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Le cerveau

Si le cerveau était bête, de Nick Chater

Pourquoi le cerveau reptilien n'existe pas

Pourquoi nous ne sommes pas "cerveau gauche" ou "cerveau droit"
Mais le cerveau gauche serait plus imaginatif ?

Nous utilisons tout notre cerveau !

L'intelligence ?

5 idées reçues sur le cerveau Albert Moukheiber, propos recueillis par Alexandre Lacroix publié le 25 septembre 2024
«Contrôler son cerveau reptilien, faire travailler son cerveau droit et pas seulement le gauche, être en quête d’un « shoot » de dopamine : vous avez sans doute croisé ou même employé ces expressions qui viennent des neurosciences… mais ne reposent sur aucune base solide ! Le chercheur et psychologue clinicien Albert Moukheiber revient en cette rentrée avec un essai batailleur, Neuromania (Allary Éditions), où il dézingue nos idées reçues sur l’organe de la pensée.»



Si le cerveau était bête, de Nick Chater
Liens vers des notions : cerveaux gauche-droite, intuition, métaphores, Platon, Spinoza

Quatrième de couverture et site de l’éditeur « Le subconscient et la « vie intérieure » ne seraient-ils qu’une illusion ?
Dans cet essai novateur, le psychologue et comportementaliste Nick Chater propose une nouvelle approche révolutionnaire du fonctionnement de l’esprit humain.
Le subconscient et la « vie intérieure » ne seraient-ils qu’une illusion ?
Nous aimons penser que nous avons une vie intérieure, que nos croyances et nos désirs proviennent des profondeurs obscures de notre esprit, et que si nous savions comment accéder à ce monde mystérieux, nous pourrions vraiment nous comprendre nous-mêmes. Pendant plus d’un siècle, les psychologues et les psychiatres se sont efforcés de découvrir les secrets de notre conscience.
Nick Chater révèle que cette entreprise est vouée à l’échec. S’appuyant sur l’état de la recherche en neurosciences, en psychologie du comportement et de la perception, il démontre que notre esprit n’a pas de « profondeurs cachées » et que la pensée inconsciente est un mythe. Notre cerveau, tel un grand improvisateur, génère en fait nos idées, nos motivations et nos pensées dans le moment présent.
À travers des exemples visuels et des expériences contre-intuitives, nous comprenons que notre esprit s’invente en permanence, improvisant constamment notre comportement à partir de nos expériences passées.
Original et délicieusement provocateur, ce livre nous oblige à reconsidérer ce que nous pensions savoir sur le fonctionnement de notre esprit. »

Éditions Plon https://www.lisez.com/plon/21

Recensions :
https://blogs.mediapart.fr/jean-paul-baquiast/blog/210819/et-si-le-cerveau-etait-bete-de-nick-chater-plon-2018

« Et si le cerveau était bête ? » mercredi 21 août 2019, par Frédéric Paulus

Extraits
page 46 « … nos croyances, valeurs, émotions ou autres traits de notre personnalité sont aussi emmêlés, contradictoires et mal agencés que le labyrinthique château de Gormenghast. C’est très concrètement en ce sens que nos personnalités sont une fiction. Incohérence et carence ne sont pas simplement les caractéristiques de la fiction. Elles sont la marque de fabrique de notre vie mentale. »
47 « ...nous pourrions reconstituer la « sagesse » de ce Jiminy Cricket en écoutant attentivement sa voix, en faisant la part de ses incohérences et en comblant ses lacunes.
Est-ce que cela marcherait ? La seule façon de le savoir, c’est d’essayer. Eh bien, c’est déjà fait. Deux cents années de philosophie ont été consacrées à ce problème : clarifier la plupart de nos idées communément admises. À travers les principes de causalité, de morale, d’espace, de temps, de connaissance, d’esprit, etc. Les sciences et les mathématiques se sont d’abord appuyées sur les idées du sens commun avant que tout cela aboutisse à devoir les tordre radicalement dans tous les sens : chaleur, poids, force, énergie – tout a été totalement remodelé jusqu’à obtenir des concepts totalement nouveaux, complexes, dont les effets étaient souvent contre-intuitifs. Intuitivement, nous ne faisons pas bien la différence entre la chaleur et la température. Le sens commun ne distingue pas le poids, la masse, la quantité de mouvement. Nous imaginons (comme Aristote) que si aucune force n’agit sur un corps, il ne bouge pas. Alors qu’en réalité il se meut à vitesse constante. Aucune intuition ne nous a jamais indiqué que la chaleur est une source d’énergie, ou que cette énergie peut être emmagasinée, déplacer des objets, provoquer des réactions chimiques, distendre des bandes de caoutchouc, et ainsi de suite.
