Sortir de l'histoire officielle

     


Deleuze - Spinoza

Voir aussi Spinoza et le problème de l'expression

Lectures croisées - colloque 2011
Sous la direction de Anne Sauvagnargues et Paul Séverac
Éditions http://catalogue-editions.ens-lyon.fr/fr/presentation/

Sommaire https://books.openedition.org/enseditions/7062
Avertissement
Introduction
Page 10 à 12 « Le présent ouvrage s’organise d’abord autour de deux axes forts.
Le premier, « l’affect-Spinoza », étudie ce que Spinoza fait à Deleuze, ...
Le deuxième axe, « Deleuze lecteur », ... ce que Deleuze fait à Spinoza. ... la frontière entre ouvrages d’histoire de la philosophie et ouvrages de philosophie est chez Deleuze, ... hautement brouillée, ...
À ces deux axes, nous ajouterons un troisième, ... comment Spinoza et Deleuze peuvent être articulés ... deux puissances de problématisation, qui jamais ne sont parfaitement compatibles,...

La première partie « L’affect-Spinoza » s’ouvre avec un texte d’Antonio Negri, ... montre en quel sens la philosophie spinoziste a constitué un véritable kairos pour la pensée deleuzienne : une occasion, un moment opportun, pour sortir du structuralisme,... [objet étudié pris comme un système, l'accent étant mis moins sur les unités élémentaires de ce système que sur les relations qui les unissent.]
L’étude suivante, « De Différence et répétition à Mille Plateaux, métamorphose du système à l’aune de deux lectures de Spinoza » de Vincent Jacques, ...effet du spinozisme dans la formation et la transformation de la philosophie deleuzienne. En 1968 paraissent Spinoza et le problème de l’expression et Différence et répétition ; en 1981 Spinoza. Philosophie pratique et Mille Plateaux : entre ces deux dates s’opère un renouveau conceptuel de la pensée deleuzienne où s’affirme de plus en plus fortement la figure de Spinoza, qui permet à Deleuze de passer d’une philosophie de l’acte créateur (marquée par l’expérience exceptionnelle du schizo) à une philosophie de l’expérimentation (marquée par l’expérience prudente de l’enfant). Se démarquant alors du mathématisme de l’Éthique par une lecture affective des scolies, Deleuze use de la philosophie spinoziste comme problématisation de la question de l’individuation.
Cette question de l’individuation est retravaillée par le troisième article de cette première partie : « Le pouvoir d’être affecté – modes spinozistes et singularités chez Deleuze ». Kim Sang Ong-Van-Cung y montre comment Deleuze reprend dans sa propre philosophie la conception spinoziste de l’individuation comme désubjectivation – la stabilité enveloppée par la notion de « forme » étant alors défaite au profit de celle de « rapport de forces » – pour la faire jouer dans son analyse de la vie de couple, à partir de sa lecture de La Fêlure de F. Scott Fitzgerald. L’individuation comme désubjectivation apparaît alors solidaire d’une « résolution éthique : aller jusqu’au bout de sa puissance d’agir, au bout de ce qu’on peut, au bout qui n’est pas un horizon mais une rupture, une ligne de fuite qu’on s’invente ».

La deuxième partie, « Deleuze lecteur », est constituée de trois études soulignant la très singulière méthode qu’adopte Deleuze dans son commentaire de la philosophie spinoziste.
Ariel Suhamy dans « Deleuze en deux chevaux » analyse cette méthode à partir de la phrase apocryphe que Deleuze prête à Spinoza, « il y a plus de différence entre le cheval de labour et le cheval de course qu’entre le premier et un bœuf, car ils ont les mêmes affects en commun », invention d’autant plus troublante qu’elle est constituée d’éléments réels. La méthode deleuzienne, selon Ariel Suhamy, est celle de l’extrapolation (le décollage et le collage) ; elle permet à Deleuze de faire de Spinoza celui qui lance des cris, des programmes, et de constituer ainsi, de façon polémique, des familles de pensée pour en mesurer les écarts et surtout les proximités – un affect dominant cette méthode deleuzienne : l’admiration.
Dans l’étude suivante, « “Un balai de sorcières” : Deleuze et la lecture de l’Éthique », Chantal Jaquet souligne en quoi le rapport de Deleuze à Spinoza est exemplaire de ce que recherche Deleuze en tant qu’historien de la philosophie : la combinaison d’un effort de lecture rigoureux, qui emprunte les codes académiques du commentaire philosophique, et un effet de courant d’air, qui permet d’échapper à la logique castratrice de l’histoire de la philosophie. Avec Spinoza, Deleuze explore sa méthode d’« enculage » d’un auteur, consistant à lui faire un enfant dans le dos : on aboutit ainsi à « un autoportrait de Deleuze en Spinoza, à la fois vent calme et vent de la colère, vent du concept et vent des affects, avec une préférence marquée pour le vent des affects, le vent du cœur. Cet autoportrait en Spinoza est expressif de l’alliance chez Deleuze de la systématicité la plus grande et du chaos, de la fulgurance et de l’éclair »
L’article de Charles Ramond « Deleuze lecteur de Spinoza – la tentation de l’impératif » clôt la deuxième partie en s’attachant au style d’écriture de Deleuze lorsqu’il commente Spinoza : un style fait de formules injonctives ou interdictives, exprimant certes la nécessité logique mais aussi – ce qui est beaucoup plus surprenant – une forme de devoir-être. Or, en superposant les deux dimensions du descriptif et du prescriptif, qu’il analyse chez Spinoza lui-même, Deleuze entend, selon Charles Ramond, établir une défense : celle de la doctrine qui ne saurait ainsi être prise en défaut. La position de Deleuze en histoire de la philosophie, et plus particulièrement dans sa lecture de Spinoza, n’est donc pas celle du critique des textes, qui en discuterait les difficultés, voire les fragilités, afin d’en faire progresser la compréhension ; mais celle du « guide protecteur » qui, dans le champ des idées, se bat contre les passions tristes.

