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Emmanuel Kant (1724 - 1804)


Mes idées préconçues et a priori sur la pensée de Kant

Lecture de la Critique de la raison pure

En lisant Pierre Hadot (1922 - 2010) dans Qu'est-ce que la philosophie antique ? folio-essais, j'en déduis que Kant transforme le christianisme en philosophie 
Page 409 La philosophie de Descartes, de Malebranche et de Leibniz se situent dans la problématique chrétienne. Et Kant transformerait le christianisme en philosophie.

Arthur Schopenhauer étudie les idées et concepts de Kant

Jean Lacroix dans Kant et le kantisme

Kant par Jonathan Israel dans Une révolution des esprits

L'étrange passion de Michel Onfray. Kant et le nazisme

Robin Le poidevin - Ne pas croire / Essai sur l'agnosticisme

Kant dans des textes :
Mikhaïl Boulgakov - Le Maître et Marguerite

Robert Musil - L'Homme sans qualités


Kant par Jonathan Israel dans Une révolution des esprits : «Le plus grand philosophe des Lumières tardives, Emmanuel Kant, professeur à l’université de Königsberg (autrefois capitale de la Prusse-Orientale, aujourd’hui Kaliningrad), n’a aucun doute, lui non plus : l’humanité vit alors un « progrès », et cette amélioration évidente est dirigée par la marche en avant de la « raison ». Par conséquent, si l’amélioration de l’homme, telle qu’il la perçoit, se manifeste dans tous les domaines (juridique, politique, moral, commercial et technologique), ce processus est dirigé avant tout par les progrès de l’esprit humain et par l’influence de la nature (ou de la Providence) sur l’humanité. Dans un essai fameux publié en 1795, Vers la paix perpétuelle, il affirme que les États européens deviennent progressivement de plus en plus « républicains » et, au travers de leurs assemblées, lois et institutions, de plus en plus « représentatifs » de la volonté générale de leurs peuples. Politiquement, la fin ultime du progrès humain est une fédération internationale des puissances, capable de gérer les conflits et conduisant in fine, pense-t-il, à la « paix perpétuelle ». Le but final (le télos) du progrès humain, selon lui, est l’épanouissement complet de la rationalité et de la faculté morale de l’homme, et ce progrès n’est concevable que sur la base d’une législation républicaine et d’une paix perpétuelle ; tout cela, cependant, doit advenir presque automatiquement, par l’entremise de la Providence, sans aucune intervention humaine spécifique.
... la logique et les circonstances, comme nous le verrons, réduisaient singulièrement l’éventail réel des opinions. Sur ces questions clés, réduire le fossé séparant les Lumières démocratiques radicales et les Lumières antidémocratiques modérées était une chose littéralement inconcevable, tant sur le plan philosophique que sur le plan pratique. Kant fut le seul penseur qui essaya sérieusement de dépasser conceptuellement cette antithèse, et même lui n’y est pas réellement parvenu. À diverses reprises, il a cherché une position médiane, une position de synthèse, ingénieuse mais trop subtile peut-être, entre les « providentialistes » et les « spinozistes ». S’appuyant résolument sur sa fameuse division de la réalité entre la « sphère phénoménale » (dont nous avons l’expérience) et la « sphère nouménale » de la réalité-en-soi (dont nous savons qu’elle existe, mais dont le contenu nous est inaccessible), il a juste montré qu’une position médiane est conceptuellement possible.
Sa grande innovation, qui consiste à séparer la réalité en deux sphères de connaissance distinctes, séparées l’une de l’autre, a été cruciale dans l’histoire de la métaphysique et de la philosophie de la connaissance, mais beaucoup moins dans celle des idées morales, sociales et politiques. Elle lui a permis de louvoyer adroitement entre l’ordre physique de la « Nature », qu’il désigne à plusieurs reprises comme la force dirigeante qui est derrière le « progrès », et l’« ordonnance mesurée que nous observons dans le cours des événements du monde, qui nous la fait nommer Providence, en tant que nous voyons en elle la sagesse profonde d’une cause supérieure, qui prédétermine la marche des destinées et les fait tendre au but objectif du genre humain ». En se retranchant ainsi dans une position extrêmement ambiguë, à mi-chemin entre une destinée aveugle et une Providence consciente, le dernier Kant (celui d’après 1789) abandonne sa position antérieure (qui était plus conservatrice), campe fermement avec un pied dans chacun des deux camps, et, déployant la bannière d’un libéralisme généralisé, affirme simultanément son soutien à la Révolution française et son rejet explicite de la démocratie, tout en soulignant que sa philosophie n’est ni anti-aristocratique, ni antimonarchique, ni contraire à la religion.
... les penseurs radicaux ... voulaient que tous soient libres, que tous puissent jouir d’une protection égale devant la loi et d’une liberté égale pour poursuivre leurs propres ambitions et leurs propres buts ; mais, dans le même temps, ils refusaient d’accepter que cela doive entraîner nécessairement une participation directe de tous au travail d’élaboration des lois et au gouvernement, sur le modèle des démocraties antiques. Le gouvernement de démocratie directe leur paraissait, non moins qu’à Kant, une « chimère » impossible, une invitation à la pire démagogie, au tumulte et à la licence, à une forme de régime « totalement incompatible avec notre nature » et avec la volonté générale.
Kant, lui aussi, a endossé l’idée que les républiques sont pacifiques par essence, tandis que les régimes « arbitraires et despotiques » sont tendanciellement organisés pour la guerre. Mais, bien qu’il soit d’accord avec les radicaux sur une bonne partie de leurs analyses et sur la nécessité de voir disparaître un jour les « armées permanentes », Kant, dans le même temps, demande « qu’on ne confonde pas (comme cela arrive communément) la constitution républicaine avec la constitution démocratique. […] La démocratie est, au sens propre du mot, nécessairement un despotisme » ; en effet, elle « rend le système représentatif impossible puisque tous veulent y être le maître »»
​Mais pour Pierre Khalfa dans https://france.attac.org...les-lumieres-en-question-a-propos-du-livre-de-jonathan-israel-une-revolution «Kant est présenté par Israel tantôt comme un conciliateur tentant une synthèse ratée entre « radicaux » et « modérés », tantôt comme un membre de ce dernier courant. Pourtant, si Kant s’oppose frontalement dans "Qu’est-ce que les Lumières" au droit de révolte des sujets même en cas de despotisme, c’est lui qui, dans le même opuscule donne une des réponses parmi les plus émancipatrices à cette question : « Les Lumières se définissent comme la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable. L’état de tutelle est l’incapacité de se servir de son entendement sans être dirigé par un autre. Elle est due à notre propre faute lorsqu’elle résulte non pas d’une insuffisance de l’entendement, mais d’un manque de résolution et de courage pour s’en servir sans être dirigé par un autre. Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Telle est la devise des Lumières ». Et surtout, « le modéré » Kant a soutenu de bout en bout la Révolution française, et ce malgré la Terreur.»