Les lois mécaniques, la thermodynamique et tout ce qui gouverne le monde physique sont étranges et contre-intuitifs. D’ailleurs, c’est une des raisons pour lesquelles les lois de la physique « réelle » ont nécessité des siècles d’études et offrent toujours de nouveaux défis à chaque génération d’étudiants. Alors, quoi qu’en dise notre « parole intérieure », cachée quelque part dans notre subconscient, ce qui est sûr, c’est qu’elle ne connaît rien à la physique. »
49 Pas de savoir caché. Un esprit comme le corps qui cherche et s’adapte au coup par coup.
49-50 Pour l’IA passer de la prétention d’un savoir étendu à l’auto-apprentissage.
57 « Nous avons largement sous-estimé notre capacité à inventer. Notre « parole intérieure » est une excellente bonimenteuse. Elle s’exprime si bien et est si convaincante qu’elle nous berne totalement. »
59 note 1 « quand la philosophie s’est transformée en théorie – mais aussi la psychologie, les probabilités, la logique, la théorie de la décision, celle des jeux, et ainsi de suite –, elle s’est, comme la physique, nettement éloignée de ses bases intuitives. La théorie va avoir toutes sortes d’effets qui vont être contre-intuitifs, mais c’est inévitable puisque nos intuitions sont incohérentes. À mon avis, une des plus grandes avancées de la philosophie a été sa propension à tisser des théories qui, finalement, transcendent la pure « concordance des intuitions », et elle est parvenue, comme la physique, à faire sa vie en toute autonomie. »
60 « La même chose est arrivée aux sciences économiques. Les économistes ont présumé que les consommateurs et les entreprises pourraient se pourvoir d’une théorie générale (uniquement à partir d’éléments applicables à l’économie), qui induisait une parfaite compréhension de leurs propres aspirations. Le fonctionnement du marché mondial était vu comme la résultante de l’interaction entre ces deux agents « super rationnels ». Ce projet, mathématiquement séduisant, s’est également effondré. D’une part parce qu’un nombre incalculable de tests psychologiques et l’économie comportementale ont démontré de façon éclatante combien nos croyances et nos penchants étaient mal définis et contradictoires. Et d’autre part parce que l’hésitation des individus (leurs espoirs démesurés, les peurs paniques que suscite un achat, leur tendance à suivre aveuglément le mouvement ou à réagir outre mesure…) à prendre une décision peut générer des turbulences imprévues au niveau des marchés et de l’économie dans son ensemble.
Dans les affaires et en politique, l’idée que les gens possèdent une théorie cohérente du monde, qu’ils sauraient ce qu’ils veulent, est un présupposé très largement partagé. »
62 « ...nos pensées soient incohérentes et qu’il soit impossible de les reproduire dans un ordinateur paraît nous offrir une protection salutaire contre l’idée que notre liberté individuelle, notre humanité, notre créativité et notre ingéniosité puissent se résumer à de vulgaires calculs. »
63-64 « … l’idée que l’esprit est plat peut paraître assez naturelle, voire pas si novatrice que ça, si l’on se place du point de vue de l’art, de la littérature ou des humanités. Dans ces domaines, l’Homme et ses actes sont vus depuis longtemps comme le lieu de conflits où se rejouent d’incomplètes et incessantes interprétations. D’ailleurs, bien des savants iraient même plus loin en affirmant que la meilleure chose à retirer de nos réflexions est que la nature humaine ne peut, ne devrait pas, du tout, être examinée d’un point de vue scientifique. Peut-être devrions-nous tout simplement accepter telles quelles nos intuitions et celles des autres, y compris nos insuffisances et nos contradictions, comme s’il n’y avait rien de plus à dire sur le comportement humain.
Dans cette logique, la psychologie pourrait quitter le champ des sciences pour rejoindre celui des arts et des humanités. Peut-être que tenter de se comprendre ne serait qu’une affaire d’éclaircissement, de réflexion, d’analyses, de suppositions, de redéfinition de nos interprétations de la pensée et de nos actes. C’est-à-dire que l’on se contenterait d’interpréter les interprétations des autres, et ainsi de suite, indéfiniment. Si c’était le cas, nous devrions proposer une nouvelle définition de la psychologie où chacun aurait un point de vue recevable sur lui-même et sur les autres, qui pourrait être réexaminé, contesté, retourné ou enrichi, ce qui ferait de l’étude de l’esprit et du comportement une discussion ouverte dans laquelle jamais personne n’aurait raison.
Pour beaucoup, cette vision des choses est aussi noble qu’excitante. Pas pour moi. Je trouve navrant que la recherche sur la compréhension de soi n’aille pas plus loin que nos vaines et insuffisantes explications, s’en tienne à leur reflet complètement distordu dans un palais des glaces rempli d’intuitions similaires, toutes aussi fausses les unes que les autres, et d’intuitions sans fondement. Selon moi, cela n’a rien d’une libération, c’est du nihilisme. Ce n’est pas libérer la psychologie du carcan des sciences que d’abandonner totalement le projet consistant à comprendre l’humain en se servant de l’apport des sciences.