La dernière partie du présent ouvrage, « La confrontation », examine certains objets ou problèmes au prisme conjoint des philosophies de Spinoza et de Deleuze.
Dans « Deleuze-Spinoza : la structure Autrui », Laurent Bove étudie quel sens les philosophies spinoziste et deleuzienne donnent à la figure d’autrui. Spinoza pose le problème de la « structure autrui » à partir du principe de l’imitation des affects du semblable, comme le montre Laurent Bove en analysant l’histoire spinoziste du premier homme. Deleuze, lui, conçoit autrui comme l’expression d’un monde possible, mais paraît se méfier de l’imitation affective, qui reconfigure autrui dans les catégories du Je et du Moi. Toutefois, le spinozisme permet d’échapper à cet enfermement identitaire, dans la mesure où il révèle que la structure autrui est autant d’imitation que de résistance, et qu’elle pose la question – toute deleuzienne – de savoir non pas tant qui est mon semblable, mais comment il peut le devenir, à travers la construction d’une communauté réelle.
Pascal Sévérac ensuite, dans « Deleuze et Spinoza. Les deux corps du moi », se donne comme objet l’élucidation de ce qu’est l’essence d’un corps, en travaillant la distinction qu’établissent les perspectives spinoziste et deleuzienne entre les deux sens de la corporéité : le corps n’est pas seulement corps physique, organisme, complexe hiérarchisé d’organes aux fonctions déterminées ; il est aussi corps affectif, puissance sensible, ce que Deleuze appelle « corps sans organes ». Le problème est alors d’interroger ce que peut le corps à l’égard de ses images, de ses strates, de ses enchaînements (voire de ses chaînes) d’affects, qui bien souvent polarisent sa puissance. Si la libération du corps consiste à se faire un corps sans organes, que signifie alors, concrètement, cette conquête de puissance ?
Saverio Ansaldi développe cette logique de la puissance dans son article « L’oiseau de feu : puissance, expression et métamorphose. Sur la rencontre Spinoza-Deleuze ». Il montre de quelle façon les deux philosophes nous permettent d’envisager le processus de métamorphoses plurielles de la puissance : d’abord, à partir d’un nouveau naturalisme, est élaborée une ontologie de l’immanence, qui libère un devenir traversé de métamorphoses infinies ; ensuite, à partir des trois niveaux d’expression que sont les signes, les concepts et les percepts, est déterminée une anthropogenèse radicalement nouvelle, pour laquelle « connaître, c’est agir, et agir signifie exprimer un pouvoir d’affecter et d’être affecté »10 ; enfin, à partir de la puissance nomade des corps, Deleuze et Spinoza donnent les moyens de penser la métamorphose de l’éthique et de la politique, dans l’articulation entre appareils identitaires de l’État (état social) et machines de guerre du désir (état de nature).
Enfin, dans « Spinoza pour Deleuze : immanence des signes », Anne Sauvagnargues montre comment, en portant son attention sur le problème de l’expression, Deleuze réorganise toute l’œuvre de Spinoza autour de la lutte contre l’analogie, la transcendance et l’équivocité, et le met au travail sur le chantier d’une nouvelle conception du sens dont l’enjeu est directement politique : cesser de rapporter le sens à une signification transcendante, antécédente, éminente pour le concevoir comme production. Cette critique de l’allégorie confère aux signes un nouveau statut : d’un régime analogique où les signes interprétés, impératifs valent comme véhicule équivoque d’un sens transcendant, on passe à un régime productif. Compris comme signes-affects, ils expriment l’individuation réelle et sociale de nos corps. Les signes ne relèvent plus d’une morale de l’interprétation, rapportant leur corps matériel à une forme intelligible, une signification, mais expriment une éthique, comprise comme éthologie des rapports effectifs, des milieux ambiants, une écologie des modes d’existence. Ce tournant dans le régime des signes répond à une construction de l’immanence qui ne se réduit pas à l’univocité (répétition monotone d’un dire), mais à la production d’un sens dont la consistance idéelle et formelle ne relève plus d’une donation éminente, ni d’une causalité matérielle, mais d’une construction de problème.»

I. L’affect-Spinoza
Chapitre I par Antonio Negri
Spinoza / Deleuze : le moment propice

Chapitre II par Vincent Jacques
De Différence et répétition à Mille Plateaux, métamorphose du système à l’aune de deux lectures de Spinoza

Chapitre III par Kim Sang Ong-Van-Cung
Le pouvoir d’être affecté : modes spinozistes et singularités chez Deleuze

II. Deleuze lecteur
Chapitre IV par Ariel Suhamy
Deleuze en deux chevaux

Chapitre V par Chantal Jaquet
« Un balai de sorcière » : Deleuze et la lecture de l’Éthique de Spinoza

Chapitre VI par Charles Ramond
Deleuze lecteur de Spinoza – La tentation de l’impératif

III. La confrontation
Chapitre VII parLaurent Bove
Deleuze-Spinoza : la structure Autrui

Chapitre VIII par Pascal Sévérac
Deleuze et Spinoza : les deux corps du moi

Chapitre IX  par Saverio Ansaldi
L’oiseau de feu : puissance, expression et métamorphose. Sur la rencontre Spinoza-Deleuze

Chapitre X par Anne Sauvagnargues
Spinoza pour Deleuze : immanence des signes
Bibliographie

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