Arthur Schopenhauer étudie les idées et concepts de Kant
Titres des chapitres ajoutés par Auguste Burdeau en pdf sur unprolospecule
Dans l'appendice «Critique de la philosophie kantienne» en fin du tome 1 Le monde comme volonté et représentation.
Mais j'en déduis que pour lui les démonstrations de Kant, bien que révolutionnaires, sont bourrées de lacunes.
Où s'arrêtent l'a-priori, la limite entre l'intuition et l'entendement ... ?

«Le plus grand mérite de Kant, c’est d’avoir distingué le phénomène de la chose en soi. Pour arriver à cette distinction, il s’est appuyé sur la remarque suivante, à savoir qu’entre les choses et nous, il y a toujours l'entendement, l’entendement qui les empêche d’être connues telles quelles peuvent être en soi. Il avait été mis sur cette voie par Locke. Locke avait remarqué que les qualités secondaires des choses, telle que le son, l’odeur, la couleur, la dureté, la mollesse, le poli, etc, n'ont d'autre fondement que les affections des sens, et que par suite elles n’appartiennent point aux corps objectifs, à la chose en soi ; à ces derniers il réservait au contraire les qualités primaires, c'est-à-dire celles qui ne supposent que l’espace et l’impénétrabilité, telles que l’étendue, la forme, la solidité, le nombre, la mobilité.
Locke avait bien laissé subsister sous le nom de qualités primaires, c’est-à-dire de propriétés de la chose en soi, Kant, ... nous le représente comme appartenant encore au phénomène de la chose en soi, tel qu’il est saisi par notre faculté de connaître ; et il fonde précisément cette réduction sur ce que les conditions de notre faculté de connaître, à savoir temps, espace et causalité, nous sont connues a priori. ... Locke avait abstrait de la chose en soi l’élément apporté dans la perception ... ; Kant, lui, retire de plus à la chose en soi l’élément apporté dans la perception par les fonctions cérébrales ... par suite, la distinction du phénomène et de la chose en soi a pris actuellement une importance infiniment plus grande, un sens beaucoup plus profond.
...
Nous pouvons lui attribuer un troisième mérite : c’est d'avoir donné le coup de grâce à la philosophie scolastique ; sous ce nom je pourrais comprendre en bloc toute la période qui commence à partir de saint-Augustin, Père de l’Église, et qui se termine précisément avec Kant. En effet, le caractère de la période scolastique est bien à coup sûr celui que Tennemann lui a si exactement attribué : c’est la tutelle exercée par la religion d’État sur la philosophie qui doit se contenter de confirmer, d’illustrer les dogmes capitaux que lui impose cette souveraine.
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C’est Kant, répétons-le encore une fois, qui dégagea la grande et indéniable signification morale de nos actions et qui la distingua absolument du phénomène et de ses lois ; il fit voir qu’elle touche directement à la chose en soi, à l’être intime du monde, tandis qu’au contraire l’espace et le temps, avec tout ce qui les remplit et s’ordonne en eux suivant la loi de causalité, ne doivent être tenus que pour un songe sans consistance et sans réalité.
...
Le style de Kant porte en général la marque d’un esprit supérieur, d’une vraie et d’une puissante originalité, d’une force de pensée tout à fait extraordinaire ; sobriété lumineuse, tel est assez exactement le caractère de ce style ; au moyen de cette qualité, Kant a trouvé le secret de serrer de très près les idées, de les déterminer avec une grande sûreté, puis de les tourner et retourner en tout sens avec une aisance singulière qui fait l’étonnement du lecteur. Cette sobriété lumineuse, je la retrouve dans le style d’Aristote, bien que ce dernier soit beaucoup plus simple. – Malgré tout, chez Kant, l’exposition est souvent confuse, indécise, insuffisante et parfois obscure. ... il dit « unité de la synthèse » (Einheit der Synthesis), là où il suffirait de dire tout simplement « unification » (Vereinigung). Un écrivain tout à fait maître de sa pensée s’abstient également de revenir sans cesse sur des explications déjà données, comme fait Kant à propos, par exemple, de l’entendement, des catégories, de l’expérience et de plusieurs autres idées importantes ; il s’abstient surtout de se répéter à satiété et de laisser néanmoins, après chaque exposition d’une idée qui revient pour la centième fois, toujours les mêmes points obscurs ; il dit ce qu’il pense une fois pour toutes, d’une manière nette, complète, définitive, et il s’en tient là.
