoxal des idées, leur côté piquant et facile, et que ce n'était pas là un signe d'honnêteté intellectuelle. Or ce souci prouvait combien il n'était pas un dilettante. »
41-42 «Je conseillais ... à Albert Camus de s'inscrire au Parti.
Du côté d'Albert Camus pouvait-il y avoir des objections très sérieuses à ce choix ? Je ne le croyais pas. Il n'adhérait pas à une foi tout en ayant le respect de la foi. L'histoire des idées ne l'avait pas orienté vers telle doctrine plutôt que vers telle autre, bien qu'une lettre de lui témoigne que la rencontre de l'hellénisme et du christianisme était pour lui un sujet de méditation.
… Il se sentait solidaire d'un milieu inconnu des bourgeois et plein d'une chaleur fraternelle ... »
Note I «juin 1932 Albert Camus La musique d'après Schopenhauer et Nietzsche»
50 « ... réflexion qu'un homme pourtant fort honnête lui avait faite à propos de L'Homme révolté : «C'est dommage ! Votre livre est beau, mais il a du succès à droite !»
54 « Quelle place restait-il à l'artiste passionné par son œuvre et qui avait besoin d'être soutenu, à celui qui avait encore plus besoin de vivre dans une atmosphère de justice? Il faudrait aimer la justice et la vérité. Mais on est bien seul dans ce cas ! »
136 Au sujet de Simone Weil « [Ils] « ...ont tort vraiment de l'annexer, comme lorsqu'ils mettent comme sous-titre au recueil de conférences qu'elle avait faites sur Platon dans un cercle catholique Intuitions préchrétiennes. Or c'est le contraire qui était vrai pour elle : le christianisme n'était qu'une branche d'une vérité plus étendue. » … Ce qui l'aurait éloigné d'elle, c'est son manque d'affinité (à lui, Albert Camus) avec des gens qui n'aiment pas à être heureux. »
137-138 «... cet homme du «dialogue» était un homme du monologue, comme tous les grands esprits ; disons à la rigueur : du monologue dialogué. Pour qu'une parole le touchât, il fallait qu'elle fût prononcée par quelqu'un qui eût engagé toute son existence pour en démontrer la valeur par la pratique. Alors il aurait pesé le pour et le contre. Il ne se serait pas rendu, mais il aurait été ébranlé. Un dialogue intérieur serait né et l'aurait conduit à une conclusion ferme, sinon nuancée. Il n'était pas inaccessible, comme le paraissais le dire en le traitant d'irréductible. Il fallait pour l'atteindre qu'il éprouvât chez son interlocuteur une certaine force intime venue d'une conviction inébranlable. »
142 «De cette œuvre il existe deux clés : le mythe de Moby Dick et la pensée de Simone Weil.»
143 Même si la révolte était vaine, elle lui paraissait noble et nécessaire, tant qu'une explication ne lui serait fournie.»
144 « Albert Camus cherchait, et pas seulement pour lui-même, mais pour tous les hommes le salut et donc beaucoup plus que le bonheur. De là le caractère non laïque de son œuvre. Mais ce salut est de nature terrestre. De là son caractère proprement humain, il n'est pas l'œuvre d'un Sauveur 1 mais de quelqu'un qui ayant découvert une « recette» - un mode de vie pour soulager la douleur des hommes - la leur communique et prêchant d'exemple devient à son tour un saint (sans avoir de « foi »), c'est-à-dire un modèle incarné, entraînant d'autres hommes à devenir des modèles. » 1 Cf. [ Confert : comparer à] Goethe prenant la défense du poète soufi Hafiz contre ses détracteurs qui ne voyaient de bonheur que dans la foi : « Toi qui, sans être dévot ne voyaient, es heureux ! »
149 « ... aimant toujours mieux passer pour dupe que pour précautionneux.
Il y avait au fond de lui une idée particulière de la tâche qu'il avait à accomplir – tâche dont il ne parlait pas, mais dont le souci transparaissait malgré lui et le faisait prendre pour un homme grave, passionné pour la justice et pour la vérité ... »
154-155 De l'autre côté par la maladie : « Il aurait pu se complaire, comme le font beaucoup de malades, dans la maladie et s'y installer. Or il avait le désir profond de guérir - quitte à commettre des imprudences. Le seul service que pouvait lui rendre dans son adolescence la maladie, c'était de lui épargner les heures de bureau et de lui permettre parfois de travailler pour lui. A cet égard, disait-il, la maladie procure la vie de château.
