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ANGLETERRE

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Dans ce tableau, un indice qui montre la rapacité, l’enclosure, qui met fin au droit ancestral de vaine pâture.

Le portrait de Mr et Mrs Andrews  https://www.youtube.com/watch?v=SnFb2EusvQU
Jean-paul Mahoux
«God save the people.
Pause midi. Echappons aux voix de la radio qui occupent nos oreilles avec un interminable direct sur les funérailles de la Queen (qui est venu, comment sont-ils habillés, quelle est la couleur des larmes … ). Echappons à tout ça avec un peu de culture anglaise et d’histoire du peuple. Not people's story but History of the People.
Regardez ce tableau, "Mister and Miss Andrews', peint en 1749 par un inconnu de 21 ans, Thomas Gainsborough. Il y tant de choses dans cette œuvre étrange. A l’évidence, le peintre est fasciné par la nature et ses lumières. Gainsborough aimait les paysagistes hollandais qui lui rappelaient son enfance dans le Suffolk. Mais on est en 1749. On peint des paysages imaginaires dans des allégories mythologiques. Il y a bien des peintures de la campagne, du vent, des orages, … Mais c’est très mal payé. C’est même déconsidéré. Alors Gainsborough fait des portraits. Il faut bien vivre. Il vient d’épouser Margaret Burr, batarde d’un duc et d’une servante, ils ont déjà deux fille.s à élever. Amer, Gainsborough écrit : "un homme peut mourir méconnu dans un grenier s’il ne maîtrise pas ses inclinations et ne se conforme pas à l’œil du vulgaire, en choisissant la spécialité que tout le monde paiera". Alors Gainsborough devient portraitiste de la bourgeoisie, représentant souvent des époux, dans la grande tradition occidentale de la célébration de la réussite sociale par la représentation du couple. Mais un tableau est l’autoportrait d’une âme. Les Andrews sont peints dans un format inhabituel, allongé, ils sont exilés à gauche, laissant une grande place à la nature, à la sombre lumière d’avant la pluie. A moins, peut-être, que l’artiste ait obéi au souhait de ses commanditaires ? Parce que Mr et Ms Robert Andrews posent aux côtés de "leur" propriété, avec ses champs de blé, ses bois, ses prairies. Andrews est de la landed gentry; s’il a l’élégance et la décontraction du gentleman en habits de chasse, il n’est pas noble. Sa femme, oui. Leur fortune qu'on devine dans ce tableau, dit toute l’histoire sociale en marche, toute l’histoire de l’Angleterre et l’histoire du monde car l’Angleterre va donner le la de la musique du siècle. La famille Andrews a fait fortune dans le négoce puis s’est alliée à la noblesse campagnarde. Ces marchands anglicans, souvent francs maçons, sont devenus propriétaires terriens par mariage. Les nouveaux gentlemen farmers bouleversent l’agriculture en cherchant le profit maximal. Il y a, dans ce tableau, un indice qui montre la rapacité d’Andrews : la clôture qui entoure les champs. C’est l’enclosure qui met fin au droit ancestral de vaine pâture. Ce droit autorisait les paysans sans terres à faire paître leur bétail dans les champs moissonnés et dans les commons, les terres communes. Ces terres collectives, enclavées, difficiles d’accès, au bord des falaises et des cours d’eaux, ces clairières, ces landes rocheuses, permettaient aux journaliers, aux valets de ferme, au fermiers pauvres, en un mot, au peuple, de survivre. Ils avaient l'usufruit de ces terres où ils faisaient paître deux ou trois brebis, parfois une vache, glanaient des épis au sol, coupaient du bois de chauffe. Mais sous la nouvelle dynastie des Hanovre, ancêtres maternels des Windsor, les bourgeois de Londres font main basse sur le foncier collectif. C’est un gigantesque mouvement de privatisation dont la famille royale va profiter pour constituer son patrimoine. Tout cela pour faire des parcs à moutons comme on le voit sur le tableau de Gainsborough. C’est la privatisation de l’agriculture, la prolétarisation des paysans condamné à l’exode vers les villes manufacturières. Les conséquences sociales des enclosures ont été dénoncées dès le 16e siècle par l’humaniste Thomas More. L’auteur d’Utopia écrit : "la clôture n'est pas seulement