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Kant avait forcé le public à se dire que les choses obscures ne sont pas toujours dépourvues de sens ; aussitôt les philosophes dissimulèrent le non-sens sous l’obscurité de leur exposition. Fichte le premier s’empara de ce nouveau privilège et l’exploita en grand ; Schelling en fit au moins autant, puis une armée de scribes affamés dépourvus d’esprit et d’honnêteté se hâta de surpasser Fichte et Schelling. Pourtant on n’était pas encore au comble de l’impudence ; il restait des non-sens plus indigestes à nous servir, du papier à barbouiller avec des bavardages plus vides et plus extravagants encore réservés jusqu’alors aux seules maisons de fous. Hegel parut enfin, auteur de la plus grossière, de la plus gigantesque mystification qui fut jamais ; il obtint un succès que la postérité tiendra pour fabuleux et qui restera comme un monument de la niaiserie allemande.
... Il faut avouer que la simplicité antique et grandiose, que la naïveté, l’ingénuité, la candeur lui [Kant] manquent totalement. Sa philosophie n’a aucune analogie avec l’architecture grecque ; celle-ci, pleine de simplicité et de grandeur, nous offre des proportions, des rapports qui sautent aux yeux ; au contraire, la philosophie de Kant rappelle d’une manière très frappante l’architecture gothique. En effet, un trait tout à fait personnel de l’esprit de Kant, c’est son goût pour la symétrie, pour ce genre de symétrie qui aime les combinaisons compliquées, qui se plaît à diviser et à subdiviser indéfiniment, toujours d’après le même ordre, précisément comme dans les églises gothiques.
...
Kant commence par traiter isolément de l’espace et du temps ; sur le contenu de l’espace et du temps, sur ce monde de l’intuition dans lequel nous vivons et où nous sommes, il se tire d’affaire au moyen de la formule suivante, formule qui ne signifie rien du tout : « Le contenu empirique de l’intuition nous est donné », dit-il. Tout aussitôt il passe d’un seul bond au fondement logique de toute sa philosophie, au tableau des concepts. De ce tableau il tire une douzaine de catégories, pas une de plus, pas une de moins ; elles sont symétriquement rangées sous quatre étiquettes différentes ; dans le cours de l’ouvrage, ces subdivisions deviendront un instrument redoutable, ... ; il y fera entrer bon gré, mal gré, tous les objets du monde et tout ce qui se produit dans l’homme ; il ne reculera devant aucune violence ; il ne rougira d’aucun sophisme, pourvu qu’il puisse reproduire partout la symétrie du tableau.
...
Pour la connaissance intuitive, il se contente de la considérer dans les mathématiques ; il néglige complètement une autre espèce de connaissance intuitive, celle qui, sous nos yeux, constitue le monde ; et il s’en tient à la pensée abstraite,... Après s’être débarrassé de tout le monde sensible au moyen de cette formule vide : « Il est donné » ... Les formes des jugements sont des mots et des assemblages de mots. Il fallait, à coup sûr, commencer par se demander ce que désignent directement ces mots et assemblages de mots ; l’on aurait trouvé qu’ils désignent des concepts. La question suivante eût porté sur l’essence des concepts. En y répondant, l’on aurait déterminé quel rapport les concepts ont avec les représentations intuitives qui constituent le monde ; alors la distinction eût été faite entre intuition et réflexion. Il eût fallu rechercher comment se produisent dans la conscience non seulement l’intuition pure et formelle a priori, mais aussi l’intuition empirique qui en est le contenu. Mais en ce cas l’on aurait vu quelle part a l’entendement dans cette intuition, et surtout l’on aurait vu en même temps ce qu’est l’entendement et ce qu’est par contre la raison proprement dite, cette raison dont Kant écrivait la critique. Il est tout à fait frappant que jamais non plus Kant ne précise ce dernier point d’une manière méthodique et suffisante ; il n’en donne que des explications incomplètes et sans rigueur,... qu’entre principes et règles il devait y avoir un abîme, puisque Kant prend sur lui d’admettre pour les uns et pour les autres deux facultés de connaître différentes. Pourtant cette grande différence doit consister simplement en ceci : est une règle ce qui est connu a priori par l’intuition pure ou par les formes de l’entendement ; n’est un principe que ce qui découle de purs concepts a priori.
