Sortir de l'histoire officielle

    


Le luddisme en Angleterre

« Dans la brève mention que Marx accorde aux luddites – au chapitre XV du Capital –, le théoricien du British Museum et de la lutte des classes leur reprocha, avant de verser quelques larmes sur leur sort, d’avoir « fourni au gouvernement anti-jacobin le prétexte de violences ultraréactionnaires ». Vieille antienne de la provocation dont le mouvement ouvrier à dominante marxiste fit longtemps usage pour disqualifier tous les incontrôlés. Concernant les luddites, la voix du Maître porta loin si l’on considère qu’il fallut un bon siècle pour que, des rangs du marxisme critique, le grand Edward P. Thompson procède enfin à une autre lecture de cette si noble révolte. Julius Van Daal, à sa manière, s’inscrit dans ses traces. Avec grand talent de persuasion.» Vera ELVICHIAN
Extrait de Avec les compliments de Ludd et Shelley et citant Edward Thompson.
En pdf sur un prolospecule Avec les compliments de Ludd et Shelley

Et en conclusion de l'article qui suit : «Les éléments qui précèdent suffisent à montrer que le luddisme n’a rien d’une réaction spontanée et incontrôlée de violence contre les machines en tant que telles. Le luddisme apparaît parfois dans des situations où aucune nouvelle machine n’est introduite, et il est alors clairement une réaction d’opposition à l’introduction de nouveaux rapports entre ouvriers et patrons, indépendamment de tout problème technologique. Et quand, en effet, il y a bien introduction d’une machine nouvelle, la violence contre celle-ci diffère de l’anti-travail et du sabotage des OS modernes en ce que la révolte des luddites n’est pas contre les rythmes de travail imposés par ces nouvelles machines, mais contre la déqualification et le chômage qu’elles impliquent. Et les luddites ne détruisent pas les machines sur lesquelles ils travaillent eux-mêmes, mais celles d’autres lieux de travail où les patrons les imposent et/ou les ouvriers les acceptent. Enfin, on a vu que le luddisme est une pratique qui, pour être violente, n’en est pas moins extrêmement organisée et réfléchie, en rapport dialectique constant avec l’activité clandestine politique et syndicale qui, pour reprendre le titre de Thompson, aboutira à la formation de la classe ouvrière anglaise en tant que somme des cultures et des institutions du prolétariat anglais.» B. Astarian
Extrait de http://www.hicsalta-communisation.com/histoire/fau...
En pdf sur un prolospecule luddisme/fausse-actualite-du-luddisme.pdf

Autres liens sur le sujet

Edward Thompson Des liens pour l'auteur et son ouvrage La Formation de la classe ouvrière anglaise

Parcy Bysshe Shelley - Écrits de combat

La Colère de Ludd de Julius Van Daal
http://www.insomniaqueediteur.com/publications/la-colere-de-ludd


Autre livre du même auteur Beau comme une prison qui brûle

Recensions
Julius Van Daal - La Colère de Ludd 15 Mars 2013
Le retour de Ned Ludd. Le luddisme et ses interprétations

Après lecture je ne vois plus dans les luddites, les casseurs de machines, qu’une réaction à l’industrialisation forcée sans empathie, sans altruisme.
Ce n’était pas une opposition au progrès mais à l’esclavagisme provoqué par cette industrialisation qui n’était pas une fatalité mais un choix d’hommes soutenus par un État corrompu.
Dans le chapitre L’invention d’un joug page 21 on passe des communautés villageoises, aux emplois du temps maîtrisés, au sous-prolétariat méprisé par l’investisseur.
Dans ce même chapitre je découvre les luttes d’influence et agressives en ce début du 19ème siècle entre la monarchie et les « jacobins », petite bourgeoisie éclairée soutenant les renversements à la française, entre les whigs et les tories, entre le roi et le parlement, entre l’artisanat et l’industrie … suite de la guerre de succession où Guillaume d’Orange fut installé sur le trône britannique. Ce qui fait un lien avec un autre centre d’intérêt, Spinoza vivant dans la république hollandaise victime des guerres de succession menées entre autre par Louis XIV le français qui provoqua la mise en place de ce Guillaume d’Orange à la tête des Pays-Bas.
Dans Métamorphoses bourgeoises page 35 Julius Van Dall décrit avec lyrisme cette métamorphose. La bourgeoisie anglaise, qui n’a pas pu même envisager de prendre le pouvoir comme elle l’a fait en France avec la révolution, veut avoir sa part de pouvoir et d’enrichissement.