injuste en soi mais nuisible dans ses conséquences. C'était une cause d'inégalité et de dislocation sociale. Aussi avide et insatiable qu'un cormoran, la gentry enferme toute la terre dans des palissades et expulse les cultivateurs pour élever du bétail. Ils transforment même les vieilles chapelles en bergerie" . Même le libéral Adam Smith s’inquiètera des enclosures. Dans le livre I du Capital, Marx le dira : les enclosures paupérisent le peuple d’Angleterre et bientôt toute l’Europe. La rente du sol privatisé s'accroit mais les cultures vivrières décroissent dans des pays contraints à l’importation de blé. Les Rois et Reines d’Angleterre qui contrecarraient ce mouvement sous les dynasties Tudor et Stuart, en sont désormais complices. Car sous cette nouvelle monarchie parlementaire que la bourgeoisie d’affaires est allée chercher en Allemagne et qui ne parle même pas anglais, tout est légal. Les Inclosure Acts créent des droits de propriété privée sur les terres communes. Entre 1604 et 1914, 5.200 Inclosure Acts ont été adoptés ; 28 000 km2 sont passés du public au privé. Avec les nouvelles techniques agricoles, les pauvres terres des Commons ont désormais de plus en plus de valeur et cette productivité va autoriser les propriétaires fonciers à demander aux fermiers des loyers de plus en plus élevés. L'Inclosure Act de 1773 du Parlement des Hanovre (bientôt Gotha bientôt Windsor), va déclencher un des plus grands abus de pouvoir de l’histoire : dans les comtés, seuls les propriétaires terriens locaux se réunissent, choisissent les notaires et les géomètres et achètent à bas prix ou pour rien les terres communes. En 1786, il y avait encore 250 000 propriétaires indépendants. Trente ans plus tard, plus que 32 000. Les paysans chassés par le processus deviennent ouvriers. La révolution industrielle naissante absorbe cette main d’œuvre immense. Le capitalisme est une mécanique : les capitaux des usines nouvelles viennent de l’accumulation et de la concentration de capital privé dans les campagnes …
Voilà ce qu’on voit dans ce tableau du jeune Gainsborough. Une campagne vide, privatisée, livrée au bétail, destinée à accumuler du capital pour le take off de la révolution industrielle, une campagne vidée de ces paysans bientôt transformés en ouvriers. Les descendants d’Andrews revendirent le tableau en 1960, pour 130.000£ à la National Gallery de Londres où on peut le voir gratuitement. Quant à Gainsborough, il hissera l’art du portrait si haut qu’il finira par peintre cette famille royale dont on nous parle tant aujourd’hui à la télévision, à la radio. Mais nous, on préfère l’histoire, la vraie et la poésie, celle qui dit tout comme cette comptine populaire anglaise du 18e siècle
They hang the man and flog the woman
Who steals the goose from off the common
Yet let the greater villain loose
That steals the common from the goose
The law demands that we atone
When we take things we do not own
But leaves the lords and ladies fine
Who take things that are yours and mine
The poor and wretched don't escape
If they conspire the law to break
This must be so and they endure
Those who conspire to make the law
The law locks up the man or woman
Who steals the goose from off the common
And geese will still a common lack
Till they go and take it back.
Mais notre ami anglais Alan Ball nous suggère cette traduction
Ils pendent l'homme et fouettent la femme
qui ont volé une oie sur la commune
Mais ils laissent en liberté le plus grand des bandits
Celui qui a volé la commune à l’oie
La loi exige que nous expiions
Quand on prend ces choses qui ne nous appartiennent pas
Mais elle laisse en paix les seigneurs et dames
Qui prennent ces choses qui sont à tous, à vous et à moi
Les pauvres et les malheureux n'y échappent pas
S'ils conspirent pour violer la loi
Il en est ainsi et ils endurent
la loi dictée par ceux qui conspirent entre eux
La loi qui enferme l'homme ou la femme
Qui a volé une oie sur la commune
Et les oies resteront privées de commune
Jusqu'à ce qu’on aille la reprendre.»

Mis en musique https://davidaharley.bandcamp.com/track/they-hang-the-man

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