Elle lui donnait aussi le recul indispensable à celui qui ne veut pas accepter les idées toutes faites, mettre les pas dans les pas des autres, à celui qui se ressaisit et se revendique à lui-même, selon le mot de Sénèque, et qui fait dater sa pensée de sa blessure. On le croyait sorti du cercle des vivants, de ces vivants qui ne savent pas pourquoi ils vivent ni comment ils doivent vivre, qui n'ont même pas conscience de vivre. Pascal et Nietzsche doivent leur grandeur, et leur pensée doit sa puissance d'ébranlement à ce long séjour qu'ils ont fait chez les Ombres. C'est d'avoir si longtemps habité un pays étranger qu'ils nous troublent, nous qui ne connaissons qu'une moitié du réel.
La pièce de Dino Buzzati : Un cas intéressant qu'Albert Camus a traduite et mise en scène, en la raccourcissant pour lui donner plus de nerf présente l'envers du monde tel que nous le voyons. Les bien-portants paraissent étranges aux malades qui les regardent s'agiter à travers les fenêtres de l'hôpital. Une barrière infranchissable s'élève entre les deux camps, et une totale incompréhension règne de chaque côté par rapport à l'autre. Albert Camus a dû souvent éprouver cette impression d'étrangeté éprouvée par les habitants de la Montagne magique. Avec ce sentiment de solidarité qui unit entre eux ceux qui sont frappés du même mal (et qui lui faisait répondre personnellement à toutes les lettres venant de sanatoriums). Ce n'est plus le pathétique du grand homme solitaire, cette fois, mais c'est encore un pathétique, celui du camarade de combat. Albert Camus a connu les deux.
« Je n'ai pas la vocation de la maladie, disait-il un jour. J'en ai l'usage, mais pas le bon... Je ronge mon frein. Je travaille, mais du bout des lèvres... Et puis la maladie réveille toujours ces forces de négation qu'on croyait avoir au moins équilibrées ...»
Quelles étaient ces forces de négation ? Toutes celles qui suscitent et nourrissent la révolte. Quel était cet équilibre ? Celui qui pouvait utiliser ces forces pour une fin supérieur. »
161-162 «... le respect ... pour ce qu'on appelle ... la culture est-elle plus grande ... chez celui qui n'a pas vécu dans un milieu dit cultivé dans son enfance, qui n'a pas manié des livres autour de lui. Celui-là a plus de chances que d'autres de ne pas traiter les choses de l'esprit comme des objets de prostitution, passant d’un auteur à l'autre par pur caprice, ou bien les classant sous des étiquettes et les rangeant sous vitrine, par souci d'érudition.
Dilettante ou rat de bibliothèque, voilà ce qu'on devient facilement quand on a fréquenté un peu trop les milieux littéraires ou qu'on a fait la chasse aux diplômes. Si l'on échappe à ces deux dangers, on a des chances de trouver dans la culture un incomparable moyen d'exaltation de soi-même et des autres.
Cette manière de voir conduisait au rigorisme dans le langage – ce qui faisait croire à toutes sortes d’autres rigorismes ... »
163 « Il était ... capable non seulement de convaincre les esprits mais de persuader les cœurs. Et cette puissance que lui donnait sa pénétration de la nature humaine s'accompagnait de quelque chose qui manque à beaucoup de grands esprits et qui ne peut s'appeler autrement que la grâce. Oui, c'était une sorte de grâce qui le faisait régner dans les assemblées et qui lui donnait un prestige indiscuté sur ses compagnons. L'élégance de ses manières, l'aisance de sa démarche, le mélange de nonchalance et de force qui ressortait de ses attitudes, tout contribuait à faire qu'il s'imposât sans le vouloir. Il n'avait qu'à paraître pour devenir le chef - qu'il ne tenait pas à être. »
171-172 « Il est dommage, dis-je, qu'entre les indigènes et les colons, il ne soit pas resté des hommes comme vous, ..., qui auraient pu aider à constituer une Algérie viable …
Je serais resté si l'on ne m'avait pas mis à la porte. Alger Républicain a été interdit. Je voulais fonder une revue illustrée, proprement algérienne, avec le vieil imprimeur A... Déjà les maquettes étaient prêtes. Et puis le Gouvernement général, pour lequel travaillait A..., et dont il tirait la moitié de ses recettes, l'a averti que s'il me prenait pour collaborateur, on ne lui passerait plus de commandes. Alors l'ai été forcé d'aller à Oran où l'ai gagné péniblement ma vie en donnant des leçons.
Vous faisiez partie du P.P.A. (parti populaire algérien) à ses débuts ?
Oui, le m'occupais d'un journal arabe. A ce moment les communistes soutenaient les Arabes nationalistes. Puis tout d'un coup ils les ont lâchés. De jeunes Arabes sont venus me demander ce que j'en pensais. Et c'est alors que j'ai quitté le parti communiste... »
189-190 «Il avait commencé paradoxalement et au rebours de tous les penseurs, par dire son «dernier mot». Et c'est le premier qu'il n'avait peut-être pas dit.»

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