Dans ce texte apparaissent les chartistes, mouvement ouvrier pour l’adoption du suffrage universel (masculin!), Williame Black page 44, Le Mythe de la Machine de Lewis Mumford page 224

Voici quelques extraits et remarques qui ne devraient pas vous abstenir de lire cette prose vivante et empathique.

Page 6 « Secrète, l'histoire des luddites le fut, malgré le retentissement de leur révolte, parce que faite par des ouvriers peu portés sur l'écrit, rebelles bons à pendre et soucieux de ne pas laisser de traces pouvant les incriminer ... Secrète, cette histoire le resta aussi, et surtout, parce qu'elle a été longtemps ignorée ou tronquée par les historiens officiels, à commencer par l'historiographie marxiste (dont E. E Thompson sut se distinguer pour éclaircir le fond du problème). En dénigrant les luddites, ces divers chantres à chaire de la « croissance » ou du « développement des forces productives », c'est-à-dire de l'accumulation du capital et de la propagation de l’aliénation qui va de pair, n'ont pas démérité du système qui les nourrit.
En narrant cette histoire riche en rebondissements, rythmée par la houle des mouvements de Foule et des débats d'idées, je me suis pris, je l'avoue, d'une certaine sympathie - par affinité critique - pour ces premiers rebelles de l'ère industrielle. Je ne pouvais faire mine d'oublier, en outre, les myriades de vies mutilées par le machinisme et la course au profit, fauchées par l'industrialisation effroyable de la guerre, avilies par les tyrannies tantôt feutrées tantôt véhémentes des gouvernements et du big business. »
Page 7 « A propos de « neutralité », il est aisé de constater que l'histoire académique tente trop souvent de masquer son inévitable partialité en jargonnant et en attiédissant son expression, non sans trier les faits connaissables pour se plier aux canons de la pensée dominante et domestiquer la mémoire. Et certes il a fallu aux historiens beaucoup d'indulgence envers la domination pour prendre allègrement le parti des fabricants, des gouvernants et des économistes anglais tels qu'on les a vus à l’œuvre lors de la révolution industrielle. C'est ainsi que la plupart des spécialistes de cette période ne se sont pas privés de justifier les bassesses les plus sordides et les méfaits les plus pernicieux liés à l'industrialisation comme ayant été commis au nom du progrès, de l'avenir et in fine de l'intérêt général. Il leur a cependant été impossible de passer sous silence l'atrocité de ces « excès », dont tant d'esprits libres de l'époque ont témoigné avec affliction ou dégoût. »
« ... la révolution industrielle est ce moment où l'humanité bascule hors d'elle-même, d'abord gauchement et timidement, puis avec une ardeur et une assurance toujours accrues, sourde à tout autre argument qu'économique, entraînée dans la spirale sans fin de la valorisation, dont l'implacable et fructueux mouvement parait résoudre tous les problèmes matériels. . . Non sans créer, à chaque problème résolu, cent nouveaux problèmes toujours plus épineux, toujours plus calamiteux ... »
Pages 42 et 43 Les radicaux (ayant pignon sur rue) « … aucun d’entre eux ne jouera-t-il de rôle direct dans l’agitation luddite qui, par sa praxis pour le coup radicale – et malgré son discours … « jacobin » - prendra le camp républicain de court. Et, à de rares exceptions près, ils se montreront peu diserts à son égard si ce n'est pour en déplorer les « excès » et « l'aveuglement ».
Adeptes ou non du progrès technique, réformateurs et radicaux préféreront se tenir à l'écart de ce mouvement social imprévisible, inédit, encore indéterminé. Lequel, en retour, ne songera guère a les solliciter - même s'il lui arrivera de les pasticher lorsqu'il s'agira de noircir du papier ou de déclamer. Face il à la transgression de la coutume par les entrepreneurs, la révolte ouvrière se voit en effet portée à la transgression des normes nouvelles. Et le prolétariat balbutiant, en son irruption forcément illicite dans le débat social, commence à savoir qu'il doit, pour exister, puiser en son sein ses propres conceptions morales et spirituelles, ses propres tactiques de résistance, son propre projet social et culturel. »
Page 44 Changement d’attitude des hobereaux et de l’habitat populaire « POUR CONSERVER quelque place dans un monde régi par un rationalisme étroit, les hobereaux comme les duchesses se font à leur manière bourgeois et - hormis quelques originaux - adoptent ou font mine d'approuver les valeurs morales des fous furieux de la valeur des choses. Les pauvres ne peuvent plus guère compter sur les secours traditionnels que leur procurait la conscience charitable de l'aristocratie rurale, désormais convertie à la course au profit et à la stricte raison comptable.