...
Comment est-il possible qu’un grand penseur ait pu faire une pareille assertion.
...
L’entendement aussi reçoit sans cesse des définitions nouvelles
...
Kant qui ne sont, – sauf le respect qui s’attache à son nom, – que paroles confuses et vides de sens.
...
Kant n’avait point suffisamment réfléchi ; voilà pourquoi il a escamoté des questions telles que celles-ci : qu’est-ce que l’intuition ? qu’est-ce que la réflexion ? qu’est-ce que le concept ? qu’est-ce que la raison ? qu’est-ce que l’entendement ? C’est aussi le même manque de réflexion qui lui a fait négliger les recherches suivantes, non moins indispensables, non moins nécessaires : quel est l’objet que je distingue de la représentation ? qu’est-ce que l’existence ? l’objet ? le sujet ? la vérité ? l’apparence ? l’erreur ? – Mais il ne réfléchit ni ne regarde autour de lui ; il poursuit le développement de son schéma logique et symétrique.
...
pour démontrer cette existence purement relative du phénomène, il n’a pas eu recours à l’axiome si simple, si rapproché de nous, si indéniable que voici : « Point d’objet sans sujet » ; par ce moyen il eût remonté à la racine de la question, il eût démontré que l’objet n’existe jamais que par rapport à un sujet ; il eût prouvé par suite que l’objet est dépendant du sujet, conditionné par lui, c’est-à-dire qu’il est un simple phénomène n’existant point en soi, ni d’une manière inconditionnée.
... lorsque, plus tard, je lus le chef-d’œuvre de Kant dans la première édition, ... je vis, à ma grande joie, toute contradiction s’évanouir : sans doute, Kant n’avait pas employé la formule : « Point d’objet sans sujet » ; mais il n’en était pas moins tout aussi décidé ... à réduire le monde extérieur situé dans l’espace et dans le temps à une simple représentation du sujet connaissant ; ainsi il dit par exemple,... : « Si je fais abstraction du sujet pensant, tout le monde des corps s’évanouit, puisqu’il n’est rien autre chose que le phénomène de cette faculté subjective qu’on appelle sensibilité, un des modes de représentations du sujet qui connaît » .... Mais tout le passage (p. 348-392) dans lequel Kant exposait d’une manière si belle et si nette son idéalisme radical a été supprimé par lui dans la seconde édition, et même remplacé par une foule de propositions qui le contredisent. Ainsi, tel qu’il parut de 1787 à 1838, le texte de la Critique de la raison pure était un texte dénaturé et corrompu ; la Critique se contredisait elle-même, et pour cette raison la signification n’en pouvait être à personne tout à fait claire, ni tout à fait intelligible.
...
Kant ... n’a point distingué ..., la connaissance intuitive et la connaissance abstraite ; or il est résulté de là une confusion irrémédiable... Kant aurait dû nettement séparer les représentations intuitives des concepts pensés d’une manière purement abstraite ; en agissant ainsi, il ne les aurait point confondus les uns avec les autres, et, chaque fois, il aurait su à laquelle des deux sortes de représentations il avait affaire.
... Kant parle sans cesse d’un certain « objet de l’expérience » ... or cet « objet de l’expérience » n’est point la représentation intuitive, il n’est pas non plus le concept abstrait, il diffère des deux, et, malgré tout, il est en même temps l’un et l’autre ;
...
Quand on songe à tout ce que la preuve physico-théologique a de spécieux (à tel point que Voltaire l’a considérée comme irréfutable), on voit combien il importait de démontrer que la subjectivité de nos perceptions, où Kant avait fait rentrer déjà le temps, l’espace et la causalité, s’étend aussi à nos jugements sur les objets de la nature, et que, par conséquent, la nécessité où nous sommes de penser ces objets comme soumis à des concepts de finalité, c’est-à-dire comme ayant existé dans une représentation avant d’exister réellement, est d’une origine aussi subjective que l’intuition de l’espace, – lequel nous apparaît pourtant comme si objectif, – et partant ne peut être considérée comme d’une vérité objective. Là-dessus, la démonstration de Kant, en dépit de longueurs fatigantes et de répétitions, est excellente. Il soutient, avec raison, que nous ne pourrons jamais expliquer l’essence des corps organiques par des causes purement mécaniques, car c’est sous ce nom qu’il range toute action aveugle et nécessaire des lois générales de la nature. Cependant, il y a encore une lacune à signaler dans cette déduction.
... »