Selon moi, placer la psychologie dans les arts et les humanités n’est pas une bonne manière d’aborder l’illusion du subconscient. On prend au pied de la lettre le fait que notre langage soit le résultat d’improvisations, d’incomplètes et contradictoires justifications de nos pensées et de nos actes. Et on y ajoute d’infinies couches de discours, toujours plus alambiqués, quand il ne s’agit pas de rêves, d’associations d’idées, de doubles identités, de métaphores, d’archétypes, de phénoménologie et davantage encore. Si l’on va par là, l’imagination s’appliquant à elle-même, créative mais totalement défaillante, ne pourrait que difficilement mener à des résultats crédibles. Cela reviendrait à expliquer un conte de fées par un autre.
Les sciences de l’esprit réclament une approche opposée, soit : comprendre comment cette « machine à improviser », qui est le cœur même de l’intelligence humaine, peut être reproduite en dehors du corps humain. Le cerveau n’est finalement qu’une machine biologique dont la caractéristique principale tient en un réseau d’une centaine de milliards de cellules cérébrales étroitement reliées entre elles. C’est une machine biologique qui crée, improvise, rêve et imagine. Un des plus grands défis pour les sciences est de trouver comment cet ensemble peut fonctionner, de comprendre comment l’activité électrique et chimique de nos circuits neuronaux parvient, d’une manière ou d’une autre, à générer un flux de pensées et à nous faire agir. »
93 « Nous sommes victimes d’un canular. La verbalisation de nos réflexions (l’illusion de la capacité à générer des explications « de sens commun », dans le chapitre 1) autant que notre système sensoriel (la grande illusion du chapitre 2) ne sont que des nuages déguisés en formes solides. Il n’existe pas de reflet de la nature, aucune copie intérieure de la réalité extérieure, aucun inconscient en ébullition, aucunes insondables profondeurs d’où surgiraient des pensées conscientes. Sous le flux passager de nos expériences incroyablement fragmentées et grossières, et de nos encore plus imparfaites collections de souvenirs, il n’y a, précisément, rien. Bien sûr, notre cerveau s’active frénétiquement, mais il n’y a rien au-delà des « pensées ». Nos seules pensées, émotions et sentiments sont ceux qui circulent dans notre flux de conscience. »
94 « Le mécanisme de concentration sur une partie précise de notre champ visuel (un visage dans la foule, un mot sur une page de texte) est l’opération même qui fait réapparaître les couleurs et les détails. Le cerveau peut donc nous leurrer en nous montrant un monde stable, varié et coloré d’un seul coup d’un seul, alors qu’en vérité notre connexion visuelle avec le monde n’est rien d’autre qu’une succession d’images fragmentaires. »
115 « ...le cerveau a pour fonction de retranscrire pour nous le monde tel qu’il est, pas de nous le faire voir. De plus, le cerveau présume à bon escient que le monde n’est ni flou ni dépourvu de couleurs. Donc, est-il possible que l’illusion d’un monde foisonnant de détails puisse demeurer inaltérée, même si de larges pans de notre champ visuel sont condamnés à demeurer fantomatiques et inaccessibles à notre fovéa ? Notre perception de la richesse et de la complétude de notre monde personnel peut, en principe, demeurer identique, même si des zones entières de notre capacité visuelle ne sont plus exploitables. »
Une couleur, un détail à la fois mais l’oeil fait continuellement des allers et retours. (p119)
https://www.youtube.com/watch?v=4odhSq46vtU
161 « La confusion des émotions a une longue histoire. Platon – ce n’est pas là son seul apport – nous a aidés à affiner notre définition des sentiments et des émotions il y a déjà plus de deux mille ans, faisant précisément la distinction entre sentiments et émotions. Il avait déjà mis en relief métaphoriquement que raison et émotion sont deux chevaux tirant dans des directions opposées. Mais, dès le départ, il s’égarait – « Éprouver une émotion n’est pas un acte paradigmatique, et encore moins un raisonnement. »»
174-175 Séparation des comportements physiques et des émossions psychiques (séparation des deux attributs suivant BS « ce n’est pas le papier ou le métal qui confère sa valeur à l’argent – d’aussi près que l’on puisse examiner la forme d’un billet de banque ou l’alliage avec lequel les pièces sont frappées. Les mots ne sont pas de simples sons ; l’argent n’est pas que du papier imprimé. …
Bien sûr, ces sentiments sont liés à la manifestation d’un état physique (comme les mots ont une forme physique : des ondes sonores ou des motifs tracés à l’encre ; ou comme l’argent se matérialise par un bout de papier ou de métal), mais notre état physiologique – les montées d’adrénaline, le rythme cardiaque – ne doit pas être confondu avec les émotions elles-mêmes. »
178 à … Cerveau coupé en deux. Les nerfs optiques se croisent mais il n’y a que le cerveau droit qui sert au langage. Ça implique que la conscience séparée en deux est synthétisée par l’action. Le cerveau gauche serait plus imaginatif (p182) et avec des réactions plus créatives. « la justification de nos choix est rétroactivement « mijotée » par l’interprète de l’hémisphère gauche toujours plus imaginatif. » Mais pas "cerveau gauche" ou "cerveau droit"