Car avec la révolution industrielle, c'est la nature même et l'intensité de l’exploitation qui se modifient : au paternalisme plus ou moins despotique du propriétaire terrier - le squire - se substituent l'avidité et l'utilitarisme du fabricant et du négociant. Parallèlement, à la communauté peu hiérarchisée du village ou du quartier d'artisans succèdent la déqualification du travail, la concurrence à l'embauche entre travailleurs manuels et l'inégalité croissante entre les classes inférieures paupérisées et les classes moyennes enrichies par le cours nouveau de l'économie.
Le labeur à l'ancienne, rythmé par les réjouissances communautaires et les soirées animées dans les tavernes, est remplacé progressivement par une besogne accablante, répétitive et continuelle, ponctuée, au rythme des pics de surproduction, de périodes de chômage où l'on se morfond dans l'oisiveté, l'angoisse du lendemain et la mauvaise gnôle. Les logis villageois - certes modestes mais plus ou moins en symbiose avec la nature environnante - cèdent peu a peu la place aux taudis urbains, bâtisses sombres et précaires où les gueux s'entassent loin des champs et des bois. . . et néanmoins confinés, à mille lieues « psychogéographiques » du regard des bons bourgeois.
Davantage encore que l'appauvrissement et la précarité induits par l'industrialisation, c'est bien la métamorphose de l'activité artisanale en travail salarié mécanisé - rationalisé et militarisé, monotone et continuel - qui engendre la déshumanisation propre aux temps héroïques du capitalisme industriel. En quelques décennies de domestication accélérée, le salariat et le machinisme vont s'imposer de pair dans la plupart des secteurs d'activité, agriculture comprise, et permettre la croissance formidable de la production industrielle britannique, stimulée par les coups de Bourse et bientôt hypertrophiée par la triade acier-charbon-rail - assurant ainsi l'avènement d'un empire commercial longtemps sans rival.
Des pauvres, il s'agit de faire des « hommes-machines », dans le goût de La Mettrie, ce médecin français et philosophe matérialiste du XVIIIe siècle, pour qui « le corps humain [était] une horloge ». » Les philosophes comme ce La Mettrie ou comme Descartes ont-ils proposé une philosophie attendue permettant consciemment l’utilisation des ouvriers comme des corps sans âmes, sans pensée ?
44-45 Poème de William Blacke interprétant le bouleversement.
Page 51 Changement dans les rythmes de récupération des forces « LES JOURS CHÔMÉS que les ouvriers et artisans s’octroyaient traditionnellement – la « Saint-Lundi », s’ajoutaient une dizaines de fêtes coutumières, sont à présent vilipendés … Vingt années auparavant, ils étaient encore majoritaire à tisser uniquement les jours de pluie …
… Devenir ouvrier d’usine, c’est renoncer à son statut d’indépendance, à son libre-arbitre pour devenir un rouage d’une immense machine à cracher de l’or : c’est perdre son âme – une perspective métaphysique qui glace le cœur des plus impies ... »
Page 53 Utilisation de la main d’œuvre irlandaise pour faire baisser le coût de la force de travail. Les travailleurs immigrés de l’époque réduits au tâches les plus ingrates. Ne discutant pas les salaires ayant survécus à la misère.
Page 79 Mais qui est Ludd et comment s’organisent les groupes luddites ?
Ces mouvements de révoltes populaires ont beaucoup d’imagination comme cette banderole des révoltés (Bundschuh) avec Müntzer au XVIème siècle en Allemagne et en Alsace (les rustauds) contre les abus des princes et leurs seigneurs, contre le pape par ses évêques.
Et page 80 ce que n’est pas Ludd : Une organisation centralisée pyramidale comme les Carbonari contemporains et que copièrent les blanquistes et plus tard les bolcheviques. Plutôt les tactiques des francs-tireurs.
« … les groupes luddites semblent remarquablement bien organisés … va entraîner par contagion la rébellion … à l’échelle d’un vaste territoire. »
Page 82 de 205 à 800 machines de brisées en 1811 malgré la présence de la troupe, l’état de siège et les récompenses pour délation.
Page 87 - 4000 soldats de mobilisés contre les luddites.