Jean Lacroix dans Kant et le kantisme - Que sais-je 1213

Page 9 Chapitre 1 - L'INTENTION MÉTAPHYSIQUE
«Toute la philosophie suivant Kant a pour fin de répondre à une seule question, qui commande tout : Que peut légitimement notre raison ? Cette question se subdivise en trois principales, qui contiennent « tout intérêt de ma raison (spéculatif aussi bien que pratique) » : 1) Que puis-je savoir ? 2) Que dois-je faire ? 3) Que m'est-il permis d'espérer ?»
11 «Rendre la philosophie à la totalité de la raison c'est la faire passer de la « science », qui ne relève que de l'entendement, à la «morale », où chez l'homme s'exprime le mieux la raison, c'est donc poser le problème de la destinée totale de l'homme, de son projet radical : non pas seulement le problème des intentions qu'il a, mais de l'Intention qu'il est. Car son Intention c'est la raison. Que ces deux problèmes de la raison et de l'homme n'en fassent qu'un, Kant lui-même l'a déclaré. Dans sa Logique, il affirme que les trois questions qu'il a distinguées ne font qu'en expliciter une autre, plus fondamentale, qui commande et l'anthropologie et la philosophie : qu'est-ce que l'homme ? Le mot « homme » ici remplace le mot « raison ». Depuis Kant le problème philosophique par excellence est devenu celui de la finitude.
Dans la Critique de la raison pure, la recherche kantienne porte sur la possibilité et le statut de la
métaphysique.»
12 «En plagiant une formule de Bosquet qui s'appliquait à l'ordre, on pourrait dire : le droit est ami de la raison et son propre objet. Ou, en termes modernes, la raison est normative. Son caractère essentiel n'est pas la connaissance du fait, mais l'imposition du droit. Tel sera même chez Kant le lieu du passage de l'homme à Dieu. Et par droit il faut entendre, non le droit positif qui est arbitraire et contingent, mais le droit naturel, le droit de la raison : le droit positif contient en soi des commandements, mais le droit naturel contient des lois.» Qu'est ce droit naturel ?
13 «