Donc séparation des sens (y compris les deux yeux) et synthèse plus ou moins exactes par le cortex. Le cerveau gauche « L’interprète »
186 « Ce phénomène du « choix à l’aveugle » – défendre un choix que nous n’avons en réalité pas fait – ne se limite pas à la politique. Johansson, Hall et leurs collègues ont découvert le phénomène au sein d’un contexte dans lequel nous pouvions croire que nos intuitions étaient bien installées et immuables – comme les jugements sur la beauté supposée d’un visage. Des gens à qui l’on a présenté deux visages sur deux cartes (figure 26) ont choisi celui qu’ils trouvaient le plus séduisant et, à certaines occasions, grâce à un insidieux tour de cartes, prenaient celle dont ils ne voulaient pas. La plupart des gens ne remarquaient pas la manipulation et ceux-là étaient tout heureux d’expliquer pourquoi ils avaient fait ce choix qu’ils n’avaient pas vraiment souhaité. »
188 « En montant un stand dans un supermarché local, l’équipe de Johansson et Hall demanda à des gens de choisir entre deux pots de confiture. Ils réussissaient à intervertir le pot choisi et celui qui ne l’était pas en utilisant sournoisement un pot qui possédait un double fond (chacun des compartiments du double fond contenait une confiture différente). Le changement s’effectuait sans que personne le voie, en retournant subrepticement le pot choisi par le client avant de le lui présenter, il découvrait donc un nouveau goût pour la confiture qu’il avait auparavant choisie. Comme précédemment, la plupart des gens n’ont rien remarqué et ont échoué à voir ce qui ne collait pas ; ils étaient tout aussi satisfaits de leurs « faux » choix que de leur premier choix. Même quand cela touche à des produits aussi communs que la confiture, la plupart d’entre nous savons à peine ce que nous aimons. »
Idem en politique
192 « Afficher le drapeau a un impact instantané, quoique modeste, sur les comportements politiques ; et, il n’y a aucun doute, cet impact sera rapidement balayé par la multitude d’autres stimuli qui attirent notre attention. Mais si vous voyez un drapeau tandis que vous remplissez un questionnaire politique, alors il va évidemment influencer vos réponses – c’est d’ailleurs ce qu’ont trouvé les chercheurs. Or les sillons de la mémoire qui ont désormais été tracés ont potentiellement un effet durable sur le comportement. Si, un peu plus tard, je passe en revue mes opinions politiques, dans la mesure où je me souviens que j’ai constaté que je penchais plus à droite qu’auparavant, je suis alors à l’avenir un peu plus enclin à aller vers la droite. Pour être logique avec moi-même, mon but sera de penser et d’agir comme je l’ai fait précédemment. »
220 à 222 Le cerveau profond physiquement et mythe d’une conscience. « Plutôt que le cortex, les structures profondes du cerveau serviraient donc de goulet à travers lequel la conscience circulerait ; l’activation du cortex, par exemple par stimulation utilisant une électrode, pourrait être capable de s’introduire dans la conscience puisque les liaisons entre le cortex et les zones du cerveau profond vont dans les deux sens. Un soudain accroissement de l’activité en une zone précise du cortex pourrait provoquer l’envoi de signaux vers des zones du cerveau profond qui perturberaient, voire court-circuiteraient l’activité en cours, produisant, par exemple, d’étranges sensations et l’apparition de fragments de souvenirs. Mais, fondamentalement, la disparition totale d’une zone du cortex, tant qu’elle s’emploie effectivement à une quelconque activité mentale, passera totalement inaperçue, sans même générer la moindre vague dans la conscience. Et c’est bien sûr précisément ce que Penfield a constaté : les patients ont perçu d’étranges fragments de conscience, comme l’odeur du pain grillé, quand un bout de cortex était stimulé électriquement, mais leur conscience n’a rien ressenti d’anormal tandis que Penfield leur retirait une zone entière du cerveau.
Cet aspect explique également pourquoi les personnes souffrant de négligence visuelle, à l’endroit où une large part du champ visuel du cortex a été endommagée ou rendue inopérante, peuvent néanmoins ne pas se rendre compte de leur handicap. Nous ne sommes peut-être consciemment informés que des seules tâches précises sur lesquelles nous nous affairons. Donc, si une personne souffrant de négligence visuelle, occupée à ramasser des fruits, ne s’intéressait qu’aux informations visuelles situées dans les parties du cortex intactes, et que le lien s’établissait avec la mémoire et le système moteur à travers la capacité à coordonner ses gestes pourvus par les structures du cerveau profond, elle agirait comme quelqu’un qui aurait un système de traitement visuel normal. Bien sûr, elle ne pourrait pas cueillir ou décrire un fruit dont l’emplacement dans le champ visuel se situerait dans la zone « aveugle » du cortex – donc sa phénoménologie visuelle, bien que parfaitement normale à certains moments, réduirait disons pour moitié son champ visuel.