Page 89 Un seul Lord s’oppose à une proposition de loi instituant la peine de mort pour le bris de machine, George Gordon alias Byron. « de tels outrages sont accomplis … [dans] une situation de détresse ... » Et il note (page 90) la médiocre qualité produite par la mécanique.
105 « La ville de Leeds, capitale lainière …, est la place forte des tondeurs de drap … les villages autour … fourniront … un champ de bataille plus animé… » C’est au sein de l’université de Leeds qu’Edward Palmer Thompson enseigne pour les adultes.
Déplacement de la résistance de la laine vers celle du coton.
107 « … l’absence de neutralité du progrès technique qui attise la haine des ouvriers de la laine ou du coton ... »
109 « … serment d’entière allégeance à la cause … interdit par la loi ... »
« La pratique du serment s’est d’ailleurs perpétuée dans la franc-maçonnerie, sans inquiéter les autorités … inoffensives dans leurs actions. »
113 De revendications corporatives, les luddites «… sont passés à des exigences politiques plus universelles ... »
153 A Manchester « Le 8 avril [1812]… le mouvement luddite local s’empare de la rue. »
154 A Stockport « … une procession se forme dans les rue du bourg, conduite par deux tisserands déguisés en femmes et se disant les épouses du général Ludd. Dans ce travestissement comme dans cette bigamie, il y a un trait de paillardise, voir de transgression, qui indique une certaine allégresse dans la vindicte, et surtout de la raillerie ... »
159 20 avril 1812 « La confrontation tourne à la boucherie, laissant au moins six morts et d’innombrables blessés parmi les ennemis des machines odieuses. »
172 Des clubs locaux sympathisant luddistes.
173 « … les histoires parallèles des trois régions luddites … se fondent en une seule ... »
193 Des jugements et condamnations pour l’exemple. Condamnés à mort pour le vol de cuillères en argent.
224 Prise de conscience des méfaits de la révolution industrielle et techniques non neutres « … la montée en puissance d’une mégamachine (notes – référence à Le Mythe de la Machine de Lewis Mumford) dont les rouages broient toute subjectivité et étouffent toutes critiques.
Ce système de production mélant le pragmatisme de l’épicier et la soif d’abstraction du savant ... »
226 « … la rébellion luddite préfigura les plus audacieuses révoltes contre le salariat... »
Note sur le point de vue de Marx. Lénine et Staline fervents disciples de Taylor. … industrialisation forcée.
« … face à la modernité capitaliste … une poésie de l’action et un rejet du despotisme économique … qui se retrouvèrent … dans les rangs anarchistes. »
228 Les luddites ne se battaient pas pour des lendemains matins qui chantent mais sauvegarder une vie décente. « … les briseurs de machines savaient surtout ce dont ils ne voulaient pas… labeur incessant et salaire de famine ... »
Les lapins anglais populaires de Beatrix Potter et le monde des Hobbits rappellent nostalgiquement un monde détruit par l’usine. Le dragon est-il la face noire du progrès ?
229 « Loin d’être hostiles … aux innovations techniques … rendre moins pénibles les tâches. »
« … contre l’inexorable « char du progrès … empêcher la roue du temps de leur passer sur le corps ... »
230 Une réplique dans le monde rural, le mouvement de destruction de machines agricoles en 1830-1831.
« Cette armée industrielle disciplinée … ne fut guère plus qu’une masse croissante de force de travail ... »
« … « ruse de l’histoire » … « que la mystique du triomphe de la « bonne cause » [marxiste] »
231 « Les ouvriers maudissaient un monde … du chacun pour soi aussi putréfiant que pétrifiant ... réduit à des combats défensifs… »
234 Les tisserands et les sectes religieuses. « ...avec un parfum d’hérésie... »
237 « La réification permanente du salarié-consommateur ... » de « res » chose. Transformer une idée abstraite en un objet concret - appréhender un concept comme une chose concrète.

Écrits de combat de Parcy Bysshe Shelley
https://www.insomniaqueediteur.org/

Une présentation de Shelley http://www.hicsalta-communisation.com/accueil/shelley-
En pdf sur un prolospecule luddisme/shelley-un-poete-chez-les-luddites.pdf

Haut de page   Page en amont

Des visites régulières de ces pages mais peu de commentaires.
Y avez-vous trouvé ou proposez-vous de l'information, des idées de lectures, de recherches ... ?
Y avez-vous trouvé des erreurs historiques, des fautes d'orthographes, d'accords ... ?
Ce site n'est pas un blog, vous ne pouvez pas laisser de commentaires alors envoyez un mail par cette adresse robertsamuli@orange.fr
Au plaisir de vous lire.