L'étrange passion de Michel Onfray. Kant et le nazisme
Kant et le nazisme. L'étrange passion de Michel Onfray par Claude Ababdia
«A propos du Songe d’Eichmann, publié aux éditions Galilée, Paris, 2008 Al’inverse d’Hannah Arendt, convaincue qu’en dépit de ses allégations Adolf Eichmann n’avait rien compris à Kant, Michel Onfray entend démontrer que le criminel de guerre a non seulement lu Kant mais qu’il l’a très bien compris, ce qui prouverait que la pensée kantienne est en définitive compatible avec la mécanique du IIIème Reich. ...
Le titre de l’essai ouvrant le livre mérite attention. « Un kantien chez les nazis », écrit Michel Onfray. Or, comme Eichmann est nazi, cela prouverait donc qu’il n’y a rien d’antinomique entre le nazisme et le kantisme… Une telle thèse ne semblera pas étonnante à qui aura compris que le but visé par l’auteur n’est autre que celui d’une disqualification de la philosophie kantienne. Pour atteindre cet objectif, c’est la morale de Kant qui, essuyant les attaques les plus vives, devra avouer qu’elle rend tout à fait possible, non seulement l’obéissance aveugle et le meurtre, mais jusqu’à la politique de la solution finale. Il est pourtant à craindre que l’argumentation fondant le « kantisme d’Eichmann » soit non seulement captieuse mais pour le moins étonnante sous la plume d’un auteur faisant profession d’esprit critique. Cet argument consiste à se fonder sur les déclarations du criminel à l’occasion de son procès, Eichmann ayant déclaré qu’il ne regrettait rien, qu’il n’avait fait que son devoir et son devoir au sens kantien. Or, depuis quand une prétention subjective a-t-elle a priori valeur d’objectivité ? Comment, de fait et pour peu qu’on soit de bonne foi, ignorer qu’il ne suffit aucunement de se prétendre kantien pour l’être ? Qu’Eichmann cherche à se justifier en trouvant une caution institutionnelle < je n’ai fait qu’obéir… j’ai fait mon devoir…> doublée d’une caution morale et philosophique <j’ai fait mon devoir au sens kantien…> n’a rien d’étonnant. Que Michel Onfray fonde l’incrimination de la pensée kantienne sur une déclaration dont l’objectivité est plus que douteuse est, en revanche, d’autant plus inacceptable que son réquisitoire repose, pour une bonne part, sur ce sophisme. Ainsi se pose la question de savoir ce que valent vraiment les pièces du dossier à charge instruit par Onfray contre Kant.
....
L’outrance du propos, l’insuffisance de l’information historique, la méconnaissance de l’articulation, chez Kant, de la morale, de la politique, de l’anthropologie et de l’histoire, à quoi s’ajoute l’imprécision de la lecture des textes, nous ont laissé pantois. C’est d’autant plus regrettable qu’il y avait là <sur ce point, Michel Onfray ne se trompe pas>, effectivement, matière à discussion, tant la tension, chez Kant, entre la morale et ses exigence d’une part, la politique et ses droits d’autre part, est vive. Il est indéniable que la seconde formulation de l’impératif catégorique n’est pas immédiatement conciliable avec la définition de la moralité de la Doctrine du Droit et que cette dernière définition est, en soi, déjà fort problématique. Mais cela pouvait-il justifier qu’on opérât une lecture si peu objective, si partielle, des textes kantiens ? Cela justifiait-il qu’on lise ces textes en faisant abstraction du contexte historique dans lequel ils ont été écrits ? Peut-on, en outre, accepter qu’un philosophe tel que Kant soit accusé de cautionner le nazisme et, en un mot comme en cent, traîné dans la boue quand, dans le même temps, il suffit qu’un nazi <et un vrai cette fois !> se targue d’être kantien pour convaincre Michel Onfray ?»

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