Notre cerveau s’emploie pleinement à rendre logiques les informations qui lui parviennent« à chaque instant ». La conscience, et d’ailleurs l’ensemble de l’activité liée à la pensée, semble dirigée, par séquences, à travers l’étroit goulet : les structures sous-corticales recherchent et coordonnent des formes à travers des signaux sensoriels entrants, la mémoire et les gestes qui en découlent, l’une après l’autre. La mission du cerveau est, un instant après l’autre, de relier entre eux différents éléments d’information, de les intégrer et d’agir sur eux immédiatement. Notre cerveau va, bien sûr, sédimenter des souvenirs nouveaux tout au long du processus de traitement, et pourra s’appuyer sur la richesse des souvenirs de traitements d’informations antérieurs.
Donc, voilà encore renforcé notre postulat de départ, selon lequel « il n’y a pas de traitement de l’arrière-plan ». Ou, du moins, s’il existe des fonctions cérébrales qui s’agitent en coulisses, qui considèrent, évaluent et raisonnent sur des sujets auxquels on n’a pas du tout l’impression de penser, alors les neurosciences sont totalement passées à côté. Au lieu de cela, le cerveau semble concentrer son énergie à la résolution logique d’un ressenti immédiat, et il génère en fonction des séries d’actions, dont le langage (qu’il soit parlé ou intérieur), à travers l’étroit goulet de la pensée consciente. Cela explique pourquoi il ne peut intégrer et transformer qu’un problème à la fois dans le but de le résoudre.
Nous pouvons désormais risquer quelques réponses à la question de savoir comment les calculs typiquement coopératifs du cerveau fonctionnent. Penfield et Merker ont la même vision du cerveau, selon laquelle les questions qui se présentent à lui tout comme les réponses qu’il fournit sont présentes dans les structures sous-corticales, y compris dans le thalamus, qui sert d’antenne-relais entre le cortex cérébral et nos systèmes sensoriel et moteur – essentiellement comme un portail entre les deux hémisphères et le monde extérieur. Et nous nous doutons bien que les questions comme les réponses ont trait en premier lieu à l’organisation de la perception et des mouvements ; et les multiples interconnexions entre ces structures et le cortex constituent les réseaux de calcul coopératif à même de résoudre les problèmes posés par ces structures sous-corticales. À ce stade, alors que le cortex est indispensable au traitement des informations visuelles, pour programmer des mouvements et pour aller rechercher des souvenirs, nous savons que les résultats de cette immense entreprise de calcul coopératif à travers le cerveau ne donneraient rien si de tels calculs n’atteignaient pas le portail des structures sous-corticales. La conscience ne se trouve pas dans le cortex lui-même, mais ce sont ces structures qui constituent le centre de la conscience. »
225 « Le résultat des interprétations du cerveau de signaux sensoriels est conscient – nous nous rendons bien compte que notre cerveau perçoit et interprète le monde environnant –, mais la matière brute sur laquelle l’interprétation se construit, le processus de traitement en lui-même, n’est pas accessible à notre conscience (l’expérience consciente est l’organisation présente dans les structures profondes du cerveau, en liaison avec l’intégralité du cortex grâce à des impulsions – nous ne sommes pas directement conscients de l’activité du cortex). »
235 « Si les pensées marchent par cycles, il s’ensuit que nous avons des pensées successives. Plus précisément, nous ne pouvons concentrer notre attention, afin de lui donner un sens, que sur un ensemble informatif à la fois. Malgré tout, le cerveau fait beaucoup de choses simultanément. »
236-237 « … la périphérie de la rétine qui, en permanence, surveille le moindre mouvement, un éclair de lumière ou tout autre changement brutal dans notre environnement ; notre système auditif est très attentif, jusqu’à un certain point, certes, à des explosions inattendues, des grincements ou des voix ; notre corps est « câblé » pour détecter des douleurs inhabituelles ou des piqûres. En bref, notre système sensoriel est toujours prêt à sonner l’alarme – et à détourner notre capacité d’attention limitée de la tâche qui nous occupe pour nous intéresser à un nouveau stimulus inattendu. Mais ces systèmes d’alarme n’impliquent pas en soi une interprétation et une organisation du signal d’entrée sensoriel ; au lieu de cela, ils nous aident à diriger nos tentatives d’interprétation et à organiser les impulsions sensorielles. Donc, nous n’avons pas conscience de ce qui a attiré notre attention jusqu’à ce que nous fixions l’information inattendue et que nous tentions de lui donner un sens.
Cela signifie qu’il nous arrive d’ignorer une information, même grosse comme une maison, que nous ne regardions pas. Cette « cécité d’inattention » semble très contre-intuitive, mais elle est tout à fait vérifiée. »
269-370 L’intuition « De ce point de vue, la trouvaille mathématique de Poincaré ressemble en bien des points à la « perception » de notre image du dalmatien ou de la vache, si nous y jetons de nouveau un coup d’œil, en estimant que, finalement, pour une raison ou une autre, l’ordre a mystérieusement émergé du chaos. C’est fondamental, il ne s’agit en aucun cas d’une soudaine révélation résultant d’heures ou de jours de travail de la pensée inconsciente. Au lieu de cela, si nous reconsidérons le problème une fois encore, la durée d’un seul cycle de la pensée suffit pour trouver la solution. Libéré de nos précédentes et mauvaises analyses, notre cerveau nous indique la bonne solution par le plus heureux des hasards. Les fragments ont été agencés dans le bon sens, s’emboîtent délicieusement et parfaitement ensemble, et le problème est résolu.
… Il n’y a pas de mystère concernant la façon dont l’image intelligible nous vient à l’esprit avant de provoquer la brillante inspiration scientifique – parce que presque toute image intelligible qui nous éclaire n’est pas vraiment le genre d’image qui déclenche une brillante intuition ou inspiration quelconque. Ou à de très rares exceptions, quand par un heureux hasard une image appropriée ou un rapport accidentel entre images parvient à débloquer quelques importantes découvertes qui deviendront de belles histoires à raconter aux générations futures de mathématiciens et de scientifiques. »
282 Toujours l’intuition « plutôt que de parler d’« inspiration géniale », il serait plus adapté de parler d’un « soupçon éclairé ». En ces occasions pas si fréquentes, quand le « soupçon éclairé » se confirme, il est assez facile d’avoir l’illusion que le cerveau a pu, d’une quelconque manière, trouver une réponse complète, qu’il a pu en vérifier les détails, avant de la « suggérer » en premier lieu à la conscience. Si cela était vrai, cette chaîne d’événements dépendrait, évidemment et grandement, de la pensée inconsciente. Mais, en réalité, vérifications et analyses se produisent après l’illumination mentale, pas avant. »
275-276 Une tâche à la fois. Les réflexes sont ralentis si vous avez une conversation en même temps que conduire.
278 et … Un souvenir à la fois « Dès que nous passons d’une recherche dans une catégorie à une autre, toutes les opérations de recherche sur la précédente catégorie cessent brutalement. Alors qu’il nous serait nettement plus profitable que l’inconscient continue de mouliner à l’arrière-plan, rien ne prouve que cela se produit. Il est vertigineux d’estimer combien une telle capacité nous serait utile au quotidien. Nous sommes en permanence confrontés à tout un tas de tâches que, d’une façon ou d’une autre, nous avons à découper : ne pas perdre le fil de la conversation en cours, lire le journal, programmer ce que nous allons faire ensuite/demain/de notre vie, méditer sur de délicates questions philosophiques… Il serait bien pratique de pouvoir nous concentrer sur une tâche donnée pendant que notre inconscient avance sur d’autres tâches en faisant émerger des informations pertinentes ! Hélas, si notre conscience se concentre sur un problème A, la « recherche » sur un problème B, C, D, etc., semble bien au point mort. »
291 « La perception, alors, serait un processus fait de raisonnements déductifs incroyablement variés et subtils – le cerveau construit précautionneusement la meilleure version d’une histoire qui puisse expliquer comment le monde devrait être, pour légitimer l’agitation de ses organes sensoriels.
… La perception, alors, serait un processus fait de raisonnements déductifs incroyablement variés et subtils – le cerveau construit précautionneusement la meilleure version d’une histoire qui puisse expliquer comment le monde devrait être, pour légitimer l’agitation de ses organes sensoriels.»
293 « … les processus mentaux sont toujours inconscients – la conscience donne des réponses, mais pas leur origine. »
293-294 « … le cycle de la pensée examine en permanence toute nouveauté qui se présente et lui donne un sens. »
294 « … en balayant un paysage ou en lisant un texte, nos yeux sautent, en moyenne, trois ou quatre fois par seconde.
… notre impulsion visuelle entrante est une séquence de différents « clichés » du paysage ou de la page que nous lisons, plus qu’un flux continu d’images – et quand l’œil s’accroche à sa cible, un nouveau cycle de la pensée démarre, se fixant sur des éléments du cliché et lui attribuant un sens ... »
295 « … vos yeux ne se promènent jamais doucement dans l’espace, sauf quand vous suivez du regard un objet mouvant, comme une voiture qui passe ; mis à part ces « poursuites spéciales » de l’œil, vos yeux bougent toujours en sautant par saccades). D’ailleurs, il est particulièrement difficile de savoir exactement à quel endroit on regarde à un moment donné – le pouvoir de la grande illusion est si puissant que le champ visuel dans son entier nous apparaît simultanément présent dans toute sa richesse. »
296 « … la stabilité du monde est la seule chose qui nous intéresse – à travers la folle et instable vision que nos yeux produisent en se lançant sur telle ou telle cible. Dans le but de prendre une décision, d’agir, nous avons besoin de savoir à quoi ressemble le monde ; notre cerveau se fiche des complexes opérations d’assemblage et de tricotage de notre vision d’un monde stable. »
297 « Suivant la logique du cycle de la pensée, notre conscience organise les informations sensorielles de façon à leur donner un sens. Si c’est bien le cas, alors parler de la conscience de soi est absurde – le « soi » en question ne relevant pas du monde sensoriel. Toutes les autres formes « supérieures » de conscience (être conscient d’être conscient de soi, ou être conscient d’être conscient d’avoir conscience de soi) qui ont pourtant séduit quelques philosophes et psychologues sont des absurdités montées en épingle.
… Grand philosophe du XVIIIe siècle, l’Écossais David Hume avait soulevé ce point avec son élégance habituelle : « Pour moi, quand je pénètre le plus intimement dans ce que j’appelle “moi-même”, je tombe toujours sur une perception particulière ou sur une autre, de chaleur, de froid, de lumière ou d’ombre, d’amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. Je ne parviens jamais, à aucun moment, à me saisir moi-même sans une perception et je ne peux jamais rien observer d’autre que la perception » »
300 « ... sinon d’une manière qui n’aurait aucun intérêt, nous ne sommes pas vraiment conscients des chiffres, des pommes, des personnes ou de n’importe quoi d’autre – nous avons conscience de nos interprétations d’une expérience sensorielle (nos dialogues intérieurs inclus) et de rien de plus. »
301 « … nous sommes seulement conscients des propriétés perceptibles de ces mots, de ces symboles et de ces images, et non de leurs supposés vagues royaumes abstraits en eux-mêmes. En bref, nous faisons l’expérience consciente de l’information sensorielle, que nous interprétons largement (y compris les images générées par nos propres esprits, les sensations physiques, comme la douleur, la fatigue ou la faim ; et bien sûr notre discours intérieur). Mais il n’y a rien de plus. »
303 « … il y a bien une distinction à faire à l’intérieur de nos pensées elles-mêmes : entre le résultat conscient de notre réflexion et les processus inconscients qui les fabriquent.
Il n’existe pas des pensées conscientes d’un côté et d’un autre des pensées inconscientes ; et il n’existe certainement pas de pensées dormantes dans ou hors de notre conscience. Il n’y a qu’une sorte de pensées, et chacune de ces pensées a deux aspects : un « affichage » conscient lisible et un processus inconscient permettant de construire cet « affichage ». Et nous ne pouvons pas plus accéder à ces opérations cérébrales que nous avons conscience des réactions chimiques qui nous permettent de digérer ou de la biophysique de nos muscles. »
304 « … la simple possibilité qu’il existe une pensée inconsciente se heurte aux principes élémentaires du fonctionnement du cerveau : le calcul en coopération de milliards de neurones s’attelle uniquement au problème du moment.
Avant Freud, une telle conclusion aurait semblé assez naturelle, et la simple idée de pensée inconsciente aurait même semblé plutôt paradoxale, parce que l’idée même de pensée était liée au vécu. Depuis Freud, cependant, nous nous sommes tellement habitués à cette idée d’inconscient que nous nous y sommes excessivement attachés ... »
304-305 « … si nous ne pouvons pas percevoir comment nos poumons ou notre estomac fonctionnent, pourquoi en irait-il différemment pour le cerveau ? » Note 11 «  Il existe un courant minoritaire en psychologie qui essaie de démontrer l’existence d’influences « inconscientes » sur nos actions (voir, par exemple, l’excellente revue de B. R. Newell et D. R. Shanks,« Unconscious influences on decision making : A critical review », Behavioral and Brain Sciences, 37(1), 2014, pp. 1-19. De notre point de vue, il n’y a ici rien à démontrer. Nous sommes seulement conscients des résultats du cycle de la pensée, et nos spéculations sur leurs origines sont souvent de pures affabulations. ... »
307 « … instant après instant, nous pouvons nous adonner à l’introspection jusqu’à un certain point, non pas sur le fonctionnement de la pensée, mais sur les résultats successifs des itérations du cycle de la pensée. Mais parvenir à dire quelque chose à propos de ces états conscients en fin de cycle n’est pas une mince affaire. Le philosophe John Stuart Mill (1806-1873) avait fait cette remarque célèbre : « Demandez-vous si vous êtes heureux et vous cesserez de l’être13. » Parallèlement, le risque est similaire s’agissant de l’introspection : « Demandez-vous à quoi vous pensez, et vous cesserez de le penser. » »
322 « Comme dans l’apprentissage de n’importe quelle technique, nous décomposons les codes du langage élément par élément, pendant des mois, des années ; et, comme pour toute autre technique, nous ne sommes conscients que du résultat de nos compétences actuelles, nous avons oublié la myriade d’empreintes de souvenirs sur laquelle cette compétence s’appuie.
À quoi ressemblent les empreintes de souvenirs ? Quelles informations contiennent-elles ? La réponse la plus évidente est qu’elles ne sont rien de plus que des résidus d’interprétations passées d’anciens signaux perceptuels. En l’état actuel de nos connaissances, ces résidus ne sont plus jamais ni réorganisés, ni filtrés, ni corrigés, ni pour la plupart ordonnés ; et il n’existe aucun bibliothécaire interne pour classer, indexer de façon cohérente chaque empreinte de souvenir dans des archives. Les résidus de chaque épisode singulier d’un processus perceptuel demeurent, en quelque sorte, en l’état, là où ils sont arrivés, parce que le cerveau doit s’occuper immédiatement après du cycle de la pensée suivant, puis d’un autre. »
323 « Le cerveau n’est par conséquent pas un théoricien essayant de distiller des principes abstraits et profonds à partir de sa propre expérience – il se préoccupe plutôt de s’adapter au présent, autant que possible, en le reliant à des amalgames et des transformations du passé. Selon ce point de vue, alors, les empreintes de souvenirs sont des fragments de calculs passés – c’est-à-dire qu’au lieu de signaux sensoriels bruts désorganisés, ce sont leurs anciennes interprétations qui sont stockées dans la mémoire. »
325 « Perception et mémoire sont par conséquent inextricablement enchevêtrées.
… l’interprétation de l’information passant par nos sens dépend d’énormes quantités d’informations dont on se souvient, mais cet ensemble d’information n’est, bien sûr, rien de plus que le souvenir d’anciennes interprétations d’une ancienne information sensorielle. Les souvenirs d’aujourd’hui sont les interprétations perceptuelles d’hier.
Parvenir à percevoir, dès lors, induit que les empreintes de souvenirs surgissent instantanément, et que celles qui viennent à l’esprit sont les bonnes.
Le cerveau fonctionne par l’application méthodique d’une exubérante et stupéfiante capacité d’imagination. »
328 « Les souvenirs en eux-mêmes ne sont pas des pensées : ils ne sont pas, par exemple, des croyances, des choix, des préférences. Et nous ne pouvons pas simplement « lire » leurs contenus pour savoir ce que nous pensons, ce que nous aimons ou quel genre d’individu nous sommes. Au lieu de cela, ce sont de simples fragments de pensées anciennes, prêtes à être recyclées, reconstituées et transformées par le cycle de la pensée. »
329 « Notre histoire individuelle et particulière fait de nous des êtres uniques qui se constituent au fil d’une succession de précédents, en pensée et en action. Bref, nous sommes tous uniques à cause de l’infinie variété des strates successives que crée l’historique de nos pensées et de nos actions.
… notre remarquable capacité à faire de grands ou petits bonds imaginatifs nous libère de la répétition aveugle. »
338 « Ces cabrioles de l’imagination sont, je crois, au cœur même de l’intelligence humaine. La capacité de sélectionner, de recombiner et de modifier des souvenirs antécédents pour s’adapter à la vie présente est ce qui nous donne la capacité de nous en sortir face à un monde indéfini que nous ne comprenons qu’à peine. Le cycle de la pensée ne consiste pas simplement à s’appuyer passivement sur des précédents : nous imaginons le présent en utilisant les matériaux bruts du passé. »
Ubiquité des métaphores
337 « C’est notre capacité à imposer en toute liberté un sens au monde, par l’appropriation et la transformation d’expériences passées, qui est l’essence même de la pensée humaine, à partir de laquelle des réflexions plus élaborées peuvent, non sans difficulté, prendre corps. Observer l’esprit en marche est le meilleur moyen de comprendre son mode de fonctionnement naturel. Cela nous révèle que la recherche d’une interprétation est notre seul guide, c’est-à-dire que l’effort pour trouver un sens à une information est canalisé, plutôt que remplacé, par une réflexion consciente étape par étape.
Voilà qui devrait un peu réconforter tous ceux qui appréhendent le progrès des machines. Si l’imagination et la métaphore sont le secret de notre intelligence, alors ce secret devrait, sans doute, rester en sécurité, enfermé dans le cerveau humain pour des siècles et, peut-être, pour toujours. »
359 « ces profondeurs mentales sont une affabulation – une fiction créée dans l’instant par notre propre cerveau. Il n’existe pas de croyances, de désirs, de préférences, d’attitudes, ni même de souvenirs cachés dans les recoins les plus reculés de notre esprit ; d’ailleurs, notre esprit n’a pas de recoin reculé où il puisse cacher quoi que ce soit. L’esprit est plat ; sa surface est tout ce qu’il est.
Nos cerveaux sont donc d’inépuisables et persuasifs improvisateurs qui inventent notre esprit, un instant après l’autre. Mais, comme dans toute improvisation – en danse, en musique ou dans l’écriture –, chaque nouvelle pensée ne sort pas de nulle part. Chaque nouvelle improvisation est bâtie à partir de fragments d’improvisations passées – ce qui fait que chacun d’entre nous possède sa propre histoire et une formidable machine créative qui réécrit cette histoire pour créer de nouvelles perceptions, pensées, émotions et histoires. »
361 « Une fois rompu le charme des univers intérieurs, du « moi » véritable, des profondeurs mentales et des forces inconscientes, nous pouvons nous voir plus distinctement : nous sommes des raisonneurs étonnamment inventifs et pleins d’à-propos, nous sommes des machines à créer des métaphores, toujours en train de recouper des bouts d’information épars pour en faire momentanément un ensemble cohérent. Nous sommes très différents de l’image que nous nous faisons de nous-mêmes et, pour cette raison même, nous n’en sommes que plus remarquables. »


Nous utilisons tout notre cerveau !
N'utilise-t-on vraiment que 10% des capacités de notre cerveau ? Article rédigé par Léa Deseille France Télévisions Publié le 02/03/2024


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